Jean-Michel Thurin
Je voudrais d'abord vous dire quelques mots sur notre groupe, l'esprit dans lequel nous avons travaillé et l'intérêt général de l'Esquisse.
Notre équipe est pluridisciplinaire ; elle associe régulièrement, depuis qu'elle a commencé ses travaux, une linguiste, un physicien, un psychologue et un psychanalyste. Son travail s'inscrit plus généralement dans la démarche de notre Ecole d'une création continuée de la psychanalyse, de la clarification de ses fondements scientifiques et de dialogue avec d'autres disciplines.
Pourquoi avoir travaillé l'Esquisse ? II me semble qu'actuellement la psychanalyse doit clarifier les modèles "corporels" et plus généralement matériels à partir desquels se fonde son action. Il n'est plus possible d'abandonner le champ du savoir dit "scientifique" sur le psychisme aux réductionnistes qui prétendent en percer les secrets à partir de l'étude des synapses.
Dans ce texte, un texte qui représente seulement 150 pages dactylographiées on trouve une sorte d'argument, de premier jet de l'oeuvre freudienne : les fondements de la psychanalyse y sont placés dans une optique que vous ne connaissez peut-être pas. FREUD veut s'attaquer d'emblée à l'articulation entre la science, la matière et ce qu'il a découvert chez ses patients, à partir de la psychanalyse, la relation entre pensée, mémoire et langage. C'est un texte d'une grande actualité.
Aujourd'hui, en effet, beaucoup de gens disent que la psychanalyse est en crise; on prétend qu'elle ne repose sur rien, que toutes les pratiques psy se valent sur le plan de leur efficacité et que la psychanalyse s'appuierait en fait sur un discours dissocié de la réalité scientifique, sur de la poétique . Les arguments concernant son efficacité ne tiennent pas; celle-ci a plutôt tendance à s'étendre et il paraît presque naturel aujourd'hui que son champ accueille des affections qui n'ont été qu'effleurées par Freud et même par Lacan, (tout au moins au niveau pratique), telles que les psychoses ou la psychosomatique.
Cette crise tient plutôt, selon moi, à ce que l'effort de conceptualisation des données issues de la pratique (clinique et action thérapeutique) s'est peu à peu désintéressé de leur transmissibilité et détaché de leur articulation avec le vivant réel (celle de la relation entre corps et langage) ; par ailleurs s'est installée une dynamique de la causalité que Freud aurait sans doute rangé plutôt du côté des processus primaires, comme nous le verrons au cours de ce travail, que d'une véritable élaboration. Il me semble donc tout à fait nécessaire aujourd'hui de réexaminer les bases matérialistes de la psychanalyse et de les confronter aux recherches actuelles. L'analyse du contenu de l'Esquisse s'inscrit dans cette démarche : en effet, loin d'être un premier écrit "de jeunesse" dissocié du reste de l'oeuvre, ce texte présente la majorité des fondements conceptuels de la psychanalyse.
A l'émission de POLAC, il y a trois semaines, on a prétendu que, finalement, la traduction de FREUD n'avait pas une grande importance parce que c'était essentiellement une oeuvre littéraire et que les fondements sur lesquels elle reposait étaient complètement remis en question. L'Esquisse montre à l'évidence que le projet fondamental de Freud n'était pas d'écrire un roman et que les bases biologiques sur lesquelles il a voulu asseoir la psychanalyse ne sont pas essentiellement "la transmission héréditaire des caractères psychiques acquis et la sexualité organique infantile" comme le prétend G. Mendel dans son ouvrage "la psychanalyse revisitée".
D'une part, on verra dans l'Esquisse que la relation entre inné et acquis n'est pas du tout posée ainsi: elle est très proche des données actuelles qui associent étroitement phylogénèse et ontogénèse, même en ce qui concerne l'instinct animal, et font intervenir en particulier le rôle de l'environnement, de l'expérience et des reconfigurations qu'impliquent la mise en oeuvre d'autres registres de référence (le symbolique) dans l'élaboration des mécanismes qui participent à la vie.
Mais surtout, s'il y a un point qui paraît vraiment nouveau et fondamental, et sur lequel tout se joue, c'est la façon dont Freud associe le corps, la pensée et le langage dans ses modélisations très poussées des processus de la pensée, de la mémoire et de leurs rapports avec la structure et le fonctionnement de l'appareil psychique (par exemple que le jugement cognitif se réalise grâce à un référenciel corporel mémorisé, que la mémoire des évènements de la réalité et des processus de pensée se produit grâce au langage) . Ce qui est également profondément original, c'est la façon dont sont développées les relations entre nécessité, expérience et plaisir ; ceci nous ramène à certaines des hypothèses fondamentales de notre Ecole. En ce sens, nous verrons que paradoxalement l'Esquisse, qui est un des premiers textes de Freud, constitue une ouverture à la psychanalyse lacanienne et un modèle d'articulation psychosomatique.
Concernant la relation de ce texte à la réalité neurophysiologique qu'il est censé décrire , nous avons pris le parti de ne pas le considérer comme une simple métaphore ; à la fois parce que cette tendance générale ne nous paraît pas bonne ; également parce que c'est un modèle sur lequel aujourd'hui peuvent se rencontrer les psychanalystes - ceux du moins qui ont intégré ce que Lacan a dégagé au niveau des chaînes signifiantes et de ses rapports avec l'inconscient et le processus analytique - et les neurophysiologistes qui privilégient le modèle connexionniste.
Nous considérons le modèle neuro-linguistique développé dans l'Esquisse comme un outil majeur qui permet de se repérer et de naviguer dans les mécanismes de la pensée humaine et à travers les concepts freudiens qui en rendent compte.
Abordons plus précisément le texte.
L'Esquisse a été écrite en 1895. Et déjà, s'y manifestent les perspectives fondamentales dans lesquelles Freud place sa recherche.
- Le matérialisme scientifique :
Le premier objectif annoncé de ce texte est d'opérer le passage d'une description psychologique de certains faits à leur description matérielle (315)* et à leur explication mécanique (371).
"Dans cette Esquisse, nous avons cherché à faire entrer la psychologie dans le cadre des Sciences naturelles, c'est-à-dire à représenter les processus psychiques comme des états quantitativement déterminés de particules matérielles distinguables, ceci afin de les rendre évidents et incontestables ... Les particules matérielles en question sont les neurones. (p315)
"Il serait sans doute possible de donner une explication mécanique de ce que nous appelons "processus secondaire" en nous basant sur les effets propres qu'exerce un groupe de neurones à investissement constant (le moi) sur d'autres neurones à investissements changeants" (p 371)
A plusieurs reprises, Freud marque aussi son désir d'inscrire la psychanalyse dans une perspective scientifique; les références aux données de la chimie et de la biologie sont continuelles ; il est clair qu'il ne s'agit pas pour lui d'une adaptation des concepts mais d'une exigence fondamentale qu'il essaie de respecter.
"Toute personne qu'intéressent les hypothèses scientifiques ne les prend au sérieux que si elles concordent de plusieurs façons avec ce que nous savons déjà et quand le caractère ad hoc peut ainsi être atténué."
"Toute théorie psychologique doit obéir aux exigences des sciences naturelles." (p327)
"Ici, comme ailleurs, les lois générales du mouvement doivent, sans contredit, s'appliquer" (p 329).
- La référence à l'économique et au mouvement.
FREUD traite de quantités. Il en décrit le bilan des entrées et des sorties, à travers celui des stimuli et des décharges; d'autre part, il fait intervenir dans leur régulation plusieurs paramètres : le moi, la complexification du système et le choix biologique d'un système plutôt qu'un autre (parce que le premier est plus économique). La complexification du système neuronal entraînée par l'afflux des quantités lui donne une certaine élasticité : celui ci peut se rétrécir ou s'étendre selon les moments (par exemple le sommeil réclame un niveau minimal d'investissement) ou les circonstances. Economie dynamique donc, s'adaptant aux nécessités biologiques mais subissant également les influences de la mémoire, du désir, du plaisir-déplaisir ou des circonstances. Le moi qui est initialement "un complexe de neurones à investissement constant, pour de courtes périodes" devient une instance d'orientation de l'action et de la pensée. De façon générale il s'agit de "quantités mouvantes" (p 316), le déplacement de ces quantités étant lui même soumis aux niveaux énergétiques globaux ; ainsi, une quantité ne suit pas le même chemin dans un système chargé ou faiblement investi.
- Le finalisme de Freud.
Souvent reproché à Freud, il apparaît à plusieurs reprises dans l'Esquisse. C'est en quelque sorte un point de jonction paradoxal du discours de la science et de celui de la psychologie, c'est la question du déterminisme, la limite d'un certain matérialisme : l'homme agit-il ou est-il agi par les lois naturelles ? Où commence et se tient cette part de décision ? Il y a là une contradiction qui semble ne pouvoir être levée tant que l'on ne reconnaît dans le fonctionnement du vivant qu'un seul ensemble de lois, celui de la physico-chimie et que l'on néglige ceux qu'a introduits spécifiquement la psychanalyse, à savoir l'ordre imaginaire et libidinal d'une part, symbolique d'autre part. Freud est pris dans cette contradiction et ainsi par exemple, les termes "tendance", "but" associés au système neuronique reviennent à plusieurs reprises.
"Le système neuronique tend, de la façon la plus marquée, à fuir la douleur et nous voyons dans cette réaction une manifestation de sa tendance primaire à éviter tout accroissement de tension quantitative. (p 326)
Il peut y avoir confusion entre fonction et but :
"les neurones tendent à se débarrasser des quantités" et "le processus de décharge constitue la fonction primaire du système neuronique"
"Ce parcours n'est pas commandé par les frayages mais par un but à atteindre, mais ce but, quel est-il? Comment y parvenir?" (347)
"Le but, la fin de tous les processus cogitatifs est donc l'instauration d'un état d'identité, la transmission d'une quantité investissante venue de l'extérieur à un neurone investi par le moi." (p 349)
"Le processus de décharge constitue la fonction primaire du système neuronique".
Autre spécificité du vivant dégagée par Freud, la sensation associée à un acte, fut-il intellectuel, c'est à dire le principe du plaisir. C'est à propos de ce principe que Freud renonce à pousser plus avant ses tentatives de mécanisation des processus psychiques ; remarquons que cette dimension du plaisir est totalement inconnue à l'ordinateur qui doit résoudre le problème qui lui est fourni; il n'y a aucune variation de son état entre avant et après la réalisation du calcul, alors que pour Freud le travail de pensée conduit à une satisfaction lorsque l'identité est réalisée.
Je reviens aussi sur la façon dont Freud associe évolution et expérience, c'est-à-dire la façon dont chaque expérience de la personne va s'inscrire et faire retour sur la constitution précédente. Une expérience n'est pas assimilable pour Freud à une expérience "psychique", disons "subjective": elle implique le corps, ses perceptions et les sensations qu'il produit à tel point que pour FREUD, le jugement qui paraît être une activité hautement intellectuelle est une activité qui trouve son origine au niveau des expériences du corps et de la mémoire de ses expériences. Ceci me paraît extrêmement important au niveau de la psychosomatique. La psychosomatique ce n'est pas simplement le psychisme qui va agir sur le somatique, tout le monde le sait, le dit, en parle, etc...Ce qui est important c'est de savoir concrètement comment cela peut se constituer, quels sont les liens qui le constituent . Eh bien, le jugement n'implique pas seulement des opérations logiques à l'intérieur du symbolique.
“Le jugement se fonde évidemment sur des expériences somatiques, des sensations et des images motrices propres au sujet. Tant que manquent ces dernières, la fraction variable du complexe perceptif ne saurait se concevoir. (350) " “La pensée connaissante ou discriminante est à la recherche d'une identité avec un investissement corporel".
Nous allons d'ailleurs découvrir comment Freud associe les perceptions corporelles et le mot prononcé dans dans la reconnaissance des objets et la mémoire. Il y a là le modèle d'une articulation psychosomatique, à savoir la façon dont le symbole va s'attacher à un certain nombre de traces mnésiques et inversement comment éventuellement le retour de ces traces mnésiques pourra réveiller certaines activités corporelles. Il y a là association de deux ordres de signifiants ; j'y reviendrai.
Il est donc clair que lorsque Freud parle d'évolution, il ne s'agit pas tout - au moins dans ce texte de l'évolution des espèces - mais de la formation de l'humain depuis sa naissance. L'action de l'expérience apparaît à maintes reprises dans l'élaboration du système de l'appareil psychique (voir p 340, 344, 346, 347, 348, 350, 355, 376, 380, 392, 395) . Il s'agit d'un appareil dynamique dont l'organisation se constitue, se transforme, fait intervenir des niveaux de complexité différente, combine des éléments et des structures souches mémorisées au fur et à mesure des expériences rencontrées. Il n'y a pas opposition mais association entre le darwinisme qui rend compte de la phylogenèse en terme de nécessité biologique et la description des transformations qu'implique l'expérience individuelle qui s'appuie notamment sur le principe de plaisir. L'actuel trouve son explication dans le génétique et inversement. Par exemple, il n'est pas contradictoire que l'attention puisse être un mécanisme automatique "qui a subsisté au cours de l'évolution psychique" et également une attitude active orientée par le moi, et qui s'est constituée au cours de l'ontogenèse en relation avec le principe de plaisir. De même, il n'y a pas véritable opposition mais complémentarité ou conflit entre processus primaire et processus secondaire (p 378 et 381). L'expérience ontogénétique se constitue sur les traces de l'expérience phylogénétique. On notera que l'évolution ne fait pas intervenir uniquement la sélection par la survie ou l'adaptation passives (les espèces les plus faibles meurent, les connexions utilisées subsistent) mais également le plaisir-déplaisir (p 372) qui est le principe moteur d'un véritable apprentissage. Autrement dit l'évolution freudienne met en jeu le sélectif à la fois au niveau de sélection darwinienne classique, mais aussi de l'expérience du plaisir.
La pensée dialectique de Freud s'exprime en permanence dans la façon dont il se saisit des contradictions et des oppositions pour façonner sa théorie. Pour lui, les contradictions sont des difficultés qu'il s'agit de dépasser (319). Ainsi oppose-t-il processus primaires, passifs, et secondaires, actifs. Il fait même de la dissemblance (et de son contraire l'identité) la base des processus de pensée :
"Le jugement ... est suscité par la dissemblance qu'il y a entre l'investissement désirant d'un souvenir et un investissement perceptif similaire à ce dernier."
Nous allons maintenant suivre la démarche de Freud, c'est à dire la façon dont il crée, au cours de ce texte, un système très compliqué à partir d'éléments simples combinés. Cette approche ne dépaysera pas les personnes habituées à travailler la question du langage et de sa structure...
Sortons les premiers éléments de ce "mécano" que nous allons essayer de monter ensemble : Le point de départ par Freud c'est:
- le concept de QUANTITE
- les NEURONES
La notion de quantité (p 316-317) n'est pas très clairement définie, c'est le moins que l'on puisse dire. Elle est introduite paradoxalement par l'idée qu'elle crée une gène pour l'organisme dont la première fonction, par l'intermédiaire de l'appareil psychique fût-il réduit à une cellule, va être d'en permettre la décharge (schéma 1) : quelque chose arrive au niveau de l'organisme, un stimulus qui doit se décharger d'une façon ou d'une autre.
Le schéma 2 montre une décharge adaptée : un stimulus arrive; il se décharge mais au cours de celle-ci, un acte dirigé vers l'origine du stimulus se produit. Par exemple, la personne fuit, rend un coup de poing, etc... Il y a en même temps décharge et adaptation.
Le schéma 3 illustre le fait que ce principe extrêmement simple, qui fonctionne dans la synchronie, va se heurter à un problème. Il y a des quantités qu'un organisme plus évolué ne peut pas éliminer immédiatement ; ou plus exactement, cette décharge serait sans effet car la source du stimulus est interne. Certains stimuli sont issus du corps : tout ce qui est du registre de la pulsion, de la tendance et il n'est en principe pas souhaitable que l'organisme vise à sa propre destruction pour supprimer la tension à laquelle il est soumis. Il va être nécessaire de faire un acte spécifique, par exemple : aller chercher de la nourriture (boucle B). Or, la réalisation de cet acte spécifique nécessite que vous disposiez d'une certaine quantité d'énergie en réserve. Donc, le problème de départ est posé de la façon suivante : il y a contradiction car d'un côté a fonction du système neuronique ce serait la décharge et d'un autre côté cette décharge complète est impossible. Il est nécessaire de maintenir une certaine réserve d'énergie pour accomplir des actes qui permettront cette décharge. Si l'acte spécifique n'est pas réalisé, cela tourne en rond, dans les limites du corps propre, c'est-à-dire que l'enfant va se mettre à s'agiter, à hurler, etc (boucle A) .... Naturellement, il y aura une décharge qui passera dans l'acte moteur mais cela n'interrompra pas la source qui continue à déverser sa quantité. Cette activité se maintiendra jusqu'à l'épuisement tant que l'acte spécifique n'aura pas été réalisé.
C'est quelque chose d'important parce que vous savez qu'en psychosomatique, on peut observer quelque chose de cet ordre . C'est comme si certains évènements se produisaient, qui fonctionnent comme des stimuli, et qu'ils n'étaient saisis que comme une forme sans qu'aucune reconnaissance symbolique ne soit possible ou qu'aucune réponse de cet ordre ne puisse leur être donnée (il s'agirait ici d'un acte symbolique) . Dans ce cas là des circuits internes au corps continuent à fonctionner comme de façon automatique sans que rien ne puisse les interrompre. Autrement dit, ce que Freud place comme source intarissable dans les pulsions, nous pourrions aussi le trouver dans certaines failles symboliques.
Schéma 3:
Quoi qu'il en soit, ce principe fondamental de la décharge, FREUD l'appelle : LE PRINCIPE D'INERTIE.
Voici maintenant les neurones que vous voyez symbolisés de cette façon (schéma 4 ). Il y a des neurones vides (ceux qui ne sont pas remplis de pointillés) et des neurones pleins (ceux qui sont remplis). Ils sont pleins d'une quantité. FREUD n'utilise pas vraiment le terme d'énergie; ils sont pleins d'une quantité qui va se déplacer, s'évacuer, etc...Chaque neurone n'a pas seulement une entrée et une sortie, il possède des tas d'entrées et de sorties. Il faut remarquer qu'à l'époque de FREUD, la théorie des neurones n'était qu'à ses balbutiements, avec la description des dendrites qui sont à l'entrée du corps du neurone et le cylindraxe qui en forme la sortie. C'est quelque chose qui était naissant et les choses n'ont pas véritablement avancé depuis. FREUD était un spécialiste de la physiologie des neurones quand il a mis en place son modèle.
Schéma 4:
"Chaque neurone isolé est le prototype du système neuronique dans son ensemble".
Il présente des voies de conduction de diamètre différent et de plusieurs voies de communications avec d'autres neurones
Vous remarquerez dans ce schéma quelque chose qui rappellera des souvenirs aux personnes qui s'intéressent actuellement aux neurones formels. Les neurones formels sont des objets mathématiques qui représentent les neurones. Vous voyez que mon neurone a plusieurs épaisseurs de sortie. C'est quelque chose qui actuellement se mathématise et se simule avec certains programmes d'ordinateurs et qui est à la base de ce que l'on appelle "mémoires associatives".
Nous arrivons ainsi à la question de la MEMOIRE (318-322).
FREUD est forcément concerné, à travers les cas qu'il suit, par le problème de la mémoire. Les idées que l'on se faisait déjà sur la mémoire, c'était en gros que les souvenirs pourraient être localisés dans une cellule ou dans une autre. A chaque cellule correspondrait un élément de la mémoire.
Freud déteste ce qui est localisé et immobile. Par rapport au modèle précédent, il va prendre une position qui est complètement différente, celle qui s'impose en ce moment : la mémoire est distribuée sur un ensemble de neurones et leurs liaisons. Ce qui constitue la mémoire, ce n'est pas du tout la localisation, c'est l'architecture. C'est la façon dont des éléments simples sont associés. Nous avons déjà les neurones, il nous faut donc introduire maintenant le support des relations qui existent entre eux, les FRAYAGES.
Ce frayage, il faut le prendre au sens le plus simple ; c'est-à-dire ça passe, ça ne passe pas, ça passe plus ou moins bien. Il y a donc une "largeur" du frayage qui va être déterminante dans la voie que va suivre la quantité en mouvement partie du stimulus et qui se déplace au sein de l'architecture neuronale. Ce qui va définir, au bout du compte la mémoire, c'est l'architecture qui s'est constituée après un certain stimulus.
Comment va se créer cette configuration? Comment ce passage va-t-il laisser un certain nombre d'empreintes non pas seulement au niveau des neurones mais aussi au niveau de leurs relations. De quoi dépend ce passage particulier ? Il va dépendre initialement de deux choses (le problème sera compliqué ultérieurement)
Il faut bien comprendre aussi que, dès le départ, les choses sont reconfigurables. Nous verrons d'ailleurs qu'elles peuvent l'être à plusieurs niveaux.. celui des traces et celui de leur organisation linguistique. C'est une chose presque de bon sens pour celui qui part de la psychanalyse et cela on y reviendra ultérieurement d'une façon plus précise. Il s'agit pour Freud d'imaginer un système de la mémoire qui à la fois conserve des traces de la réalité et qui, en même temps, soit susceptible d'évoluer ; sinon, il n'y aurait pas de psychanalyse.
Imaginez qu'il y ait eu un événement extrêmement grave qui se soit passé, qui ait laissé ses traces et qu'une fois que c'est fait, on ne puisse plus rien y faire, sauf attendre "l'usure du temps". Or précisément, Freud explique par ailleurs à ce moment (dans les "Etudes sur l'hystérie") que les souvenirs traumatiques gardent toute leur fraîcheur Le problème qui est donc posé aussi d'emblée, c'est de savoir comment ces frayages, ces circuits particuliers vont pouvoir être restructurés, et cela on le verra à la fin, reconstruits par la parole.
Sur le schéma 6, on voit que certains neurones sont vides et d'autres pleins. Le flux s'établit selon l'importance des frayages déjà établis.
Schéma 6 : "La mémoire est représentée par les différences de f rayage existant entre les neurones "(318)
Chaque neurone a de multiples possibilités de liens avec d'autres neurones; c'est ce qui s'est déjà produit qui entraîne qu'une voie sera suivie plutôt qu'une autre. Nous trouvons ici une sorte de prototype archaïque de la répétition. L'autre question qui était posée à FREUD, c'était de concevoir comment il était possible à la fois de percevoir c'est-à-dire d'acquérir des informations nouvelles et de retenir. Jusque là, on avait considéré que le système neuronal pourrait être constitué de deux types de cellules: des cellules qui perçoivent et des cellules qui mémorisent. C'est une position qui ne plait pas beaucoup à FREUD qui, de façon générale, est fonctionnaliste ; après avoir présenté l'hypothèse selon laquelle il pourrait exister initialement deux types différents de cellules, il considère qu'il est finalement plus intéressant de concevoir comment ce qui se produit peut avoir une action transformatrice plutôt que de se résoudre à l'idée que quelque chose qui est constitué au départ n'évolue pas en fonction de la réalité et de l'expérience. C'est ainsi qu'il est amené à décrire non pas deux sortes de neurones mais deux systèmes de neurones le système phi et le système psi constitués de neurones qui au départ ont les mêmes propriétés mais qui vont évoluer de façon différente, en fonction de la valeur des quantités auxquels ils sont soumis de façon habituelle. Il y a des neurones qui ne vont pas garder les quantités (j) et d'autres qui vont garder les quantités (y).
Sur le schéma 8, j'ai représenté le monde extérieur qui envoie ses stimuli (Qe). Les neurones qui sont en première ligne par rapport à ces stimuli (les neurones j) vont recevoir des charges importantes. Celles-ci vont forcer les barrières de contact, ouvrir des frayages, et ces neurones ç vont devenir en quelque sorte transparents au niveau des quantités. Cela va simplement passer mais sans qu'ils puissent garder cette quantité.
Entre j et y il va y avoir une minimisation des quantités et les neurones y, qui sont au départ les mêmes neurones, mais qui reçoivent des quantités moindres, vont être succeptibles de garder ces quantités et devenir des neurones de la mémoire. En effet, les résistances entre neurones que constituent les barrières de contact sont relatives aux quantités en présence : par rapport à de faibles quantités, elles représentent une grandeur significative mais par rapport à de fortes quantités, elles sont négligeables (schéma 9)
Schéma 9
Donc, un autre point de départ de FREUD, pour définir la mémoire, c'est qu'il y a des neurones qui ne gardent pas les quantités (neurones du système j) et des neurones qui gardent les quantités (neurones du système iy).
On arrive donc déjà à quelque chose qui se différencie. Au départ, on avait des neurones dont la seule fonction était de se débarasser des décharges et maintenant on arrive.à un système dont la fonction est bien plus élaborée : il s'agit d'une part de maintenir le plus possible les quantités à l'extérieur grâce à un système de terminaisons neuronales qui va fonctionner comme un écran (la structure arrête les grosses quantités) et évacuer ce qui passe (système j), et d'autre part utiliser une certaine quantité à la fois pour la mé- moire et comme réserve d'énergie pour le déclenchement d'actions spécifiques.
Le schéma 10 illustre ce que je viens de dire de façon plus précise. On voit des quantités qui arrivent (des stimuli Qe) et qui se heurtent aux surfaces de la peau, surfaces qui forment déjà un premier filtre, un premier tampon. Deuxiè- mement, la structure des terminaisons nerveuses du système j va permettre que par un processus de division, une grosse quantité QE parvienne en y sous la forme de petites quantités qe.
Schéma 10 : "La structure du système neuronique servirait à retenir, hors des neurones, une quantité (Q ), tandis que sa fonction serait de les décharger".
Par rapport à cela, il y a des accidents. L'accident, c'est le moment où le système ne marche plus. Freud en prend pour exemple la douleur. Une grande quantité arrive d'un seul coup et va balayer tout ce système de filtre et de résistances et parvenir directement au système y. Les frayages qui jusqu'ici avaient pour mission de bien régulariser le flux sont complètement envahis . Il reste un frayage permanent, une trace permanente, une sorte de chemin direct qui va aller de l'extérieur jusqu'à la douleur. Il reste derrière elle une voie ouverte "à la manière d'un coup de foudre".
Schema 11 : "II est certain que la douleur laisse derrière elle des frayages permanents en y à la maniè- re d'un coup de foudre. Il peut ariver que ces facilitations suppriment tout à fait la résistance des barrières de contact et établissent une voie de conduction semblable à celle de j ." (327)
Comme le précise LACAN (Séminaire 2), jusqu'ici tout va bien parce qu'on n'a pas abordé le problème de la conscience. En effet, on a vu des quantités qui entrent dans un système, qui sont filtrées, qui en principe doivent s'évacuer mais qui peuvent rester enfermées dans un certain nombre de neurones qui constitueront la mémoire dans la mesure où ils sont agencés d'une certaine façon. Mais jusqu'ici tous ces mécanismes plus ou moins compliqués pourraient bien se dérouler en dehors de la conscience. Or, celle-ci existe et FREUD se dit : "eh bien, il faudrait quand même savoir à quoi correspond cette conscience."
Il explique d'abord que la conscience fournit des éléments qualitatifs. Les qualités, qu'est-ce que c'est ? Les qualités sont présentées comme des sensations différencielles, c'est-à-dire qui entrent dans le cadre d'une série et s'y rangent soit par leur identité soit par leur différence. Ces qualités où naissent-elles ? Elles ne naissent certainement pas dans le monde extérieur puisque le monde extérieur est finalement homogène au niveau de ce qui se passe, des masses mouvantes qui se déplacent (c'est ainsi que Lacan définit le réel). Donc, ce n'est certainement pas dans le monde extérieur que se constituent les qualités que nous percevons. Elles ne se produisent certainement pas non plus dans les neurones j, soit les neurones de la perception, qui re- çoivent en permanence des informations et des quantités très fortes ; cela ne va pas très bien avec l'idée de quelque chose de très précis et qui sépare les éléments. Placer les qualités dans les neurones de la mémoire, cela ne paraît pas possible non plus parce que quand on mémorise quelque chose, on ne peut pas lui donner un attribut qualitatif ; d'autre part, la mémoire se place dans un temps durable, alors que la qualité se situe dans la fugacité. La mémoire est aqualitative; les gens qui ont une réminiscence visuelle verront éventuellement des couleurs, etc... mais dans la majorité des cas, la mémoire n'est pas décrite par quelque chose de qualitatif.
Voici donc Freud qui dit : "je suis obligé d'inventer un 3ème type de neu- rones que je vais appeler : neurones w et qui seront spécialisés dans la dis- tinction des qualités.
Ces neurones w, il les appelle également neurones perceptifs. Là, c'est au niveau de la lecture du texte, un cauchemar, car en permanence au départ, on a tendance à confondre les neurones de la perception (système j) et les neurones perceptifs (w).
Ces neurones w ont deux critères importants :
1) Ils sont excités durant une perception
2) ils ne sont pas excités, en principe, au cours des processus de remé-
moration.
On voit pointer ici la question des hallucinations. L'hallucination est pré- sentée par Freud comme une étape de fonctionnement de l'appareil psychique, qui existe avant que l'expérience ne lui ait appris à fonctionner autrement. Il y a aussi des moments où le système fonctionne mal et où les hallucinations se produisent ; il y a enfin le cas du sommeil. Les quantités suivent un chemin inverse : elles partent des neurones j et se dirigent vers les neurones y ; ceux ci déclenchent alors les neurones w. Il y a une oscillation entre l'hallucination du sommeil et la parole de celui qui se réveille : "On ferme les yeux et les hallucinations se produisent. On les rouvre et l'on traduit ses pensées en paroles" (p 355). Cette phrase, que je trouve magnifique, montre que la question de la source est aussi posée au sein d'une relation d'équilibre.
Par quoi ces neurones w sont-ils excités ?
FREUD est ici aussi obligé de faire une gymnastique qui a plongé Alain MARUANI dans le plus profond désarroi : il considère qu'ils sont sensibles à une "période". Jusqu'ici, on avait à faire à des neurones qui étaient sensibles à des quantités en mouvement. En gros, c'est l'histoire du jeu de cartes. La pre- mière carte fait tomber la seconde, et la seconde la troisième, etc... Et ce jeu de carte en fonction des frayages qui ont été établis par la mémoire va suivre une direction ou une autre. Donc, jusqu'ici c'était des quantités en mouvement qui se déplaçaient comme cela, l'une poussant l'autre, sans qu'intervienne un ryth- me, une fréquence.
Mais la conscience, c'est quelque chose d'immédiat. Et c'est ainsi que Freud introduit les périodes. Ces périodes, il les définit de façon très rudimentaire. En fait, me semble-t-il, de façon analogique avec le mouvement ondulatoire des rayonnements et des ondes acoustiques. Il s'agit d'une onde qui ne tient pas compte des frayages et se déplace extrêmement rapidement "à la manière d'un phénomène d'induction".
Je me suis représenté le fonctionnement de ces neurones dans ce schéma (13) : Les quantités en mouvement auxquelles on avait à faire jusqu'à maintenant, viendraient attaquer le phare et éventuellement le faire tomber par terre. Là, c'est un autre mécanisme. Ce sont des ondes comme les vagues sur l'eau. Il n'y a pas déplacement d'énergie mais par contre, transmission d'une information : le gardien qui est sur son phare et qui voit changer la propagation de l'onde sur l'eau, peut savoir qu'une depression se prépare au loin.
Schéma 13
Nous voici donc arrivés à la présentation du fonctionnement de l'ensemble de ces trois systèmes:
- Le système j reçoit les perceptions et en principe les élimine le plusvite possible.
- Le système y reçoit une partie de ces stimuli, de ces perceptions et lesmémorise.
- Le système w reçoit, quant-à-lui la 3ème partie des quantités, quelquechose d'analogue à des informations, sous une forme ondulatoire ; il va également décharger ces quantités suivant un mécanisme spécifique, à savoir qu'il va en particulier envoyer une boucle de retour sur le système de la mémoire pour lui dire : "attention! là, c'est quelque chose qui existe réellement."
Schéma 14.
Quand on lit le début du texte et la fin du texte, le système w que vous voyez là, placé en bout de circuit (schémas 14 et 15) va changer de place. Il va se trouver placé entre j et y . On le retrouve avec cette même situation dans un autre texte de FREUD contemporain de l'Esquisse (la lettre 52 à Fliess), où de façon très précise, w est placé entre j et y , mais pour le mo- ment, c'est présenté comme cela.
Schéma 15
Le système w étant présenté, revenons à la conscience. On peut la considérer de plusieurs façons. Comme le côté subjectif de ce qui se passe dans tous les neurones, c'est-à-dire qu'il y a des trucs qui se passent dans les circuits etc... Et ces processus ont leur équivalence subjective : cela constitue la conscience, simple épiphénomène. Mais la question se pose aussi de savoir si cette conscience n'induit pas une action en retour sur les processus psycho-physiologiques sous jacents.
On pourrait également concevoir la conscience comme un simple adjuvant distinct de ces processus. Pour FREUD, la réponse se situe entre les deux : la conscience représente une partie seulement des phénomènes qui se passent dans ta structure neurologique et elle influence les fait psychiques, tout comme son absence d'ailleurs. Cette conscience implique la notion de qualité, c'est-à-dire tout ce qui rentre dans le champ de la sensorialité, tout ce qui permet de reconnaître, de distinguer dans un environnement, les éléments qui le composent. Mais FREUD fait intervenir un autre facteur auquel est sensible la conscience, et dont il dira plus tard dans son projet : "je ne vois vraiment pas comment je pourrais trouver un mécanisme qui puisse rendre compte de cela".
Il s'agit du plaisir.
Nous sommes partis d'un problème de quantité qui doit se décharger suivant le principe d'inertie ; par ailleurs, "il existe dans le psychisme une certaine tendance à éviter le déplaisir". Freud considère que ces deux facteurs doivent être associés : en effet, lorsque une tension induite par un accroissement de quantité se décharge, cela donne l'impression du plaisir. C'est ainsi qu'est introduit le principe PLAISIR-DEPLAtSIR qui se retrouver dans toute la théorie freudienne.
Dans la conscience, il y a donc d'une part la distinction d'un certain nombre d'éléments "qualitatifs" et d'autre part, le fait que suivant les circonstances, l'état du système, la réalisation de ses buts... on va ressentir du plaisir ou du déplaisir, et cela ne sera pas sans effet secondaire sur son fonctionnement.
Il y a là un élément fondamental mis de côté par les discours biologique et médical sur le corps.
Voici un schéma (16) : Vous voyez le système y que j'ai dessiné sous la forme d'un ballon qui représente le système y et qui peut prendre plusieurs états.
Si ce ballon est complètement vide, cela voudra dire que l'on a du plaisir ou qu'il vient de se produire ; si ce ballon se gonfle cela produit du déplaisir. Le système w est en dérivation avec une sonde et il y a une aiguille qui marque "déplaisir" quand le ballon gonfle et marque "plaisir" il se dégonfle.
La pompe, c'est la source du corps, c'est-à-dire une certaine quantité qui arrive en permanence et qui, de toute façon, même si l'on éliminait tous les stimul qui viennent de l'extérieur, continuerait à remplir w
Le modèle que prend FREUD, pour illustrer la relation entre w et y c'est celui des vases communiquants. Les systèmes w et y sont reliés comme deux vases communiquants. Quand vous arrivez à N 3, c'est le déplaisir. Quand vous arrivez à N1, c'est le plaisir. Ce qu'il faut savoir aussi, c'est qu'entre les deux, il existe un point optimum qui permet la réception des informations. Si vous êtes à un certain niveau de quantité des neurones w , soit trop grand, soit trop petit, les informations ne vous parviennent pas.
Schéma 17.
Nous avons pratiquement défini l'ensemble du mécano et nous pouvons commencer à voir comment marche le système (schéma 15). Je vous rappelle l'essentiel :
Un certain nombre d'éléments, les neurones, sont interconnectés et sont plus ou moins chargés de quantités. Le système des neurones a pour première fonction de décharger l'essentiel des quantités ; l'essentiel, car une partie doit être réservée pour l'accomplissement de certains actes spécifiques "vitaux", seuls à même de supprimer pour un temps les excitations corporelles
En outre, la répartition de ces quantités crée une configuration, une architecture. Celle ci a peu à peu été constituée par les frayages entre neurones, eux mêmes secondaires aux quantités reçues par le système et à leur répétition
Ainsi, les barrières de contact et les frayages participent avec les éléments neuronaux à une mémoire, la mémoire d'empreinte, celle des "traces". Nous ne sommes pas encore dans la mémoire linguistique, on y retrouve cependant sa structure de chaine
Ce système fonctionne selon le principe d'inertie, qui est celui de la décharge et d'autre part, en fonction du principe de plaisir.
Les quantités intérieures, c'est-à-dire tout ce qui est issu du corps, de valeur faible, rejoignent le système y. Les quantités extérieures arrivent au niveau du système j
Ce système j, vous le voyez comme un filtre avec des neurones qui n'acceptent qu'un certain quantum de quantité ; tout ce qui est au-dessus d'une certaine valeur ne passe pas sauf lorsqu'il y a afflux de très fortes quantités qui détériorent le système. La partie de ces quantités qui atteint y subit une transformation introduite par FREUD sous le terme de "complication", il faudrait dire complexification. Une quantité qe va se séparer en un certain nombre de quantités ou plus exactement en un certain nombre de neurones. Clairement, avec Freud, l'évènement ne "sélectionne" pas seulement certains frayages, comme avec Changeux; il participe à la complexification du système.
Si vous avez en j, par exemple, 3 Qe, cela va stimuler 3 neurones y Si vous en avez 5, cela stimulera 5 neurones, etc... Le passage du système j au système y va transformer une quantité en complexité. C'est quelque chose d'excessivement important parce que là, on en est à des choses qui se mettent en place mais nous verrons ensuite que tout cela va vivre, va se gonfler, se rétrécir, et il faut savoir qu'il y aura là une possibilité supplémentaire pour gérer les quantités attachées à un évènement : diluer en quelque sorte l'effet d'un évènement en l'associant à d'autres par de multiples relations.
Schéma 18.
Ce schéma de FREUD est historique puisqu'il fait partie du manuscrit. II explique ce passage de la quantité à la complexité.
En principe, la plus grande partie des quantités se libère dans les glandes, les muscles, et là, elles ont un effet quantitatif démultiplié puisque à partir d'une certaine quantité, l'organe entre en action avec des effets importants sur l'environnement ou sur le corps. Une partie atteint le système y que FREUD distingue en 2 parties :
- le pallium, associé aux perceptions issues de j
- le noyau, plus spécifiquement relié au corps et qui est la réserve d'éner- gie.
Là, vient une remarque qui peut nous sembler un peu délirante, en tout cas étonnante: cette force qui vient du corps, c'est à partir de là que naît 'l'impulsion qui entretient toute activité psychique", c'est à dire "la volonté, dérivée des instincts" . Mais dans l'idée de FREUD, il y a quelque chose de cet ordre là ; ce qui maintient l'activité psychique c'est l'activité du corps et entretenir ne veut pas dire créer.
Dernière mise à jour : mercredi 4 février 2004
Dr Jean-Michel Thurin