Dictionnaire taxinomique de psychiatrie
(J. Garrabé)



OBSESSIONNELLE (névrose) [angl. obsessional neurosis, all. Zwangneurose, esp. neurosis obsesiva].


Définition-Historique : Si en français le mot obsession (du latin obsidere, assiéger) apparaît dès 1590 au sens religieux (état de celui qu'un démon assiège, obsède. Robert), et dès 1799 au sens psychologique, il ne devient qualificatif d'une névrose spécifique qu'après que Freud ait isolée celle-ci en 1894-95 : « ... j'ai trouvé raison de placer la névrose des obsessions (Zwangneurose) comme affection autonome et indépendante hien que la plupart des auteurs rangent les obsessions parmi les syndromes constituant la dégénérescence mentale et la neurasthénie*. » Il établit lit distinction entre « obsessions et phobies » : « il y a dans toute obsession deux choses : 1) une idée qui s'impose au malade ; 2) un état émotif associé. Or dans la classe des phobies, cet état émotif est toujours l'angoisse pendant que dans les obsessions vraies ce peut être au même titre que l'anxiété un autre état émotif comme le doute, le remords, la colère ». Ce qui donne l'empreinte pathologique est que : « 1) l'état émotif* s'est éternisé ; 2) l'idée associée n'est plus l'idée juste, l'idée originale, en rapport avec l'étiologie de l'obsession, elle en est une remplaçante, une substitution ». Pour Freud, l'idée originale est bien entendu associée à un conflit sexuel.

L'appellation française qu'il a lui-même choisie met l'accent sur l'obsession, l'idée, alors que l'allemande « Zwangneurose » souligne l'aspect compulsionnel de l'ensemble de la vie psychique même si lorsque Von Kraft-Ebing utilisa pour la première fois en 1867 le mot Zwang (contrainte) ce fut pour désigner les représentations obsédantes (Zwangs-vorstellungen). La description peu après par Janet de la psychasthénie a posé le problème des relations existant entre les obsessions et une constitution particulière et du coup entre la névrose obsessionnelle et ce type de personnalité.

INSERM : La névrose obsessionnelle 10.3 figure dans la 10ème catégorie : Névroses et états névrotiques. Dans la 11ème, Personnalités et caractères pathologiques sont mentionnées, parmi les névroses de caractère* 11.1, la personnalité obsessionnelle et la personnalité psychasthénique sans préciser ce qui distinguerait l'une de l'autre, ni les liens entre névrose obsessionnelle et personnalité psychasthénique.

CIM 9 : Dans les Troubles névrotiques figurent les « Troubles obsessionnels et compulsifs » 300.3 avec une définition qui insiste sur le second terme de cette désignation double. Névrose anancastique et névrose compulsive sont données comme synonymes de troubles obsessionnels et compulsifs.

A la rubrique « Autres troubles névrotiques » 300.8 sont mentionnées la névrose psychasthénique et la psychasthénie qui seraient donc considérées comme une variété différente de névrose mais elles ne sont pas définies.

Parmi les Troubles de la personnalité 301 figure une personnalité obsessionnelle. Mais il est précisé que « lorsque le malade présente une anomalie de la personnalité en rapport direct avec sa névrose... par exemple une personnalité anancastique chez un obsessionnel on doit enregistrer en plus le diagnostic de la névrose... correspondante ». Anankastique (du grec ctvctyxaoTuxog contraignant) est justement appliquée à ce type de personnalité auquel Kurt Schneider propose de le réserver pour éviter le malentendu avec le français « obsessif » (sic).

D.S.M. III : Le Trouble obsessionnel compulsif (ou névrose obsessionnelle) 300.30 est classée de façon surprenante comme une des formes des Etats anxieux (ou Névrose d'angoisse*) alors que l'angoisse ne figure pas parmi les critères diagnostiques retenus : A - Existence d'obsessions ou de compulsions. B - Les obsessions et les compulsions gênent considérablement le sujet ou interfèrent avec son fonctionnement social ou professionnel ».

Le caractère essentiel des obsessions est d'être « ego-dystoniques », anglicisme correspondant à la notion introduite par E. Jones de tendances « ego-syntonic » selon qu'elles correspondent à des pulsions conformes au Moi (Ichgerecht) ou non conformes (nicht Ichgerecht) à la suite de la distinction faite par Freud entre pulsions du Moi et pulsions sexuelles. Les compulsions étant définies comme des comportements, il en résulte une curieuse dichotomie des référents théoriques sur lesquels s'appuie la description des signes cliniques.

On doit noter aussi que l'un des critères d'exclusion est que le trouble ne soit pas dû à une maladie de Gilles de la Tourette*.

Dans la catégorie Troubles de la personnalité (ou Personnalités pathologiques) à coder sur l'Axe Il est mentionné une Personnalité compulsive 301.40.

Il est précisé que les véritables obsessions et compulsions sont absentes chez les personnalités compulsives (on peut se demander alors pourquoi les dénommer ainsi). Ce n'est donc pas l'intensité des phénomènes comme dans la CIM 9 qui différencie névrose et personnalité mais leur existence même. Par contre, ici aussi, si les critères des deux troubles sont réunis, les deux diagnostics doivent être enregistrés.

D.S.M. III-R : Le contenu et la place de la rubrique Trouble obsessionnel compulsif 300.30 ne sont pas modifiés. Par contre, il est précisé à propos de la personnalité compulsive que si elle avait perdu le qualificatif d'obsessionnelle pour éviter la confusion avec la névrose des phénomènes essentiels étant contenus dans ce terme il convient de revenir à la dénomination traditionnelle : personnalité obsessionnelle compulsive.

Bibliographie : FREUD S. - Obsessions et phobies (1895). In : « Névrose, psychose et perversion ». P.U.F., Paris, 1985. JANET P. - Les obsessions et la psychasthénie (tome 1), Alcan, Paris, Reprint Arno Presse, New York, 1976.


Dernière mise à jour : dimanche 4 novembre 2001 16:07:33
Dr Jean-Michel Thurin