Dictionnaire taxinomique de psychiatrie
(J. Garrabé)



HYSTÉRIE [angi. hysterie, all. Hysterie, esp. histeria.

Definition-Historique : La longue histoire de l'hystérie est résumée par les avatars de sa nosologie. Il y a environ 4 000 ans dans l'Egypte ancienne, divers troubles ont été attribués aux migrations de l'utérus vers le haut du corps (papyrus de Kahon). Cette explication pathogénique a été reprise au IVème siècle av. J.C. par Hippocrate dans son traité « Des maladies de femmes » où il étudie les suffocations de la matrice et les manifestations qu'elles sont censées produire sans que le mot hystérie soit employé pour les désigner.

En effet, apparu d'abord dans notre langue sous la forme adjectivale, hystérique du latin hystericus en 1568, le substantif formé sur l'étymologie grecque uotea utérus n'est utilisé qu'à partir du début du XVIIIème siècle. Charles Lepois (1563-1613) avait déjà affirmé que « les symptômes hystériques sont presque tous communs aux hommes et aux femmes » et qu'il est par conséquent absurde d'attribuer leur origine à la matrice car « ils viennent tous de la tête ». Sydenham (1624-1676) avait aussi montré non seulement que l'affection hystérique est très fréquente et « qu'elle imite presque toutes les maladies qui arrivent au corps humain », mais aussi que ses symptômes sont identiques à ceux de l'affection qualifiée d'hypocondriaque. Hystérie et hypocondrie* cessent d'être deux formes pathologiques caractérisées par leur apparition symétrique dans l'un ou l'autre sexe pour devenir deux affections distinctes communes aux deux. C'est à cette différenciation que va s'attacher l'école anglaise du XVIIIème (Cheyne, Whytt). Cullen ne classe pas l'hystérie dans le 2e ordre de sa nosologie, celui qu'en 1777 il baptise névroses* mais dans le 3e, celui des spasmes. C'est Pinel qui, revenant à l'origine utérine, place l'hystérie dans la 4e classe, celle des névroses de sa Nosographie philosophique (1798). C'est en la considérant comme une névrose, en ce sens, que Briquet* décrivit de façon définitive la clinique de l'hystérie avec ses deux versants, celui des phénomènes corporels et celui des manifestations psychiques, ce que les aliénistes français du XIXeme siècle appelaient la folie ou le délire hystérique, attribuables aux passions de l'âme au même titre que les délires passionnels* et Janet l'état mental des hystériques où il voyait une désagrégation ou dissociation* de la personnalité.

La naissance de la neurologie (1862-1870) en permettant à Charcot de retirer du cadre des névroses les maladies dues à des lésions anatomo-pathologiques spécifiques du système nerveux central n'y laisse subsister que celles qui sont désormais définies par un critère négatif - l'absence de lésions - les psychonévroses.

Freud en établit la nosologie en décrivant les différents mécanismes psychologiques qui les caractérisent et en situant, à ce titre, l'hystérie en tant que névrose de conversion* parmi les névroses de transfert*.

La conversion ne paraît élucider que la genèse des manifestations corporelles bien qu'en fait en mettant en évidence l'existence d'un conflit psychique inconscient et en reliant celui-ci à la problématique oedipienne elle permet aussi de comprendre quel est le point fondamental de la personnalité hystérique, l'incertitude du sujet quant à son identité sexuelle.
Néanmoins on a continué par tradition à séparer lorsqu'on décrit la clinique de l'hystérie, les crises, les phénomènes de conversion, les accidents psychiques et les traits de personnalité sans que cette division faite pour des raisons didactiques constitue une mise en cause de l'unité de l'entité. L'expression récente « psychose hystérique » utilisée en particulier en France par Follin et Chazaud a été source de malentendus. Si pour ces auteurs cette formule, calquée volontairement sur l'ana- chronique n folie hystérique a, a pour but de souligner qu'une riche symptomatologie psychique fait partie intégrante du tableau clinique de l'hystérie et qu'il convient de ne pas englober ces manifestations par une extension abusive du concept de schizophrénie devenue synonyme de psychose en général dans ce cadre, d'autres ont compris qu'elle signifiait au contraire que ces symptômes étaient n psychotiques s et qu'il convenait dans une nosologie contemporaine de faire passer l'hystérie de la catégorie des névroses à celle des psychoses. Il est possible aussi que l'ambiguïté du mot dissociation* ait contribué à cette erreur.

INSERM : La catégorie Névroses et états névrotiques 10 comprend une rubrique .1 Névrose Hystérique. Hystérie de conversion (y compris les formes où la symptomatologie est représentée par des manifestations telles que fugue, amnésie, pseudo-délire, etc.). La totalité de la symp- tomatologie y compris les manifestations psychiques est donc attribuée à la névrose. C'est dans la catégorie ii, à la rubrique .1 Personnalités et caractères pathologiques. Névrose de caractère qu'est citée la per- sonnalité hystérique.

CIM 9 : La catégorie Troubles névrotiques 300 comprend une rubrique Hystérie .1. Les phénomènes de conversion* et de dissociation sont explicitement décrits. Les modifications de la personnalité au cours des accidents psychiques sont envisagées. Les relations avec la psychose sont envisagées d'une manière surprenante : n Le comportement peut simuler la psychose ou, plus exactement, l'idée que la malade s'en fait s, ce pseudo-délire serait une représentation de la folie. Plusieurs équivalents sont donnés dont personnalité multiple* et réaction ou état dissociatif alors que le syndrome de Briquet est cité en .8. Autres troubles névrotiques. C'est dans la catégorie Troubles de la personnalité 301 que figure la Personnalité hystérique .5. La manière curieuse dont sont conçues les relations entre personnalité et névrose est précisée : « Sous l'effet d'un stress, peuvent se développer des symptômes hystériques (névroses). » L'hystérie serait donc une sorte de névrose traumatique dont les particularités symptomatiques seraient dues aux caractéristiques de la personnalité préexistante, notamment l'immaturité sexuelle. En même temps, personnalité et névrose hystérique sont données dans cette classification comme des exclusions réciproques. Histrionisme est donné comme équivalent de personnalité hystérique.

CIM Proj. rév. A névrose hystérique est substitué Trouble dissociatif F 44 dont la définition privilégie les accidents psychiques aigus, les principaux sont énumérés amnésie psychogène, fugue psychogène, état de transe ou de possession, personnalité multiple*, autres états dissociatifs (syndrome de Ganser*). Les manifestations de conversion sont considérées comme des états plus chroniques. Personnalité hystérique est remplacée par personnalité histrionique* F 60.4.

D.S.M. III : La névrose hystérique est dissociée entre - Troubles de conversion*(ou Névrose hystérique type conversion) englobés avec des troubles de tout autre nature dans la catégorie nouvelle des Troubles somatoformes*
- Syndrome de Ganser* classé parmi les Troubles factices. - Troubles dissociatifs(ou névrose hystérique, type dissociatif) catégorie nouvelle dont la caractéristique essentielle est une altération soudaine et transitoire des fonctions normales d'intégration de la conscience, de l'identité, ou du comportement moteur. Cette définition est très proche de celle de Janet qui rattachait l'état mental des hystériques à une désintégration de la personnalité. Trois troubles dissociatifs sont individualisés 300.12 Amnésie psychogène, 300.13 Fugue psychogène, 300.14 Personnalité multiple*.

Le Trouble e Dépersonnalisation* y est inclus bien que cette inclusion soit discutée. Par contre le Trouble Somnambulisme bien que possédant la caractéristique essentielle des Troubles dissociatifs est répertorié parmi les Troubles apparaissant habituellement durant la première ou la deuxième enfance, ou à l'adolescence. Enfin à personnalité hystérique est substituée Personnalité histrionique*. Pour la psychose hystérique ce manuel renvoie à la Psychose réactionnelle brève 298.80 et au Trouble factice avec symptômes psychopathologiques 300.16.

D.S.M. III-R La dissociation de l'hystérie entre diverses catégories n'est pas remise en cause même si des modifications sont faites à l'intérieur de certaines d'entres elles en particulier celle des troubles somatoformes5. Somnanbulisme est classé à troubles du sommeil*.

Bibliographie : LEMPERIERE Th., PERSE J. et ENRIQUEZ M. Symptômes hys- tériques et personnalités hystériques. Masson, Paris, 1965. TRILLAT E. - Histoire de l'hystérie. Seghers, Paris, 1986.


Dernière mise à jour : mardi 20 janvier 2004
Dr Jean-Michel Thurin