L'EXTERMINATION

des malades mentaux dans l'allemagne nazie

Alice Ricciardi von Platen

 

Coll. "Des travaux et des jours"

érès éditeur, 2002

«Il est certain qu'un seul meurtre en provoquera des centaines d'autres si l'on n'a pas renié jusqu'au tréfonds l'idéologie qui l'a produit. » C'est à cela qu'Alice Ricciardi von Platen s'emploie dans cet ouvrage aussi terrible que nécessaire.

 

En 1946, l'Ordre des médecins demanda au professeur Mitscherlich de présider une commission médicale chargée d'observer et de rendre compte du procès de médecins instruit par le tribunal militaire américain de Nuremberg. Les prévenus étaient des médecins des camps de concentration accusés d'avoir pratiqué certaines expérimentations sur les prisonniers, ainsi que des médecins et des fonctionnaires impliqués dans le programme d'euthanasie que Hitler avait lancé pour exterminer les malades mentaux. Quand la commission publia son effrayant rapport, l'Allemagne détruite et affamée n'était pas disposée à en prendre connaissance et l'Ordre des médecins ne désirait pas que la population fût informée de l'activité de si nombreux médecins aux postes de commandement des lieux d'extermination.

 

Publié en 1948 en Allemagne (aussitôt oublié, il devra attendre sa réédition en 1993 pour connaître un important succès), ce livre constitue la première tentative de description des crimes commis par les nazis dans le champ médical et plus particulièrement dans celui de la psychiatrie. Il vise à mettre en lumière les racines historiques de ces crimes et la façon dont ils ont été concrètement organisés. Retrouver les motivations théoriques qui amenèrent au meurtre de 70 000 malades mentaux dans l'Allemagne nazie et comprendre comment les principes idéologiques du III° Reich prirent consistance dans le monde de la psychiatrie, tel est l'objectif de cet ouvrage qui éclaire singulièrement les débats éthiques d'aujourd'hui (stérilisation des malades mentaux, arrêt Perruche ... ).

 Traduit par Patrick Faugeras

Alice Ricciardi von Platen, docteur en médecine, fut membre de la commission médicale présente au procès des 23 médecins accusés de crimes contre l'humanité par le tribunal militaire américain de Nuremberg.

Fondatrice d'instituts de formation en psychothérapie de groupe en Allemagne, en Italie, en Ukraine, elle travaille depuis de nombreuses années à Rome et à Cortone comme psychothérapeute.

Ce livre n'avait jamais été traduit en français. Il ajoute, s'il en était encore besoin, à l'entreprise qui consiste, depuis l'écroulement du nazisme, à analyser la gigantesque machine de destruction que fut le National-Socialisme allemand et son idéologie mortifère, afin d'en comprendre les racines humaines et d'en prévenir, si faire se peut, toute résurgence.

Le sort que chaque nation réserve à ses vieillards, à ses malades mentaux et à ses handicapés, comme ses débats sur l'exclusion, est toujours un fidèle reflet des principes politiques qui guident la conception de l'homme.

Dans la perspective fondamentale du nazisme, la stérilisation des malades mentaux, d'abordet leur extermination ensuite -s'imposaient. Hitler eut quelque peine à en persuader son entourage, même si les théories eugénistes étaient en vogue à l'époque dans tout le monde occidental. Le début de la Seconde Guerre mondiale lui donna le prétexte qu'il attendait pour ordonner la solution finale appliquée aux maladies mentales incurables : la guerre en tuant des hommes jeunes, sains et en bonne santé, jouait le rôle d'une sélection négative ; il "convenait" donc de rétablir l'équilibre par le biais d'une sélection positive volontariste, l'exterminationdes malades mentaux qui débute en 1939. Mais le nazisme avait été antécédé par l'opinion savante, à la fois sociobiologique et "compassionnelle" pour les "ratés de l'espèce".

Les processus mis en place par le régime nazi, l'implication dans ces processus d'un certain nombre de psychiatres universitaires, voire des « bons » psychiatres de l'époque, la résistance de certains autresest décrit par von Platen avec précision en utilisant les Archives des procès de médecins, entre autres ceux de Nuremberg et de Francfort et en centrant son attention sur trois Instituts de soins psychiatriques de la province de Hesse-Nassau.

On suit avec effroi cette surenchère permanente dans l'horreur qui va de la stérilisation des malades mentaux à l'euthanasie sauvage, en passant par la « mort par compassion », la suppression des « vies qui ne valent pas la peine d'être vécues », les « lettres de réconfort » aux familles (dans lesquelles on annonçait que leur pauvre parent n'avaient pas survécu à sa terrible maladie) et l'éventuel envoi des cendres du défunt à ses proches (la crémation étant justifiée par le risque d'épidémie!

On lit avec effarement que des pères et des mères exigent l'exterrnination de leur enfant malade ou handicapé, confortant Hitler dans sa décision d'extermination. On vit aussi que des parents tentèrent de résister, ou tout simplement de comprendre, et quelles menaces ignobles firent planer sur eux les petits bureaucrates du nazisme ordinaire. On se rassure de voir des médecins, des psychiatres, des universi ataires, des prêtres et des pasteurs résister concrètement aux volontés exterminatrices de l'hitlérisme, contraignant ainsi Hitler à suspendre son programme d'euthanasie, attendant pour le poursuivre des jours meilleurs.,..

La question décisive est de savoir si la médecine actuelle (avortement « remboursé » et non pas «-dépénalisé »), choix désormais possible du sexe, voire d'une descendance de bon aloi (sinon de bonne race, de clonage, etc... prolonge pas l'idéologie des médecins S.S., soucieux-déjà de sociobiologie, d'économie de santé ! Quelques uns protestèrent, niais c'est que ces naïfs croyaient encore - avant les manipulations génétiques et les cellules souches » une « transcendance » de l'Etre humain. Même nos bons apôtres ( ?) de la pensée conforme ne croient plus ni en Dieu ni au Diable, ni même à « l'homme », mort depuis les foucaldismes. Il y a 30 ans que j'annonce (dans le désert !) la désacralisation du vulgum, et que je propose que les avortons soient transformés en nourriture féline ; voire la réhabilitation du cannibalisme embryonnaire... Marque de vieillesse puisque nous en sommes à l'ère des réseaux neuronaux informatisés et du clo(w)nage.

J.C.