Sur la fuite des idées

Ludwig Binswanger

éd. J. Millon, Grenoble, 2000, 327p.

Avec Sur la fuite des idées, publié en 1933, Binswanger a jeté l'une des bases de ce qui était en train de naître et allait devenir la Daseinsanalyse (l'analyse de l'existence) en psychiatrie. C'est de cet ouvrage, devenu un classique dans les pays de langue allemande, qu'est enfin proposée une traduction française.

Consacré, à travers l'analyse phénoménologique de la fuite des idées, à l'étude de l'être-au-monde propre de l'être maniaque, ce livre garde aujourd'hui, malgré les outrages du temps - les «mutations » historiques de notre culture -, toute sa portée révolutionnaire et ce, à double titre. D'une part, il s'impose la consigne de tenter de pénétrer le phénomène de la manie de l'intérieur, en considérant toujours le malade comme un être humain, singulier, et sans ramener d'avance son comportement à des troubles de telle ou telle fonction (vitale, psychophysiologique, neurologique, cognitive, etc.) érigée en unité de mesure. D'autre part, requérant pour cela la phénoménologie (Husserl) et la métaphysique (Heidegger, Höderlin), il place les phénoménologues et les philosophes devant la tâche difficile de réévaluer et de remanier leur théorie et leur pratique. En ce sens, Sur la fuite des idées est destiné tant au public intéressé à la psychopathologie qu'à celui concerné par la phénoménologie et la philosophie. Il s'agit en effet chaque fois, pour Binswanger, non pas de « guérir» par tel ou tel système thérapeutique, la «maladie» qui serait en soi un processus indépendant, mais de comprendre l'homme malade, et ainsi, d'être en mesure de prendre soin de lui. De la sorte s'ouvrent de vastes horizons pour le travail d'élaboration d'une anthropologie phénoménologique et philosophique.