le Livre Blanc

de la
Fédération Française de Psychiatrie


2 – Moyens, ressources humaines et structures

Ch. Alezrah, H. Bokobza

I) Un problème majeur : la démographie médicale

A) D’un livre blanc à l’autre

Beaucoup de remarques formulées lors des journées du livre blanc organisées par « l’évolution psychiatrique », sous l’impulsion de Henri Ey, en 1965, 1966, et 1967 demeurent étonnamment d’actualité

L’état des lieux à l’époque:

        A Green, D Martin et  P  Sivadon notaient déjà : la   « demande croissante de soins psychiatriques à travers le monde et qui peut être ramenée à deux séries de circonstances : l’extension générale des troubles mentaux qui appellent un traitement et l’élargissement du champ psychiatrique, qui dépassant la garderie traditionnelle est devenu thérapeutique... »(1)

Le 12e rapport du comité d’experts de la santé mentale publié par l’OMS retenait que la France ne figurait pas parmi une première tranche de 8 pays pour lesquels le nombre de psychiatres va de 4 à 7 pour 100 000 habitants. Elle est dans un deuxième groupe de 21 pays  avec une densité de psychiatres de 2,5 pour 100 000 habitants. Quarante cinq autres pays ont des densités inférieures à 2 psychiatres pour 100 000 habitants. 

Il était constaté qu’« il n’y a en France aucune définition officielle unique du psychiatre, ni en terme de savoir (psychiatre ou neuropsychiatre), ni en terme d’apprentissage (hospitalier ou universitaire), ni en terme de champ d’exercice (public ou privé). Il n’existe aucune norme : on sélectionne par des procédures différentes des psychiatres différents pour des besognes différentes, comme si la psychiatrie était d’existence douteuse, zone mythique où se rejoignent neurologie, psychologie et sociologie... »(1)

Le nombre de psychiatres est estimé autour de 1200. Ceux-ci se répartissent en 435 du cadre des hôpitaux (dont 66 dans la Seine), 507 d’exercice libéral (230 dans la Seine) et 230 ayant une activité mixte (dont1/3 dans la Seine).

L’estimation des besoins :

Lors des journées du 5 et 6 mars 1966, Henri Ey retient le chiffre de 4000 psychiatres nécessaires pour répondre aux besoins nationaux de la santé mentale. Il fait remarquer : « Il est bien difficile de penser qu’un médecin puisse soigner à lui tout seul et de façon continue durant l’année plus de 200 malades... ».(2) Il rappelle qu’il y a aux Etats Unis 5 psychiatres pour 100 000 habitants soit prés du double de la densité en France. Il en conclut qu’il convient de former 2000 psychiatres supplémentaires avant 10 ans.

  A l’occasion des journées du 3 et 4 juin 1967, Michel Henne estime les besoins pour 1970 à 4400 psychiatres (2200 à temps plein et 2200 à temps partiel) uniquement en psychiatrie publique. (3) Il propose : « d’une part, d’attirer  vers la spécialisation psychiatrique un certain nombre de docteurs en médecine parmi les généralistes ; d’autre part, d’augmenter le pourcentage des étudiants en médecine s’orientant vers la psychiatrie. Mais si ce mouvement est déjà en marche pour ce qui concerne l’attirance vers la psychiatrie privée sans arriver à satisfaire les besoins existants, il demeure beaucoup plus modeste pour l’accroissement des effectifs de la psychiatrie de secteur public au sein de laquelle la  demande est pourtant la plus grande... »

B) Le constat aujourd’hui

La définition des besoins en matière de santé s’inscrit dans une réflexion  du corps social et nécessite l’arbitrage des responsables politiques. Aucune notion « objective » ne s’impose. Il est plus facile en l’occurrence de quantifier les demandes que les besoins. D’autre part, la diversification de l’offre contribue à générer des demandes (besoins ?) nouvelles...

Alors que l’OMS dans son dernier rapport (4) recommande l’implication croissante des médecins généralistes dans la prévention et les soins primaires en santé mentale, alors que le ministre de la santé a présenté un plan pour la santé mentale en 2001 (5), la question des moyens mis en œuvre relève de la démographie des professions de santé au sens large, notamment des médecins généralistes, en complément de l’action des psychiatres. 

Les professionnels exerçant dans le champ de la psychiatrie sont évalués à :

--- 58 000 ETP d’infirmiers dans les établissements de santé publics et privés,

--- 36 000 psychologues et psychanalystes dont 4000 dans les services de psychiatrie...(6)

1) Données générales

La comparaison aux autres pays européens montre que nous ne sommes pas, loin s’en faut, le pays le plus médicalisé, avec une densité de 331 médecins pour 100 000 habitants. L’Italie, l’Allemagne, l’Espagne, la Grèce, la Belgique, l’Autriche, la Suisse ou la Suède ont proportionnellement plus de médecins. (6)

Le nombre global de médecins n’est qu’un indicateur très approximatif. S’il est nécessaire pour se faire une idée de l’offre de soins, il n’est pas suffisant. On sait par exemple que beaucoup de médecins répertoriés comme omnipraticiens n’exercent pas la médecine générale ( homéopathie, acupuncture etc...). Pour ce qui concerne la psychiatrie, comment comptabiliser les psychiatres exerçant exclusivement une activité de psychanalyste ? Avec les autres psychanalystes ? Avec les psychiatres ?

            En 2001, il y avait 195 095 médecins actifs en France (6). La profession médicale se féminise, ce qui contribue indirectement à diminuer le temps médical en ETP car, statistiquement, les médecins femmes travaillent plus souvent à temps partiel. S’il n’y a globalement que 37 % de femmes médecins, elles sont 49 % parmi les nouveaux inscrits au Conseil de l’ordre.(7)

            On constate un mouvement de sur spécialisation qui a tendance à s’infléchir. De 1980 à 1995 le nombre de spécialistes a doublé alors que celui des généralistes augmentait de 34 %. Le taux de généralistes qui était de 62 % en 1980 passait à 53 % en 1995. Cependant, pour la première fois ces dernières années, on voit s’amorcer une régression  de la spécialisation. Au cours de 1997 parmi les nouvelles inscriptions à l’ordre 54 % étaient des généralistes et 46 % des spécialistes. Le rapport CHOUSSAT note que la France est le seul grand pays européen où se rencontre une médecine spécialisée de ville. Il y a d’ailleurs plus de spécialistes libéraux que de spécialistes hospitaliers (8).

Il n’y a jamais eu de véritable lien entre une politique de santé clairement définie et  une politique de formation médicale. Il n’y a jamais eu de réflexion durable sur le nombre de médecins à former pour parvenir à un équilibre du dispositif et le maintenir, contrairement à d’autres professions à vocation sanitaire ayant su s’appuyer sur un numerus clausus au long cours (vétérinaires, pharmaciens, chirurgiens dentistes). On a ainsi formé alternativement trop ou trop peu de médecins. (9)

            La diminution du nombre d’étudiants en médecine, débutée dans les années 80 a atteint des niveaux, tant pour le numerus clausus à la fin de PCEM 1, que pour le Diplôme d’Etude Spéciale en Psychiatrie, qui ne permettent pas le renouvellement des générations.

Numerus clausus en fin de 1 ère année des études médicales

1976/77 1981/82 1986/87 1992/93 1993/94 1998/99 99/20000 2000/2001 2001/2002
8725 6409 4460 3500 3570 3700 3850 4100 4700(+150)*

Nombre d’étudiants admis en première année de D.E.S en psychiatrie

1987

1990

1993

1995

1996

1997

1998

2000

2002

380

280

225

210

210

200

176

176

176

            A l’évidence, il n’existe pas de « densité médicale idéale » mais parler d’un nombre de médecins n’a de sens qu’en rapport avec des orientations précises en matière de santé publique et (ou) de facteurs sociologiques ( habitudes en terme de consommation de soins, de

                        * 150 étudiants en médecine militaire

délais d’attente, avec de grandes disparités d’un pays à l’autre). Les projections de la DGS font apparaître :

--- avec un numerus clausus stabilisé à 4700,  un passage d’une densité médicale de 331 pour 100 000 habitants à une densité de 214 pour 100 000 habitants en 2030 (  139 500 médecins), soit un niveau proche du Royaume Uni actuellement.

--- avec un numerus clausus à 5300, une densité médicale de 242 pour 100 000 habitants en 2030 (156 400 médecins)

--- avec un numerus clausus à 7500, une densité médicale à 314 pour 100 000 habitants en 2045 (209 200 médecins)

Avec  un numerus clausus entre 4700 et 5300, pour rester aux densités actuelles, il faudrait attirer entre 30 000 et 50 000 médecins étrangers (6)

D’autre part, le CREDES évoque la probabilité d’une diminution de l’activité moyenne, si les comportements d’activité restent identiques, de l’ordre de 7% dans les 20 ans du fait du vieillissement et de la féminisation du corps professionnel. Sans compter les effets d’une diminution du temps de travail et de l’augmentation prévisible du temps de formation continue. (10)

2) La psychiatrie

Au sein des spécialités, c’est en psychiatrie que les effectifs et la densité médicale sont les plus élevés. Il y a 22  psychiatres pour  100 000 habitants en France métropolitaine.(15)  Il est à noter une importante féminisation  (41%) et un age moyen  le plus élevé parmi les spécialités. (48,2 ans) (11)

        D’après le rapport NICOLAS (12), le nombre de psychiatres est passé de 7540 en 1987 à 9707 en 1991 et 11511 au 1er janvier 1997,  soit une progression de 53 % en 10 ans, et de 75% en 14 ans pour culminer à 13254. (6)

Seule la Suisse avec 24 psychiatres pour 100 000 habitants a proportionnellement plus de psychiatres que la France. La comparaison aux autres pays développés (Allemagne, Grande Bretagne, Etats Unis, Belgique.....) montre des différences qui n’ont de sens que  corrélées au mode d’organisation des soins et à la qualité du service rendu au patient en terme d’efficacité, d’accessibilité, de rapidité d’intervention. Il n’existe aucune « norme » en la matière. L’OMS, à titre d’exemple, évoque une fourchette entre 2,5 et 10 psychiatres pour 100 000 habitants (13).

            D’après J. GOTTELY (14) la proportion de psychiatres d’exercice libéral est de 55 %  Cependant les nouveaux diplômés sont de moins en moins attirés par les carrières publiques. Actuellement 2/3 d’entre eux choisissent un exercice libéral (12).

Dans les conditions actuelles, compte tenu de l’organisation du dispositif sanitaire, la projection dans l’avenir s’avère extrêmement préoccupante. En effet, force est de constater que, d’une part, il  manque déjà des psychiatres à l’hôpital  et que d’autre part, la répartition géographique est très inégale. A Paris, la densité de psychiatres est de 88 pour 100 000 habitants.  Dans le Rhône et les Bouches du Rhône, elle est de  36 et 34 pour 100 000 habitants, alors qu’elle est inférieure à 18 dans la moitié des départements, inférieure à 12 dans certains départements ruraux départements (Mayenne, Lozère, Eure, Pas-de-Calais, Eure), et inférieure à 8 dans les DOM. (15)

La projection du dernier rapport de la DGS évoque une diminution de 12% des psychiatres d’ici 2010 et de plus de 40% en 2020 où il ne devrait plus y avoir que 7500 psychiatres si le nombre de spécialistes formés restait inchangé. Or les demandes adressées à la psychiatrie ne cessent de se multiplier. Entre 1992 et 1997, le nombre de personnes suivies par des psychiatres libéraux a augmenté de 17%. (16) Le mouvement est encore plus manifeste dans le secteur public, comme nous le verrons plus loin.

3) La psychiatrie publique

       Sur un plan général, la position du médecin hospitalier devient de plus en plus difficile à tenir. Rappelons l’analyse du Conseil National de l’Ordre : « La charge croissante des tâches administratives non productives affectées aux médecins hospitaliers, la restriction progressive de leur responsabilité médicale à travers le conditionnement des moyens, le partage des responsabilités dans les soins, éloignent progressivement ces médecins de leur responsabilité d’autrefois. Leur responsabilisation présente devient vaine et leur démobilisation inquiétante. La participation sans pouvoir de décision se révèle inutile. ... »(17) 

      Ces  dernières années ont vu se développer deux mouvements qui, à terme, ne peuvent qu’être contradictoires : (18)

            ---  d’une part la banalisation et la multiplication des lieux de soins extra-hospitaliers ( hôpitaux de jour, CATTP, CMP, appartements thérapeutiques, interventions dans les structures médico-sociales...), améliorant la qualité des soins aux usagers mais créant de nouveaux besoins, notamment en matière de postes médicaux, en augmentant les temps de supervision, de coordination et de déplacement. Avec dans le même temps, la diminution du nombre de lits d’hospitalisation et une rotation de plus en plus rapide dans les services à temps plein, ce qui implique une présence médicale renforcée ;

           --- d’autre part, la réduction du nombre de médecins en formation, qui s’est traduite, d’abord par une modification en profondeur, puis par une diminution de l’encadrement médical hospitalier. Les réformes statutaires de 1984, puis celles de l’internat et la disparition des CES, ont abouti à de nouvelles répartitions des temps médicaux. Là où autrefois  n’existaient que des « psychiatres du cadre » et des internes, sont apparues ou se sont développées de nouvelles catégories de médecins ( Assistants, Contractuels) et de nouveaux statuts ( Praticiens Adjoints Contractuels), sans que cela garantisse un équilibre à long terme. Depuis plus de 10 ans, il a été largement fait appel à des médecins étrangers (Assistants associés, Attachés associés, Faisant Fonction d’Interne), ne disposant pas du droit de prescription, pour préserver un équilibre de plus en plus précaire.

       Les établissements hospitaliers ont longtemps fait assurer une grande part des tâches médicales quotidiennes (gardes, tenues des dossiers, observations médicales....) par les internes et les étudiants. La conjonction de la réforme de l’internat et de la disparition des C.E.S a conduit à une diminution très importante du nombre de psychiatres en formation dans les hôpitaux. Jusqu’en 1990, les promotions de psychiatres tournaient autour de 500 par an avec un pic à 1212  diplômés en 1991 (dernière année du C.E.S) puis une chute brutale à 257 diplômés en 1992. Ce mouvement se poursuit compte tenu des dernières promotions de D.E.S. La baisse du nombre des internes soulève plusieurs questions de nature différente :

             --- Qualitativement, la présence d’internes dans une équipe médicale joue comme un facteur dynamisant, de remise en cause, de questionnement renouvelé par l’apport d’un regard extérieur et neuf. De plus en plus d’équipes médicales risquent de fonctionner « en vase clos » et ce d’autant plus que les mouvements de médecins  hospitaliers tendent à se raréfier depuis le nouveau statut de Praticien Hospitalier du 24 février 1984 et les nouvelles modalités de recrutement des chefs de service.

            Alors que le poids des gardes augmente avec la mise en oeuvre des Services d’Accueil et d’Urgences qui se superpose aux gardes et astreintes traditionnelles, le nombre de médecins (internes, assistants) qui les assumaient vient à diminuer dans des proportions qui obligent à réaménager totalement des dispositifs de gardes en les étendant à un corps de praticiens hospitaliers vieillissant. Ces contraintes supplémentaires perçues comme un accroissement de la pénibilité des fonctions hospitalières restreignent encore l’attractivité du service public.

            Il est à noter que le numerus clausus a été particulièrement drastique en pédopsychiatrie, ce qui bien souvent, plus qu’en psychiatrie générale, conduit à une formation exclusivement dans des services universitaires, pas toujours ouverts sur une pratique sectorielle. Le déficit en jeunes pédopsychiatres publics risque d’être plus criant encore qu’en psychiatrie générale.

            --- Quantitativement, compte tenu des promotions de psychiatres formés en grand nombre dans les années 70, vers 2010, moins d’un psychiatre sur 3 pourra être remplacé. Cela impose d’ores et déjà de réfléchir à des aménagements du dispositif hospitalier mais, plus largement, au type de réponses apportées par les psychiatres dans le système de soins public et privé.

            La diversité de l’encadrement médical dans les services de psychiatrie a tendance à se limiter. Les équipes médicales sont formées en majorité de praticiens hospitaliers dont la pyramide des âges  est  dissymétrique. (18) Cela pose directement la question de la composition des équipes médicales en psychiatrie déjà à moyen terme. En 1991, l’encadrement médical moyen d’un service de psychiatrie générale, incluant les internes, était de 7,02 ETP (18) (19). Il n’est plus que de 6,4 en 1997, dont 1,1 ETP d’internes (20). Parallèlement, le nombre de patients hospitalisés a augmenté de 13% et la file active s’accroît en moyenne de plus de 5% par an.  (21) A compter de 2005, on peut  estimer à une soixantaine par an le nombre de départs à la retraite chez les praticiens hospitaliers en psychiatrie. De 2011 à 2020 ce nombre devrait dépasser 170 départs chaque année. (18) Les flux de formation actuels ne pourront pas les compenser. Rappelons qu’il faut en moyenne 8 ans pour former un médecin généraliste et 12 à 15 ans pour un praticien hospitalier. Les étudiants en 1ère année de médecine en 2002 seront au mieux les praticiens hospitaliers de 2014 ! Ce décalage ne pourra qu’accroître le déficit actuel de médecins hospitaliers.

            D’ores et déjà le nombre de postes vacants dans les services de psychiatrie n’a jamais été aussi grand. Il est à noter également le recours de plus en plus fréquent à des médecins généralistes. A l’occasion du mouvement des praticiens hospitaliers en 2002, près de 800 postes vacants étaient proposés au choix ( il n’y en avait que 384 en 1996...)

            Par ailleurs, les statistiques du ministère de la santé (21 novembre 2001) nous livrent des informations intéressantes :

      --- il y a 3646 praticiens hospitaliers à temps plein exerçant en psychiatrie ( dont 339 en CHU)

      --- et 921 praticiens hospitaliers à temps partiel ( dont 83 en CHU) soit statistiquement moins d’un temps partiel par service...

On peut donc constater que les souhaits de Michel Henne se réalisent puisqu’il y avait 4567 psychiatres dans les hôpitaux, mais en 2001, soit 30 ans plus tard, alors que l’activité des services s’est considérablement développée !

 La répartition par classes d’age est également fort instructive :

       --- les praticiens hospitaliers entre 30 et 44 ans sont au nombre de 1277 soit à peine 35 % ( parmi eux plus de la moitié sont des femmes : 675). On imagine aisément les difficultés à venir tant il apparaît évident que rien n’a été préparé pour permettre de renouveler les générations de médecins publics.

       --- même constat chez les temps partiels où 323 praticiens, soit exactement le même pourcentage de 35%, ont moins de 44 ans...

       --- pour ce qui concerne les PAC (praticiens adjoints contractuels), 403 ont été admis aux concours organisés entre 1996 et 2001. Des passerelles ont été prévues vers le statut de praticien hospitalier, mais force est de constater que certains d’entre eux, ont déjà abandonné la carrière hospitalière pour un exercice libéral.

            Une autre variable dont l’impact est difficile à apprécier mais qui sera non négligeable  concerne les perspectives de réduction du temps de travail et d’augmentation de formation médicale continue dans la fonction publique. Comment fonctionneront les hôpitaux avec un nombre réduit de médecins travaillant moins, se formant plus et consacrant moins de temps à l’exercice clinique du fait des nouvelles missions comme l’évaluation et l’accréditation ??

4) la psychiatrie hospitalo-universitaire

            Elle occupe, à plusieurs niveaux, une place particulière dans l'organisation des soins en santé mentale en raison :
- de la spécificité de ses missions, qui concernent à la fois le soin, l'enseignement et la recherche ; - de son rôle d'interface : les missions de la psychiatrie hospitalo-universitaire ne peuvent, aujourd’hui, se concevoir qu'en articulation avec l'ensemble des acteurs en santé mentale et des structures dédiées à l'enseignement et la recherche (universités, INSERM...). La psychiatrie hospitalo-universitaire occupe de fait une position charnière dans ces nécessaires échanges entre les professionnels de la santé et les structures d'enseignement et de recherche.

La plupart des services hospitalo-universitaires de psychiatrie sont sectorisés. La très grande majorité d'entre eux est située en hôpital général. Ils ont vocation à développer des compétences spécifiques et à jouer un rôle moteur dans l'innovation en matière de soins qui  peut s'exprimer de façon très diverse : introduction de nouvelles techniques thérapeutiques, spécialisation dans la prise en charge de certaines pathologies, développement de réseaux coopératifs avec l'ensemble des acteurs intéressés par une collaboration dans des domaines spécialisés ( comme l’autisme par exemple)

Autonome sur le plan universitaire seulement depuis sa séparation de la neurologie (1968), la psychiatrie dispose d'effectifs hospitalo-universitaires insuffisants : ils apparaissent sans commune mesure avec ceux des autres disciplines ou spécialités et ne reflètent pas l'importance que doit avoir la psychiatrie  dans le champ de la santé publique. A titre de comparaison, il y a 89 professeurs d’université praticiens hospitaliers en psychiatrie (32 en pédopsychiatrie et 57 en psychiatrie de l’adulte d’après le CNUP), 97 en neurologie et 92 en odontologie !!!... De ce fait, la psychiatrie hospitalo-universitaire éprouve de grandes  difficultés à remplir l'ensemble des missions d'enseignement et de recherche qui lui sont dévolues.

5) la psychiatrie privée

a) la psychiatrie libérale

Plus de 55% des psychiatres ont une activité de praticiens libéraux.

- soit en cabinet :

pratique spécifique (libre choix du patient, continuité du soin, primat de la demande) elle a connu un essor considérable depuis ces trente dernières années et représente l'autre pôle de la pratique psychiatrique française.

Assurant au-delà d'une fonction diagnostique, une fonction essentiellement préventive et thérapeutique individualisée, son essor est due à plusieurs facteurs: existence de la convention entre médecins et caisses de sécurité sociale permettant un libre accès aux soins, une reconnaissance plus systématique et plus précoce des troubles psychiques, des avancées scientifiques importantes, une dédramatisation du fait psychiatrique, une dégradation du tissu social entraînant un accroissement de demandes.

76,5 % des psychiatres sont en secteur 1 alors que la moyenne nationale pour les médecins spécialistes est de 61%. C'est dire l'attachement des psychiatres à un accès aux soins le plus facile possible pour leur patient. Il est à noter que les praticiens du secteur 2 se retrouvent essentiellement dans la région île de France et dans la région PACA;

Le nombre d'actes effectués annuellement est de plus de 15 millions: ce sont essentiellement des actes de consultation (+ de 96%)

A partir d'une enquête effectuée dans la région Alsace Lorraine par un syndicat, et en l'extrapolant en France, il apparaît que la file active des patients suivis en cabinet serait d'environ 2 millions de personnes.

- soit en hospitalisation privée :

au sein d'un secteur hospitalier qui accueille 15"% de la population hospitalisée en France, dans 152 cliniques. Les psychiatres y suivent en moyenne  15 à 20 patients.

6) la psychiatrie salariée du secteur associatif

Plus de 4000 psychiatres travaillent à temps partiel et parfois à temps plein dans les 4500 établissements et services pour personnes handicapées et inadaptées de ce secteur.
On assiste à une importante dé-psychiatrisation de ce secteur depuis la mise en place de la loi d'orientation 1975. 

C) Des solutions ???

1) Sur le numerus clausus en médecine

         La densité médicale actuelle (331 médecins/100 000 habitants) correspond à un niveau de prestations sanitaires qu’il convient de préserver ( niveau de compétence des réponses, accessibilité, rapidité...). Il est donc essentiel de relever le numerus clausus dans des proportions importantes,  par étapes, en quelques années, jusqu’à 7500.

Une autre voie, non pas substitutive mais complémentaire à la formation des médecins, devrait être explorée dans le sens d’un partage élargi de certaines interventions avec des professions non médicales. Nous y reviendrons.

2) Sur la formation des étudiants en médecine

         L’exercice de la médecine générale aujourd’hui, et sans doute encore plus demain, confronte le praticien à un nombre croissant de situations totalement ou partiellement liées à des troubles médico-psychologiques. La formation en psychiatrie et plus largement en sciences humaines est très insuffisante durant les études médicales ( à titre comparatif, les étudiants en soins infirmiers ont au moins 10 fois plus d’heures de cours dans ces domaines). Il est impératif qu’elle soit sensiblement renforcée.

La réforme de l’internat, prévue à partir  de 2004, doit se traduire par la mise en œuvre de stages obligatoires en psychiatrie pour les internes de médecine générale afin de leur permettre d’acquérir une véritable expérience clinique, précieuse pour les soins primaires en santé mentale et l’inscription dans des réseaux avec les secteurs et les psychiatres libéraux.

     3) Sur la formation des psychiatres

         Qualitativement, la formation actuelle est par trop disparate, dépendante des « écoles » et sur le plan clinique presque exclusivement dispensée dans les services universitaires. Les programmes du DES doivent être repensés à partir d’un socle commun diversifié, renforçant la formation théorique pour la rapprocher des autres pays de la communauté européenne. La formation de base à la psychiatrie générale doit comporter, en plus des modules de pédopsychiatrie, une formation aux psychothérapies, un approfondissement en sciences humaines, des bases en santé publique et en économie de la santé.

         Quantitativement, le nombre de psychiatres à former ne peut être arrêté sans une définition précise des missions et du cadre d’exercice qui leur sont dévolus. Les questions essentielles demeurent comment assurer les meilleures réponses aux troubles mentaux ? Quelle répartition géographique, pour quelle accessibilité ??? Quelle répartition entre un exercice libéral et un exercice public ? Combien de psychiatres se consacrent-ils à des activités psychothérapiques exclusives ? Des relais peuvent-ils être confiés à d’autres intervenants comme les psychologues ? Jusqu’à quel niveau ?

         Parmi les médecins, les psychiatres sont ceux dont la moyenne d’age est la  plus    élevée ( 48 ans cf., rapport DGS). La spécialité sera dans les premières touchées par les effets du numerus clausus.. . Dés 2012 une diminution de 12% du nombre de psychiatres est quasi inéluctable compte tenu des choix déjà opérés. En conservant un nombre de 176 étudiants en DES  en  psychiatrie dans  l’avenir,  la diminution du  nombre  de psychiatres  serait  de 40%  (-5398) à l’horizon 2020 (où il ne resterait plus que 7856 psychiatres ). Moins de spécialistes pour des missions qui ne cessent d’augmenter, avec des charges croissantes en dehors de la clinique ( accréditation, PMSI, activités médico-administratives diverses...), l’équation ne pourra être résolue par de simples transferts vers les généralistes ou des paramédicaux.

Pour toutes ces raisons, le maintien du  nombre d’étudiants en DES de psychiatrie au niveau actuel n’est pas acceptable. En complément de l’augmentation du nombre d’étudiants de PCEM2 jusqu’à 7500, il faut accroître progressivement le numerus clausus en psychiatrie  jusqu’à 350 en 2010. Durant une période transitoire, il est important de faciliter l’accès au concours de Praticien Hospitalier pour les assistants généralistes en leur permettant de disposer d’une véritable formation théorique.

4) Sur la régulation public-privé

          Doit-on en arriver à un post-internat obligatoire, avec une politique de répartition géographique sur l’ensemble du territoire ? Outre l’intérêt d’une telle mesure sur la démographie médicale hospitalière, cela permettrait  de susciter des vocations et de compléter la formation de jeunes médecins dont l’expérience se limite souvent à quelques services universitaires. Le dernier rapport Nicolas propose la création d’un corps d’assistants hospitaliers ou hospitalo-universitaires. Encore faudrait-il qu’ils soient répartis dans l’ensemble des établissements et non préférentiellement en CHRU. (22)

     Il est urgent de restaurer le prestige des fonctions hospitalières, de développer les réseaux de recherche et la participation à l’enseignement, de préciser les fonctions d’autorité et la responsabilité des praticiens hospitaliers, des chefs de service, des présidents de CME en leur donnant les moyens de les assumer. ( participation réglementaire au choix des équipes paramédicales pour les chefs de service, temps de compensation  « effectif » pour les fonctions de président de CME ...)

5) Intégration des libéraux à l’hôpital

       Les ponts doivent être multipliés entre exercice libéral et public, ce qui passe par des aménagements statutaires et réglementaires :

                         --- Disparition des vacations hospitalières et remplacement par une  véritable carrière sur la base d’une quotité de temps de praticien hospitalier avec progression de salaire dans le temps pour attirer sur des missions de service public davantage de psychiatres libéraux

                         --- Disparition de la limite d’âge pour les psychiatres privés souhaitant passer les concours hospitaliers et possibilité de se présenter au concours de type 1 sur titres et travaux. Prise en compte de tout ou partie de leur ancienneté à leur arrivée dans le public.

                       --- Dans le cadre des S.R.O.S. privilégier les partenariats public-privé en proposant une implication des cliniques et des praticiens libéraux dans des missions de service public.

                       --- Intégration des généralistes libéraux dans le dispositif de psychiatrie publique :  Le principe en est de passer dès que possible le relais dans la prise en charge de patients stabilisés pour les suivis ambulatoires. Cela pourrait se faire par la création d’un statut de « consultant » rémunéré par l’hôpital. Les médecins «  consultants » s’engageraient à se former en psychiatrie et à participer à des réunions de régulation, avec les spécialistes hospitaliers de leur secteur géographique, concernant les patients qu’ils prennent en charge. Le salaire de consultant s’additionnerait au paiement à l’acte par les patients concernés. Cela reviendrait à créer pour les médecins  libéraux une activité d’intérêt public permettant leur inscription dans un travail en réseau formalisé, comme il existe déjà pour les praticiens hospitaliers une activité d’intérêt général.

6) Régulation géo-démographique

     Cela demeure un problème majeur, difficile à régler, compte-tenu de l’histoire, faisant une large place au « libre choix » du praticien par le patient, mais aussi de la situation actuelle.

Plusieurs perspectives sont envisageables :

                  ---   Des mesures incitatives  à l’exercice dans des zones « défavorisées » (mesures fiscales, prime...) pour les médecins libéraux et publics. La notion de zone défavorisée étant à définir à une échelle qui peut être très variable d’un endroit à  l’autre, ce qui renvoie à une réévaluation régulière des situations à un niveau de proximité suffisante, sans doute régional.

                  ---   Des mesures limitatives à type de numerus clausus à l’installation, en fonction de densités médicales à définir pour les omnipraticiens mais également par spécialité, par région, selon les spécificités locales ( age des populations, zones rurales, accessibilité.... Cela revient à élaborer une véritable « carte sanitaire » régionale englobant les professionnels de santé et pas seulement les structures de soins.

7) Développer les relais dans les prises en charge

          Au plan médical, avec les médecins généralistes et les spécialistes libéraux. ( ouverture de l’hôpital, développement de réseaux de soins...) Cela suppose toutefois de préserver une densité médicale suffisante, au moins au niveau actuel ...

          Avec les acteurs du soin non-médecins, comme les infirmiers ou les psychologues. Pour les infirmiers, cela impose de préciser la politique de formation, quantitativement, car la pénurie actuelle risque de s’aggraver à moyen terme, et qualitativement, par la création d’une spécialisation en psychiatrie renforçant le champ de responsabilité et de compétence. Pour les psychologues « cliniciens », s’il n’y a pas de problème de démographie professionnelle, il existe de grandes différences dans les circuits de formation. L’exemple de l’Espagne où il existe un « internat hospitalier en psychologie » pourrait s’avérer particulièrement intéressant. Il est à noter que dans ce pays des professionnels non-médecins exercent des responsabilités institutionnelles. L’exemple de la Suisse, où il existe des « délégations d’actes psychothérapiques » à des psychologues référencés à un psychiatre, peut également alimenter la réflexion.

          Dans la perspective d’une multiplication de ces relais, un juste équilibre reste à trouver dans la pratique quotidienne pour ne pas faire glisser le psychiatre vers un simple rôle de consultant, coordonnateur des autres professionnels de santé mentale

8) Définir une politique de santé claire pour la population et les professionnels

        L’OMS place notre dispositif de santé parmi les meilleurs du monde. Ce dispositif résulte d’une histoire et repose sur un potentiel humain de grande qualité dans le soin, tout particulièrement en santé mentale. Son évolution nécessaire,  pour s’adapter à de nouvelles réalités socioéconomiques, doit s’appuyer sur ses forces et non la stigmatisation des acteurs. Quelles priorités ? Quels moyens pour y parvenir ? Sachant que les possibilités techniques de la médecine augmentent bien plus vite que les ressources...

Ces quelques remarques et ces propositions, ne prétendent pas apporter de réponses définitives au problème extrêmement complexe de la démographie médicale, lui-même étroitement dépendant d’un choix de politique de santé. Il s’agit simplement de participer à une réflexion sur la question en essayant d’attirer l’attention sur le fait qu’il est d’ores et déjà trop tard pour limiter les difficultés considérables. prévisibles à court terme dans les hôpitaux. Pour pouvoir les affronter, et les dépasser encore faudrait-il que les perspectives à moyen et long terme soient plus clairement définies car les mesures à prendre demanderont du temps et devront s’appuyer sur un effort pédagogique pour expliquer les enjeux. Il en va de la survie du dispositif de santé publique.

II) LE FONDEMENT DU SOIN EN PSYCHIATRIE : LA DIMENSION RELATIONNELLE

       De fait, la psychiatrie garde une spécificité forte malgré une relative banalisation ces 20 dernières années, notamment dans ses lieux de soins, désormais ouverts et à proximité des autres services médicaux. Mais là où la médecine s’appuie trop souvent sur une vision d’organe et des principes de causalité linéaire, la psychiatrie demeure (encore ?) référée à une approche globale qui transcende la partie. Le propre de l’appareil psychique est justement de ne pas renvoyer une image de fonctionnement réflexe, “ organique ”. L’esprit habille sa souffrance de formes autrement plus masquées, plus complexes à décoder, que le corps. Les verrous se multiplient pour fausser les pistes, barrières filtrant l’accès à l’inconscient. Alors que la maladie somatique est ressentie comme étrangère au sujet, la souffrance psychique renvoie à l’intimité de la personne et plus qu’ailleurs la frontière entre le normal et le pathologique est quelquefois difficile à percevoir... Le fait psychique et son extension psychopathologique conservent bien des mystères mais on ne peut les concevoir que dans une temporalité qui renvoie à l’histoire de chacun au-delà d’un moment donné. La psychiatrie est une approche du sujet, de l’être, pas du neurone...

      C’est sur la relation inter-individuelle que va s’appuyer la prise en charge du sujet. La dimension relationnelle et la différenciation des acteurs comme des structures vont fonder le projet de santé et délimiter les interactions entre individu(s) et groupe(s) d’usagers, de professionnels ou d’acteurs sociaux. A ce niveau, il est à noter que les distances les plus courtes, les trop grandes proximités, ne sont pas toujours les meilleures, du fait des risques de fusion d’une part, de confusion des rôles d’autre part. Ne peut s’articuler que ce qui s’identifie comme distinct et séparé.

      En psychiatrie, celui qui va être l’objet du soin n’est pas toujours demandeur. L’une des principales missions de ce «  lien relationnel  » c’est justement de conduire vers la demande et la participation au traitement.

      La notion de  «  continuité des soins », très importante en psychiatrie, est à entendre au sens rappelé par JP Vignat : “ non en terme de permanence physique, le même clinicien étant en charge concrète du malade tout au long de son évolution. Plusieurs facteurs rendent cette conception obsolète...le même thérapeute ne peut assumer tous les rôles...La continuité est donc psychique, prenant la forme du souci clinique pour chaque patient... ”(23)

      Une autre caractéristique, plus que dans les disciplines somatiques, s’avère donc être le « partage » de la prise en charge au sein d’une équipe pluri-professionnelle et son inscription  dans une dimension « institutionnelle ».

III) LES STRUCTURES DE SOINS EN PSYCHIATRIE ET CELLES « ASSOCIEES »

A) Les structures de soins 

       D’après les statistiques annuelles des établissements de santé, en 1999, il y avait 492 031 lits et 45121 places répartis entre 1058 établissements publics et 3144 établissements privés. (24)

     Parmi les établissements publics on  comptait 93 hôpitaux spécialisés en psychiatrie mais il est à noter qu’un nombre croissant de secteurs se sont implantés dans des hôpitaux généraux.

     La psychiatrie occupe une place particulière dans le dispositif sanitaire, place caractérisée par un équipement plus diversifié et des besoins en personnel différents (15). Elle représente 21% de l’ensemble des lits de court séjour et 80% des places d’hospitalisation à temps partiel. 30% des infirmiers affectés en court séjour exercent en psychiatrie.

     En 1997, la France était divisée en 829 secteurs de psychiatrie générale et 321 secteurs de psychiatrie infanto-juvénile(20). La mise en place de la sectorisation s’est accompagnée de la fermeture de 113000 lits entre 1970 et 1995. Entre 1990 et 1997, on constate une réduction du nombre de lits de 27% en psychiatrie générale avec parallèlement une augmentation annuelle de 2% de la capacité en hospitalisation partielle. Cette hospitalisation à temps partiel se trouve presque exclusivement  dans le secteur public. En 1997, on recensait 27050 places en hôpital de jour ou de nuit. Depuis plusieurs années se développent des structures plus souples de prise en charge à temps partiel de type CATTP

     La diminution du nombre de lits a concerné surtout les hôpitaux publics (- 31 % avec passage de 84100 lits à 57389 lits) et  plus accessoirement  le secteur privé  ( -1,6% avec 13891 lits en 1997 pour 14111 lits en 1990).

     Parallèlement, l’effectif soignant moyen d’un secteur se trouve également en baisse, passant de 86,8 agents en 1989 à 83,7 en 1997. (15)

    Evolution des capacités d’hospitalisation complète en psychiatrie publique et faisant fonction de publique (25)

 

1990*

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Capacité en hospitalisation complète au 31/12

84 100

80 537

75808

72 026

64 996

63121

59 693

57 389

Capacité en hospitalisation complète pour 100 000 hab.au 31/12

145

138

129

122

109

106

100

96

             source : DREES, SAE 97

 

 

 

 

 

 

 

 

       Equipement et activité en hospitalisation complète, publique et privée en 1997 (25)

 

Publics

Faisant fonction de publics

cliniques et foyers de post-cure privés

Services de psy de cliniques générales

Ensemble

 

 

CHS

SP

HPP

 

 

 

 

Lits en hosp. complète

35 727

13 284

8 378

13 184

707

71 280

 

Entrées totales

267 015

162 362

52 571

108 128

7 279

597 355

 

Journées

10 126 657

3 756 849

2 524 264

4 611 023

229 050

21 247 843

 

Source : DREES, SAE 97

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

     En psychiatrie générale, on compte en moyenne 165 lits et places pour 100 000 habitants (16). Mais ce principe égalitaire ne résiste  pas à l’épreuve des faits : pour les mêmes missions de service public, les écarts de moyens sont considérables, allant parfois, selon les départements, de 1 à 10 en matière de lits, de personnel paramédical, de psychiatres, sans forcément d’ailleurs que les services les mieux dotés soient ceux qui offrent les meilleures réponses à la population. ( Par comparaison, les capacités des établissements de santé en médecine, chirurgie, obstétrique  vont de 1 à 4...)  Aussi peut-on se demander s’il existe une réelle identité de  chances pour un malade, notamment psychotique, en fonction de la région, du département, des établissements de santé de référence, du fait des moyens affectés à son secteur, de l’existence ou non d’une offre en psychiatrie libérale ou en clinique privée ? ...

     Les files actives en psychiatrie publique n’ont cessé de croître, passant au plan national, de 707913 en 1989 à  plus de 1 100 000  personnes suivies en 1999, par les secteurs de psychiatrie générale, soit une augmentation de plus de 55% en dix ans. (26)

     Dans le même temps, les durées moyennes d’hospitalisation ( temps total d’hospitalisation, éventuellement en plusieurs séjours dans l’année) ont  sensiblement diminué. Elles étaient de 159 jours en 1986 ; elles n’étaient plus que de 52 jours en 1997. Les durées moyennes de séjour atteignant quant à elles 35,7 jours. (15)

                      File active des secteurs de psychiatrie en 1999 (26)

 

Nombre de patients

Part de la file active en grand niveau

Part de la fille active totale

File active totale

1 103 000

 

 

File active ambulatoire

944 700

Part de la file active en ambulatoire

86%

File active exclusivement ambulatoire

721 800

76%

65%

CMP

686 300

73%

62%

Unité somatique

219 000

23%

20%

Soins à domicile

192 800

20%

17%

Autres soins ambulatoires

114 800

12%

10%

File active temps partiel

120 300

Part de la file active à temps partiel

11%

File active exclusivement à temps partiel

17 300

14%

2%

Hôpital de jour et CATTP

111 300

93%

10%

Hôpital de nuit

7 628

6%

1%

Autre temps partiel

30 500

25%

3%

File Active à temps complet

297 400

Part de la file active à temps complet

27%

File active à temps complet

131 200

44%

12%

Hospitalisation à temps plein

288 800

97%

26%

Autre temps complet

15 400

5%

1%

* Attention, les pourcentages ne s'additionnent pas, les patients pouvant être pris en charge

 dans plusieurs des différentes modalités

Source : calculs DREES.

 

 

 

 

 

 

 

    En psychiatrie infanto-juvénile, on constate le même mouvement d’ouverture sur l’extérieur et de diminution des capacités d’hospitalisation à temps plein, au point que bon nombre d’intersecteurs ne disposent plus de lits, ce qui, dans certaines situations s’avère particulièrement difficile. (27) Alors que 1/3 des places d’hospitalisation à temps partiel se trouvent en pédopsychiatrie, les intersecteurs ne disposent que de 5 % de l’ensemble des lits à temps plein. La file active des secteurs de pédopsychiatrie atteignait 380 000 enfants en 1997

    Dans le traitement des adultes comme des enfants, les suivis ambulatoires prédominent largement (près de 8 patients sur 10 bénéficient de consultations en CMP, visites à domicile ou interventions en unités somatiques...).

De nouvelles formes de soins à temps complet commencent à se banaliser (appartements thérapeutiques, hospitalisations à domicile, accueil familial thérapeutique...).

   Il est à noter, par ailleurs, depuis une vingtaine d’années, le développement de structures de soins à forte spécificité. Cela peut être en relation avec la population concernée. Il y a ainsi, 26 services médico-psychologiques régionaux (SMPR) destinés à des prises en charge en milieu pénitentiaire. Cela est également lié à un mouvement de surspécialisation comme en alcoologie ou en toxicomanie. On recense actuellement 16 secteurs ou intersecteurs spécialisés en toxicomanie et 87 Centres de Soins Spécialisés en Toxicomanie (CSST) gérés par des hôpitaux. (*)

   B) Les structures associées

      Alors que les structures de soins en psychiatrie, publiques ou privées, d’hospitalisation à temps plein, à temps partiel ou de soins ambulatoires, sont saturées. Alors qu’on parle de plus en plus de santé mentale et de moins en moins de psychiatrie, la question des relais, des liens avec d’autres lieux de soins, avec les établissements médico-sociaux ou de travail protégé, se pose plus que jamais. La plupart de ces établissements ou dispositifs ne sont pas, loin s’en faut, réservés aux patients souffrant de troubles mentaux, mais ils en accueillent un nombre non négligeable, participant, de fait, plus ou moins directement à leur prise en charge. Il est à noter que leur capacité d’accueil apparaît loin des besoins en la matière. Nous allons en dresser un panorama en forme de survol non exhaustif.

1) les établissements de travail protégé

        Au 1er janvier 1998, il y avait 1313 Centres d’Aide par le Travail   (CAT)   qui   offraient 89 000 places et employaient 18 800 agents en ETP. (28) Quelques rares établissements se sont spécialisés dans l’accueil de malades mentaux, d’autres dans celui des autistes adultes.

 Les CAT dont l’appellation remonte à la loi du 23 novembre 1957, fonctionnent avec 2 budgets :

      --- Un budget principal de l’activité sociale (BPAS) par dotation globale annuelle accordée par la DDASS et financé par l’aide sociale de l’état.

      --- Un budget annexe de l’activité de production et de commercialisation (BPAC) contribuant à rémunérer les travailleurs handicapés.

    Il existe également 15 000 places dans 415 ateliers protégés. Ces établissements assurent leur financement par leur activité de production mais peuvent également bénéficier de subventions de fonctionnement allouées par l’état, le département, les communes, les caisses de sécurité sociale, au titre de conventions annuelles pour compenser les surcoûts d’exploitation dus à l’emploi de travailleurs handicapés.

     2) Les foyers d’hébergement pour adultes handicapés

 

        Ils proposent différentes formules allant du foyer classique à des hébergements « disséminés » en résidence HLM. Ils accueillent des personnes travaillant en CAT ou en atelier protégé sur orientation des commissions  techniques d’orientation et de reclassement professionnel (COTOREP.)

           (*) informations fournies par C Vedeilhié, président de l’association des structures publiques de soins aux toxicomanes

         Au 1er janvier 1998, on  comptait 1236  foyers disposant  de 39 500   places et employant 16 000 agents en ETP (28)

         Ils sont financés par les ressources de la personne hébergée ou par l’aide sociale départementale.

Les Maisons d’Accueil Spécialisées (MAS)

        Il s’agit d’établissements sanitaires, financés par la Sécurité Sociale. On en dénombre 297, offrant 11 800 places et employant 12 600 personnes en ETP.

        Ils hébergent ou accueillent à la journée des adultes gravement handicapés, sur décision des COTOREP.

4) Les foyers à double tarification pour adultes lourdement handicapés

     Il en existait 191 en 1998, disposant de 6500 places et employant 5900 personnes en ETP. Ces structures accueillent en internat

    --- soit des adultes handicapés dont « la dépendance totale ou partielle rend nécessaire l’assistance d’une tierce personne pour la plupart des actes de l’existence, ainsi qu’une surveillance médicale et des soins constants »,

    --- soit des personnes ayant besoin « d’un soutien et une stimulation constante ainsi qu’un suivi médical et paramédical léger ».

     Ils sont financés, d’une part sur les ressources des hébergés ou l’aide sociale, d’autre part sur une enveloppe de la sécurité sociale pour les soins.

5) Les établissements médico-sociaux pour enfants handicapés (29)

 

 Les établissements pour déficients intellectuels

 

     Il s’agit des Instituts Médico-Pédagogiques (IMP) des Instituts Médico-Professionnels (IMPro) et des Instituts Médico-Educatifs (IME). Ils totalisent 73 500 places dans 1194 établissements réservés aux enfants et adolescents présentant une déficience intellectuelle ou psychique. Le taux d’encadrement moyen pour 100 places est de 55 personnes en ETP.

    Le financement est assuré par un prix de journée fixé par le préfet et intégralement couvert par l’assurance maladie.

   Ils visent au développement d’une autonomie maximale sociale et professionnelle en s’appuyant sur un projet éducatif, pédagogique et thérapeutique individualisé.

Les établissements pour enfants polyhandicapés

     Ils regroupent 4000 places dans 132 établissements. Le ratio d’encadrement y est d’une personne employée pour une place. Ils ont un financement au prix de journée, pris en charge par l’assurance maladie.

      Ils accueillent  des enfants et adolescents présentant une déficience mentale grave et (ou) une déficience motrice sévère. L’orientation dépend de la Commission Départementale d’Education Spéciale ( CDES)

Les instituts de rééducation

 

    345 instituts de rééducations ont une capacité de 16 900 places. Ils ont un prix de journée couvert par l’assurance maladie. Ils emploient 11 300 personnes en ETP. L’admission se fait après avis de la CDES pour des enfants présentant des troubles psychiques ou une déficience intellectuelle.

     6) Les structures ambulatoires pour enfant et adolescents

Les Centres Médico-Psycho-Pédagogiques (CMPP)

      Ils s’adressent aux enfants et adolescents qui présentent des troubles du comportement, des difficultés scolaires ou des troubles psychomoteurs. Ils visent à faire des bilans diagnostiques et à mettre en œuvre une action éducative et thérapeutique sous l’autorité d’un médecin.

     Ces services se situent aux frontières du médico-social et de la psychiatrie. Ils sont parfois liés par convention avec des intersecteurs de pédopsychiatrie. La circulaire du 11 décembre 1992 rappelle qu’ils participent à la mise en œuvre de la politique de santé mentale.

     Il existe 532 CMPP employant 4400 personnes en ETP dont 22% de psychologues et 31% de médecins ou de paramédicaux.

Les Centres d’Action Médico-Sociale Précoce (CAMSP)

 

    Ils ont pour objet le dépistage, le traitement et la rééducation en cure ambulatoire des enfants handicapés de moins de 6 ans présentant des déficiences sensorielles, motrices ou mentales.

    Leur financement dépend pour 20% des départements au titre de la protection maternelle infantile (PMI) et pour 80% de l’assurance maladie.

    Au 1er janvier 1998, ils employaient 1300 personnes dont 17% assuraient des fonctions éducatives et 45% des fonctions médicales ou paramédicales. Les psychologues représentaient 11% du personnel.

 

 

 

                                             BIBLIOGRAPHIE

 

1)    Green A, Martin D, Sivadon P, Livre blanc de la psychiatrie française. L’évolution psychiatrique, supplément au n° 3, 1965, tome XXX- fascicule II/1

2)    Ey H, Livre blanc de la psychiatrie française. Deuxièmes journées,  L’évolution psychiatrique, supplément au n° 3, 1966, tome XXXI- fascicule III/2

3)    Henne M, Conclusions du Livre blanc de la psychiatrie française, L’évolution psychiatrique, 1967, tome XXXII- fascicule IV

4)    Santé dans le monde 2001 : la santé mentale, nouvelle conception, nouveaux espoirs. OMS, octobre 2001

5)    Plan de santé mentale : « l’usager au centre d’un dispositif à rénover. Ministère de la santé, novembre 2001

6)    Rapport sur la démographie médicale. Direction Générale de la Santé, juin 2001

7)    Ordre National des médecins. Démographie médicale française. Etude n°33, novembre 2000

8)    Choussat J, Rapport sur la démographie médicale à la demande du ministère de la santé, 1996

9)    Alezrah C, Combien de psychiatres en 2010 et pour faire quoi ? Les actualités en psychiatrie, juin 2001

10)CREDES,  Peut-on évaluer les besoins en médecins ? Biblio n° 1341

    mars 2001

11)DREES, Les professions de santé n°9, janvier 2001

12) Nicolas G, Duret M, Rapport sur l’adéquation entre les besoins        hospitaliers et les effectifs en anesthésie réanimation, gynécologie- obstétrique, psychiatrie et radiologie, février 1998

13) Public mental health guidelines for the elaboration and management of national mental health programmes, World Health Organization, Geneva 1996

14)Gottely J, Vilain A, Les médecins de demain, Economies et statistiques- n° 274, 1994-4

15)DREES, Bilan de la sectorisation psychiatrique n°2 juin 2000

16) Piel E, Roelandt JL, De la psychiatrie vers la santé mentale, rapport de mission, juillet 2001

17)Ordre National des médecins, Plate-forme de propositions de l’ordre national des médecins pour la préservation et l’amélioration du système de soins français, octobre 1999

18)Alezrah C, Les psychiatres des hôpitaux aujourd’hui et demain, L’information psychiatrique n°8, octobre 1992

19)Conférence des présidents de CME de CHS, Enquête sur les temps médicaux en psychiatrie, juin 1992

20)DREES, Les secteurs de psychiatrie générale en 1997, collection statistiques n°20, mai 2000

21)DREES, L’offre de soins en psychiatrie : des « modèles » différents selon les départements ? Collection études et résultats, n°48, janvier 2000

22) Nicolas G, Duret M, Propositions sur les options à prendre en matière de démographie médicale, Rapport au ministre de la santé, juin 2001

     23) Vignat JP, A propos de la psychiatrie publique. Réflexions d’un chef de 

     secteur. La lettre de la psychiatrie française, n° 69, nov 1997

24) DREES document de travail. Statistique annuelle des établissements de santé 1999 n°27 septembre 2001 

25) DREES, La psychiatrie dans les hôpitaux publics et privés en 1997 n° 17- janvier 2000

26) DREES, col études et résultats : une typologie des secteurs de psychiatrie générale en 1999. N°163 mars 2002

27)Colloque National 1er octobre 1999 - CHS de Thuir. L’hospitalisation à temps complet des enfants et des adolescents. Actes publiés par l’Association des psychiatres présidents et vice-présidents de CME. et l’Association des psychiatres d’intersecteur

28) DREES, document de travail. Les établissements médico-sociaux pour adultes handicapés, activité, clientèle et personnel. Série chronologique : 1985 à 1998. N°6 août 2000

29) DREES, document de travail. Les établissements et services médico-sociaux pour enfants handicapés N°7 août 2000

Propositions

1 - le nombre d’internes en psychiatrie doit passer par étape de 176 à 350, en l’an 2010, puis rester en plateau afin de stabiliser dans la durée le nombre de psychiatres en exercice.

Ceci ne pourra se faire qu’en relevant le numerus clausus en première année d’études de médecine, par étape, en quelques années, jusqu’à 7500 afin de préserver une densité médicale suffisante.

2 - L’exercice de la médecine générale confronte aujourd’hui le praticien à un nombre croissant de situations totalement ou partiellement liées à des troubles médico psychologiques. [La formation en psychiatrie et en sciences humaines des médecins généralistes, des psychologues cliniciens et des acteurs du champ médico social doit être garantie et appliquée pour permettre le développement du travail en réseau.

3 - La réforme de l’internat, prévue à partir de 2004, doit se traduire par la mise en œuvre de stages obligatoires en psychiatrie pour les internes de médecine générale afin de leur permettre d’acquérir une véritable expérience clinique en psychiatrie,  précieuse pour les soins primaires en santé mentale et l’inscription dans des réseaux avec les secteurs et les psychiatres libéraux, en aucun cas, cette formation ne se substituera à la formation de spécialiste..

Rapport rédigé par ..Charles Alezrah......
avec une contribution spécifique de .Hervé  Bokobza.. (pour la psychiatrie privée) .et Daniel Sechter et Charles Aussilloux (pour la psychiatrie universitaire)
Il s’appuie sur les travaux et la discussion générale du groupe de travail composé également de  Bernard Durand, Serge Guibert, Jean-Jacques Laboutière


Dernière mise à jour : samedi 14 juin 2003 12:18:03

Dr Jean-Michel Thurin







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