le Livre Blanc

de la
Fédération Française de Psychiatrie


6. Recherche psychiatrique en France

Dr J.M. Thurin et Pr Philippe Mazet

Avant propos

La recherche en psychiatrie est aujourd’hui au centre d’une mobilisation et d’enjeux importants qui vont peser largement sur l’avenir de la spécialité. Ils tiennent au moins à trois raisons :
- 1. l’agenda scientifique a placé la connaissance de l’esprit comme la nouvelle conquête à l’ordre du jour du XXIème siècle, après celle du génome [1]; elle concerne de fait l’ensemble des neurosciences au sein desquelles la psychiatrie est désormais intégrée par les uns et ignorée par les autres [2]. Le choix propre de notre discipline par rapport à cet enjeu et à cette alternative est évidemment essentiel.
- 2. la psychiatrie, sortie de ses murs et de son isolement, s’inscrit désormais dans la perspective et le champ de la santé mentale. La santé mentale, dont la visée est, suivant la définition de l’OMS, beaucoup plus large et ambitieuse que celle de l’absence de maladie, constitue une problèmatique de santé publique de toute première importance, et même majeure si on la situe dans le cadre de l’ensemble des morbidités [3]; cette situation s’exprime non seulement en termes de prévalence des troubles mentaux et de l’invalidité directe qui leur est associée, mais aussi de comorbidité somatique dans un contexte de renforcement du stress et de vieillissement de la population dans les décennies à venir. Cela a plusieurs conséquences : d’une part, la question des coûts prend une nouvelle acuité ; d’autre part, la psychiatrie émerge d’une sorte d’extra territorialité par rapport au champ médical et social, dans lequel elle se trouve désormais directement impliquée. Les questions concernant les soins proprement dits d’affections déclarées se trouvent ainsi complétées par celles de leur dépistage précoce, de l’organisation des soins dans le cadre de l’ensemble du système médico-social, des actions de prévention primaire, secondaire et tertiaire.
- 3. les connaissances scientifiques actuelles, impliquant de façon conjointe et interactive les facteurs génétiques, neurophysiologiques, d’environnement psychosocial et psychologiques dans une biologie dynamique de l’esprit qui dépasse largement les limites de l’organisme, offrent la possibilité d’aller au delà d’une coupure entre théorie et pratique et de mettre en place une véritable approche pluridisciplinaire [4].


Cette situation devrait pouvoir être abordée sereinement par la psychiatrie. La recherche n’a-t-elle pas toujours été au centre de ses préoccupations ? N’a-t-elle pas introduit depuis son origine la dimension psychosomatosociale dans son approche théorique des troubles et celle de leur prise en charge ?
En fait, la mise au premier plan de la nécessité de recherche en psychiatrie et en santé mentale réactualise de façon quelquefois caracaturale les problèmes d’articulation entre la perspective clinique, celle des neurosciences, ainsi que celle de la santé publique dans son double registre épidémiologique et de planification des soins. Cette difficulté s’exprime à différents niveaux.
- D’une part, à propos de la place que doit occuper la psychiatrie – et les psychiatres cliniciens – dans le dispositif de recherche. D’autre part, et cette situation est léie à la première, dans la façon d’aborder les questions identifiées. Deux aspects peuvent servir d’exemple. On a pu voir comment le rêve d’une découverte neurobiologique réglant de façon globale le problème de la psychiatrie a pu avoir des implications négatives en terme de politique de recherche pendant des décennies. La biologie humaine étant assimilée à celle des neurones pour la psychiatrie, l’effet de l’environnement dans l’initiation et le déroulement des processus biologiques, y compris génétiques, a été manifestement ignorée Une autre erreur potentielle, se dessine aujourd’hui. Elle serait de croire que la souffrance psychique, dans l’acception faible de ce terme, n’est qu’une variante quantitative de celle qui s’exprime dans une pathologie déclarée ou dans une mise en acte, comme le suicide. Dès lors, ceux-ci pourraient être prévenus (traités ?) essentiellement par des mesures de réduction des risques et de planification des soins [5]. Evidemment, l’environnement n’est une donnée univoque susceptible d’être considéré en dehors de la personne qui le perçoit et qui y participe à travers la signification qu’il lui donne, les sentiments qu’il éprouve et les actions qu’il y projette.


Si la recherche implique nécessairement des réductions (on ne peut pas tout aborder en même temps), celles-ci ne doivent pas prendre une portée générale telle qu’elles annulent la validité des travaux entrepris.
Il est aujourd’hui décisif de promouvoir une nouvelle orientation que celle de mondes parallèles ou successifs, fermés et réducteurs, et de se donner les moyens d’ affronter plusieurs questions aujourd’hui incontournables : Comment penser la diversité des approches (clinique, épidémiologique, neurobiologique, sociologique,...) en terme de complémentarité des connaissances, sans confusion ni réduction des objectifs ? Comment utiliser pleinement les compétences de ces différents niveaux d’approche et même organiser les différentes actions de recherche pour qu’elles puissent s’intégrer dans un cadre conceptuel qui reste pour une grande part à construire ? Autrement dit, comment répartir les tâches et organiser les interfaces, plutôt que de mettre en concurrence et quelque fois en opposition différentes approches qui ont chacune leur spécificité et leur nécessité ?
Cette perspective ne pourra se mettre en œuvre sans une implication des principaux acteurs concernés par la santé mentale, et en tout premier lieu des autorités comptétentes et des psychiatres.


Ce chapitre s’adresse ainsi évidemment aux autorités compétentes (Ministères, Inserm, CNRS, ...) susceptibles de débloquer une situation dont presque tout le monde s’accorde à considérer qu’elle n’est pas satisfaisante alors que des propositions précises ont été faites à maintes reprises. S’il fallait les résumer en trois phrases, elle seraient : 1) la recherche clinique et fondamentale en psychiatrie implique nécessairement la participation directe des psychiatres cliniciens, parce qu’ils sont les mieux placés pour appréhender la complexité des questions et des mécanismes, de la psychiatrie à la santé mentale (cf. ci-dessous). Une des grandes spécificités de la psychiatrie est l’absence de nosographie incontestable, ce qui se traduit régulièrement par l’apparition de nouvelles entités pathologiques et la disparition d’autres. Il ne s’agit pas là d’une imprécision caractérisant son objet, mais de sa variabilité phénotypique naturelle. Toute approche exclusivement fondamentale porte le risque d’un décalage majeur avec la réalité qu’elle prétend appréhender ; 2) ceux-ci doivent pouvoir disposer de moyens, et en particulier s’appuyer sur une infra-structure de proximité de mise en forme et d’accompagnement des recherches, animée par des professionnels dédiés à cette tâche ; 3) l’étendue et la complexité de l’objet clinique impliquent nécessairement un investissement important et organisé sous la forme de réseaux de recherche multicentriques autour des thèmes émergents.


Il s’adresse aussi à la communauté professionnelle dont l’implication dans l’animation et le développement de la recherche clinique, mais aussi fondamentale, doit se renforcer et aller au delà d’une démarche individuelle :
- Le psychiatre a le rare privilège d’atteindre et de partager ce que la personne a de plus personnel, ce qui lui confère la possibilité non seulement d’établir un diagnostic, mais également (surtout) de suivre précisément les processus psychiques, souvent en interaction, qui accompagnent le déclenchement d’un symptôme, quelque fois d’un passage à l’acte. C’est de cette connaissance que se conçoit une action thérapeutique adaptée. Du fait de sa position clinique dans la durée, il est amené en permanence à élaborer des hypothèses et à observer les facteurs dynamiques de changement, qu’ils contribuent à la santé ou qu’ils engendrent une souffrance psychique, des troubles patents, voire l’évolution vers une pathologie.
Tout cela constitue l’objet même de la psychopathologique et le cœur de la recherche clinique [6].
- Le psychiatre est aussi concerné pour concevoir les actions de prévention et d’éducation qui découlent assez naturellement de la connaissance des trajectoires ratées et rattrapées qui sont son lot quotidien, et évidemment pour suivre précisément les actions thérapeutiques, depuis le diagnostic jusqu’à l’évaluation des résultats.
- Enfin, il a la capacité de mettre en relation et d’intégrer des connaissances émanant de différents champs scientifiques pour constituer son objet scientifique.


Mais, comme le souligne D. Widlöcher, cette même communauté a sous estimé le travail qu’elle a à faire pour aller au delà de “l’esprit de recherche“ et s’inscrire à la mesure de ses potentialités dans l’espace ouvert qui définit celui de la psychiatrie aujourd’hui :
“L’esprit de recherche est à la fois ce qui sied le mieux au clinicien et ce qui lui importe le moins. Tout cas particulier lui pose une énigme. Il doit recueillir tous les indices pour tenter de la résoudre. La recherche, en ce qu’elle s’offre à l’occasion de tout cas individuel, ne lui est pas étrangère. Là où la question demeure ouverte, c’est quand de la connaissance individuelle on passe à celle du général“[6].


Nous reviendrons sur cette dernière question qui est centrale, mais nous voudrions dès à présent insister également sur la nécessité actuelle pour la recherche clinique en psychiatrie d’être véritablement pluridisciplinaire et interdisciplinaire. D’abord, parce que sa perspective et ses interventions, faut-il le rappeler, dépendent de l’organisation du système de soins dans lequel elles se développent. Ensuite, parce que beaucoup de ses actions trouvent un prolongement dans l’intervention organisée des différents acteurs de l’environnement, du plus jeune âge à la fin de la vie de la personne. Ces interventions concernent particulièrement la famille, mais aussi les milieux de l’éducation, du médico-social et les autres disciplines médicales. Enfin et surtout, parce que la connaissance du « comment » accompagne nécessairement aujourd’hui celle du « pourquoi ». Elle implique d’autres disciplines telles que la biologie, la neurologie, la psychologie cognitive, la linguistique, la sociologie.


La véritable question qui se pose à la psychiatrie est de savoir si elle sera une discipline parmi d’autres contribuant à la recherche en psychiatrie ou en santé mentale, ou si elle peut et veut se charger de la mise en relation et en cohérence des données issues de ces différents niveaux d’approche.


Cette situation implique nécessairement une évolution culturelle qui est déjà largement engagée, mais qui se heurte encore dans le domaine de la recherche à des débats qui ont plus souvent conduit à la démission qu’à un véritable affrontement des problèmes. Ils concernent le statut des données objectives et plus généralement la méthodologie, ainsi que l’articulation entre clinique et recherche. Or ces deux points conditionnent de fait la possibilité de la participation des psychiatres cliniciens à la recherche, et donc en fin de compte la recherche elle-même. La position de la fédération française de psychiatrie a donc été d’une part de privilégier leur abord dans la pratique, plutôt que de façon théorique, et surtout d’éviter une fracture entre chercheurs professionnels et cliniciens. Cette fracture ne pourrait être que catastrophique car les moyens humains doivent correspondre à l’étendue du champ concerné et atteindre une masse critique qui assure la possibilité même des recherches.


Le rapport est constitué de quatre parties principales, complétées d’une cinquième partie dans laquelle sont regroupées les annexes (éditées sur Psydoc-France : www.psydoc-france.org).


La première partie,
- Rappelle d’abord, en s’appuyant sur quelques repères historiques, que la recherche a toujours constitué une dimension essentielle de la psychiatrie.
- Reprend ensuite la définition du champ de la recherche en psychiatrie dans le livre blanc de 1965 et le débat épistémologique et méthodologique qui s’exprime dans l’ouvrage qui en est issu en 1972. Ce débat se conclut à cette période par la séparation de la recherche psychiatrique en deux domaines : celui qui relève d’une méthodologie objective scientifique et celui qui relève de la méthodologie subjective psychanalytique. Il s’agit d’années charnières qui correspondent à la naissance de la psychiatrie comme spécialité médicale, années durant lesquelles les spécificités de la psychiatrie par rapport au reste de la médecine, en particulier dans le domaine de la recherche, sont plus volontiers exprimées que les points communs. C’est aussi une période durant laquelle le dualisme corps – esprit s’exprime avec une vigueur particulière. Nous y voyons une des causes d’une désynchronisation d’une partie de la recherche psychiatrique (celle qui concerne les psychothérapies, notamment psychanalytiques), de celle émanant de la perspective biologique qui va rester relativement en phase avec celle émanant du reste de la communauté médicale française, puis internationale.
- Trente années vont suivre (1970-2000) durant lesquelles les initiatives pour développer la recherche clinique, qu’elles émanent de la communauté professionnelle, de l’Inserm ou du ministère de la santé sont extrêmement nombreuses. Pourtant, elles n’atteignent pas les résultats escomptés. Pourquoi ?


La seconde partie tente de répondre à cette question en situant les difficultés à deux niveaux principaux.
- D’une part, l’étendue et la complexité du champ de recherche qui a entraîné une multitude d’approches dont la cohérence globale n’a pas été assurée,
- Mais également, de façon associée, un véritable éclatement qui s’est exprimé dans
o 1) la diversité des contenus associés aux mêmes concepts ;
o 2) un conflit potentiel des objectifs, au delà de leur convergence apparente ;
o 3 le paradoxe français d’un retard affirmé (et constaté) de la recherche coexistant avec une qualité générale des soins et de leur organisation:
o 4) la faiblesse des moyens structurels de la recherche et leur inadaptation aux questions posées par la pratique clinique;
o 5) une crise de la pensée psychiatrique française dont les prémisses sont déjà présents dans le premier livre blanc.


Troisième partie : la situation actuelle doit-elle et peut-elle évoluer ? Sommes nous parvenus à un moment où la recherche en psychiatrie planifiée peut vraiment démarrer ?
Nous défendons l’idée qu’il est effectivement indispensable qu’elle évolue et qu’il existe aujourd’hui de nombreux éléments favorables pour que cette évolution soit possible


La quatrième partie présente quatre orientations générales et dix moyens stratégiques pour développer rapidement la recherche planifiée en France


1. Positionnement de la question et rappel historique


A. Quelques repères historiques montrent que la recherche a toujours tenu une place essentielle en psychiatrie


Le rapport Joly [7] ouvre son chapitre sur la recherche en psychiatrie par quelques étapes qui l’ont ponctuée. Nous les rappelons ici, en les complétant : l’observation clinique (Pinel), les premières études épidémiologiques associant les “causes morales“ et les “cause physiques » (Esquirol, 1820), Bayle et la paralysie générale (retour à la neurologie), Freud et les recherches psychanalytiques, Bleuler (1910) et la distinction entre facteurs “primaires“ (déficitaires) et “secondaires“ (réaction, adaptation), les thérapeutiques dites “de choc“ (1930), De Clérambault (1940) et sa conception de causes physiques précédant des troubles mentaux élémentaires s’organisant secondairement en pathologies, les études périnatales, développementales et éthologiques (1950, Spitz, Bowlby, Harlow), les recherches psychophysiologiques (Delay, Sivadon, ...), la psychopharmacologie (Deniker,1960), ...


Ce rapide parcours fait apparaître que la recherche en psychiatrie a été permanente, utilisant les outils dont elle disposait : la clinique, le recueil des données environnementales et concernant l’histoire du processus pathologique, les essais thérapeutiques et l’anatomo-pathologie. Ces recherches recouvrent finalement assez bien l’ensemble des questions qui se posent encore aujourd’hui et dans bien des cas elles rappellent les recherches actuelles en neurosciences.


B. La recherche dans le Livre blanc de 1965-1970


Le rapport de Cl. Blanc [8]
Il fait ressortir les deux pôles essentiels de la recherche en psychiatrie :
- Le pôle somato-biologique ou médical, avec comme épicentre l'étude du système nerveux central et des actions pathogènes directes ou indirectes qui peuvent s'exercer sur lui.
- Le pôle psychopathologique centré sur l'étude des structures, organisations et désorganisations de la vie psychique telles qu’elles peuvent être observées en pratique psychiatrique.
Quatre paramètres, dont les interrelations restent l'objet de débats, constituent à la fois les points d’impact et les grands thèmes de la recherche en psychiatrie.
- Le milieu, dans son acception la plus large, défini comme espace physique et inter humain avec ses dimensions familiales, culturelles, socio-économiques, etc...
- L’activité psychique du sujet en situation, dans ses aspects intersubjectifs et intrasubjectifs.
- Le système nerveux central et les structures biologiques de l'organisme.
- Le comportement du sujet.


La place de la psychanalyse dans la recherche psychopathologique est posée : “est-elle une sur-spécialité ou au contraire une sous-spécialité? La psychanalyse représente-t-elle, comme on a pu l'affirmer, la discipline-pilote de la psychiatrie, voire de toutes les sciences de l'homme, ou n'est-elle pas au contraire qu'une sous-spécialité centrée sur l'étude de la paléogenèse de l'Ego, ou comme on dit aujourd'hui, sur l'archéologie du sujet? Tout le problème de la recherche psychopathologique est implicitement dominé par ce débat.“


La présentation de Ch. Brisset
- Dans l’ouvrage [9] tiré des travaux du livre blanc qu’il écrit quelques années plus tard, Ch. B. semble répondre à cette question en faveur de la psychanalyse comme sur-spécialité. La recherche se trouve située au centre d’un débat épistémologique et politique opposant la perspective biologique et la perspective psychanalytique. La première devient le symbole d’un déterminisme organique figé, du réductionnisme, de l’ordre établi, tandis que la seconde devient le représentant de l’émancipation, de la complexité et de la subjectivité. Cette polémique va envahir la question de la scientificité et de la méthode, conduisant dans les faits à une rupture entre recherche psychiatrique et recherche médicale et l’adoption de la méthode psychanalytique pour tout ce qui concerne le champ psychopathologique (Annexe 1).


En 1970, la base épistémologique (idéologique ?) de la réflexion sur la recherche en psychiatrie est donc claire : dualisme corps esprit, et même conflit entre l’asservissement biologique et la liberté de l’esprit dont l’outil méthodologique d’approche est la psychanalyse, celui de la biologie étant le microscope.


C. 30 ans d’initiatives pour développer la recherche en psychiatrie


Ces questions, dont nous verrons qu’elles sont sur le fond un peu dépassées, font encore débat. On en retrouve la trace dans de multiples publications récentes, avec une méfiance toujours présente vis-à-vis du « scientifique » et du « quantitatif », plus ou moins assimilés à la perspective réductrice du DSMIV et au contexte d’implication majeure de l’économie dans la santé qui apparaît comme une menace pour la qualité des soins [10].. Evidemment, il est difficile de faire de la recherche si l’on réfute à la fois les données et leurs mesures au nom d’une défense du qualitatif. Nous montrons en Annexe 2 qu’il existe évidemment des possibilités de recueillir des données qualitatives et que les relations entre quantitatif et qualitatif ne sont pas aussi disjointes et caricaturales qu’on pourrait le croire. C’est sans doute une des limites majeures qu’ont rencontrée les multiples initiatives professionnelles qui ont jalonné ces trente dernières années la recherche clinique en psychiatrie et que nous présentons brièvement.


- 1979 et 1980, organisation par A Bourguignon de deux séminaires techniques de l’Inserm sur la Recherche clinique en psychiatrie [11] Le Directeur général y souligne en ouverture « l’importance de la recherche en psychiatrie et souhaite que son développement soit désormais assuré ». Les différentes interventions abordent de façon claire et détaillée les principales questions qui sous tendent la mise en œuvre de cette recherche (principes et plans de recherche d’application courante dans les études cliniques, bases de la recherche clinique, techniques de recueil et de traitement des données, utilisation des questionnaires, utilité et dangers de la quantification et une discussion de quelques projets en cours). Nous y puisons la définition de la recherche clinique :


« Elle est une recherche scientifique au sens plein du terme dans la mesure où, délibérée, elle fait l'objet d'un projet construit à partir de concepts aussi précis que possible et d'hypothèses soigneusement élaborées qu'on cherche à vérifier en mettant en oeuvre une méthodologie et des techniques appropriées. Soulignons en passant que le travail sur les concepts est le plus difficile mais sans doute le plus éminemment scientifique. Dans notre discipline un énorme travail reste à faire tant elle est infiltrée de notions triviales et d'idéologie.


Le caractère scientifique de cette recherche tient aussi au fait qu'elle se donne des objectifs restreints et renonce aux vastes synthèses théoriques, en spécifiant correctement les domaines pour lesquels une explication peut être cherchée. ...


D'autre part, elle mérite le qualificatif de clinique parce qu'elle porte sur des personnes totales et sur la situation où elles sont placées. En cela elle se distingue de la recherche psychanalytique où le sujet est placé dans une situation totalement artificielle à seule fin de laisser émerger les effets de l'inconscient.... Elle se distingue aussi des recherches expérimentales où le sujet est soumis à un protocole créant des conditions très éloignées des conditions naturelles. »


La recherche clinique est ainsi distinguée de la recherche fondamentale qui s’organise en psychiatrie autour de trois orientations : la pharmacologie, la génétique et la psychophysiologie. Selon D. Widlöcher toutefois, cette distinction entre recherche clinique et recherche fondamentale est un peu artificielle : la recherche clinique est aussi une recherche fondamentale [6].


La relecture de ce petit ouvrage est impressionnante. Les ingrédients essentiels pour commencer sont réunis, les exposés clairs et passionnants. Et pourtant, le mouvement attendu n’est pas vraiment lancé.


- 1985, fondation de l’Association pour la Recherche Clinique en Psychiatrie (A.F.R.E.P) par l'Association française de psychiatrie et l'Association scientifique Française des Psychiatres du Service Public et son Appel, en 1988, “à tous les psychiatres, à tous ceux qui pensent qu'une recherche clinique en psychiatrie est possible et souhaitable“.


- 1991, Projet de rapport sur la recherche psychiatrique à l'INSERM (C. Kordon) et réunions préliminaires à la Fédération des sociétés savantes en psychiatrie (qui s’intitulera finalement Fédération Française de psychiatrie).
En 1991 l'INSERM, par la voix J. Glowinski, prenait l'initiative de réunir les sociétés scientifiques françaises de psychiatrie dont elle avait connaissance. Le but : envisager avec elles comment donner une nouvelle impulsion à la recherche clinique dans cette discipline. Il faut dire que depuis des années, les rapports s'accumulaient faisant apparaître un retard important par rapport aux autres pays, européens notamment. Ce décalage était attribué à différentes causes, parmi lesquelles : la faiblesse des moyens, dans l'absolu et relativement à l'importance des soins en pathologie mentale ; la pertinence insuffisante des modèles neurobiologiques proposés à la psychiatrie, qui avait souvent orienté la discipline dans des voies sans issue et attiré spécifiquement les crédits dans cette direction ; la formation et l'information insuffisantes des psychiatres sur les possibilités et les contraintes de la recherche ; la difficulté pour les organismes institutionnels, mais aussi pour les psychiatres, de prendre en compte et de concevoir, sur le plan épistémologique, la spécificité de la psychiatrie au sein des autres disciplines médicales ; la dispersion des efforts et des tentatives au sein de la profession [12].
- Organisation d’un colloque international Recherche et psychiatrie par la Société Médico-Psychologique, ouvert par le DG de l’Inserm ;
- 1992, Fondation de la Fédération Française de Psychiatrie, dont les buts sont centrés sur le développement de la recherche (annexe 2) ;
- 1993-1995, Une série de rapports [13], émanant de l’Inserm (D. Widlöcher à la fin des années 1980, puis C. Kordon (1990), de la DGS (G. Massé, E. Zarifian, 1992), de la FFP (JM. Thurin, 1994 et 1995), de l’APVPCME et de l’ANAES (V. Kovess) et de numéros spéciaux de différentes revues psychiatriques consacrés à la recherche en psychiatrie ;
- 1994, Parution du premier numéro de Pour la recherche, bulletin trimestriel de la FFP, qui se donne pour objectifs de développer la recherche clinique en psychiatrie, d’en faciliter l’accès aux praticiens, notamment par une information et une formation continue sur tout ce qui concerne la recherche, de favoriser une coopération entre cliniciens et chercheurs. Le numéro 33 est sous presse et l’importance des abonnements payants montre l’intérêt des cliniciens pour ce domaine ;
- 1995-2000, Organisation, à l’initiative du Comité d’interface, de colloques conjoints Inserm – FFP, consacrés à la présentation des travaux et structures de recherche (en particulier Instituts de Londres et Max Planck(Munich)), de méthodologies (en particulier cas unique), à la sensibilisation aux problèmes des publications et des bases de données scientifiques. Ils vont devenir progressivement interdisciplinaires, portant sur l’apport des sciences humaines, le stress (1999, 2000) et le développement (2000) et ouvrir à de véritables collaborations interdisciplinaires orientées vers le développement de recherches originales.
- 1996, Création, avec l’appui de l’Inserm puis le soutien de la DGLF et de La DGS de Psydoc-France , site Internet de la FFP à orientation «“recherche“, devenu aujourd’hui un acteur majeur parmi les sites e-santé, y compris au niveau international ;
- 1997, un chapitre sur la recherche dans le rapport Joly ;
- 1998, un atelier de la Journée sur la Santé mentale au ministère de la santé est consacré au “Champ de l’évaluation et de la recherche“ ;
- 2000, création d’une intercommission Inserm “Santé mentale et pathologies psychiatriques : mécanismes biologiques, facteurs de vulnérabilité et de protection" qui vient de rendre son rapport de prospective ;
- 2001, Plan Santé mentale, présenté par B. Kouchner, dont le chapitre 8 traite de la recherche


Toute cette activité pourrait laisser penser que la situation a beaucoup changé. Des activités de recherche en psychiatrie sont en cours, qui témoignent d’une dynamique et d’une volonté qui ont réussi à dépasser bien des difficultés et des obstacles [14], [15], [16]. Mais à de nombreux égards, elle semble aussi être restée figée dans une impressionnante immobilité. Ainsi, par exemple, la Fondation pour la recherche médicale alertait la presse le 10 décembre 2001 sous le titre « Psychiatrie, Pourquoi il est urgent de développer la recherche » [17]. Il est évidemment intéressant de suivre l’argumentaire (classique) qui accompagne cette assertion, mais aussi de suivre ses prolongements à travers l’appel d’offres (orienté neurosciences) qui en est issu.


Cette urgence et cet éternel retard, avancés de façon réitérée [18] alors que tant d’initiatives ont été menées, constituent en eux-mêmes une interrogation qui mérite d’être approfondie.


Initiatives multiples, urgence et retard permanents: pourquoi ?


L’intitulé thématique de la conférence de presse organisée par la Fondation pour la Recherche médicale à propos du lancement du programme de la FRM “Action Dynamique en Psychiatrie“ (10 décembre 2001) n’est pas un scoop.
C’est même devenu une sorte d’avant propos, de justification obligatoire de toutes les propositions d’action dans ce domaine. Par exemple, A. Bourguignon introduit les ateliers techniques de l’Inserm en 1979 de la façon suivante :


« Il y a là une situation qui appelle des mesures urgentes, car la pathologie mentale représente, pour les divers budgets de santé de notre pays, une des charges les plus lourdes. Or, nous sommes persuadé qu'en fondant la politique psychiatrique non seulement sur des sentiments humanitaires mais aussi sur des recherches cliniques allant de la sociologie à la psychopharmacologie, il est parfaitement possible d'améliorer le sort des malades mentaux, tout en faisant de notables économies grâce à une utilisation plus judicieuse des sommes dépensées en leur faveur. Ce n'est là qu'un exemple des retombées immédiates que pourrait avoir le développement de la recherche clinique en psychiatrie. » [19].


Ainsi, en psychiatrie comme ailleurs, la recherche vise deux objectifs complémentaires, l’amélioration du sort et des soins des malades mentaux et la réduction des coûts engendrés pas la maladie.


A. Diversité des contenus associés aux mêmes concepts


Affirmer que « Seule la recherche peut amener au meilleur soin »(B. Giros, directeur de recherche CNRS, Inserm U.513) est un argument qui appelle l’adhésion. Mais au delà de ce mouvement immédiat, de quelle amélioration et de quel soin s’agit-il ? Il n’est pas certain que chacun en ait la même représentation. S’agit-il d’une réduction de la souffrance, de l’atteinte d’un nouvel équilibre et par extension l’obtention d’améliorations secondaires au niveau familial et social, de l’éradication pure et simple de certaines pathologies ? Par quels moyens : en intervenant au niveau psychologique, neuronal, génétique, de l’environnement ? En améliorant l’accès au soin et la pertinence de ses dispositifs ? Ces questions ne sont pas anodines pour l’orientation de la politique de recherche et des moyens concernés. Elles ne font jamais l’objet d’une réflexion réellement concertée. Celle-ci ouvrirait à la définition des programmes de recherche bénéficiant d’une complémentarité et d’une cohérence d’ensemble et éviterait sans doute une certaine confusion des objectifs.


B. Conflit potentiel des objectifs, au delà de leur convergence apparente.


On prend aujourd’hui conscience de l’importance quantitative des troubles mentaux, et donc des coûts qu’ils génèrent :
- Au niveau mondial, les troubles psychiatriques représenteraient 12% de la charge globale de morbidité et devraient même devancer , dans les pays développés, les maladies cardio-vasculaires d’ici 2020. Ce coût correspondrait à 1% du PIB (Rapport OMS 2001 [3].
- En France, la population concernée atteindrait 9 à 10 millions d’habitants (près de 15%) et représenterait 28% des consultations en médecine et à l’hôpital [20]. Les dépenses de psychiatries étaient estimées à près de 45 milliards de francs en 1996 [21]. La surmortalité est importante, en particulier chez les schizophrènes, qui ont une mortalité 4,5 fois supérieure à celle de la population générale (2,5 fois plus de décès par mort naturelle et un risque de suicide 20 fois plus élevé) [22].
Ces coûts à la fois marchands et “intangibles“ (correspondant à l’angoisse, la souffrance, la douleurs, etc.) [23] sont très importants, mais à quelle condition seront-ils réduits par la recherche ? C’est une question évidemment essentielle qui interviendra probablement aussi dans les choix de financement.


On s’aperçoit assez facilement que l’association des deux registres - amélioration des soins et réduction des coûts - n’est peut-être pas aussi simple qu’il paraît. En effet, elle met directement en relation des préoccupations qui concernent à la fois l’individu et la collectivité, alors que les logiques ne sont pas nécessairement identiques.
Pour l’individu et sa famille, c’est le bien-être qui est recherché par rapport à la souffrance que génèrent les troubles psychiques, « la santé n’a pas de prix » ; la réduction des coûts engendrés directement et indirectement par la maladie vient de surcroît.
Pour la collectivité, après une période de refoulement collectif, il apparaît que les pathologies mentales constituent un problème de santé publique considérable et concernent déjà une grande partie de la population, proportion qui devrait encore s’aggraver en fonction de l’évolution des conditions de vie “le stress“ ( !) et du vieillissement de la population (rapport OMS 2001). “L’urgence“ va être de lui apporter une réponse convenable au meilleur prix. L’idée de programmes généraux et de réponses globales va avoir ainsi tendance à s’imposer, alors que l’individu va considérer naturellement sa souffrance à partir de la particularité de sa situation.


L’orientation “santé individuelle“ va concerner l’identification des meilleures actions thérapeutiques à la portée du praticien ou de l’équipe dans une situation interindividuelle et dans un lieu donnés (hôpital, cabinet, centre d’urgence, de crise, domicile du patient, ...). Elle peut méconnaître les facteurs de contexte ou à leur donner une portée univoque [24] (la doctrine de la psychiatrie a longtemps été de considérer la vertu de l’isolement, avant de changer radicalement de direction, puis de revenir à une position plus intermédiaire).


L’orientation “santé publique“ va considérer
1) L’identification des populations, la pertinence du système de soins, son accès, la cohérence entre les moyens consacrés aux soins et leur importance ;
2) La recherche des facteurs qui contribuent à la genèse, au déclenchement et à l’évolution des troubles (épidémiologie analytique) ;
3) les actions thérapeutiques et leur organisation, mais aussi l’intervention sur les facteurs de risque et de protection qui peuvent réduire la morbidité et prévenir une évolution défavorable vers des pathologies chroniques et lourdes.


Il apparaît facilement que ce contexte de référence va porter à considérer très favorablement les solutions qui apparaîtront généralisables sur le grand nombre (génétique d’une pathologie, découverte d’une substance pharmacologique qui modifie globalement un mécanisme physiopathologique chez un individu exposé ou qui réduit les risques secondaires). Cette tendance peut trouver un écho favorable dans une orientation générale de la recherche qui “part du postulat que le progrès en la matière ne saurait venir que de la biologie et de la génétique moléculaire, avec la conséquence que la recherche génétique et biologique s’est développée au détriment de la recherche clinique dont les projets sont trop rarement retenus [7]. D’autre part, elle oriente vers des solutions “moyennes“, susceptibles de donner des résultats significatifs sur de larges populations, mais qui négligeront des facteurs individuels comme l’investissement du thérapeute, de l’équipe et du patient dans un projet de soin, sans parler des facteurs historiques et familiaux [25]. A la limite, le soin étant circonscrit à la réduction des facteurs de risque par des mesures éducatives et à la distribution de soins généraux dans les cas dépistés par les acteurs de première ligne, le concept même d’approche clinique hautement qualifiée sur laquelle se concentre naturellement la recherche du psychiatre disparaît .


La confusion des deux registres, voire le conflit de leurs logiques apparaissent ainsi à l’origine de multiples malentendus potentiels, voire d’actions contradictoires tant que ne seront pas précisées la compétence particulière et les limites de chacune de ces approches afin de tendre vers la définition de l’OMS de la santé mentale. Il est indispensable qu’un véritable dialogue puisse s’établir à ce sujet, de façon à ce que les préoccupations des uns et des autres puissent être prises en compte et que des budgets distincts soient clairement attribués à chacun des domaines.


A un moment où les questions sont posées à l’échelon mondial, il est important de rappeler que le système de soins est loin d’être homogène d’un pays et même d’une région à l’autre. D’autre part, les facteurs de risque et de protection peuvent être extrêmement différents d’une population à l’autre du fait de la nature psycho somato sociale du déterminisme biologique, en particulier psychiatrique. Autrement dit, une recherche sur les thérapeutiques devra nécessairement tenir compte des conditions de vie et d’accès aux soins des patients si l’on veut éviter des biais grossiers.


Ainsi, par exemple, une enquête en population générale (MIRE) [26] concernant la consommation des psychotropes a montré qu’en France, la moitié des troubles anxio-dépressifs graves (qui représentent plus de 15% de la population) n’étaient pas dépistés en 1990, que ces troubles étaient accompagnés d’une forte morbidité somatique et que ceux qui étaient dépistés étaient traités à 90% en médecine générale. Les résultats de cette recherche posent évidemment des questions importantes sur les traitements prodigués et sur l’accès à des soins qualifiés. La première urgence serait évidemment de favoriser cet accès, la seconde d’évaluer une éventuelle possibilité d’améliorer les soins occasionnés par des troubles psychiques en médecine générale. Mais cette étude est loin d’épuiser le sujet et en particulier ce qui concerne la meilleure façon pour le psychiatre et les différents intervenants d’aborder et de traiter ces états. Ainsi, recherche en santé publique et recherche en santé individuelle sont absolument complémentaires. Elles se conditionnent souvent même mutuellement.


C. Retard affirmé et constaté de la recherche coexistant avec une qualité générale des soins et de leur organisation: le paradoxe français?


Une première question se pose. La psychiatrie française est-elle si en retard qu’on veut bien le dire en ce qui concerne la recherche clinique ? Ce retard se situe-t-il en comparaison avec les autres disciplines médicales ? Au niveau international ? Sur quels éléments s’appuie ce jugement récurrent que l’on retrouve déjà dans le livre blanc de 1970 et dont la première solution suggérée semble souvent le plongeon dans la neurobiologie la plus fondamentale ? Autrement dit, peut-on sérieusement prétendre que nous en sommes aujourd’hui au même point, en terme de connaissance de l’origine des pathologies et de leur traitement au quotidien qu’il y a trente ans ? Nous avons vu que ce qui qualifie en psychiatrie une stratégie thérapeutique, concerne la qualité du travail clinique mais également l’organisation du système de soins et son accès, ces deux aspects étant généralement étroitement liés. Le premier relève du diagnostic, de l’approche et de la mise en œuvre des thérapeutiques optimales, les secondes de la politique de santé publique. En terme d’évaluation des résultats, peut-on d’abord dire que la recherche en France a été et reste dans ces deux domaines insignifiante ? Ne confond-t-on pas souvent absence de recherche et absence de valorisation, de lisibilité et d’organisation de la recherche ?


Il existe en effet un paradoxe : la France a su, à partir de 1960 et surtout depuis 1970, modifier radicalement sa politique en psychiatrie, avec le développement des soins ambulatoires et de la psychothérapie, des soins de liaison et d’actions communautaires, en associant politique de secteur et implantation de cabinets de proximité. Peut-on raisonnablement soutenir que cette évolution s’est faite sans recherche, c’est à dire sans réflexion préalable, sans actions pilotes, sans évaluation au moins partielle, dans la pratique quotidienne et dans les bilans professionnels ou ministériels [27] ? Le tout dernier rapport de l’OMS ne préconise pas une politique différente que ce qui a été mis en oeuvre, la France étant d’ailleurs nettement en avance dans de nombreux domaines en relation évidemment aussi avec son niveau économique.


Il en est de même en ce qui concerne les pratiques de soins. Evidemment ces pratiques ont intégré non seulement l’utilisation des psychotropes, mais également celle des principales conduites psychothérapiques (psychodynamique, cognitivo-comportementale, systémique, de groupe).


Il convient ici de rappeler que l’on peut distinguer deux grandes façons de faire de la recherche en psychiatrie et de poser le problème de leur audience sociale : la recherche réflexive et la recherche planifiée.

La recherche « réflexive » et « d’élaboration »

1) Définition et mise en œuvre

Il s’agit d’une recherche issue directement des questions rencontrées dans la pratique clinique et qui porte sur les mécanismes mentaux, les événements, les comportements et les interactions qui participent à un processus pathologique. Chaque trouble se définit aussi par son histoire vivante, les conditions dans lesquelles il apparaît, s’améliore, s’aggrave et disparaît. Les actions qui participent à ce mouvement sont très diverses : elles peuvent être institutionnelles, pharmacologiques, psychothérapiques, d’environnement social.
Pratiquement tous les psychiatres sont impliqués à des degrés divers dans ces actions de recherche, mais peu ont le sentiment d’être des « chercheurs » à part entière. Ce mouvement de la pensée se manifeste dans les échanges entre pairs, les colloques, congrès et séminaires et les publications ... françaises, dont le nombre (encore) important reflète cette richesse.

2) Son évaluation

Elle peut se faire à partir, par exemple, du recensement du nombre de réunions scientifiques et d’articles publiés dans ces publications. La production est plus qu’abondante. On la retrouve également sans doute, plus qu’on ne le croit dans les petits colloques internationaux, ainsi que des échanges et formations à distance (video, internet ...). Cette évaluation quantitative pourrait être complétée par une perspective qualitative.

3) Ses avantages et ses défauts

Son premier avantage est évidemment la souplesse de son application et son caractère pragmatique par son aspect naturaliste tiré de l’expérience clinique personnelle ou collective. Cette recherche “élaborative“ se traduit en pratique par une richesse des pratiques cliniques, son adaptation au terrain ... qui contribuent à une amélioration des soins à un “micro-échelle“ et finalement à la qualité du système, même si personne ne publie dessus. Ses grands inconvénients sont de deux ordres. La méconnaissance par les praticiens du caractère pertinent et novateur d’éventuelles idées ou actions de recherche entraînent bien évidemment le risque que celles-ci n’aboutissent pas. A l’inverse, la tentation est grande, par le caractère évidemment personnel et subjectif de ces actions, de tomber dans une pseudo recherche qui ne fait que confirmer ce que l’on croit déjà savoir. Leyens explique ainsi avec beaucoup de brio comment « le sens commun » peut constituer une source considérable de biais dans l’interprétation d’un dessin, même chez des professionnels confirmés [28].


La recherche « planifiée » ou « structurée »


1) Définition et mise en oeuvre

Cette recherche est organisée à partir d’un travail préparatoire exigeant et minutieux au cours duquel sont élaborées les hypothèses et la méthodologie. Elle se déroule actuellement essentiellement dans les services hospitalo-universitaires (1,5% des psychiatres, pourcentage extrêmement faible par rapport à celui d’autres spécialités, comme l’hématologie par exemple), dans les unités de recherche (dont les moyens sont ridiculement faibles), très peu dans les CHS (43% des psychiatres), encore moins dans les secteurs privé et associatif (45,5% des psychiatres).


2) Son évaluation

L’évaluation de son développement et de ses retombées peut se déduire de l’inventaire des réponses aux appels d’offres et des recherches en cours, de celui d’un certain nombre d’ouvrages et de publications internationales et nationales qui en rendent compte.

Recensement à partir des appels d’offres et de leurs résultats

Ce sont les études épidémiologiques qui ont fait l’objet du recensement le plus systématique, avec la publication de répertoires des travaux francophones par le Groupe Français d’Epidémiologie Psychiatrique (1982-1994) [29] et d’un état des lieux jusqu’à 1999 assorti de recommandations [30] . Il en est de même des réseaux de recherche clinique (RRC), Contrats nationaux d’études pilotes (CNEP), Contrats de recherche externe (CRE) de l’Inserm, progressivement supprimés, ainsi que des Programmes hospitaliers de recherche clinique (PHRC). Concernant ces différentes recherches, ainsi que celles émanant des fondations (Fondation de France, Fondation de la recherche médicale, Fondation France-Telecom), de la Mire, la création du domaine « Recherche » sur le site Internet Psydoc-France [31] a permis une diffusion large des appels d’offres et une meilleure connaissance des programmes qui ont été sélectionnés. Il faut remarquer que jusqu’à présent les appels d’offre n’ont été qu’exceptionnellement ouverts à la psychiatrie d’exercice privé qui de fait n’avait jusqu’à présent pratiquement aucune possibilité de participer à la recherche.

Recensement à partir des publications

Un autre mode d'évaluation des recherches et de leur audience s'appuie sur la diffusion internationale et la notoriété des revues dans lesquelles elles sont publiées. Cette notoriété leur étant assurée en grande partie par leur recensement dans les grandes banques bibliographiques internationales. Les textes proposés aux revues indexées dans ces bases ont fait l'objet d'une lecture critique par des « referees » avant d'être acceptés et une sorte de classement des recherches s'effectue en fonction du prestige de la revue qui les publie. Un mode d'évaluation maintenant courant (bien que souvent contesté) de l'activité de recherche en France, consiste à mesurer le nombre d'articles émanant d'auteurs français publiés dans des revues répondant aux critères internationaux adoptés pour définir leur sérieux et à évaluer leur impact en nombre de citations. Les bases bibliographiques de l'Institute of Scientific Information (ISI, USA), sont utilisées pour des comptages de citations d'auteurs ou d'articles et pour le calcul de différents indices du taux de citation des revues (en particulier les facteurs d'impacts, publiés dans le Journal Citation Report). D'après l'ISI, qui diffuse ces résultats régulièrement sur internet (« What's new in research »), l'impact de citation des auteurs localisés en France (quel que soit le rang de l'auteur dans l'article) de 1996 à 2000 dans le champ « Psychologie-Psychiatrie » est faible puisqu'il est dans la position -20 par rapport à la moyenne mondiale, se situant à peu près au même rang qu'Israel et loin derrière la Belgique (+2) et l'Italie (+5), le Canada (+6), le Danemark (+14) et évidemment les USA (+18) et l'Allemagne (+23) (Annexe 6). Ces estimations se fondent sur les articles indexés dans l'ensemble des bases de l'ISI. L'observatoire de la Science et de la Technologie (OST, France), GIP interministériel et inter-organismes, produit des indicateurs de la science qu'il publie chaque année dans un rapport. Pour établir les indicateurs de publications scientifiques, l'OST se sert d'une base bibliographique de l'ISI, Science Citation Index (SCI) à partir de laquelle il effectue des analyses bibliométriques fondées sur les volumes de publications, les volumes de citations et les relations scientifiques internationales. L'OST rappelle les biais que ces méthodes peuvent produire et précise qu'il exclut pour l'instant les sciences sociales et humaines de ces rapports, car la base ISI concernée (Social Science Citation Index SSCI) comporte trop de biais. La note méthodologique B-10 du rapport 2002 (p387-390) [32] précise les modalités et limites de ces calculs. Outre les bases permettant le calcul de citations, de nombreuses bases bibliographiques internationales concernées par la psychiatrie (dont Pascal, Embase, Current Contents, Psycinfo, Biosis, Medline), assurent une certaine notoriété aux travaux publiés dans les revues qu'elles indexent. Medline est la plus utilisée dans les milieux de la recherche car d'accès gratuit et simple, et donc facilement utilisée pour des évaluations globales, rapides (et parfois biaisées) de notoriété. Or une seule revue française (l'Encéphale), est encore aujourd'hui indexée dans Medline, avec un indice de citation assez faible à l'Institute of Scientific Information. Ce système d'évaluation oriente vers la publication en langue anglaise, recommandée récemment par l'AP-HP comme véritable modalité de reconnaissance des travaux menés. Les différents rapports effectués sur la psychiatrie se sont donc fait une habitude de présenter une mesure d'activité de la recherche à partir de l'analyse d'un certain nombre de revues. La première réalisation structurée fut à notre connaissance celle de D. Sechter dans la cadre de la commission mise en place par la DGS (coordonnée par E. Zarifian et Cl. Parayre, ), qui concernait les années 1991-1993. Afin de suivre une éventuelle montée en puissance de la recherche en psychiatrie française dans les publications internationales, nous avons repris les sept revues initialement sélectionnées durant la période 1997-1999 et 2000-2001. Une spécialiste de la documentation scientifique, participant à la rédaction de ce texte, a comptabilisé le nombre de premiers auteurs localisés en France à partir de la base Medline, choisie pour sa forte utilisation qui amplifie l'impact international des publications qu'elle indexe. Cette démarche présente un certain nombre de biais liés à la structure et au fonctionnement de Medline et se révèle en particulier réductrice par rapport au nombre réel de publications d'auteurs localisés en France (selon les périodiques et le type d'articles, le mot France n'est pas toujours mentionné dans l'adresse et la prise en compte du seul premier auteur exclut certains cas d'études multicentriques internationales). L'objectif est essentiellement de situer une tendance.


Entre 1991 et 1993
- Acta psychiatrica scandinavica 5 articles sur 547
- American journal of psychiatry 4 articles sur 1511
- Archives of general psychiatry 2 articles sur 412
- British journal of psychiatry : 9 article sur 1314
- Journal of affective disorders 11 articles sur 281
- Neuropsychobiology : 4 articles sur 142

Total : 35 articles (12/an) mentionnant « France » dans l'adresse du 1er auteur

Entre 1997 et 1999,
346 publications dans revues psychiatriques indexées (689 entre 1995 et 1999) dans Medline.
Sur la sélection de publications précédentes :
- Acta psychiatrica scandinavica 15 articles sur 471
- American journal of psychiatry 5 articles sur 1367
- Archives of general psychiatry 2 articles sur 459
- British journal of psychiatry : 2 articles sur 879
- Journal of affective disorders 15 articles sur 453
- Neuropsychobiology : 7 articles sur 215
- European Psychiatry : 13 articles sur 75
Total : 59 articles (20/an) mentionnant « France » dans l'adresse du 1er auteur

Années 2000-2001
Publications en psychiatrie, localisées en France, dans les journaux indexés par Medline, 778 références
Sur la même période : 44878 réf, tous pays confondus.
Sur l'ensemble de la base Medline (1966-2001) : 4215 références psychiatrie/France pour 627390 références de psychiatrie tous pays confondus*.
– Acta psychiatrica scandinavica 6 articles sur 297
– American journal of psychiatry 13 articles sur 1142
– Archives of general psychiatry 0 article sur 314
– British journal of psychiatry : 4 articles sur 620
– Journal of affective disorders 7 articles sur 344
– Neuropsychobiology : 1 article sur 156
– European Psychiatry : 39 articles sur 194
Total : 70articles (35/an) mentionnant « France » dans l'adresse du 1er auteur

L’impact de citation des publications françaises (d’après l’Institute of Scientific Information) est faible puisqu’elles sont dans la position –20 par rapport à la moyenne mondiale, se situant à peu près au même rang qu’Israel et loin derrière la Belgique (+2) et l’Italie (+5), le Canada (+6), le Danemark (+14) et évidemment les USA (+18)(Annexe

Plusieurs commentaires peuvent être faits :
- il existe effectivement une progression sensible, au cours des dernières années de publications d’auteurs français dans des revues internationales ;
Le total des articles publiés durant trois ans dans sept publications internationales de référence correspond au nombre d’articles paru en 1999 dans une seule revue française : l’Encéphale, (81 dans Revue Française de Psychanalyse, 52 dans l’Information Psychiatrique, 28 dans Alcoologie, environ 80 dans Psychiatrie Française, 35 dans Adolescence, 75 articles dans Neuropsychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, etc. (il existe plus d’une trentaine de publications françaises régulières dans le domaine de la psychiatrie). On mesure l’écart qu’il y a entre le « l’activité d’élaboration» des psychiatres français et ce qui en émerge dans les publications indexées. L’analyse de cette situation est délicate

Deux modalités de recherche quasiment disjointes
Remarquons immédiatement que les deux modalités de recherche “réflexive“ et “planifiée“ constituent encore deux mondes relativement distincts. Autrement dit, la culture des travaux de recherche issue des pratiques professionnelles est encore insuffisante en France ; elle ne prolonge pas encore suffisamment les interrogations et les hypothèses des cliniciens pour ensuite revenir enrichir leur pratique après un passage au crible d’une méthodologie rigoureuse.

D. Faiblesse des moyens structurels de la recherche et leur inadaptation aux questions posées par la pratique clinique


Une analyse des ressources dont dispose la recherche planifiée pour se développer montre qu’elles sont faibles et que leur allocation ignore complètement les domaines qui concernent directement une grande partie de la communauté psychiatrique

1. Inserm


Structures


Elles comprennent 4 unités qui engagent de 50 à 100 % de leur temps dans des activités de recherche concernant la santé mentale et la psychiatrie (cognition, neurobiologie, autisme, imagerie), auxquelles s’associent 2 équipes (propres EPI, ou mixtes EMI) (physiopathologie, épidémiologie) et quelques unités d’épidémiologie, de psychobiologie, neurobiologie, neuropharmacologie qui y engagent moins de 50% ou de 20% de leur temps (Annexe 7)
Une petite vingtaine de chercheurs travaillent dans le champ de la santé mentale.
Seuls quelques domaines de la psychiatrie font l’objet de recherches un peu systématiques : schizophrénie, autisme, addictions-toxicomanies, périnatalité, avec de façon croisée des recherches épidémiologiques et fondamentales. L’ensemble donne clairement une impression générale d’éparpillement sans véritable structuration autour modèles généraux ni d’organisation permettant une approche volontariste et cohérente de ce champ.

Organisation


- Une couverture des thèmes très restreinte et peu organisée
- Quelques réseaux (autisme, troubles des conduites alimentaires, addictions) dépendant des appels d’offre
- Un début de regroupement « définition d’entités cliniques » pour la schizophrénie (8 +3 équipes)

En résumé
Sous couvert de “politique d’excellence“, l’Inserm s’est engagé résolument au cours des dix dernières années dans une perspective essentiellement neurobiologique moléculaire, sans relation avec la clinique, et ignorant ainsi superbement les rapports qu’elle avait suscités et les premières actions qu’ils avaient engagées. Le résultat actuel est celui d’une recherche planifiée traitée par une partie infime de la profession avec des moyens dérisoires. On peut espérer que la mise en place de l’Intercommission, sa liaison plus directe avec le comité d’interface FFP – Inserm, et par là avec l’ensemble de la profession, ainsi qu’une véritable évolution de la conception de la politique de recherche en psychiatrie et santé mentale permettront de faire évoluer cette situation.

CNRS

Son investissement est également très réduit. Citons :
- dans le département « Sciences de la vie » l’UMR7593 : Vulnérabilité, adaptation et psychopathologie (dirigée par R. Jouvent) et dont les principaux sous-thèmes de travail sont :
* Anxiété, Stress et Adaptation
* Approche clinico-expérimentale des régulations émotionnelles
* Neurobiologie Intégrative et Génétique des Comportements
* Bases Neuro-Cognitives des Emotions
* Développement et Psychopathologie
* Dynamique temporelle de l'adaptation

- dans le département Sciences sociales, le laboratoire CESAMES d’A. Ehrenberg, qui a pour objet deux domaines en partie interdépendants :
1. les psychotropes (drogues illicites, médicaments psychotropes, alcool et autres substances psychoactives);
2. les pathologies mentales, dont les conduites addictives, ainsi que les disciplines les prenant en charge (psychologie, psychanalyse, psychiatrie, neurosciences) et la santé mentale en général, notamment d'un point de vue comparatif (ethnopsychiatrique).
Ces domaines sont étudiés dans tous leurs aspects: usages, marchés, politiques publiques, institutions (médicales, psychiatriques, psychothérapeutiques, judiciaires, sociales, etc.).
(voir également Annexe 8)

E. Une crise de la pensée psychiatrique française qui s’est nourrie des difficultés précédentes et les a renforcées


Nous avons déjà présenté quelques unes des causes qui ont contribué au faible investissement de la communauté psychiatrique de la recherche clinique planifiée, alors qu’elle témoignait par ailleurs à de multiples occasions de sa volonté de s’engager davantage dans cette direction : raisons épistémologiques, historiques, idéologiques que l’on retrouve d’ailleurs décrites de façon quasi identique par E. Kandel dans son article “Un nouveau cadre intellectuel de travail pour la psychiatrie“ [ ] à propos de la situation aux USA dans les années 1980. On sait à quel point cette situation y a évolué et les congrès de l’Association américaine de psychiatrie montrent que des petites équipes n’ont aucun complexe à présenter les recherches qu’elles mènent à partir de leur pratique quotidienne. Plus près de nous, en Allemagne, les posters présentant les recherches des différents services remplissent les couloirs, ce qui témoigne à la fois de l’importance et du caractère ordinaire de cette activité.

Nous sommes ainsi conduits à considérer une spécificité de la crise de la pensée psychiatrique française depuis plusieurs décennies générée par plusieurs facteurs
- l’extension de la profession (600 psychiatres en 1960, 12000 en 1980) et le développement de nouveaux exercices (privé et universitaire)
- la désinstitutionnalisation, la multiplication des lieux de soin et des traitements (1970), au moment même où la psychiatrie marquait son identité en exprimant ses différences vis à vis de la neurologie et de la médecine, ce qui l’a déplacée vers les sciences humaines ;
- le surinvestissement et la généralisation de la référence psychanalytique, dans ses aspects les plus idéalistes jusqu’aux années 1990, alors même que, depuis 1970, la perspective génétique et neurobiologique cellulaire, devenait prévalente dans la politique institutionnelle de la recherche ;
- la réforme des études médicales de 1984 qui a introduit un changement important : d'une part, en supprimant le CES, d’autre part, en faisant dépendre l'accès au statut de spécialiste du classement concours à l’internat de spécialité [34];
- l’apparition de formes particulières de souffrance psychique et une évolution des formes de la pathologie psychiatrique, impliquant davantage les difficultés ”actuelles” et leur interaction avec des troubles de la personnalité et du développement [35].
- l’écart et la confusion des objectifs entre l’approche clinique ”analogique et compréhensive” et la classification ”athéorique” et catégorielle du DSM IV.
- les difficultés de maîtrise de l’anglais pour la plupart des psychiatres français, qui a constitué un véritable frein à la plus large divulgation (dans les revues anglo-saxonnes) de leur recherche.

Cette crise s’est exprimée, au delà d’une pseudo unité francophone, par une juxtaposition d’approches souvent dissociées et érigées en systèmes de pensée : « Biologique » (pharmacologique ou génétique), Psychanalytique(s), Communautaire (très peu appliquée), Familiale, sociale, Comportementale, Cognitive ...
Ainsi, même si le discours officiel était ...
“la recherche clinique a pour objet d’étude l’être humain vivant non séparé de son environnement “ [Massé] ;
“la recherche clinique s’intéresse à une mise en perspective d’un être humain dans ses trois dimensions inséparables que sont le biologique, le psychologique et le social“
[36]
... les facteurs déterminants ont été rapportés, pour l’essentiel, à l’individu ou à la famille isolés, voire à un trouble des neuromédiateurs, en ignorant largement les aspects contextuels individuels et sociaux et les interactions psyché – soma. S’il fallait être provocateur, on pourrait dire que la psychiatrie française dont la tendance historique a toujours été l’intégration de connaissances diverses, a traversé une période de réductionnismes juxtaposés, donc chaque élément du spectre est une des composantes à partir desquelles on peut concevoir la psychopathologie.

Sans doute, la recherche clinique aurait-elle pu être un puissant moyen de dépasser la juxtaposition d’approches réductrices. Mais il faut insister ici sur l’absence quasi complète de moyens dont elle a disposé. On peut évidemment déplorer l’absence de formation de la majorité des psychiatres à la recherche, mais il faudrait aussi alors expliquer la sous-utilisation des jeunes générations qui – elles - sont formées. Quant aux moyens structurels, nous avons pu constater que certains responsables du ministère en avaient conçu le développement sur des bases tout à fait analogues à celles que proposait la profession, sans le moindre commencement de leur mise en oeuvre.

Dans le même temps, les pratiques psychiatriques ont évolué sur la base d’un empirisme et d’échanges au sein de la communauté psychiatrique qui ont débordé les idéologies. Ce processus a produit des résultats favorables si l’on considère l’évolution des soins, mais il a aussi sans doute suscité des positions défensives concernant l’évaluation des pratiques, celle-ci suscitant la crainte d’une désaffiliation des références explicites. Ce conflit, à la fois stratégique et éthique entre référence officielle et pratique individuelle, dans un contexte de pression économique sur la santé pourrait être une des raisons les plus essentielles de repliement interne de la recherche clinique en psychiatrie.
De fait tout s’est passé comme si la contribution que pouvaient apporter les psychiatres à la recherche était infime et que la faible lisibilité de leur pratiques cliniques, régulièrement regrettée par les gestionnaires, arrangeait finalement tout le monde.

Les choses ont-elles suffisamment avancé pour que l’on puisse passer d’espaces disjoints de références et de méthodes à la constitution d’au moins quelques espaces d’interface ?

3) Sommes-nous à un tournant ?


Nous pensons que nous sommes effectivement à un tournant, avec de nombreux éléments favorables qui concernent à la fois l’aspect scientifique et organisationnel de la recherche

A. Une nouvelle phase, celle de l’intégration des différents modèles et leur enrichissement mutuel


“ Si, au début des années 80, il s’agissait plus d’une juxtaposition de théories dont, empiriquement, on s’était aperçu qu’elles présentaient une plus grande efficacité thérapeutique, la psychiatrie est désormais entrée dans la phase suivante : celle de l’intégration de ces différents modèles entre eux et de leur enrichissement mutuel, tant sur le plan théorique que pratique. ... A l’heure actuelle, il existe des recoupements, des zones de passage, des ponts ou tout au moins des têtes de ponts qui avancent les unes vers les autres. On commence à comprendre comment le cerveau, qui constitue un système biologique, fonctionne en tant que support des mécanismes cognitifs, des émotions et du comportement de l’homme. On commence à comprendre également le modelage qu’imprime à ce fonctionnement l’environnement social, familial et institutionnel“ [ 37].

Ainsi a pu naître non seulement une approche par objets spécifiques (réalité psychique, réalité externe, organisation neuronale, événements, leurs interactions, leurs conflits, leur participation comme facteurs de risque, de protection, de développement et de rupture...), mais aussi par niveaux dont on commence à pouvoir décrire non seulement les modes d’organisation mais les retentissement réciproques. Le modèle du stress, et tout particulièrement celui de la négligence du nourrison en est un bon exemple. Les observations cliniques déjà anciennes de R.A Spitz et de J. Bowlby, ainsiq ue celles de l’éthologue H. Harlow trouvent aujourd’hui une nouvelle actualité à partir des travaux sur expérimentaux chez l’animal qui permettent de décrire précisément les aspects neurophysiologiques et génétiques des situations de détresse affective [38, 39]. L’expression clinique de ces troubles peut se retrouver chez l’adulte sous la forme de pathologies du lien, de dépressions et d’états de stress post traumatiques [40, 41, 42].

B. Un modèle en maturation : la complexité dynamique


- Le vieux débat inné – acquis est devenu stérile. Du côté même de la génétique, le concept de “gène de la schizophrénie“ a laissé la place à celui de facteurs de vulnérabilité génétique multiples intervenant dans le déterminisme, avec chacun un rôle relativement faible [43]. L’interaction avec l’environnement apparaît à tous les niveaux, qu’il s’agisse du développement neuronal ou de son inhibition, voire de sa destruction ou encore du développement psychologique du nourrisson. En outre, on commence à bien savoir comment les réactions en cascade des systèmes biologiques peuvent orienter l’effet final d’un événement d’un côté ou de l’autre, avec à chaque niveau des interactions complexes entre facteurs individuels et environnementaux. La pluralité des facteurs de risque et de protection est évidente, certains relevant du social (comme le stress au travail, l’environnement écologique, les conditions de prise en charge des prématurés et des nouveaux nés, ...), d’autres plus spécifiquement de l’individu et de son entourage (les modalités d’ajustement à la réalité, la signification personnelle des événements, la personnalité, les relations sociales), d’autres encore relevant des différents registres comme les tendances addictives. Ainsi, l’environnement n’est pas un simple facteur passif, mais un facteur dynamique de changement potentiel à toutes les étapes du développement initial et du soin. Cette approche donne un nouvel intérêt à l’idée d’un continuum entre états normaux et pathologiques, situe l’importance des signes de souffrance psychique qui précéderait et marquerait l’entrée potentielle dans la pathologie.
De fait, il devient aussi possible de concevoir comment des « petites actions » convergentes peuvent avoir des effets importants, actions qui peuvent concerner la dimension psychologique, somatique et sociale de l’individu au sens propre, car elles sont inséparables. Il devient même possible de suivre les répercussions biologiques d’une action psychologique et leurs éventuelles répercussions psychologiques secondaires. La même démonstration pourrait être faite à partir d’un « événement » somatique. Ces passages et leur fixation dans des systèmes intégrés relativement stables donnent une représentation concrète à ce que F. Jacob avait désigné sous le terme « d’intégrons ». A partir de théories parallèles qui s’annulaient réciproquement, s’ébauche ainsi la perspective d’une approche plus globale où des facteurs très différents peuvent avoir une action forte ou faible (pas de généralisation), susceptible d’organiser un système sur un certain mode ou de le déréguler.


C. Kandel : développer une culture de la recherche en psychiatrie, revisiter les concepts et mettre en perspective les apports réciproques de la psychanalyse et de la biologie à la psychiatrie


Dans ce contexte général, la médiation de Kandel et son appel résolu à une nouvelle alliance entre biologie, psychiatrie et psychanalyse [1] constitue un moment important et redonne potentiellement à la psychiatrie sa place de discipline clinique intégrative des dimensions psychique, somatique et sociale de l’humain.

Rappelons quelques unes des propositions fortes qu’il adresse aux psychiatres au début de ce XXIème siècle
- il n’y a pas de génétique sans environnement et réciproquement
- tout processus psychique est corrélé à un processus biologique
- les structures neuronales évoluent sous l’action de l’environnement
- la psychanalyse, grâce à laquelle s’est développée une approche clinique humaine exceptionnelle, conserve une place essentielle au sein de la psychiatrie pour forger la théorie de l’esprit, à l’ordre du jour du nouveau millénaire (à moins qu’elle préfère quitter définitivement le champ scientifique et rejoindre celui de l’art et de la littérature).
- La psychiatrie peut jouer le rôle de discipline intégrative si elle revient à une démarche d élaboration à partir du croisement des données cliniques avec celles issues de la biologie. Cet objectif passe par le retour à la culture scientifique. Différents des concepts fondamentaux, tels que la mémoire, le désir, l’inconscient, la pulsion sont ainsi candidats à être approfondis par le dialogue entre cliniciens et biologistes.

- Cette appréhension des mouvement biologiques de l’humain ouvre au retour à une évaluation clinique fine, non pas tant des symptômes mais de la dynamique des processus, et à la conception d’actions thérapeutiques en fonction de ce repérage, à différents niveaux : éducatif, psychothérapique, chimiothérapique. La connaissance non seulement des causes mais également des effets des actions thérapeutiques constitue évidemment un champ immense de recherche clinique qui est conceptuellement ouvert sur des bases cohérentes et solides.

D. L’étude approfondie de cas individuels est de nouveau considérée comme une nécessité scientifique

Cette situation tient pour une part à la déception provoquée par les méthodes inductives de type probabiliste, mais surtout à l’évolution des connaissances qui montre l’importance des différences individuelles à tous les niveaux, du génétique au vécu dans ce qui conditionne la portée d’un événement. L’usage de la moyenne efface une partie de l’information, d’autant plus que le nombre de cas qui peuvent être suivis est rarement suffisant pour explorer une hypothèse en prenant en compte un minimum d’éléments de contexte. De plus, les exceptions sont aussi intéressantes que le cas général et ont tendance à être négligées dans les études de populations. Il conviendrait donc de situer précisément les champs d’application de chaque méthode.

E. Une meilleure structuration des axes de recherche, de nouveaux outils


La courte présentation qui suit pourra être utilement complétée par le rapport de prospective de l’Inter commission 2 “Santé mentale et maladies psychiatriques : mécanismes biologiques, approches cliniques, facteurs de vulnérabilité et de protection“ à propos des domaines suivants : épidémiologie, sciences cognitives, psychopathologie quantitative et mesures en psychiatrie, imagerie cérébrale, modèles comportementaux animaux, facteurs de vulnérabilité, thérapeutiques en émergence, sociologie.

Génétique, neurobiologie et psychopharmacologie


- Au cours des vingts dernières années, le champ de la psychiatrie biologique s'est élargi. D'une part l'affinement des méthodes d'analyse a permis de corréler de nouveaux paramètres chimiques, physiques, biologiques avec des traits comportementaux et des événements psychiques. D'autre part, des domaines qui relèvent d'une approche certes objective mais sans référence à la biologie, se sont associés à elle. Ainsi conçue dans un sens large, la psychiatrie biologique est l'objet d'une profusion de réflexions et de travaux non seulement de la part d'équipes de recherches spécialisées mais aussi de cliniciens. Les sociétés scientifiques psychiatriques sont nombreuses et actives [44, 45].
- Les questions générales concernant la recherche en génétique ont été abordées précédemment. D’un point de vue pratique, c'est un domaine actif - implication d'une quinzaine de services hospitaliers, une dizaine d'internes en psychiatrie ont une thèse en génétique et une dizaine sont en cours de cursus de thèse - et de qualité - bon niveau des publications. Ces recherches obtiennent relativement facilement des contrats publics (INSERM, CRC et PHRC) mais ces financements ne couvrent généralement pas les salaires ou les bourses nécessaires pour financer les cliniciens chargés du recueil des données, étape particulièrement importante et longue (P. Gorwood).
- La dualité entre « remède » et « poison », efficacité et tolérance d’un médicament, symbolise bien la recherche en psychopharmacologie, notamment chez l’enfant et le sujet âgé. Dans ces deux domaines, des essais cliniques sur des populations ciblées (pour exemples : troubles anxieux de l’enfant ou sujets déprimés âgés de plus de 70 ans), couvrant le court mais aussi le long terme (au moins 1 an), sont nécessaires pour mieux asseoir les principes d’une prescription plus rationnelle des psychotropes.
Concernant les antipsychotiques, les méthodes de criblages à haut débit éclairent chaque jour un peu plus la « boite noire crânienne ». Mais cette magie est toujours au service de la clinique (pharmaco-clinique). Ainsi le profil d’efficacité et de tolérance d’un médicament peut de plus en plus être prédit à partir de sa pharmacodynamie (réceptogramme) et vice-versa.
Appliquée à un domaine aussi vaste que changeant, la recherche en psychopharmacologie a encore de « belles heures » devant elle pour peu qu’elle s’inscrive toujours dans une approche pluridisciplinaire et particulièrement humaniste du patient souffrant de maladie mentale [46].

Développement


L’impact des conditions de la périnatalité sur le développement du nourrisson et sur sa vulnérabilité psychopathologique ultérieure est une constatation clinique bien établie et confirmée aujourd’hui par de nombreuses recherches. Celles-ci distinguent les facteurs statiques identifiés par des études épidémiologiques portant sur de grandes populations, tels que les infections virales, l’anoxie ou l’hypoxie, les carences nutritionnelles sévères, l’expositions à des substances psychoactives ou hormonales, et les facteurs dynamiques qui se constituent et se renforcent dans l’interaction (et particulièrement son absence) entre le nourrisson et ses partenaires. Ce deuxième aspect bénéficie aujourd’hui de travaux expérimentaux chez l’animal qui permettent d’identifier précisément l’interaction des facteurs génétiques et sociaux et leur influence sur les différents systèmes, en particulier neuro endocriniens [36, 38]. La recherche concerne ainsi les aspects les plus fondamentaux, avec notamment les mécanismes moléculaires à partir desquels un événement extérieur peut modifier une organisation biologique, en particulier au niveau neuronal et les aspects les plus cliniques concernant par exemple l’effet d’une dépression maternelle ou d’un stress parental sur les interactions et finalement le développement psychologique et comportemental du nourrisson [47, 48, 49]. Ce domaine, qui ouvre de façon particulièrement sensible à des actions thérapeutiques et préventives devrait donner lieu à des études longitudinales qui permettraient d’évaluer l’effet à terme des différents facteurs, en particulier celui des interventions éducatives et thérapeutiques précoces.

Epidémiologie. Facteurs de risque et de protection (statiques et dynamiques)


Un recueil des recherches en épidémiologie a été réalisé de 1982 à 1994 par le Groupe Français d’Epidémiologie Psychiatrique. Une analyse transversale a été réalisée à partir de ces données, complétée par une étude bibliographique exhaustive sur l’épidémiologie de la dépression, une consultation du répertoire du Réseau National de Santé Publique, du Comité d’Education pour la Santé (CFES), du site Internet du Ministère et de Psydoc-France, ainsi que des travaux menés par l’Inserm. Il fait apparaître de nombreuses difficultés (facteurs techniques, de cohérence, territoriaux) qui réduisent en France l’utilisation des potentialités de l’épidémiologie. Il présente 7 grandes recommandations : mise en place d’un recueil centralisé, mis à jour régulièrement, des enquêtes et des publications concernant la santé mentale en France sur Psydoc-France ; création d’une cellule d’expertise ; amélioration des recueils systématiques ; amélioration de la qualité des enquêtes et encouragement de l’enseignement en épidémiologie ; réalisation d’une enquête nationale sur la santé mentale ; utilisation et renforcement des réseaux de médecins sentinelles ; développement d’enquêtes sur les populations pauvres en information [50].

Processus mentaux, cognition et psychopathologie


La psychopathologie cognitive [51], par ses objectifs initiaux et les cadres théorique et méthodologique qu’elle a élaborés pour les atteindre, offre une opportunité unique d’articuler les données issues de la matrice cérébrale et les observations faites au niveau clinique. L’essor des techniques d’imagerie cérébrale est venu donner une réalité directe à l’étude de l’articulation cerveau – pensée qui peut donc se passer aujourd’hui d’un lien « métaphorique ». Par essence, ce paradigme de recherche est interdisciplinaire puisqu’il repose sur le nécessaire dialogue entre neuroscientifiques, psychologues et cliniciens.

A l’heure où est affirmée la nécessaire intégration des différents modèles théoriques qui traversent le champ psychiatrique, la psychopathologie cognitive représente potentiellement une réponse possible à cette nécessité. La question repose sur la nature des programmes de recherche qui permettront d’y conduire et de la volonté des psychiatres de renoncer à leur isolement théorique pour interroger leur modèle et œuvrer dans le sens d’une réelle confrontation scientifique en en espérant un enrichissement mutuel. Un tel enrichissement ne sera possible qu’en restant vigilant au risque de réductionnisme théorique dont les recherches sur la cognition et les émotions ont tout particulièrement à se prémunir.
Plus qu’au seul niveau théorique, le dialogue s’imposera au niveau clinique.
En effet, par son objet, la psychopathologie cognitive interroge l’ensemble des modèles descriptifs et des stratégies de traitement. Elle se donne pour objectif d’expliquer le fonctionnement pathologique et d’en déterminer les facteurs de changement. En cela, elle met en question aussi bien la définition des troubles cliniques (et la pertinence cognitive des découpages proposés) que les modèles explicatifs sous-tendant les stratégies thérapeutiques (et la pertinence cognitive de leurs explications).
Le nombre et la diversité des recherches « cognitives » témoignent du dynamisme de ce champ de recherche. Pourtant, comme d’autres ont pu déjà l’écrire, l’orientation donnant lieu au plus fort soutien de la part des instances de recherche reste celle dont les objectifs sont une meilleure connaissance du fonctionnement du cerveau et de ses fonctionnalités ou des substrats génétiques des comportements. Même si ces axes de recherche sont une priorité et une nécessité pour alimenter notre connaissance de l’humain et permettre des applications dans le champ psychiatrique, ils ne répondent pas à la question de la nécessaire intégration d’autres modèles théoriques du fonctionnement humain qui ont fait la preuve de leur efficacité comme technique de changement, comme la psychanalyse.
C’est au niveau de nos stratégies de soins que l’apport de la psychopathologie cognitive peut intéresser tous les praticiens : meilleure caractérisation de l’effet des psychotropes sur le comportement ou meilleure définition de « cibles » à une approche basée sur les lois de l’apprentissage.
Au-delà de ces applications pratiques « naturelles », le dialogue sans doute le plus fructueux reste à venir. Il concerne de nouvelles voies de recherche comme l’étude neurocognitive de l’effet placebo ou l’ouverture du dialogue avec d’autres modèles structurés comme la psychanalyse. En tant que communication singulière, la communication psychanalytique interroge les processus mentaux à l’origine des effets de sens induits par l’interprétation, de même que les processus cognitifs impliqués dans la construction de l’« en-commun » définissant l’espace psychique de la cure. Les études sur les processus sous-tendant l’accès à la conscience comme celles s’intéressant, dans le registre de la mémoire, aux conditions de la remémoration, pourraient également constituer des « objets » de recherche communs.
Si la psychopathologie sait profiter de l’opportunité que lui offre le paradigme cognitif de se rénover, il faut entendre cette recherche comme une chance de mettre en débat un certain nombre de présupposés fonctionnant à l’origine de nos pratiques et peut être de réduire le fossé que dénonce Lantéri-Laura [52] entre modèles théoriques et pratiques de soins.

Interactions psyche soma


Différents modèles (S <-> I <->M (Stress <–> Interface (syst. psychoneuro-sympatho-endocrino-immuno <–> Maladie), celui d’Irwin impliquant les facteurs de prédisposition, d’adaptation et d’environnement social, et ceux encore plus complexes impliquant le vécu psychique, notamment émotionnel lié à l’expérience) permettent aujourd’hui d’en rendre compte de façon satisfaisante, autour du concept général de stress. Ils ont en commun de considérer les différents facteurs génétiques et environnementaux qui peuvent contribuer à constituer un « terrain » psychopathologique particulier. Celui-ci produira chez la personne une tonalité spécifique des événements et situations sociales de la vie, qui se répercuteront d’autant plus sur le soma qu’ils seront intenses et durables et que l’environnement sera défaillant. Une situation de souffrance peut être masquée par un comportement addictif ou s’exprimer dans différents troubles banaux (sommeil, asthénie, hyper vigilance, retrait,...). Les effets de ces troubles ne sont en eux-mêmes pas négligeables au niveau des différents systèmes biologiques. Le cumul des facteurs produit une première défaillance de certaines fonctions organiques et psychiques, qui peut conduire à la maladie si elle n’est pas prise en compte. Quelque fois, la relation entre stress et pathologie peut être directe et définitive. Les mécanismes impliquent les systèmes sympathique et parasympathique, neuroendocriniens et immunitaires, ces systèmes étant eux-mêmes en interrelation et déstabilisés par le stress. La plupart des modèles considèrent la personne comme assez passive dans la relation qu’elle entretient avec l’environnement, mais on commence aussi à concevoir comment peut se constituer une véritable dépendance au stress lui-même. Un aspect complémentaire est de considérer comment les troubles psychosomatiques peuvent être associés à des troubles des fonctions cognitives (l’axe émotionnel étant prévalent par rapport à celui de la réflexion et la fonction de distanciation étant gravement altérée), ainsi qu’à des modalités particulières de réponse à la réalité (en particulier la perspective globale et l’action plutôt que la pensée). On voit là le pont possible avec les théories psychosomatiques psychanalytiques qui ont longtemps été limitées par les seules possibilités d’observation clinique et une conception de la biologie centrée sur l’individu et excluant pratiquement ses interactions sociales. Deux colloques pluridisciplinaires sur le thème Stress et immunité ont été organisés à l’initiative de plusieurs comités d’interface Inserm/Spécialités, et tout particulièrement celui de psychiatrie.

Stratégies thérapeutiques et leur évaluation


C’est un domaine essentiel pour la spécialité, les nombreuses modalités innovantes de prise en charge (institutionnelles, familiales, individuelles) n’ayant que très rarement donné lieu à des présentations systématisées. Les seules études présentées émanent de l'industrie pharmaceutique, avec le biais de la rare présentation des résultats négatifs et du peu d’études sur le suivi à long terme ou prenant en compte la qualité de vie des patients Les besoins les plus particulièrement marqués concernent les stratégies thérapeutiques chez l’enfant et l’adolescent ou le sujet très âgé, l’efficacité des traitements dans certains sous-groupes de populations à risques généralement exclues des essais thérapeutiques (ex patients déprimés suicidaires ou présentant une comorbidité de type anxieuse ou addictive alcool, toxiques), la recherche, à l’instar de l’avènement des trithérapies dans le cadre du traitement du SIDA, de stratégies thérapeutiques synergiques incluant plusieurs psychotropes pour une pathologie donnée.
Les recherches sur les psychothérapies ont été trop longtemps négligées et doivent faire l’objet d’un investissement particulier. L’enjeu scientifique actuel n’est déjà plus depuis longtemps celui de leur efficacité globale, qui a été démontrée, mais celui de leur efficacité suivant les pathologies et la nature des résultats attendus. Un autre niveau, ouvert sur la recherche fondamentale, concerne les facteurs de changement qui interviennent au cours du processus psychothérapique [53]. Des méthodologies plus ou moins sophistiquées existent et le principal problème reste celui des moyens. Une expertise collective de l’Inserm est en cours sur ces questions.

Nouveaux outils : imagerie cérébrale en psychiatrie


Les techniques actuelles d’imagerie cérébrale anatomique ou fonctionnelle (IRM, TEP....) ouvrent de nouvelles possibilités dans les domaines de l’aide au diagnostic, de la recherche physiopathologique et de l’évaluation des thérapeutiques en psychiatrie. Elles permettent une caractérisation anatomo-fonctionnelle de certaines pathologies ou de certaines tâches cognitives. Leurs retombées dans le domaine de la rationalisation des thérapeutiques psychopharmacologiques et dans l’aide au développement de thérapeutiques nouvelles sont déjà validées.
Le nombre d'équipes en France susceptibles de développer de tels programmes est en augmentation. Certaines ayant déjà acquis une expérience (Orsay, Rouffach, Strasbourg, Nice), d'autres débutent des programmes (Caen, Lyon) ou sont en passe d'en débuter (Ste Anne, H. Mondor ou la Salpetrière). Il conviendrait de renforcer la structuration de ces équipes et de développer les initiatives ouvrant des possibilités de synergie entre clinique et technique. La nécessité de postes pour les médecins psychiatres ou les psychologues ayant acquis une formation spécifique dans ce domaine est ainsi évidente. Le développement de petites structures de recherche clinique conjointes aux plateaux de recherche en imagerie serait également souhaitable, à l’instar des centres déjà en place dans les pays anglo-saxons.


F. Une implication plus forte du politique dans le développement d’actions de recherche ?
Plusieurs éléments le font penser :


- la mise en place d’une commission d’incitation à la recherche clinique en psychiatrie (CIRCP) en 1994, dont une des réalisations a été l’élaboration d’un plan type de présentation de recherche destiné à assurer une présence significative de la psychiatrie dans le PHRC [54] .
- l’atelier « Le champ de l’évaluation et de la recherche » au cours de la Journée de travail du 10 octobre 1998 sur la santé mentale, qui a permis l’élaboration collective par un groupe d’une vingtaine de personnes d’une sorte de pré-rapport et de recommandations sur ce thème[55].
- Et surtout le Plan santé mentale 2001 [56], dont l’axe 8 concerne le développement de la recherche fondamentale, épidémiologique et clinique

Ce plan propose trois orientations essentielles pour la recherche :

- développer l’articulation entre la recherche clinique, celle liée à la pratique quotidienne du clinicien et de son équipe et qui suppose qu’un temps soit dédié à cette pratique assise sur une solide connaissance méthodologique, et les neurosciences fondamentales (neurobiologie, biologie moléculaire, génétique...) et cliniques (neuropsychologiques, neurophysiologiques, psychologiques...) et les sciences humaines (sociologie, ethnologie, anthropologie) ;

- amplifier la recherche épidémiologique française pour documenter les statistiques sanitaires et aider à la planification de l’offre de soins, mais également pour identifier les facteurs de risque et donc s’articuler avec d’autres disciplines comme la génétique ;

- approfondir la recherche thérapeutique pour fonder les meilleures stratégies thérapeutiques (médicamenteuses et/ou psychothérapiques), et asseoir scientifiquement les campagnes de prévention ou autres interventions.

Ces orientations pourraient être déclinées dans le cadre d’une coordination plus étroite des équipes de chercheurs, sous la forme de la création d’une structure fédérative de recherche en santé mentale.

Plusieurs actions sont prévues et engagées en 2002 et 2003

- -Poursuivre et amplifier avec l’INSERM le programme de recherche épidémiologique en vue de mieux documenter les statistiques sanitaires, d’aider à la planification de l’offre de soins et d’identifier les facteurs de risque en santé mentale : action lancée en 2001 (expertise collective des pratiques de psychothérapie, suivi d’une cohorte de schizophrène, santé mentale des détenus condamnés à une longue peine...) reconduite début 2002.

- -Développer les équipes et réseaux de chercheurs en lien avec l’INSERM (travaux en cours de l’intercommission en santé mentale de l’INSERM).

- Développer la recherche fondamentale en lien avec la recherche clinique des équipes soignantes et les neuro-sciences fondamentales (neurobiologie, génétique, biologie) en favorisant l’orientation des internes en psychiatrie vers la recherche.

- Conclure un programme pluriannuel de recherche clinique et d’évaluation des stratégies thérapeutiques, en lien avec la fédération française de psychiatrie, l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’INSERM et l’ANAES en vue de développer les consensus sur les thérapeutiques à mettre en oeuvre.

- Créer, en lien avec le Ministère de la Recherche, des incitations à des recherches interdisciplinaires dédiées à la santé mentale et regroupant des équipes de chercheurs et de cliniciens.

G. Un début de renforcement des moyens structurels offerts par l’Inserm


Après avoir soutenu une politique d’environnement essentiellement portée par le comité d’interface de psychiatrie, l’Inserm a posé un acte important avec la création en l’Intercommission 2 en 2000 et sa reconduction en 2003 sous le titre “Psychiatrie, psychopathologie, santé mentale“. En effet, la fonction de l’IC comprend le recrutement de chercheurs, la mise en place et la labélisation d’équipes et d’Unités. Elle a également la possibilité de proposer des actions d’intervention sur programmes privilégiés (ATC) et des actions en réseau (réseaux de recherche clinique, en santé publique, thérapeutique (voir ci-dessous).


4) Quatre orientations générales et dix moyens pour développer rapidement en France la recherche en psychiatrie

A. Orientations


1. Impliquer largement les psychiatres cliniciens dans la recherche planifiée


La première orientation qui est défendue dans ce rapport est que les psychiatres cliniciens puissent être largement impliqués dans la recherche planifée, notamment celle qui concerne la psychopathologie (et ses relations avec les interactions sociales) et l’évaluation des stratégies thérapeutiques. C’est, du côté du clincien, une façon de faire un pas supplémentaire dans une démarche de recherche qui, tout en étant importante individuellement, ne se donne pas les moyens d’accéder à un statut plus général. C’est, du côté du chercheur professionnel, la seule façon d’avoir accès à l’essentiel de la clinique et de réunir des cohortes de patients dans une perspective quasi expérimentale.

Comment, concrètement, cette démarche peut-elle se mettre en œuvre ?
Le principe est le suivant :
- Une équipe clinique, à partir de ses observations, pose une question à une équipe de recherche. Il s'ensuit l'élaboration conjointe d'une hypothèse argumentée puis d'un protocole précis de recherche. Les résultats valident ou invalident l'hypothèse et sont réinjectés dans la pratique clinique.

Deux exemples schématisés peuvent l’illustrer :
- en épidémiologie :
Parmi les dossiers de patients d'une consultation, on remarque que ceux qui reçoivent par la suite un diagnostic x comportaient à l'époque de la consultation certains éléments communs, peut-être corrélés à la maladie. Ces éléments permettent-ils de repérer des signes pré-cliniques fiables de la maladie x ?
Une collaboration entre cliniciens (interdisciplinaires) et chercheurs, associant un statisticien, débouche sur l'identification d'un certain nombre de facteurs avec leurs possibles corrélations. Une hypothèse claire et la plus détaillée possible est élaborée à partir de cette confrontation et permet de mettre en place par exemple une étude longitudinale prospective.
En cours d'étude, les premiers résultats permettent d'affiner l'hypothèse et de lancer des études dérivées de la principale, plus ciblées (sur d'autres populations ou sur la même).
Parmi les résultats des études principale ou dérivées, certains permettront d'emblée aux cliniciens d'ajuster leur pratique, ou de poser d'autres questions, etc.
D'autres devront être approfondis et vérifiés (ou non) par d'autres études, épidémiologiques ou cliniques (souvent ailleurs dans le monde, d'où l'importance d'utiliser des "outils" validés permettant la reproduction d'un protocole) ; ils ne seront "ré-injectés" dans la clinique que bien plus tard, une fois qu'ils auront pu être reproduits, tous biais contrôlés.
- en psychiatrie comportementale :
Une équipe clinique note, dans le comportement de certains malades, des particularités qui semblent se répéter sans correspondre totalement à ce que l'on sait de la pathologie concernée.
Une hypothèse est élaborée conjointement avec un groupe de recherche : cette observation met-elle en cause (et dans quelle mesure) la description de la pathologie, la relation clinique, la thérapeutique etc ?
Un protocole conjoint de recherche éthologique est établi.
Les résultats des premières analyses comportementales montrent que les attitudes fugitives observées de manière fortuite ont en fait un caractère systématique dans certains contextes spatiaux ou temporels et pourraient correspondre à des instants de plus grande disponibilité du malade envers son entourage. Mais ces instants sont trop brefs pour être perçus correctement. L'analyse éthologique fine permet de décrire le contexte précis de ces évènements.
Munie de ces informations, l'équipe clinique pourra par exemple anticiper ces instants et les employer de manière privilégiée dans le cadre thérapeutique.

En recherche fondamentale aussi, les questions peuvent provenir de la clinique, avec comme exemples le SIDA, l'ESB, le cancer, la schizophrénie, etc.

Bien sûr, la recherche fondamentale alimente beaucoup aussi ... la recherche fondamentale : Une question clinique : "quel est le processus de la maladie x " peut s'enclencher immédiatement sur un schéma biologique ou mathématique ; les hypothèses débouchent sur des réponses qui suscitent immédiatement d'autres hypothèses, qui concernent d'autres processus pathologiques etc etc. La pression des financeurs, les impératifs de l'évaluation des équipes de recherche, la sophistication et la puissance des moyens techniques sont-elles pour quelque chose dans certaines dérives intellectuelles qui donnent quelque fois l'image d'une recherche qui ne fonctionnerait que pour elle-même ? Et devenant de plus en plus spécialisée , au point de rendre impossible le "décrochage" temporaire d'un chercheur et d'en dégoûter un certain nombre, qui partent à la recherche de "l'humain" - comme si les gènes ou cellules qu'ils ont étudiées 20 ans n'étaient pas humaines ...

Cette présentation montre à quel point la démarche peut être fructueuse. Tous les aspects de la psychiatrie sont concernés, y compris les différents domaines sanitaires où la recherche est actuellement exclue, en particulier la psychiatrie libérale et associative, ou insuffisamment développée, comme le secteur. La psychiatrie se démarque des autres disciplines médicales dans la mesure où l’expression de la pathologie mentale n’est sans doute pas la même selon les lieux et où par ailleurs l’hôpital ne représente pas le lieu à partir duquel des découvertes vont pouvoir être appliquées selon une méthodologie identique dans les différents lieux de soin, contrairement à la cardiologie par exemple.

Son développement demande également que cette recherche soit dotée de moyens techniques mobilisables, tels que l’appui à la recherche, qu’elle soit reconnue et valorisée, et que l’offre soit élargie et diversifiée dans ses modalités, notamment sous la forme de recherches actions.


2. Se doter d’une organisation à la fois souple et cohérente qui permette de développer la recherche clinique planifiée


Si la recherche clinique nécessite la participation directe des cliniciens dans les cas que nous avons souligné plus haut, c’est aussi un travail qui nécessite qu’ils s’inscrivent dans des équipes ou des structures organisées.

L’expérience des réseaux de recherche clinique a montré que le fait de réunir des équipes même hétérogènes autour de questions communes permet non seulement une évolution culturelle rapide, mais aussi d’homogénéiser les méthodologies, ce qui est indispensable à la comparaison des résultats, le montage de projets structurés et l’accession à une position nationale et internationale [57]. Des approches à priori difficiles à structurer comme le interactions précoces ou l’analyse des rêves dans une psychothérapie peuvent donner lieu à de bonnes recherches planifiées. La plus grande difficulté est sans doute d’admettre cette possibilité et de se lancer pour pouvoir en ressentir l’intérêt et l’ouverture que cette démarche procure. Rappelons ici qu’actuellement les RRC de l’Inserm n’existent plus ! Il faudrait donc qu’ils soient recréés, ce qui avait d’ailleurs été annoncé en 2000.

D’autre part, dans la majorité des cas, la mise en œuvre exige l’accompagnement par des professionnels. Un cas idéal est l’implication directe et durable d’un chercheur dans un hôpital ou un secteur géographique, mais outre le fait que leur nombre réduit rend cette possibilité exceptionnelle, cette existence ne règlerait pas le problème de l’encadrement du recueil des données et du suivi des protocoles, comme cela existe dans les autres discipline. Nous préconisons donc la création d’une infrastructure de proximité animée par des professionnels dédiés à cette tâche associant un médecin psychiatre avec décharge de temps consacré à la recherche ou de santé publique, un infirmier et un pôle secrétariat.

3. Développer une recherche clinique à partir de l’évaluation des pratiques cliniques


L'évaluation des pratiques cliniques en psychiatrie est un sujet à la fois complexe et polémique qui pose au moins deux questions essentielles. La première est celle des buts de cette évaluation et la seconde celle des outils les plus pertinents pour la réaliser. Nous distinguerons ici schématiquement trois types d'évaluation des pratiques.

Nous n'évoquerons que très rapidement ici les évaluations ayant un but avant tout d'ordre quantitatif et destinées essentiellement à faciliter la gestion des systèmes de soins. Un exemple de ce type d'approche est le PMSI. Dans cette optique particulière, si l'on cherche à analyser, à caractériser la nature des activités cliniques, c'est avant tout pour pouvoir les quantifier et en évaluer le coût. Cette approche se heurte depuis longtemps à l'opposition d'une majorité de psychiatres qui en dénoncent à la fois la logique et les effets pervers potentiels.

L'évaluation peut également porter sur la nature même des pratiques cliniques, en particulier pour juger de la qualité des soins. Cette approche suppose la définition préalable de référentiels sur ce qu'est une bonne pratique dans une situation clinique donnée. Ce type d'évaluation pose certaines difficultés en psychiatrie. La qualité par exemple est habituellement jugée par la différence existant entre la pratique et le référentiel. Autrement dit, ce qui compte c'est moins le résultat final que le fait que la procédure correcte ait été mise en œuvre. Cette démarche apparaît logique dans la plupart des domaines de la médecine où l'on observe une assez bonne corrélation entre les procédures et les résultats. La pertinence de ce modèle en psychiatrie est plus discutable. Deux stratégies thérapeutiques très différentes, par exemple, peuvent conduire à un même résultat. A l'inverse, la mise en œuvre dans une situation clinique donnée d'une même stratégie thérapeutique peut conduire à des résultats très différents en fonction d'éléments du contexte difficilement contrôlables dans un protocole. Enfin, il faut noter que ce genre d'évaluation peut faire craindre une standardisation des pratiques cliniques, pas forcément garante d'une plus grande efficacité.

Les pratiques cliniques, enfin, peuvent être vues comme des objets de recherche en elles-mêmes, des phénomènes que l'on peut répertorier, décrire, analyser pour en comprendre les mécanismes et en évaluer les résultats. Les questions qui peuvent être posées alors sont multiples, souvent très proches des préoccupations immédiates des cliniciens. La question de l'efficacité et de ses modalités est au premier plan (est-ce que cela marche? Comment ? et non plus: est-ce qu'a été fait ce qu'il fallait faire). Ce type d'évaluation se heurte à souvent de nombreuses difficultés techniques. On connaît par exemple les débats qui entourent l'évaluation de l'efficacité de certaines psychothérapies analytiques [58] . Les difficultés sont tout aussi importantes en ce qui concerne l'utilisation des structures de soins. Si on peut facilement, par exemple, déterminer le coût de fonctionnement d'un CATTP, comment en évaluer le bénéfice pour la population du secteur concerné? De nombreuses réalisations existent qui montrent que la plupart des difficultés peuvent être surmontées. Outre leur intérêt clinique, ces recherches constituent un enjeu qui ne peut être négligé. Ne pas se donner les moyens de répondre à ce genre de questions, c'est prendre le risque de ne voir perdurer que les pratiques les plus faciles à évaluer ou à quantifier (médicaments, hospitalisation temps plein...), ou plus simplement à mettre en oeuvre et non forcément les plus efficaces.

Ce troisième type de recherche devrait non seulement être très largement développé, mais presque systématisé. Il ouvre à une démarche d’analyse des processus de santé et de maladie. Il serait stimulant non seulement pour les psychiatres et les équipes thérapeutiques, mais pour les échanges scientifiques.

Deux exemples très différents de recherche clinique portant sur l’évaluation des pratiques cliniques (recherche qualitative et recherche quantitative) sont présentés en annexe

4. Favoriser des recherches pluridisciplinaires


Elles ont le grand avantage de pouvoir associer différents niveaux d’approche, et quelque fois d’ouvrir la possibilité de les intégrer. Cela nécessite le développement d’échanges et de formations permettant de bien connaître un ou plusieurs registres voisins à côté du sien propre.
Un bon exemple en cours est celui qui se mène actuellement sur le thème Stress, pathologies et immunité. Un premier colloque pluridisciplinaire, organisé en 1999 à l’initiative des comités d’interface de psychiatrie, neurosciences, maladies infectieuses et immunologie / Inserm, a permis une approche générale de la question, en particulier autour de la définition du stress psychosocial, de la neurophysiologie de l’axe HPA, de ses relations avec le système immunitaire et de la présentation d’un certain nombre de recherches mettant en relation stress et pathologies. Un deuxième colloque est en élaboration, avec la participation de nouvelles disciplines dont l’objectif est d’approfondir les aspects qui n’avaient pu être abordés en 1999 et l’élaboration de méthodologies de recherche. Il apparaît bien comment à la fois peut se développer un champ conceptuel commun, alors qu’en même temps l’apport des compétences particulières de chacun est indispensable. D’autre part, le travail en commun a permis progressivement de concevoir des articulations entre les différents niveaux d’approche. Ainsi, les observations cliniques de Spitz et Bowlby et éthologiques d Harlow chez le nouveau né animal trouvent un prolongement très intéressant dans les travaux expérimentaux chez les rongeurs sur le CRH, ainsi que ceux qui concernent ses effets neurobiologiques, au sein d’un système régulé. La description précise des effets du stress précoce ouvre évidemment tout un champ de recherche portant sur la prévention, les conséquences et l’éventuelle réparation des dommages causés.
On voit ainsi l’aller retour entre observation clinique – recherche fondamentale et recherche clinique qui devrait être une modalité naturelle de nombreuses recherches en psychiatrie.

B. Dix moyens


Ce rapport a identifié différents obstacles et difficultés générales qui ont freiné et dispersé les efforts pour donner à la recherche en psychiatrie française la place et surtout la portée qu’elle peut attendre d’une activité à la fois importante et ancienne dans ce domaine. Ils peuvent et doivent aujourd’hui être dépassés. Cette perspective qui ouvre à un développement et à une structuration renouvelée des connaissances exige, si elle veut atteindre la visibilité et l’efficacité à laquelle elle peut prétendre, une volonté politique ainsi qu’une cohérence et une convergence des actions des différents acteurs. Dix actions générales et particulières (dont certaines sont déjà en cours) sont proposées.

1. Constituer de façon formelle ou informelle une instance de coordination et d’innovation associant les différents acteurs ou agences, publics ou privés dans le champ de la recherche en psychiatrie (DGS, Inserm, FFP, CNUP, Associations de patients et leurs familles, CNRS, MiRe, CNAM, Fondations)

Son objet sera de définir les thèmes prioritaires de la recherche, par exemple par période de 5 ans, de lancer des programmes et d’en assurer le suivi par l’organisation de Journées nationales de la recherche clinique en santé mentale, à la mise en œuvre desquelles la FFP est prête à apporter son concours. Cette instance s’assurerait que l’ensemble des besoins repérés sont couverts, veillerait à la cohérence générale du dispositif, rechercherait une utilisation optimale des moyens (éviter des recueils de données en parallèle portant sur des déterminants communs, mais non globalement identiques ; bénéficier des recherches documentaires déjà approfondies) tout en s’assurant que les objectifs des différents études sont clairement établis et différenciés.

2. Sensibiliser et former à la recherche les psychiatres et les acteurs de la santé mentale

a. poursuivre le travail d’animation scientifique et d’accès à l’information que la fédération française de psychiatrie a mené depuis 1992 (rapports, organisation des journées d’interface, Pour la recherche, Psydoc-France) ;
b. sensibiliser, renforcer la formation des étudiants à la recherche (cf. Livre blanc chapitre formation), favoriser la création de plusieurs DEA ;
c. développer, dans le cadre de la formation médicale continue un programme d’initiation des cliniciens à la recherche clinique, des écoles d’été, en collaboration avec les chercheurs ;
d. aider à la structuration de projets, sous la forme de “contrats de définition“ d’un an, encadrés et précédant pour les équipes l’inscription dans des projets plus ambitieux.
e. Confier aux sociétés savantes la mise en place de recherches et leur suivi, à l’instar de ce qui existe dans les autres spécialités médicales

3. Privilégier les appels d’offres

dans les axes de recherche des sujets pour lesquels la France peut avoir un discours original (psychopathologie, stratégies thérapeutiques, organisation du système de soins associant secteur et cabinet...) ; les thématiques ou programmes intégrant pathologies et méthodologies évaluables, et impliquant les cliniciens sur des thèmes qui concernent directement leur pratique (et en particulier ceux qui sont issus des différentes conférences de consensus) ; les recherches qualitatives ; les recherches pluri et interdisciplinaires.

4. Organiser la recherche en prenant en compte la diversité des thématiques et la dispersion géographique des personnes et équipes concernées.

a. mettre en place un « réseau sentinelle » de psychiatres destiné à faciliter l’organisation de recherches, notamment épidémiologiques ;
b. créer des réseaux de recherches thématiques,
c. structurer le projet de réseau des réseaux qui pourrait prendre la forme d’un Institut.

5. Organiser et rendre cohérente les démarches de en CHS, CHG et secteur libéral

a. en nommant un médecin coordonnateur par département ou par région pour la recherche hospitalière et pour la recherche libérale ;
b. en facilitant la mobilité des chercheurs pour qu’ils viennent sur les lieux de soins

6. Valoriser

- l’activité de recherche lors de l’accréditation et de l’évaluation des services de psychiatrie, ainsi que dans le cadre de l’activité libérale conventionnelle.
- reconnaître les compétences par la délivrance de « valences universitaires de recherche » ;

7. Développer la recherche temporaire et les activités mixtes

a. une possible mobilité de la clinique à la recherche (quelques années de recherche en détachement de recherche dans une carrière de praticien,
b. la possibilité d’un temps partiel de recherche à côté d’une pratique clinique hospitalière ou libérale : dans ce dernier cas, la recherche est aujourd’hui quasi bénévole...).
c. La création statutaire de postes de cliniciens chercheurs, évoquée depuis plusieurs années et qui devient indispensable.
L’assouplissement de la barrière étanche entre cliniciens hospitaliers et privés, demandée par la profession, favoriserait ce résultat.

8. Assouplir les contraintes réglementaires de la recherche en les adaptant à la psychiatrie clinique

(par exemple aujourd’hui, pour faire passer un questionnaire diagnostique d’une heure et demie avec un patient dans le cadre d’une recherche sans bénéfice individuel direct (par exemple un travail épidémiologique), il faut l’habilitation d’un lieu avec une convention avec un service de réanimation...)

9. Renforcer de façon significative

a. Le nombre de chercheurs en psychiatrie (10 chercheurs par an, pendant 5 ans)
b. le nombre des enseignants chercheurs (et notamment de deux qui sont particulièrement orientés vers la recherche)
c. les collaborations entre les chercheurs des organismes (Inserm, Cnrs), universitaires et non universitaires.
d. la présence de la psychiatrie dans les Délégations régionales à la recherche clinique en associant les psychiatres universitaires, non universitaires publics et libéraux.

10. Développer la recherche au sein des structures psychiatriques intersectorielles spécialisées dans une pathologie spécifique,

Cela permettrait de concentrer sur un même lieu les patients, les cliniciens et les chercheurs travaillant dans ce domaine.

5) Annexes


:

Annexe 1 : Cinq orientations générales concernant la recherche en 1970
Annexe 2 : Présentation des buts de la Fédération Française de Psychiatrie
Annexe 2 : Recherche quantitative et recherche qualitative
Annexe 3 : Recherches soutenues par la Fondation de la recherche médicale
Annexe 4 : Recherches Inserm, PHRC
Annexe 5 : Recherches soutenues par la DGS et la Mire
Annexe 6 : Index de citation 1996 – 2000
Annexe 7 : Unités et équipes Inserm engagées en psychiatrie et santé mentale en 2001
Annexe 8 : Laboratoires CNRS concernés par la psychiatrie
Annexe 9: Atelier n° 11 de la Journée de travail du 10 octobre 1998 sur la santé mentale : Le champ de l’évaluation et de la recherche
Annexe 10 : la recherche dans le Plan santé mentale 2001
Annexe 11 : deux exemples de recherche clinique portant sur l’évaluation des pratiques (recherche qualitative et recherche quantitative)
Annexe 12 : réponses à l’enquête auprès des psychiatres


Rapport rédigé par JM. THURIN, avec les contributions spécifiques et la discussion générale de Ph. MAZET, S. FRIEDMAN (Psychopharmacologie), C. TRICHARD (Stratégies thérapeutiques et leur évaluation), C.POLGE (recensement de la recherche à partir des publications), V. KOVESS, M. THURIN (données qualitatives), MC. HARDY-BAYLE (Processus mentaux, cognition et psychopathologie), C. SPADONE (recommandations), M. FALK-VAYRANT et la participation de P. AGENEAU, R. de BEAUREPAIRE, S. CONSOLI, L. JEHEL.

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2.     [1] Par exemple, la psychiatrie est intégrée dans les neurosciences à l’Inserm, tandis que l’on peut voir des appels d’offres de neurosciences européens pour lesquels aucun psychiatre ne participe au comité scientifique

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14.   [1]  Rapports sur la recherche en psychiatrie. Psydoc-France

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19.   [1] Fondation pour la Recherche médicale. Conférence de presse organisée à propos du lancement du programme de la FRM  “Action Dynamique en Psychiatrie“. 10 décembre 2001

20.   [1]  Déjà signalé en 1970, on le retrouve exprimé par A. Bourguigon (1979), B. Kouchner (1992), JM. Thurin (1994), etc.

21.   [1]  Bourguignon A. Introduction. In Recherche clinique en psychiatrie. Paris : Editions Inserm, 1982 :

22.   [1]  Massé Rapport

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29.   [1]  On trouve la réponse à cette question dans l’introduction de l’ouvrage  de Kovess V, Lesage A, Boisguerin B, Fournier L, Lopez A, Ouellet A. Planification et évaluation des besoins de santé mentale en France. Paris : Médecine-Sciences Flammarion, 2001, 210 p « Force est pourtant de constater que, le plus souvent, ni l’organisation des services spécialisés en matière de santé des populations, ni la détermination des moyens utiles à leur fonctionnement ne sont fondées sur la connaissance des besoins ».

30.   [1]  Leyens J-Ph. Principes et plans de recherche d’application courante dans les études cliniques. In : Bourguignon A, ed. Recherche clinique en psychiatrie. Paris : Editions Inserm, 1982. Publié sur Psydoc-France.

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32.   [1] Casadebaig F, Kovess V. Santé mentale : état des lieux. Pour la recherche 1999 ; 20 : 2-10.

33.   [1] Psydoc-France : recherche – http :Psydoc-fr.broca.inserm.fr/recherche/

34.   [1] Observatoire des Sciences et des Techniques. Indicateurs 2002. Rapport. Barré R, Esterle L, Ed. Paris : Economica : 2002. 416 p.

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Dernière mise à jour :

Dr Jean-Michel Thurin







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