Introduction

 

 

 

L’évolution du droit moderne est marquée par un renforcement des droits de la personne humaine. Ainsi, en matière médicale, le législateur met en avant certains grands principes tels que la dignité de la personne et le respect du corps humain.

Cette évolution est marquée par le développement de la théorie du consentement et par un renforcement de l’obligation d’information du patient. Il importe en effet de lier les notions d’information et de consentement. L’information constitue le préalable nécessaire à l’émission d’un consentement qui, pour être valable, doit être donné en connaissance de cause par le patient, l’objectif étant in fine de permettre à ce patient d’effectuer lui-même un choix.

 

Avant de décrire les fondements juridiques en la matière (II), nous rappellerons les principes du droit de la responsabilité médicale en France (I), afin de resituer la problématique de l’information au sein de notre dispositif juridique. Nous tirerons de cet état du droit certaines conséquences juridiques pratiques (III).

 

 

- I -

Principes du droit de la responsabilité médicale

 

 

Le régime juridique de la responsabilité médicale n’est pas uniforme en droit français. Les procédures et les juridictions sont différentes selon que le médecin exerce en secteur privé ou en secteur public. Par ailleurs, les règles sont également différentes selon que le patient recherche une indemnisation (B) ou une sanction (A) à l’encontre du médecin (cf. schéma
n° 1).

 

 

A. La responsabilité "sanction"

 

Le patient vise ici à obtenir une sanction contre le médecin, en "portant plainte" contre lui.

 

1. La responsabilité pénale

 

Une faute médicale peut parfois être qualifiée d’infraction. Dans ce cas, le praticien engage sa responsabilité pénale personnelle, quel que soit son mode d’exercice : en ville, en clinique, en établissement de soins privé ou public...

Il encourt en particulier des peines d’amende et d’emprisonnement.

Ce type d’action n’exclut pas la recherche d’une indemnisation (dommages-intérêts).

En matière délictuelle, le délai pour agir en justice est de trois ans.

 

 

 

2. La responsabilité disciplinaire

 

Le non-respect d’une obligation déontologique est passible de poursuites devant la Section disciplinaire du Conseil de l’Ordre (distincte de la Section des assurances sociales).

Les peines encourues sont : l’avertissement, le blâme, l’interdiction temporaire ou permanente d’exercer certaines fonctions médicales, l’interdiction temporaire d’exercer la médecine, la radiation du Tableau de l’Ordre.

Une plainte peut être portée devant le Conseil de l’Ordre sans limitation de délai.

Pour mémoire, rappelons qu’il existe également une procédure disciplinaire administrative, spécifique aux établissements publics et distincte de la procédure ordinale, intéressant les médecins hospitaliers, agents publics.

 

 

B. La responsabilité "indemnisation"

 

Le patient victime d’un préjudice à l’occasion d’un acte médical peut rechercher une indemnisation.

 

1. La responsabilité administrative

 

À l’hôpital, le patient s’adressera au juge administratif. Il poursuivra l’hôpital, sur le fondement d’une faute de service, et non pas le médecin qui pourrait être responsable de facto. Le délai pour agir en justice est de quatre ans.

On doit toutefois souligner que les tribunaux civils sont compétents lorsqu’un agent public, tel un médecin hospitalier, a commis une faute personnelle détachable du service. Or, la définition donnée par la Cour de cassation de la faute personnelle détachable du service est extensive. "Une faute, même involontaire, d’un agent ou employé d’un service public peut constituer une faute personnelle si elle présente une gravité certaine" (Cour de cassation, 1re Chambre civile, 21 octobre 1997, Bull. n° 290, p. 195). "Commet une faute lourde engageant sa responsabilité personnelle le médecin qui, avisé de l’arrivée d’un blessé par balle dans son service, s’abstient de se rendre à son chevet et de prendre les décisions qui s’imposent" (Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 mai 1982, Bull. n° 134, p. 368).

 

2. La responsabilité civile

 

En ville ou en clinique, le patient engagera directement la responsabilité du praticien devant le juge civil. Notons que si le médecin est salarié d’un établissement privé, en pratique, le patient engagera la responsabilité de l’établissement, juridiquement responsable des fautes de ses préposés, mais l’établissement privé pourra demander à être garanti par le médecin fautif. Le patient dispose ici d’un délai de 30 ans pour agir en justice. Soulignons le fait que ce délai peut être porté à 48 ans lorsqu'en l'absence de procédure intentée par ses parents avant l'âge de sa majorité légale (18 ans), un patient victime d'un préjudice au moment de sa naissance dispose à nouveau de ce même délai de 30 ans à compter de son accession à l'âge de la majorité légale, soit 30 + 18 = 48 ans.

 

Il est donc indispensable que tous les praticiens, qu’ils soient du secteur public ou du secteur privé, et, dans ce dernier cas, qu’ils exercent à titre libéral ou comme salarié, soient assurés pour leur responsabilité professionnelle.

 

3. La problématique de l’indemnisation

 

Sauf exception (transaction, par exemple), l’indemnisation du patient ne peut intervenir qu’après condamnation de l’établissement ou du médecin. Or, la condamnation ne pourra être prononcée – et le patient indemnisé – que si le patient rapporte la triple preuve d’une faute du médecin, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

 

Toutefois, ce principe souffre quelques exceptions récentes et majeures. Dans deux domaines particuliers, les magistrats ont renversé la charge de la preuve :

- en matière d’infections nosocomiales ;

- en matière d’information du patient, dans le secteur privé, depuis l’arrêt du 25 février 1997.

a) En matière d’infections nosocomiales

Ici, l’établissement est présumé responsable. Dans le secteur privé, la Cour de cassation est même allée plus loin encore en posant une obligation de sécurité de résultat. En cas de mise en cause devant la constatation d’une infection nosocomiale, c’est à l’établissement public ou privé de prouver, le cas échéant, qu’il n’a commis aucune faute.

Le 29 juin 1999, la Cour de cassation (1re Chambre civile, arrêt n° 1267) a indiqué pour la première fois que : "le contrat d’hospitalisation et de soins conclu entre un patient et un établissement de santé met à la charge de ce dernier, en matière d’infection nosocomiale, une obligation de sécurité de résultat dont il ne peut se libérer qu’en rapportant la preuve d’une cause étrangère".

En l’espèce, elle casse l’arrêt de la Cour d’appel qui avait écarté la responsabilité de l’établissement et confirme en outre la condamnation du praticien pour absence d’information sur le risque d’infection nosocomiale.

La Cour de cassation pose donc une obligation de sécurité de résultat à la charge de l'établissement et une obligation d’information concernant les infections nosocomiales à la charge du médecin.

Mais le même jour, la Cour de cassation étend cette obligation de sécurité de résultat aux médecins, indiquant dans deux affaires : "qu’un médecin est tenu vis-à-vis de son patient, en matière d’infection nosocomiale, d’une obligation de sécurité de résultat, dont il ne peut se libérer qu’en rapportant la preuve d’une cause étrangère".

En l’occurrence, précisons que dans l'un des deux cas, le médecin exerçait au sein de locaux loués par une clinique, sans que celle-ci ait un quelconque pouvoir d’intervention ou d’organisation sur l’activité exercée.

La Cour de cassation précise que seule "une cause étrangère" peut écarter la responsabilité du praticien. Toutefois, en pratique, en l'état actuel de la jurisprudence, une exonération de responsabilité fondée sur la cause étrangère sera le plus souvent illusoire.

b) En matière d’information du patient

Dans le secteur privé, l’arrêt du 25 février 1997 conduit à poser une présomption de faute du médecin. En effet, dans un premier temps, le médecin doit prouver qu’il a bien informé son patient. Les juges seront amenés à préciser l’étendue de cette obligation à la charge du médecin : s’agit-il simplement de prouver qu’une information a été donnée ou faut-il apporter la preuve du contenu de l’information ? Cette question est fondamentale. Les juridictions auront toutefois tout loisir d’apprécier le lien de causalité entre la faute (le défaut d’information) et le préjudice subi par le patient et, éventuellement de ne pas retenir la responsabilité du médecin.

 

Schéma n° 1 (simplifié) : Les différents régimes de responsabilité en droit médical et

les juridictions françaises compétentes selon la finalité recherchée par le patient

FINALITÉ : INDEMNISATION

FINALITÉ : SANCTION

Cour de cassation

Chambre civile

Conseil d’État

Cour de cassation

Chambre criminelle

Conseil d’État

é é é é

Cour d’appel

Cour administrative d’appel

Cour d’appel

Conseil national

de l’Ordre

é é é é

Tribunal de grande instance

Tribunal administratif

Tribunal correctionnel

Conseil régional de l’Ordre

é é é é

Responsabilité civile

 

Prescription : 30 ans

Responsabilité administrative

Prescription : 4 ans

Responsabilité pénale

Prescription : 3 ans (délits)

Responsabilité disciplinaire

Pas de prescription

 

- II -

Fondements juridiques du devoir d’information

et de recueil du consentement

 

 

Nous présenterons, dans un premier temps, l’importance pratique de l’information dans le contentieux de la responsabilité médicale (A) puis, dans un deuxième temps, les principaux textes juridiques fondant l’obligation d’information du patient (B). Enfin, nous préciserons sur quel texte s’est appuyée la Cour de cassation pour imposer au médecin la preuve de l’accomplissement de son obligation d’information du patient (C).

 

 

A. L'importance pratique de l'information

 

L’obligation d’information du patient, ancienne en jurisprudence, revêt une importance pratique considérable. En effet, dans le cadre d’un contentieux entre un médecin et son patient, schématiquement, deux types de fautes seront dans la pratique le plus souvent invoqués :

- une faute dans les investigations, le traitement ou le suivi,

- un défaut d’information.

 

La faute technique se recherche en pratique par la voie de l’expertise. Le défaut d’information, quant à lui, est difficile à démontrer pour le patient, voire impossible, à moins que le médecin ne reconnaisse lui-même ne pas avoir satisfait à cette obligation. La Cour de cassation, par son arrêt du 25 février 1997, a décidé de faciliter la tâche du patient en renversant la charge de la preuve de l’information qui incombe désormais au médecin.

En l’occurrence, la Cour de cassation a fait le choix de l’indemnisation du patient, mais l’on doit souligner que le renversement de la charge de la preuve de l’information concerne tous les professionnels tenus d’un devoir d’information, et pas seulement les médecins.

1. Les difficultés liées à l’obligation d’information

 

Première difficulté : qui doit donner l’information ?

Dans les cas simples où le patient n’a qu’un médecin, c’est évidemment à ce dernier qu’incombe le devoir d’information. Mais, si plusieurs médecins – par exemple le médecin prescripteur et celui qui réalise la prescription – interviennent, chacun est tenu d’informer le patient. Les praticiens peuvent certes se concerter sur les modalités de délivrance de l’information, notamment eu égard à leurs compétences respectives, mais chacun doit s’assurer que l’information a bien été donnée. Tel est le principe. Toutefois, certaines difficultés pratiques sont susceptibles d’apparaître (cf. infra, III sur les conséquences juridiques pratiques).

 

Deuxième difficulté : le destinataire de l’information.

L’information doit être donnée :

- au malade lui-même lorsqu’il est à même d’exprimer sa volonté ;

- à ses parents s’il s’agit d’un mineur (le mineur lui-même article 42 du Code de déontologie devant être informé lorsqu’il est en âge de comprendre et de supporter l’information) ou à celui qui est investi de l’autorité parentale, étant précisé que même le parent qui n’a pas reçu cette autorité pourrait demander à être informé compte tenu de la gravité de l’intervention ;

- aux organes de la tutelle en cas d’incapacité ;

- ou encore à des proches dans le cas d’un patient qui n’est ni mineur, ni incapable, mais auquel pour une raison légitime l’information ne peut être donnée (article 35 du Code de déontologie).

 

Troisième difficulté : la preuve de l’information.

Afin de prouver qu’il a bien rempli son obligation d’information, le praticien devra en laisser une trace. À défaut, il pourra répondre juridiquement de ce qu’il n’a pas dit (ce qui n’est pas nouveau) mais également de ce qu’il n’est pas en mesure de prouver avoir dit (là est la nouveauté). Si l’obligation est bien remplie mais ne peut être prouvée, la faute sera présumée.

 

Quatrième difficulté : le contenu et la forme de l’information.

En réalité, il ne s’agit pas simplement de formaliser ce qui a été dit. Ne serait-ce que par sécurité juridique, le médecin doit savoir ce qui doit être dit ou écrit.

 

2. Qui est concerné par le renversement de la charge de la preuve ?

 

Attention, le renversement de la charge de la preuve concerne aujourd’hui les médecins du secteur privé, à l’exclusion des praticiens hospitaliers, en toute rigueur non concernés par l’arrêt du 25 février 1997.

En effet, l’hôpital public est soumis à un régime de droit administratif. À l’hôpital public, le Conseil d’État (Juridiction suprême en droit administratif) continue à exiger du malade qu’il apporte la preuve d’un défaut d’information, même s’il ne le déclare pas expressément. Ainsi, s’agissant de l’argumentation d’un malade qui estimait avoir subi une exploration chirurgicale ophtalmologique sans son consentement, le Conseil d’État retient que "les allégations suivant lesquelles cette intervention aurait été pratiquée sans le consentement du patient, ne sont assorties d’aucun commencement de preuve" (Conseil d’État, 14 juin 1991, Maalem,
n° 65459). En la matière, "la jurisprudence administrative, moins récente [que celle de la Cour de cassation], reste classique" (selon le Rapport 1998 du Conseil d’État sur le droit de la santé, p. 452 ; cf. aussi p. 14 de ce rapport).

Toutefois, la prudence s’impose car aujourd’hui la question se pose de savoir si le Conseil d’État va s’aligner sur la jurisprudence de la Cour de cassation. Ce d’autant que de rares décisions des juges du fond, qui ne sont aujourd’hui pas confirmées par le Conseil d’État, se sont prononcées dans ce sens (en particulier, Cour administrative d’appel de Nantes, 24 juillet 1997 ; Cour administrative d'appel de Paris, 9 juin 1998).

 

Sont donc aujourd'hui concernés par l’obligation d’apporter la preuve de l’information du patient :

- les médecins libéraux,

- les médecins salariés du secteur privé,

- les médecins hospitaliers dans le cadre de leur secteur d’activité libérale,

- les médecins libéraux exerçant à l’hôpital dans le cadre de la "clinique ouverte".

 

En d’autres termes, pour un même acte, effectué dans les mêmes conditions techniques de réalisation et d’information, les conséquences seront différentes :

- dans le secteur privé, si le patient ne peut pas prouver qu’il n’a pas été informé et que le médecin ne peut pas prouver qu’il a bien informé son patient, le praticien pourra être condamné à indemniser son patient ;

- à l’hôpital, si le patient ne peut pas prouver qu’il n’a pas été informé et quand bien même le praticien ne peut pas prouver qu’il a bien informé son malade, ce dernier ne pourra pas être indemnisé.

 

Cette différence de traitement s’explique par le fait que les deux régimes juridiques qui régissent les relations médecin-patient dans le secteur public et dans le secteur privé, sont différents.

 

3. Quel est le préjudice indemnisé ?

 

La perte de chance peut se définir comme le préjudice résultant de la disparition de la probabilité d’un événement favorable (non réalisation du risque).

C’est un préjudice autonome, qu’il convient de distinguer du préjudice final.

 

La perte de chance constitue, pour le juge judiciaire, le fondement sur lequel repose l’indemnisation du patient en cas d’impossibilité pour le médecin d’apporter la preuve de l’existence de l’information du patient. À l'hôpital, certaines juridictions fondent également l'indemnisation d'un défaut d'information sur la notion de perte de chance (ex. : Cour administrative d'appel de Paris, 9 juin 1998, M. Guilbot). Mais ce n'est pas (encore ?) le cas du Conseil d'État.

 

Pour être indemnisé, le patient devra d’une part, prouver que ce défaut d’information est à l’origine d’un préjudice et, d’autre part, évaluer ce préjudice. Selon la Cour de cassation, le "dommage qui résulte pour lui de cette perte de chance est fonction de la gravité de son état réel et de toutes les conséquences en découlant" (Cour de cassation, 1re Chambre civile, 8 juillet 1997, Bull. n° 239, p. 160). Les magistrats apprécient alors souverainement "la fraction des préjudices correspondant à la perte de chance de les éviter si le médecin n’avait pas commis une faute" (Cour de cassation, 1re Chambre civile, 8 juillet 1997, op. cit.).

 

La perte de chance repose donc ici sur l’idée que si le patient avait été informé (en pratique : si le médecin avait pu prouver avoir assuré cette information), il aurait peut-être renoncé à l’acte médical.

La perte de chance est appréciée souverainement par les magistrats et peut conduire à refuser toute indemnisation du patient. Ainsi, dans l’affaire du 25 février 1997, la Cour de cassation (après avoir cassé l’arrêt qui lui était soumis) a renvoyé l’affaire devant la Cour d'appel d'Angers. Cette dernière, le 11 septembre 1998, a entériné la décision de la Cour de cassation confirmant que la charge de la preuve de l'information incombe au médecin. Toutefois, bien que retenant l'existence d'une faute du praticien pour défaut d'information, elle a débouté le patient de sa demande d'indemnisation (en clair, le médecin n'est pas condamné). Selon elle en effet, l'indication médicale de la coloscopie était indiscutable. Elle a estimé en particulier que "le choix d'une solution négative [c'est-à-dire un refus de l'intervention de la part du patient] était improbable et la chance perdue illusoire dès lors que l'information aurait dû mettre en parallèle les risques encourus [...] et l'évolution prévisible de l'état de santé de l'intéressé".

Notons que la Cour de cassation (1re Chambre civile, 7 octobre 1998, n° 1568) considère qu'un patient ne peut justifier d'aucun préjudice indemnisable dans l'hypothèse où les troubles résultant de l'intervention sont "moindres" que ceux qui découlent de sa "non-réalisation".

 

Précisons enfin qu’il ne peut y avoir lieu à condamnation pénale à raison d’une perte de chance. En cas de relaxe d’un médecin, le patient a alors la possibilité de s’adresser au juge civil pour demander, en l’absence de faute pénale, une indemnisation sur le fondement de la perte de chance (Cour de cassation, 1re Chambre civile, 24 mars 1981, Bull. n° 98).

 

 

B. Les principaux textes juridiques imposant une obligation d’information du patient

 

Le serment d’Hippocrate ne fait aucunement référence au consentement du patient. Le serment médical fait, depuis son actualisation de 1995, référence au respect de la "volonté" des "personnes" et à l’information des "patients" sans toutefois expressément exiger le recueil de leur consentement. De façon pragmatique, le Guide d’exercice professionnel édité par l’Ordre national des médecins (édition de 1991, p. 74 et 77) relève quant à lui que le consentement du malade est une "exigence déontologique fondamentale" en observant qu’il est "impossible dans beaucoup de cas que le consentement soit tout à fait bien éclairé [...]". Cette approche est reprise par les Commentaires du Code de déontologie médicale édités par l’Ordre (édition 1996, p. 150 et 151).

 

Le droit, quant à lui, a évolué, passant d’un droit à l’information à une obligation d’information du patient sanctionnée le cas échéant civilement (dommages-intérêts) et disciplinairement (avertissement, blâme, etc.). Notons que pénalement, le défaut d’information ne constitue pas, en soi, une infraction, à moins qu’il ne soit prévu par un texte spécifique dans un domaine particulier comme en matière de recherche biomédicale (article
L 209-19 du Code de la santé publique : 300 000 F d’amende, trois ans d’emprisonnement).

 

En droit français, les fondements de l’obligation d’information se trouvent principalement dans le Code civil, le Code de déontologie médicale et le Code de la santé publique
(cf. schéma n° 2 ci-dessous).

S’agissant des fondements en droit international, les textes sont nombreux. À titre d’exemple, on peut citer la Convention sur les Droits de l’homme et la biomédecine, dite Convention européenne de bioéthique, signée à Oviedo (Espagne) le 4 avril 1997.

Il faut enfin souligner l’entrée de la médecine dans le droit de la consommation. L'information du patient n'est pas seulement de nature médicale, elle est aussi de nature économique et organisationnelle. L'on peut à cet égard citer :

- l’arrêté du 11 juin 1996 relatif à l’information sur les tarifs d’honoraires pratiqués par les médecins libéraux,

- l’arrêté du 15 juillet 1996 "relatif à l’information du consommateur [sic] sur l’organisation des urgences médicales" notamment par voie d’affichage dans la salle d’attente.

Schéma n° 2 (synoptique) : Fondements législatif et réglementaire d’un défaut d’information et de recueil du consentement selon les régimes de responsabilité

Responsabilité

civile

 

Responsabilité

administrative

 

Responsabilité

pénale

 

Responsabilité

disciplinaire

é

 

é

 

é

 

é

Violation d’une obligation légale

ou contractuelle

 

Faute de service

 

Infraction pénale

(limitée à des situations particulières)

 

Violation d’une obligation déontologique

é

 

é

 

é

 

é

. Code de déontologie médicale

. article 16-3 du Code civil

. article 1315 du Code civil

. article 1147 du Code civil

 

. article 16-3 du Code civil (issu de la loi

bioéthique n° 94-653, applicable à l’hôpital)

. article L 710-2 al. 2 du Code de la santé publique

 

exemple : article L 209-19 du Code de la santé publique (défaut de consentement en matière

de recherche

biomédicale)

 

articles 35, 36, 41, 42 et 64 du Code de déontologie médicale

 

 

1. L’article 16-3 du Code civil

 

Selon l’article 16-3 du Code civil :

 

"Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale [l'article 70 de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 a substitué la nécessité "médicale" à la nécessité "thérapeutique"] pour la personne.

Le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir."

2. Le Code de déontologie médicale

 

Le Code de déontologie médicale (décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995, J.O. du
8 septembre 1995) prévoit, aux termes de son article 35 :

 

"Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension.

Toutefois, dans l’intérêt du malade et pour des raisons légitimes que le praticien apprécie en conscience, un malade peut être tenu dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic grave, sauf dans les cas où l’affection dont il est atteint expose les tiers à un risque de contamination.

Un pronostic fatal ne doit être révélé qu’avec circonspection, mais les proches doivent en être prévenus, sauf exception ou si le malade a préalablement interdit cette révélation ou désigné les tiers auxquels elle doit être faite."

Le Code de déontologie, dont on discutait la portée juridique, a récemment reçu une consécration par la Cour de cassation (1re Chambre civile, 18 mars 1997, Bull. n° 99, p. 65) qui dispose que : "La méconnaissance des dispositions du Code de déontologie médicale peut être invoquée par une partie à l’appui d’une action en dommages-intérêts dirigée contre un médecin [...]."

 

En d’autres termes, l’article 35 du Code de déontologie médicale constitue aujourd’hui le fondement légal, ou plus exactement réglementaire, de l’obligation d’information.

 

Retenons également que le Code de déontologie médicale précise la conduite à tenir à l’occasion de soins dispensés à un patient "hors d’état d’exprimer sa volonté".

 

Selon l’article 36 :

 

"Le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas.

Lorsque le malade, en état d’exprimer sa volonté, refuse les investigations ou le traitement proposés, le médecin doit respecter ce refus après avoir informé le malade de ses conséquences.

Si le malade est hors d’état d’exprimer sa volonté, le médecin ne peut intervenir sans que ses proches aient été prévenus et informés, sauf urgence ou impossibilité.

Les obligations du médecin à l’égard du patient lorsque celui-ci est un mineur ou un majeur protégé sont définies à l’article 42."

 

L’article 42, quant à lui, stipule :

 

"Un médecin appelé à donner des soins à un mineur ou à un majeur protégé doit s’efforcer de prévenir ses parents ou son représentant légal et d’obtenir leur consentement.

En cas d’urgence, même si ceux-ci ne peuvent être joints, le médecin doit donner les soins nécessaires.

Si l’avis de l’intéressé peut être recueilli, le médecin doit en tenir compte dans toute la mesure du possible."

 

 

En pratique, le Code de déontologie médicale doit être considéré comme un recueil de référence auquel le médecin peut se reporter en cas de besoin. Notons que de façon générale, ces textes n’exigent pas un consentement écrit du patient (sur les domaines nécessitant un consentement formel, cf. tableau).

 

3. La Convention européenne de bioéthique

 

La Convention européenne de bioéthique prévoit qu’"une intervention dans le domaine de la santé ne peut être effectuée qu’après que la personne concernée y a donné son consentement libre et éclairé.

Cette personne reçoit préalablement une information adéquate quant au but et à la nature de l’intervention ainsi que quant à ses conséquences et ses risques."

 

À noter que l'article 10 § 2 prévoit que "la volonté d'une personne de ne pas être informée doit être respectée".

La Cour de cassation, dans un arrêt du 7 octobre 1998 (1re Chambre civile, arrêt n° 1568) a reconnu ce droit en indiquant qu'"hormis les cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, un médecin est tenu de donner une information loyale, claire et appropriée[…]".

 

D’autres dispositions concernent spécifiquement les personnes n’ayant pas la capacité de consentir, et les patients souffrant d’un trouble mental.

 

Tableau : Les activités médicales faisant l'objet d'une information ou d'un consentement exigeant un consentement écrit

 

 

- Analyses de cytogénétique ou de biologie destinées à établir un diagnostic prénatal (article R 162-16-7 du Code de la santé publique)

- Interruption volontaire de grossesse non thérapeutique pratiquée avant la fin de la 10e semaine (article
L 162-5 du Code de la santé publique)

- Actes d’assistance médicale à la procréation (article L 152-10 du Code de la santé publique)

- Diagnostic préimplantatoire (articles L 162-17 et R 162-34 du Code de la santé publique)

- Examen ou identification des caractéristiques génétiques (article L 145-15 du Code de la santé publique)

- Recherche biomédicale (article L 209-9 du Code de la santé publique)

- Prélèvement de sang ou de ses composants sur mineurs ou majeurs protégés, en vue d’une utilisation thérapeutique pour autrui. Interdit chez les majeurs protégés. Autorisé chez les mineurs sous condition de consentement écrit des titulaires de l’autorité parentale ; le refus du mineur constitue un obstacle au prélèvement (article L 666-5 du Code de la santé publique)

- Modification des caractéristiques du sang avant prélèvement (L 666-6 du Code de la santé publique)

- Prélèvement d’organes. Interdit chez un majeur protégé vivant (article L 671-4 du Code de la santé publique). Autorisé chez un mineur au seul profit de son frère ou de sa sœur : le consentement est recueilli par écrit devant magistrat (article L 671-5 du Code de la santé publique)

- Prélèvement d’organes sur une personne mineure ou majeure protégée décédée, en vue d’un don : consentement exprès du titulaire de l’autorité parentale ou du représentant légal (article L 671-8 du Code de la santé publique)

- Prélèvement de tissus (articles 5 et 19 de la Convention sur les Droits de l’homme et la biomédecine, contrairement au droit français qui n’exige aucune forme particulière)

- Administration d'un produit sanguin labile (article R 710-2-7-1 du Code de la santé publique)

- Actes médicaux et chirurgicaux à visée esthétique (arrêté du 17 octobre 1996 ; sauf actes réalisés en urgence, et sauf actes à visée réparatrice : CE, 27 avril 1998)

 

 

C. Le fondement juridique du renversement de la charge de la preuve

 

L’article 9 du Nouveau Code de procédure civile prévoit qu’"il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention". Ce texte est interprété à la lumière de l’article 1315 du Code civil aux termes duquel :

"Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation."

 

L’arrêt du 25 février 1997 vise l’article 1315 du Code civil et retient que : "celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation".

 

Cet arrêt revient sur un principe posé par la Cour de cassation elle-même en 1951 selon lequel il appartenait au malade "[...] lorsqu’il se soumet en pleine lucidité à l’intervention du chirurgien, de rapporter la preuve que ce dernier a manqué à [son] obligation [...] en ne l’informant pas [...]" (Cour de cassation, Chambre civile, 29 mai 1951, Bull. n° 162).

Ironie de l’histoire, l’article 1315 du Code civil sert de fondement juridique aux arrêts de 1951 (qui vise également l’article 1147 relatif à l’obligation de moyens) et de 1997 pour poser deux principes fondamentalement opposés. Simplement, l’arrêt de 1997 met l’accent sur l’alinéa 2 selon lequel "Celui qui se prétend libéré [de son obligation d’information, en l’occurrence] doit justifier le paiement [c’est-à-dire l’exécution de son obligation d’information]."

 

Il s’agit donc d’une exception majeure à l’adage "onus probardi inconbit actori", principe selon lequel la charge de la preuve incombe au demandeur (le patient). Rappelons qu’en matière d’infections nosocomiales le Conseil d’État (9 décembre 1988, Rec., p. 421) et la Cour de cassation (1re Chambre civile, 21 mai 1996, Bull. n° 219) ont posé un principe de présomption de faute de l’établissement de soins. De la même façon, la charge de la preuve de l’existence d’une faute, dans ce domaine, ne pèse plus sur le patient.

 

 

- III -

Conséquences juridiques pratiques

 

 

Nous avons vu supra que l’un des premiers écueils en matière d’information des patients est de déterminer qui doit donner l’information.

À cet égard, l’information entourant la prescription d’une ordonnance médicamenteuse (effets secondaires, par exemple) ne pose, en soi, pas de problème juridique particulier : c’est bien au médecin rédacteur de l’ordonnance de la délivrer. En la matière, l’information devra notamment porter sur :

- l’état de santé du patient,

- l’objectif du traitement,

- sa nature,

- sa durée,

- ses risques,

- les modalités pratiques des prises,

- les règles d’hygiène de vie à respecter,

- la disponibilité du praticien, notamment téléphonique,

- la conduite à tenir en cas de complication.

À l’inverse, l’information par un médecin des risques d'un acte ou d’une intervention chirurgicale qu'il prescrit mais ne réalise pas personnellement est susceptible d’être source de difficultés (B). Des difficultés peuvent également apparaître au sein du "couple" chirurgien-anesthésiste en cas d'intervention réalisée sous anesthésie (C). Mais, juridiquement, chaque médecin doit s’assurer que l’information a bien été donnée au patient (A). Enfin, nous présenterons le cas particulier des actes à visée esthétique (D).

 

A. Chaque praticien doit veiller à l’information du patient

 

D’un point de vue juridique, et d'une façon générale, chacun est tenu d’informer le patient. C’est d’ailleurs ce que précise l’article 64 alinéa 1 du Code de déontologie médicale, aux termes duquel :

"Lorsque plusieurs médecins collaborent à l’examen ou au traitement d’un malade, ils doivent se tenir mutuellement informés ; chacun des praticiens assume ses responsabilités personnelles et veille à l’information du malade [...]."

Ce principe n’est pas nouveau. Dans une affaire dont a eu à connaître la Cour de cassation
(1re Chambre civile, 29 mai 1984) une aortographie prescrite par un chirurgien avait été exécutée par l’un de ses confrères radiologues. Un grave accident survint (paraplégie). Il fut établi que cet acte qui présente des risques n’était "ni indispensable ni urgent".

Pour écarter sa responsabilité, le radiologue soutenait qu’il s’était borné à pratiquer l’aortographie prescrite par son confrère. La Cour a écarté cette argumentation considérant que le radiologue dispose d’un "droit de contrôle sur la prescription de son confrère" et qu’il a manqué à son obligation d’information du patient concernant les risques de l’intervention. En l’occurrence, le radiologue n’avait d’ailleurs commis aucune faute technique dans la réalisation de l’aortographie, sa faute résidant dans le seul défaut d’information du patient.

Le chirurgien prescripteur, qui n’avait pas délivré d’information sur les risques de l’aortographie, considérait que l’obligation d’information pesait sur son confrère radiologue. Mais la Cour de cassation ne l’a pas entendu ainsi. Elle a en effet considéré que le médecin prescripteur devait assurer personnellement, lui aussi, l’information.

Dans cette affaire, les deux médecins ont été condamnés à indemniser la victime de l’accident médical.

 

B. L’information du patient à l’occasion d’un acte prescrit par un médecin et réalisé par un confrère

 

Ici, sauf exception, le prescripteur et son correspondant ne se rencontrent pas au moment de la réalisation de l’acte. Ils interviennent successivement auprès du patient.

 

 

 

Il faut, selon nous, distinguer deux situations différentes :

- La demande d’avis, par exemple sur la nécessité d’opérer le patient. Dans ce cas, il appartiendra au correspondant chirurgien d’assurer lui-même l’information du patient avant l'intervention. En toute rigueur juridique, il appartiendra toutefois au prescripteur de s’assurer que l’information a bien été délivrée (ou qu’elle sera délivrée) par son confrère chirurgien, ce qui n’est pas sans soulever quelques difficultés pratiques. D’où la nécessité de choisir des correspondants dont les méthodes de travail sont bien connues.

- La prescription d’un acte ou d'une exploration, ce qui implique, en principe, d’en avoir une bonne connaissance pour assurer une bonne information. En pratique, il convient dans cette hypothèse de délivrer personnellement l’information, et/ ou de s’assurer que l’information a bien été délivrée (ou complétée) par le confrère qui va réaliser l'acte. En effet, si le prescripteur est censé connaître les indications et les principaux risques d’un acte qu’il prescrit, il ne saurait, à notre sens, lui être reproché de ne pas connaître tous les risques liés à l’acte réalisé par un confrère (chirurgien, radiologue...) et donc, de ne pas en avoir averti son patient. L’on ne peut raisonnablement exiger d’un praticien qui ne réalise pas lui-même certains actes une connaissance aussi étendue et précise que celle de celui qui les exécute.

Mais attention, la Cour de cassation, par l’arrêt du 14 octobre 1997, rappelle en ces termes le principe selon lequel chacun est tenu d’informer le patient : "ce devoir d’information pèse aussi bien sur le médecin prescripteur que sur celui qui réalise la prescription [...]".

La formule utilisée par la Cour de cassation conforte selon nous la distinction que nous proposons : la Haute cour impose en effet un devoir d’information au "médecin prescripteur" et non au praticien qui demande un avis.

De façon générale, il est possible de se concerter sur les modalités de délivrance de l’information en fonction, notamment, du domaine de compétences de chacun. Mais attention, le principe est très clair, le prescripteur, à défaut d’avoir assuré lui-même l’information de son patient, doit au minimum s’assurer qu’elle a bien été délivrée. Dès lors, une difficulté particulière peut se présenter lorsque le patient, comme il en a le droit, choisit d’avoir recours à un praticien de son choix pour un acte recommandé par son médecin traitant ; ce dernier devra alors prendre soin de délivrer une information adaptée à son patient, en l’invitant à poser des questions plus précises à ce confrère qu’il ne connaît pas.

Notons enfin qu’en pratique, en cas d’accident, le praticien le plus souvent poursuivi est celui qui a réalisé l'acte litigieux.

 

C. L’information du patient à l’occasion d'un acte ou d'une intervention réalisé sous anesthésie

 

Le principe selon lequel chaque praticien doit s’assurer que l’information a bien été délivrée au patient peut ici trouver une justification dans le fait que le chirurgien (l'endoscopiste…) et l’anesthésiste n’interviennent ensemble auprès du patient qu’au moment de la réalisation de l’acte.

Mais il est sans doute illusoire, voire néfaste, de demander au chirurgien d’informer son patient, dans leurs moindres détails, des modalités et des risques de l’anesthésie et, réciproquement, de demander à l’anesthésiste d’informer le patient de tous les risques de l'acte réalisé par son confrère.

Néanmoins, lors de sa consultation, le médecin qui aura informé son patient des motifs pour lesquels l'acte ou l'examen lui paraît indiqué, ainsi que des risques éventuels de celui-ci, évoquera avec lui les différentes modalités possibles de réalisation de l’acte : anesthésie locale ou locorégionale, anesthésie générale, acte ambulatoire, etc.

Il semble important de préciser ici au patient, tout en étant rassurant, qu’il n’existe pas de "risque zéro" en anesthésie (pas plus d’ailleurs que pour tout autre acte médical). Il précisera à son patient qu’il sera vu par son confrère anesthésiste lors d’une consultation pré-anesthésique au cours de laquelle il pourra alors poser toutes ses questions à l’anesthésiste.

 

Il apparaît utile de s’entendre avec l’anesthésiste (ou l’équipe des anesthésistes) sur le contenu et les modalités pratiques de délivrance de l’information aux patients devant subir un acte à visée diagnostique ou thérapeutique sous anesthésie.

Un schéma d’organisation pour l’information des patients pourrait ainsi, par exemple, être défini dans le cadre de la CME (ou de toute autre structure ou réunion plus informelle).

L’information repose donc sur une bonne communication du médecin avec son patient. Il est également important de relever qu’une bonne communication entre médecins, et en particulier entre le chirurgien et l’anesthésiste, est indispensable.

En tout état de cause, s’agissant de l’information du patient, le chirurgien doit assurer lui-même l’information sur l'acte envisagé et, au minimum, s’assurer que l’information concernant le geste anesthésique a bien été délivrée par son confrère. De façon générale, les lignes qui précèdent illustrent tout l’intérêt d’entretenir de bonnes relations au sein de l’équipe médicale.

D. Cas particulier : les actes à visée esthétique

Il faut rappeler que, contrairement à une idée communément admise, le praticien qui réalise un acte à visée esthétique reste tenu à une obligation de moyens (Cour de cassation, 1re Chambre civile, 12 décembre 1995, Bull. civ. n° 461) et non de résultat. Mais les actes à visée esthétique suivent un régime juridique particulier de telle sorte que l’on peut parler d’obligation de moyens "renforcée".

Relevons que pour certains actes, la question même du classement dans la catégorie des actes à visée esthétique peut se poser (ex. : sclérothérapie des varices, chirurgie réfractive en ophtalmologie…).

La réponse à cette question a pourtant d'importantes conséquences juridiques. En effet, le chirurgien esthétique est soumis à des obligations (plus) lourdes car le régime juridique des actes à visée esthétique requiert un certain formalisme et le juge est (plus) sévère à son égard.

En pratique, le moindre signe pathologique associé à la disgrâce physique asymptomatique sera utilement porté dans le dossier médical, conférant alors une dimension thérapeutique au geste.

Lorsque l’intervention est exclusivement à visée esthétique, l’information des patients doit être la plus complète possible et tiendra compte, en particulier, de l’état du sujet mais aussi de l’âge, du sexe et de la profession exercée (exemple : hôtesses, comédiennes, mannequins…). De même, les accidents graves, même exceptionnels, ne doivent pas être occultés, à l’instar, du reste, de l’information précédant l'acte à visée esthétique.

 

En matière d’information, il faut relever deux éléments :

- l’obligation de remise d’un document écrit ;

- l’obligation d’apporter au patient une information étendue.

1. L’obligation de remise d’un document écrit au patient

L’arrêté du 17 octobre 1996 relatif à la publicité des prix des actes médicaux et chirurgicaux à visée esthétique prévoit la remise d’un devis détaillé dans trois situations :

- lorsque la prestation envisagée est évaluée à un montant égal ou supérieur à 2 000 F ;

- lorsque la prestation nécessite pour sa réalisation de pratiquer une anesthésie générale ;

- lorsque le patient examiné en fait la demande, y compris lorsque la prestation est d’un montant inférieur à 2 000 F ou lorsqu’elle est réalisée sans anesthésie générale.

Attention, en dehors de ces trois cas, avant la réalisation d’un acte à visée esthétique, il conviendra tout de même de remettre un document d’information comprenant au minimum :

- la date de rédaction du document d’information ;

- le nom, l’adresse, le numéro d’inscription au Conseil départemental de l’Ordre des médecins, la qualification dans une spécialité et/ ou la compétence exclusive en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique délivrée par le Conseil national de l’Ordre des médecins et l’existence ou non d’une assurance en responsabilité civile professionnelle du praticien, le garantissant pour l’acte prévu ;

- le nom, le prénom, la date de naissance et l’adresse du patient demandeur ;

- le lieu d’exécution de la prestation en précisant, pour les établissements de santé privés, le numéro d’agrément délivré par la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales ;

- la nature précise de l’acte prévu et de l’anesthésie nécessaire, la date proposée ; les informations d’ordre médical concernant l’acte proposé peuvent être données sur un document séparé.

Il s’agit là d’une information obligatoire (article 3 de l’arrêté du 17 octobre 1996 pris en application de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence) et de nature économique en ce sens qu’elle intéresse plus particulièrement le patient en sa qualité de consommateur.

Aux termes de l’article 33 du décret du 29 décembre 1986, la violation des dispositions de cet arrêté est passible d’une peine d’amende de 10 000 F.

Il faut par ailleurs noter que cette obligation concerne également l’hôpital public. En effet, en vertu de l’article L 113-2 du Code de la consommation, "les règles définies à la présente ordonnance [relative à la liberté des prix et de la concurrence] s’appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de service, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques".

Cet arrêté du 17 octobre 1996 témoigne de l’entrée de la médecine dans le droit de la consommation. Il est, en ce sens, à rapprocher de :

- l’arrêté du 11 juin 1996 relatif à l’information sur les tarifs d’honoraires pratiqués par les médecins libéraux,

- l’arrêté du 15 juillet 1996 "relatif à l’information du consommateur [sic] sur l’organisation des urgences médicales" notamment par voie d’affichage dans la salle d’attente.

À noter que le Conseil d’État (27 avril 1998, n° 184473) a annulé les dispositions de l’arrêté du 17 octobre 1996 relatives au délai de réflexion de 15 jours, les ayant estimées illégales. Toutefois au regard de la responsabilité médicale, il est sage, voire indispensable, de respecter un délai de réflexion (éventuellement de 15 jours, même si ce délai n’est plus un délai réglementaire).

Par ailleurs, le Conseil d’État considère que ce devis ne porte que sur un prix estimatif et qu’il n’a ni pour objet ni pour effet de contraindre un praticien à se faire rémunérer au moyen d’un forfait (ce qui est interdit par l’article 55 du Code de déontologie médicale).

2. L’obligation d’information étendue

Par principe, l’information en médecine porte désormais sur "les risques graves". Pour les actes à visée esthétique, l’information est traditionnellement plus étendue, tant à l’hôpital qu’en secteur privé.

Ainsi, une patiente qui avait subi à l’hôpital plusieurs séances de traitement au laser-argon pour un angiome sur l’hémiface gauche, et qui est restée atteinte de cicatrices chéloïdes, a poursuivi l’hôpital dans lequel elle avait reçu les soins. Elle reprochait à l’établissement de ne pas avoir été informée de tous les risques du traitement même bénins ou rares. Le Conseil d’État (15 mars 1996, n° 136692, R., p. 85) a suivi l’argumentation de la patiente considérant qu’"en matière de chirurgie esthétique, le praticien est tenu d’une obligation d’information particulièrement étendue à l’égard de son client".

Dans une autre affaire de principe, un médecin avait pratiqué sous anesthésie une lipo-aspiration d’un excès de graisse abdominale. Cette intervention a nécessité des incisions plus importantes que prévu et a provoqué des complications (difficultés de cicatrisation et infection). La patiente indiquait qu’elle s’attendait à ne conserver qu’une cicatrice horizontale sus-pubienne facilement masquée par le port d’un slip. Or, une incision verticale a dû être réalisée. La Cour de cassation (1re Chambre civile, 17 février 1998, n° 329 P) a précisé ici "qu’en matière d’actes médicaux et chirurgicaux à visée esthétique, l’obligation de l’information doit porter non seulement sur les risques graves de l’intervention mais aussi sur tous les inconvénients pouvant en résulter". En l’occurrence, selon la Cour de cassation, le praticien aurait dû informer sa cliente "qu’il était possible qu’il soit dans l’obligation de faire deux incisions abdominales et non pas une seule".

À noter que dans cette affaire, la Cour d’appel a relevé qu’"aucune note, fiche ou écrit quelconque ne permettait de connaître la teneur des informations" données et qu’un "compte rendu de consultation eût permis au médecin de soutenir avec raison qu’il avait averti sa patiente [...]".

 

Conclusion

 

 

La principale difficulté du renversement de la charge de la preuve de l’information consiste à trouver une interprétation qui permette d’appliquer les principes généraux présentés ci-dessus en ménageant les intérêts de chacun, patient et médecin. Ces principes juridiques s’accommodent en effet difficilement des particularités de la médecine et de la légitime quête de sécurité juridique des praticiens.

Constatation faite, de surcroît, de la disparité de régime juridique existant entre les praticiens du secteur privé, d’une part, et les praticiens exerçant dans des établissements publics, d’autre part, il apparaît primordial d’harmoniser les pratiques en matière d’information des patients.

Enfin, le renversement de la charge de la preuve ne doit pas masquer un autre problème plus vaste, à savoir l’indemnisation des victimes d’aléas médicaux qui ne trouve pas aujourd’hui, sauf exception, de solution satisfaisante (notamment législative) dans notre régime de responsabilité pour faute.