Introduction
Lévolution du droit moderne est marquée par un renforcement des droits de la personne humaine. Ainsi, en matière médicale, le législateur met en avant certains grands principes tels que la dignité de la personne et le respect du corps humain.
Cette évolution est marquée par le développement de la théorie du consentement et par un renforcement de lobligation dinformation du patient. Il importe en effet de lier les notions dinformation et de consentement. Linformation constitue le préalable nécessaire à lémission dun consentement qui, pour être valable, doit être donné en connaissance de cause par le patient, lobjectif étant in fine de permettre à ce patient deffectuer lui-même un choix.
Avant de décrire les fondements juridiques en la matière (II), nous rappellerons les principes du droit de la responsabilité médicale en France (I), afin de resituer la problématique de linformation au sein de notre dispositif juridique. Nous tirerons de cet état du droit certaines conséquences juridiques pratiques (III).
- I -
Principes du droit de la responsabilité médicale
Le régime juridique de la responsabilité médicale nest pas uniforme en droit français. Les procédures et les juridictions sont différentes selon que le médecin exerce en secteur privé ou en secteur public. Par ailleurs, les règles sont également différentes selon que le patient recherche une indemnisation (B) ou une sanction (A) à lencontre du médecin (cf. schéma
n° 1).
A. La responsabilité "sanction"
Le patient vise ici à obtenir une sanction contre le médecin, en "portant plainte" contre lui.
1. La responsabilité pénale
Une faute médicale peut parfois être qualifiée dinfraction. Dans ce cas, le praticien engage sa responsabilité pénale personnelle, quel que soit son mode dexercice : en ville, en clinique, en établissement de soins privé ou public...
Il encourt en particulier des peines damende et demprisonnement.
Ce type daction nexclut pas la recherche dune indemnisation (dommages-intérêts).
En matière délictuelle, le délai pour agir en justice est de trois ans.
2. La responsabilité disciplinaire
Le non-respect dune obligation déontologique est passible de poursuites devant la Section disciplinaire du Conseil de lOrdre (distincte de la Section des assurances sociales).
Les peines encourues sont : lavertissement, le blâme, linterdiction temporaire ou permanente dexercer certaines fonctions médicales, linterdiction temporaire dexercer la médecine, la radiation du Tableau de lOrdre.
Une plainte peut être portée devant le Conseil de lOrdre sans limitation de délai.
Pour mémoire, rappelons quil existe également une procédure disciplinaire administrative, spécifique aux établissements publics et distincte de la procédure ordinale, intéressant les médecins hospitaliers, agents publics.
B. La responsabilité "indemnisation"
Le patient victime dun préjudice à loccasion dun acte médical peut rechercher une indemnisation.
1. La responsabilité administrative
À lhôpital, le patient sadressera au juge administratif. Il poursuivra lhôpital, sur le fondement dune faute de service, et non pas le médecin qui pourrait être responsable de facto. Le délai pour agir en justice est de quatre ans.
On doit toutefois souligner que les tribunaux civils sont compétents lorsquun agent public, tel un médecin hospitalier, a commis une faute personnelle détachable du service. Or, la définition donnée par la Cour de cassation de la faute personnelle détachable du service est extensive. "Une faute, même involontaire, dun agent ou employé dun service public peut constituer une faute personnelle si elle présente une gravité certaine" (Cour de cassation, 1re Chambre civile, 21 octobre 1997, Bull. n° 290, p. 195). "Commet une faute lourde engageant sa responsabilité personnelle le médecin qui, avisé de larrivée dun blessé par balle dans son service, sabstient de se rendre à son chevet et de prendre les décisions qui simposent" (Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 mai 1982, Bull. n° 134, p. 368).
2. La responsabilité civile
En ville ou en clinique, le patient engagera directement la responsabilité du praticien devant le juge civil. Notons que si le médecin est salarié dun établissement privé, en pratique, le patient engagera la responsabilité de létablissement, juridiquement responsable des fautes de ses préposés, mais létablissement privé pourra demander à être garanti par le médecin fautif. Le patient dispose ici dun délai de 30 ans pour agir en justice. Soulignons le fait que ce délai peut être porté à 48 ans lorsqu'en l'absence de procédure intentée par ses parents avant l'âge de sa majorité légale (18 ans), un patient victime d'un préjudice au moment de sa naissance dispose à nouveau de ce même délai de 30 ans à compter de son accession à l'âge de la majorité légale, soit 30 + 18 = 48 ans.
Il est donc indispensable que tous les praticiens, quils soient du secteur public ou du secteur privé, et, dans ce dernier cas, quils exercent à titre libéral ou comme salarié, soient assurés pour leur responsabilité professionnelle.
3. La problématique de lindemnisation
Sauf exception (transaction, par exemple), lindemnisation du patient ne peut intervenir quaprès condamnation de létablissement ou du médecin. Or, la condamnation ne pourra être prononcée et le patient indemnisé que si le patient rapporte la triple preuve dune faute du médecin, dun préjudice et dun lien de causalité entre la faute et le préjudice.
Toutefois, ce principe souffre quelques exceptions récentes et majeures. Dans deux domaines particuliers, les magistrats ont renversé la charge de la preuve :
- en matière dinfections nosocomiales ;
- en matière dinformation du patient, dans le secteur privé, depuis larrêt du 25 février 1997.
a) En matière dinfections nosocomiales
Ici, létablissement est présumé responsable. Dans le secteur privé, la Cour de cassation est même allée plus loin encore en posant une obligation de sécurité de résultat. En cas de mise en cause devant la constatation dune infection nosocomiale, cest à létablissement public ou privé de prouver, le cas échéant, quil na commis aucune faute.
Le 29 juin 1999, la Cour de cassation (1re Chambre civile, arrêt n° 1267) a indiqué pour la première fois que : "le contrat dhospitalisation et de soins conclu entre un patient et un établissement de santé met à la charge de ce dernier, en matière dinfection nosocomiale, une obligation de sécurité de résultat dont il ne peut se libérer quen rapportant la preuve dune cause étrangère".
En lespèce, elle casse larrêt de la Cour dappel qui avait écarté la responsabilité de létablissement et confirme en outre la condamnation du praticien pour absence dinformation sur le risque dinfection nosocomiale.
La Cour de cassation pose donc une obligation de sécurité de résultat à la charge de l'établissement et une obligation dinformation concernant les infections nosocomiales à la charge du médecin.
Mais le même jour, la Cour de cassation étend cette obligation de sécurité de résultat aux médecins, indiquant dans deux affaires : "quun médecin est tenu vis-à-vis de son patient, en matière dinfection nosocomiale, dune obligation de sécurité de résultat, dont il ne peut se libérer quen rapportant la preuve dune cause étrangère".
En loccurrence, précisons que dans l'un des deux cas, le médecin exerçait au sein de locaux loués par une clinique, sans que celle-ci ait un quelconque pouvoir dintervention ou dorganisation sur lactivité exercée.
La Cour de cassation précise que seule "une cause étrangère" peut écarter la responsabilité du praticien. Toutefois, en pratique, en l'état actuel de la jurisprudence, une exonération de responsabilité fondée sur la cause étrangère sera le plus souvent illusoire.
b) En matière dinformation du patient
Dans le secteur privé, larrêt du 25 février 1997 conduit à poser une présomption de faute du médecin. En effet, dans un premier temps, le médecin doit prouver quil a bien informé son patient. Les juges seront amenés à préciser létendue de cette obligation à la charge du médecin : sagit-il simplement de prouver quune information a été donnée ou faut-il apporter la preuve du contenu de linformation ? Cette question est fondamentale. Les juridictions auront toutefois tout loisir dapprécier le lien de causalité entre la faute (le défaut dinformation) et le préjudice subi par le patient et, éventuellement de ne pas retenir la responsabilité du médecin.
Schéma n° 1 (simplifié) : Les différents régimes de responsabilité en droit médical et
les juridictions françaises compétentes selon la finalité recherchée par le patient
FINALITÉ : INDEMNISATION |
FINALITÉ : SANCTION |
Cour de cassation Chambre civile |
Conseil dÉtat |
Cour de cassation Chambre criminelle |
Conseil dÉtat |
é é é é
Cour dappel |
Cour administrative dappel |
Cour dappel |
Conseil national de lOrdre |
é é é é
Tribunal de grande instance |
Tribunal administratif |
Tribunal correctionnel |
Conseil régional de lOrdre |
é é é é
Responsabilité civile
Prescription : 30 ans |
Responsabilité administrative Prescription : 4 ans |
Responsabilité pénale Prescription : 3 ans (délits) |
Responsabilité disciplinaire Pas de prescription |
- II -
Fondements juridiques du devoir dinformation
et de recueil du consentement
Nous présenterons, dans un premier temps, limportance pratique de linformation dans le contentieux de la responsabilité médicale (A) puis, dans un deuxième temps, les principaux textes juridiques fondant lobligation dinformation du patient (B). Enfin, nous préciserons sur quel texte sest appuyée la Cour de cassation pour imposer au médecin la preuve de laccomplissement de son obligation dinformation du patient (C).
A. L'importance pratique de l'information
Lobligation dinformation du patient, ancienne en jurisprudence, revêt une importance pratique considérable. En effet, dans le cadre dun contentieux entre un médecin et son patient, schématiquement, deux types de fautes seront dans la pratique le plus souvent invoqués :
- une faute dans les investigations, le traitement ou le suivi,
- un défaut dinformation.
La faute technique se recherche en pratique par la voie de lexpertise. Le défaut dinformation, quant à lui, est difficile à démontrer pour le patient, voire impossible, à moins que le médecin ne reconnaisse lui-même ne pas avoir satisfait à cette obligation. La Cour de cassation, par son arrêt du 25 février 1997, a décidé de faciliter la tâche du patient en renversant la charge de la preuve de linformation qui incombe désormais au médecin.
En loccurrence, la Cour de cassation a fait le choix de lindemnisation du patient, mais lon doit souligner que le renversement de la charge de la preuve de linformation concerne tous les professionnels tenus dun devoir dinformation, et pas seulement les médecins.
1. Les difficultés liées à lobligation dinformation
Première difficulté : qui doit donner linformation ?
Dans les cas simples où le patient na quun médecin, cest évidemment à ce dernier quincombe le devoir dinformation. Mais, si plusieurs médecins par exemple le médecin prescripteur et celui qui réalise la prescription interviennent, chacun est tenu dinformer le patient. Les praticiens peuvent certes se concerter sur les modalités de délivrance de linformation, notamment eu égard à leurs compétences respectives, mais chacun doit sassurer que linformation a bien été donnée. Tel est le principe. Toutefois, certaines difficultés pratiques sont susceptibles dapparaître (cf. infra, III sur les conséquences juridiques pratiques).
Deuxième difficulté : le destinataire de linformation.
Linformation doit être donnée :
- au malade lui-même lorsquil est à même dexprimer sa volonté ;
- à ses parents sil sagit dun mineur (le mineur lui-même article 42 du Code de déontologie devant être informé lorsquil est en âge de comprendre et de supporter linformation) ou à celui qui est investi de lautorité parentale, étant précisé que même le parent qui na pas reçu cette autorité pourrait demander à être informé compte tenu de la gravité de lintervention ;
- aux organes de la tutelle en cas dincapacité ;
- ou encore à des proches dans le cas dun patient qui nest ni mineur, ni incapable, mais auquel pour une raison légitime linformation ne peut être donnée (article 35 du Code de déontologie).
Troisième difficulté : la preuve de linformation.
Afin de prouver quil a bien rempli son obligation dinformation, le praticien devra en laisser une trace. À défaut, il pourra répondre juridiquement de ce quil na pas dit (ce qui nest pas nouveau) mais également de ce quil nest pas en mesure de prouver avoir dit (là est la nouveauté). Si lobligation est bien remplie mais ne peut être prouvée, la faute sera présumée.
Quatrième difficulté : le contenu et la forme de linformation.
En réalité, il ne sagit pas simplement de formaliser ce qui a été dit. Ne serait-ce que par sécurité juridique, le médecin doit savoir ce qui doit être dit ou écrit.
2. Qui est concerné par le renversement de la charge de la preuve ?
Attention, le renversement de la charge de la preuve concerne aujourdhui les médecins du secteur privé, à lexclusion des praticiens hospitaliers, en toute rigueur non concernés par larrêt du 25 février 1997.
En effet, lhôpital public est soumis à un régime de droit administratif. À lhôpital public, le Conseil dÉtat (Juridiction suprême en droit administratif) continue à exiger du malade quil apporte la preuve dun défaut dinformation, même sil ne le déclare pas expressément. Ainsi, sagissant de largumentation dun malade qui estimait avoir subi une exploration chirurgicale ophtalmologique sans son consentement, le Conseil dÉtat retient que "les allégations suivant lesquelles cette intervention aurait été pratiquée sans le consentement du patient, ne sont assorties daucun commencement de preuve" (Conseil dÉtat, 14 juin 1991, Maalem,
n° 65459). En la matière, "la jurisprudence administrative, moins récente [que celle de la Cour de cassation], reste classique" (selon le Rapport 1998 du Conseil dÉtat sur le droit de la santé, p. 452 ; cf. aussi p. 14 de ce rapport).
Toutefois, la prudence simpose car aujourdhui la question se pose de savoir si le Conseil dÉtat va saligner sur la jurisprudence de la Cour de cassation. Ce dautant que de rares décisions des juges du fond, qui ne sont aujourdhui pas confirmées par le Conseil dÉtat, se sont prononcées dans ce sens (en particulier, Cour administrative dappel de Nantes, 24 juillet 1997 ; Cour administrative d'appel de Paris, 9 juin 1998).
Sont donc aujourd'hui concernés par lobligation dapporter la preuve de linformation du patient :
- les médecins libéraux,
- les médecins salariés du secteur privé,
- les médecins hospitaliers dans le cadre de leur secteur dactivité libérale,
- les médecins libéraux exerçant à lhôpital dans le cadre de la "clinique ouverte".
En dautres termes, pour un même acte, effectué dans les mêmes conditions techniques de réalisation et dinformation, les conséquences seront différentes :
- dans le secteur privé, si le patient ne peut pas prouver quil na pas été informé et que le médecin ne peut pas prouver quil a bien informé son patient, le praticien pourra être condamné à indemniser son patient ;
- à lhôpital, si le patient ne peut pas prouver quil na pas été informé et quand bien même le praticien ne peut pas prouver quil a bien informé son malade, ce dernier ne pourra pas être indemnisé.
Cette différence de traitement sexplique par le fait que les deux régimes juridiques qui régissent les relations médecin-patient dans le secteur public et dans le secteur privé, sont différents.
3. Quel est le préjudice indemnisé ?
La perte de chance peut se définir comme le préjudice résultant de la disparition de la probabilité dun événement favorable (non réalisation du risque).
Cest un préjudice autonome, quil convient de distinguer du préjudice final.
La perte de chance constitue, pour le juge judiciaire, le fondement sur lequel repose lindemnisation du patient en cas dimpossibilité pour le médecin dapporter la preuve de lexistence de linformation du patient. À l'hôpital, certaines juridictions fondent également l'indemnisation d'un défaut d'information sur la notion de perte de chance (ex. : Cour administrative d'appel de Paris, 9 juin 1998, M. Guilbot). Mais ce n'est pas (encore ?) le cas du Conseil d'État.
Pour être indemnisé, le patient devra dune part, prouver que ce défaut dinformation est à lorigine dun préjudice et, dautre part, évaluer ce préjudice. Selon la Cour de cassation, le "dommage qui résulte pour lui de cette perte de chance est fonction de la gravité de son état réel et de toutes les conséquences en découlant" (Cour de cassation, 1re Chambre civile, 8 juillet 1997, Bull. n° 239, p. 160). Les magistrats apprécient alors souverainement "la fraction des préjudices correspondant à la perte de chance de les éviter si le médecin navait pas commis une faute" (Cour de cassation, 1re Chambre civile, 8 juillet 1997, op. cit.).
La perte de chance repose donc ici sur lidée que si le patient avait été informé (en pratique : si le médecin avait pu prouver avoir assuré cette information), il aurait peut-être renoncé à lacte médical.
La perte de chance est appréciée souverainement par les magistrats et peut conduire à refuser toute indemnisation du patient. Ainsi, dans laffaire du 25 février 1997, la Cour de cassation (après avoir cassé larrêt qui lui était soumis) a renvoyé laffaire devant la Cour d'appel d'Angers. Cette dernière, le 11 septembre 1998, a entériné la décision de la Cour de cassation confirmant que la charge de la preuve de l'information incombe au médecin. Toutefois, bien que retenant l'existence d'une faute du praticien pour défaut d'information, elle a débouté le patient de sa demande d'indemnisation (en clair, le médecin n'est pas condamné). Selon elle en effet, l'indication médicale de la coloscopie était indiscutable. Elle a estimé en particulier que "le choix d'une solution négative [c'est-à-dire un refus de l'intervention de la part du patient] était improbable et la chance perdue illusoire dès lors que l'information aurait dû mettre en parallèle les risques encourus [...] et l'évolution prévisible de l'état de santé de l'intéressé".
Notons que la Cour de cassation (1re Chambre civile, 7 octobre 1998, n° 1568) considère qu'un patient ne peut justifier d'aucun préjudice indemnisable dans l'hypothèse où les troubles résultant de l'intervention sont "moindres" que ceux qui découlent de sa "non-réalisation".
Précisons enfin quil ne peut y avoir lieu à condamnation pénale à raison dune perte de chance. En cas de relaxe dun médecin, le patient a alors la possibilité de sadresser au juge civil pour demander, en labsence de faute pénale, une indemnisation sur le fondement de la perte de chance (Cour de cassation, 1re Chambre civile, 24 mars 1981, Bull. n° 98).
B. Les principaux textes juridiques imposant une obligation dinformation du patient
Le serment dHippocrate ne fait aucunement référence au consentement du patient. Le serment médical fait, depuis son actualisation de 1995, référence au respect de la "volonté" des "personnes" et à linformation des "patients" sans toutefois expressément exiger le recueil de leur consentement. De façon pragmatique, le Guide dexercice professionnel édité par lOrdre national des médecins (édition de 1991, p. 74 et 77) relève quant à lui que le consentement du malade est une "exigence déontologique fondamentale" en observant quil est "impossible dans beaucoup de cas que le consentement soit tout à fait bien éclairé [...]". Cette approche est reprise par les Commentaires du Code de déontologie médicale édités par lOrdre (édition 1996, p. 150 et 151).
Le droit, quant à lui, a évolué, passant dun droit à linformation à une obligation dinformation du patient sanctionnée le cas échéant civilement (dommages-intérêts) et disciplinairement (avertissement, blâme, etc.). Notons que pénalement, le défaut dinformation ne constitue pas, en soi, une infraction, à moins quil ne soit prévu par un texte spécifique dans un domaine particulier comme en matière de recherche biomédicale (article
L 209-19 du Code de la santé publique : 300 000 F damende, trois ans demprisonnement).
En droit français, les fondements de lobligation dinformation se trouvent principalement dans le Code civil, le Code de déontologie médicale et le Code de la santé publique
(cf. schéma n° 2 ci-dessous).
Sagissant des fondements en droit international, les textes sont nombreux. À titre dexemple, on peut citer la Convention sur les Droits de lhomme et la biomédecine, dite Convention européenne de bioéthique, signée à Oviedo (Espagne) le 4 avril 1997.
Il faut enfin souligner lentrée de la médecine dans le droit de la consommation. L'information du patient n'est pas seulement de nature médicale, elle est aussi de nature économique et organisationnelle. L'on peut à cet égard citer :
- larrêté du 11 juin 1996 relatif à linformation sur les tarifs dhonoraires pratiqués par les médecins libéraux,
- larrêté du 15 juillet 1996 "relatif à linformation du consommateur [sic] sur lorganisation des urgences médicales" notamment par voie daffichage dans la salle dattente.
Schéma n° 2 (synoptique) : Fondements législatif et réglementaire dun défaut dinformation et de recueil du consentement selon les régimes de responsabilité
Responsabilité civile |
Responsabilité administrative |
Responsabilité pénale |
Responsabilité disciplinaire |
|||
é |
é |
é |
é |
|||
Violation dune obligation légale ou contractuelle |
Faute de service |
Infraction pénale (limitée à des situations particulières) |
Violation dune obligation déontologique |
|||
é |
é |
é |
é |
|||
. Code de déontologie médicale . article 16-3 du Code civil . article 1315 du Code civil . article 1147 du Code civil |
. article 16-3 du Code civil (issu de la loi bioéthique n° 94-653, applicable à lhôpital) . article L 710-2 al. 2 du Code de la santé publique |
exemple : article L 209-19 du Code de la santé publique (défaut de consentement en matière de recherche biomédicale) |
articles 35, 36, 41, 42 et 64 du Code de déontologie médicale |
1. Larticle 16-3 du Code civil
Selon larticle 16-3 du Code civil :
"Il ne peut être porté atteinte à lintégrité du corps humain quen cas de nécessité médicale [l'article 70 de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 a substitué la nécessité "médicale" à la nécessité "thérapeutique"] pour la personne.
Le consentement de lintéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il nest pas à même de consentir."
2. Le Code de déontologie médicale
Le Code de déontologie médicale (décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995, J.O. du
8 septembre 1995) prévoit, aux termes de son article 35 :
"Le médecin doit à la personne quil examine, quil soigne ou quil conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins quil lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension.
Toutefois, dans lintérêt du malade et pour des raisons légitimes que le praticien apprécie en conscience, un malade peut être tenu dans lignorance dun diagnostic ou dun pronostic grave, sauf dans les cas où laffection dont il est atteint expose les tiers à un risque de contamination.
Un pronostic fatal ne doit être révélé quavec circonspection, mais les proches doivent en être prévenus, sauf exception ou si le malade a préalablement interdit cette révélation ou désigné les tiers auxquels elle doit être faite."
Le Code de déontologie, dont on discutait la portée juridique, a récemment reçu une consécration par la Cour de cassation (1re Chambre civile, 18 mars 1997, Bull. n° 99, p. 65) qui dispose que : "La méconnaissance des dispositions du Code de déontologie médicale peut être invoquée par une partie à lappui dune action en dommages-intérêts dirigée contre un médecin [...]."
En dautres termes, larticle 35 du Code de déontologie médicale constitue aujourdhui le fondement légal, ou plus exactement réglementaire, de lobligation dinformation.
Retenons également que le Code de déontologie médicale précise la conduite à tenir à loccasion de soins dispensés à un patient "hors détat dexprimer sa volonté".
Selon larticle 36 :
"Le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas.
Lorsque le malade, en état dexprimer sa volonté, refuse les investigations ou le traitement proposés, le médecin doit respecter ce refus après avoir informé le malade de ses conséquences.
Si le malade est hors détat dexprimer sa volonté, le médecin ne peut intervenir sans que ses proches aient été prévenus et informés, sauf urgence ou impossibilité.
Les obligations du médecin à légard du patient lorsque celui-ci est un mineur ou un majeur protégé sont définies à larticle 42."
Larticle 42, quant à lui, stipule :
"Un médecin appelé à donner des soins à un mineur ou à un majeur protégé doit sefforcer de prévenir ses parents ou son représentant légal et dobtenir leur consentement.
En cas durgence, même si ceux-ci ne peuvent être joints, le médecin doit donner les soins nécessaires.
Si lavis de lintéressé peut être recueilli, le médecin doit en tenir compte dans toute la mesure du possible."
En pratique, le Code de déontologie médicale doit être considéré comme un recueil de référence auquel le médecin peut se reporter en cas de besoin. Notons que de façon générale, ces textes nexigent pas un consentement écrit du patient (sur les domaines nécessitant un consentement formel, cf. tableau).
3. La Convention européenne de bioéthique
La Convention européenne de bioéthique prévoit qu"une intervention dans le domaine de la santé ne peut être effectuée quaprès que la personne concernée y a donné son consentement libre et éclairé.
Cette personne reçoit préalablement une information adéquate quant au but et à la nature de lintervention ainsi que quant à ses conséquences et ses risques."
À noter que l'article 10 § 2 prévoit que "la volonté d'une personne de ne pas être informée doit être respectée".
La Cour de cassation, dans un arrêt du 7 octobre 1998 (1re Chambre civile, arrêt n° 1568) a reconnu ce droit en indiquant qu'"hormis les cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, un médecin est tenu de donner une information loyale, claire et appropriée[ ]".
Dautres dispositions concernent spécifiquement les personnes nayant pas la capacité de consentir, et les patients souffrant dun trouble mental.
Tableau : Les activités médicales faisant l'objet d'une information ou d'un consentement exigeant un consentement écrit
- Analyses de cytogénétique ou de biologie destinées à établir un diagnostic prénatal (article R 162-16-7 du Code de la santé publique)
- Interruption volontaire de grossesse non thérapeutique pratiquée avant la fin de la 10e semaine (article
L 162-5 du Code de la santé publique)
- Actes dassistance médicale à la procréation (article L 152-10 du Code de la santé publique)
- Diagnostic préimplantatoire (articles L 162-17 et R 162-34 du Code de la santé publique)
- Examen ou identification des caractéristiques génétiques (article L 145-15 du Code de la santé publique)
- Recherche biomédicale (article L 209-9 du Code de la santé publique)
- Prélèvement de sang ou de ses composants sur mineurs ou majeurs protégés, en vue dune utilisation thérapeutique pour autrui. Interdit chez les majeurs protégés. Autorisé chez les mineurs sous condition de consentement écrit des titulaires de lautorité parentale ; le refus du mineur constitue un obstacle au prélèvement (article L 666-5 du Code de la santé publique)
- Modification des caractéristiques du sang avant prélèvement (L 666-6 du Code de la santé publique)
- Prélèvement dorganes. Interdit chez un majeur protégé vivant (article L 671-4 du Code de la santé publique). Autorisé chez un mineur au seul profit de son frère ou de sa sur : le consentement est recueilli par écrit devant magistrat (article L 671-5 du Code de la santé publique)
- Prélèvement dorganes sur une personne mineure ou majeure protégée décédée, en vue dun don : consentement exprès du titulaire de lautorité parentale ou du représentant légal (article L 671-8 du Code de la santé publique)
- Prélèvement de tissus (articles 5 et 19 de la Convention sur les Droits de lhomme et la biomédecine, contrairement au droit français qui nexige aucune forme particulière)
- Administration d'un produit sanguin labile (article R 710-2-7-1 du Code de la santé publique)
- Actes médicaux et chirurgicaux à visée esthétique (arrêté du 17 octobre 1996 ; sauf actes réalisés en urgence, et sauf actes à visée réparatrice : CE, 27 avril 1998)
C. Le fondement juridique du renversement de la charge de la preuve
Larticle 9 du Nouveau Code de procédure civile prévoit qu"il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention". Ce texte est interprété à la lumière de larticle 1315 du Code civil aux termes duquel :
"Celui qui réclame lexécution dune obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit lextinction de son obligation."
Larrêt du 25 février 1997 vise larticle 1315 du Code civil et retient que : "celui qui est légalement ou contractuellement tenu dune obligation particulière dinformation doit rapporter la preuve de lexécution de cette obligation".
Cet arrêt revient sur un principe posé par la Cour de cassation elle-même en 1951 selon lequel il appartenait au malade "[...] lorsquil se soumet en pleine lucidité à lintervention du chirurgien, de rapporter la preuve que ce dernier a manqué à [son] obligation [...] en ne linformant pas [...]" (Cour de cassation, Chambre civile, 29 mai 1951, Bull. n° 162).
Ironie de lhistoire, larticle 1315 du Code civil sert de fondement juridique aux arrêts de 1951 (qui vise également larticle 1147 relatif à lobligation de moyens) et de 1997 pour poser deux principes fondamentalement opposés. Simplement, larrêt de 1997 met laccent sur lalinéa 2 selon lequel "Celui qui se prétend libéré [de son obligation dinformation, en loccurrence] doit justifier le paiement [cest-à-dire lexécution de son obligation dinformation]."
Il sagit donc dune exception majeure à ladage "onus probardi inconbit actori", principe selon lequel la charge de la preuve incombe au demandeur (le patient). Rappelons quen matière dinfections nosocomiales le Conseil dÉtat (9 décembre 1988, Rec., p. 421) et la Cour de cassation (1re Chambre civile, 21 mai 1996, Bull. n° 219) ont posé un principe de présomption de faute de létablissement de soins. De la même façon, la charge de la preuve de lexistence dune faute, dans ce domaine, ne pèse plus sur le patient.
- III -
Conséquences juridiques pratiques
Nous avons vu supra que lun des premiers écueils en matière dinformation des patients est de déterminer qui doit donner linformation.
À cet égard, linformation entourant la prescription dune ordonnance médicamenteuse (effets secondaires, par exemple) ne pose, en soi, pas de problème juridique particulier : cest bien au médecin rédacteur de lordonnance de la délivrer. En la matière, linformation devra notamment porter sur :
- létat de santé du patient,
- lobjectif du traitement,
- sa nature,
- sa durée,
- ses risques,
- les modalités pratiques des prises,
- les règles dhygiène de vie à respecter,
- la disponibilité du praticien, notamment téléphonique,
- la conduite à tenir en cas de complication.
À linverse, linformation par un médecin des risques d'un acte ou dune intervention chirurgicale qu'il prescrit mais ne réalise pas personnellement est susceptible dêtre source de difficultés (B). Des difficultés peuvent également apparaître au sein du "couple" chirurgien-anesthésiste en cas d'intervention réalisée sous anesthésie (C). Mais, juridiquement, chaque médecin doit sassurer que linformation a bien été donnée au patient (A). Enfin, nous présenterons le cas particulier des actes à visée esthétique (D).
A. Chaque praticien doit veiller à linformation du patient
Dun point de vue juridique, et d'une façon générale, chacun est tenu dinformer le patient. Cest dailleurs ce que précise larticle 64 alinéa 1 du Code de déontologie médicale, aux termes duquel :
"Lorsque plusieurs médecins collaborent à lexamen ou au traitement dun malade, ils doivent se tenir mutuellement informés ; chacun des praticiens assume ses responsabilités personnelles et veille à linformation du malade [...]."
Ce principe nest pas nouveau. Dans une affaire dont a eu à connaître la Cour de cassation
(1re Chambre civile, 29 mai 1984) une aortographie prescrite par un chirurgien avait été exécutée par lun de ses confrères radiologues. Un grave accident survint (paraplégie). Il fut établi que cet acte qui présente des risques nétait "ni indispensable ni urgent".
Pour écarter sa responsabilité, le radiologue soutenait quil sétait borné à pratiquer laortographie prescrite par son confrère. La Cour a écarté cette argumentation considérant que le radiologue dispose dun "droit de contrôle sur la prescription de son confrère" et quil a manqué à son obligation dinformation du patient concernant les risques de lintervention. En loccurrence, le radiologue navait dailleurs commis aucune faute technique dans la réalisation de laortographie, sa faute résidant dans le seul défaut dinformation du patient.
Le chirurgien prescripteur, qui navait pas délivré dinformation sur les risques de laortographie, considérait que lobligation dinformation pesait sur son confrère radiologue. Mais la Cour de cassation ne la pas entendu ainsi. Elle a en effet considéré que le médecin prescripteur devait assurer personnellement, lui aussi, linformation.
Dans cette affaire, les deux médecins ont été condamnés à indemniser la victime de laccident médical.
B. Linformation du patient à loccasion dun acte prescrit par un médecin et réalisé par un confrère
Ici, sauf exception, le prescripteur et son correspondant ne se rencontrent pas au moment de la réalisation de lacte. Ils interviennent successivement auprès du patient.
Il faut, selon nous, distinguer deux situations différentes :
- La demande davis, par exemple sur la nécessité dopérer le patient. Dans ce cas, il appartiendra au correspondant chirurgien dassurer lui-même linformation du patient avant l'intervention. En toute rigueur juridique, il appartiendra toutefois au prescripteur de sassurer que linformation a bien été délivrée (ou quelle sera délivrée) par son confrère chirurgien, ce qui nest pas sans soulever quelques difficultés pratiques. Doù la nécessité de choisir des correspondants dont les méthodes de travail sont bien connues.
- La prescription dun acte ou d'une exploration, ce qui implique, en principe, den avoir une bonne connaissance pour assurer une bonne information. En pratique, il convient dans cette hypothèse de délivrer personnellement linformation, et/ ou de sassurer que linformation a bien été délivrée (ou complétée) par le confrère qui va réaliser l'acte. En effet, si le prescripteur est censé connaître les indications et les principaux risques dun acte quil prescrit, il ne saurait, à notre sens, lui être reproché de ne pas connaître tous les risques liés à lacte réalisé par un confrère (chirurgien, radiologue...) et donc, de ne pas en avoir averti son patient. Lon ne peut raisonnablement exiger dun praticien qui ne réalise pas lui-même certains actes une connaissance aussi étendue et précise que celle de celui qui les exécute.
Mais attention, la Cour de cassation, par larrêt du 14 octobre 1997, rappelle en ces termes le principe selon lequel chacun est tenu dinformer le patient : "ce devoir dinformation pèse aussi bien sur le médecin prescripteur que sur celui qui réalise la prescription [...]".
La formule utilisée par la Cour de cassation conforte selon nous la distinction que nous proposons : la Haute cour impose en effet un devoir dinformation au "médecin prescripteur" et non au praticien qui demande un avis.
De façon générale, il est possible de se concerter sur les modalités de délivrance de linformation en fonction, notamment, du domaine de compétences de chacun. Mais attention, le principe est très clair, le prescripteur, à défaut davoir assuré lui-même linformation de son patient, doit au minimum sassurer quelle a bien été délivrée. Dès lors, une difficulté particulière peut se présenter lorsque le patient, comme il en a le droit, choisit davoir recours à un praticien de son choix pour un acte recommandé par son médecin traitant ; ce dernier devra alors prendre soin de délivrer une information adaptée à son patient, en linvitant à poser des questions plus précises à ce confrère quil ne connaît pas.
Notons enfin quen pratique, en cas daccident, le praticien le plus souvent poursuivi est celui qui a réalisé l'acte litigieux.
C. Linformation du patient à loccasion d'un acte ou d'une intervention réalisé sous anesthésie
Le principe selon lequel chaque praticien doit sassurer que linformation a bien été délivrée au patient peut ici trouver une justification dans le fait que le chirurgien (l'endoscopiste ) et lanesthésiste ninterviennent ensemble auprès du patient quau moment de la réalisation de lacte.
Mais il est sans doute illusoire, voire néfaste, de demander au chirurgien dinformer son patient, dans leurs moindres détails, des modalités et des risques de lanesthésie et, réciproquement, de demander à lanesthésiste dinformer le patient de tous les risques de l'acte réalisé par son confrère.
Néanmoins, lors de sa consultation, le médecin qui aura informé son patient des motifs pour lesquels l'acte ou l'examen lui paraît indiqué, ainsi que des risques éventuels de celui-ci, évoquera avec lui les différentes modalités possibles de réalisation de lacte : anesthésie locale ou locorégionale, anesthésie générale, acte ambulatoire, etc.
Il semble important de préciser ici au patient, tout en étant rassurant, quil nexiste pas de "risque zéro" en anesthésie (pas plus dailleurs que pour tout autre acte médical). Il précisera à son patient quil sera vu par son confrère anesthésiste lors dune consultation pré-anesthésique au cours de laquelle il pourra alors poser toutes ses questions à lanesthésiste.
Il apparaît utile de sentendre avec lanesthésiste (ou léquipe des anesthésistes) sur le contenu et les modalités pratiques de délivrance de linformation aux patients devant subir un acte à visée diagnostique ou thérapeutique sous anesthésie.
Un schéma dorganisation pour linformation des patients pourrait ainsi, par exemple, être défini dans le cadre de la CME (ou de toute autre structure ou réunion plus informelle).
Linformation repose donc sur une bonne communication du médecin avec son patient. Il est également important de relever quune bonne communication entre médecins, et en particulier entre le chirurgien et lanesthésiste, est indispensable.
En tout état de cause, sagissant de linformation du patient, le chirurgien doit assurer lui-même linformation sur l'acte envisagé et, au minimum, sassurer que linformation concernant le geste anesthésique a bien été délivrée par son confrère. De façon générale, les lignes qui précèdent illustrent tout lintérêt dentretenir de bonnes relations au sein de léquipe médicale.
D. Cas particulier : les actes à visée esthétique
Il faut rappeler que, contrairement à une idée communément admise, le praticien qui réalise un acte à visée esthétique reste tenu à une obligation de moyens (Cour de cassation, 1re Chambre civile, 12 décembre 1995, Bull. civ. n° 461) et non de résultat. Mais les actes à visée esthétique suivent un régime juridique particulier de telle sorte que lon peut parler dobligation de moyens "renforcée".
Relevons que pour certains actes, la question même du classement dans la catégorie des actes à visée esthétique peut se poser (ex. : sclérothérapie des varices, chirurgie réfractive en ophtalmologie ).
La réponse à cette question a pourtant d'importantes conséquences juridiques. En effet, le chirurgien esthétique est soumis à des obligations (plus) lourdes car le régime juridique des actes à visée esthétique requiert un certain formalisme et le juge est (plus) sévère à son égard.
En pratique, le moindre signe pathologique associé à la disgrâce physique asymptomatique sera utilement porté dans le dossier médical, conférant alors une dimension thérapeutique au geste.
Lorsque lintervention est exclusivement à visée esthétique, linformation des patients doit être la plus complète possible et tiendra compte, en particulier, de létat du sujet mais aussi de lâge, du sexe et de la profession exercée (exemple : hôtesses, comédiennes, mannequins ). De même, les accidents graves, même exceptionnels, ne doivent pas être occultés, à linstar, du reste, de linformation précédant l'acte à visée esthétique.
En matière dinformation, il faut relever deux éléments :
- lobligation de remise dun document écrit ;
- lobligation dapporter au patient une information étendue.
1. Lobligation de remise dun document écrit au patient
Larrêté du 17 octobre 1996 relatif à la publicité des prix des actes médicaux et chirurgicaux à visée esthétique prévoit la remise dun devis détaillé dans trois situations :
- lorsque la prestation envisagée est évaluée à un montant égal ou supérieur à 2 000 F ;
- lorsque la prestation nécessite pour sa réalisation de pratiquer une anesthésie générale ;
- lorsque le patient examiné en fait la demande, y compris lorsque la prestation est dun montant inférieur à 2 000 F ou lorsquelle est réalisée sans anesthésie générale.
Attention, en dehors de ces trois cas, avant la réalisation dun acte à visée esthétique, il conviendra tout de même de remettre un document dinformation comprenant au minimum :
- la date de rédaction du document dinformation ;
- le nom, ladresse, le numéro dinscription au Conseil départemental de lOrdre des médecins, la qualification dans une spécialité et/ ou la compétence exclusive en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique délivrée par le Conseil national de lOrdre des médecins et lexistence ou non dune assurance en responsabilité civile professionnelle du praticien, le garantissant pour lacte prévu ;
- le nom, le prénom, la date de naissance et ladresse du patient demandeur ;
- le lieu dexécution de la prestation en précisant, pour les établissements de santé privés, le numéro dagrément délivré par la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales ;
- la nature précise de lacte prévu et de lanesthésie nécessaire, la date proposée ; les informations dordre médical concernant lacte proposé peuvent être données sur un document séparé.
Il sagit là dune information obligatoire (article 3 de larrêté du 17 octobre 1996 pris en application de lordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence) et de nature économique en ce sens quelle intéresse plus particulièrement le patient en sa qualité de consommateur.
Aux termes de larticle 33 du décret du 29 décembre 1986, la violation des dispositions de cet arrêté est passible dune peine damende de 10 000 F.
Il faut par ailleurs noter que cette obligation concerne également lhôpital public. En effet, en vertu de larticle L 113-2 du Code de la consommation, "les règles définies à la présente ordonnance [relative à la liberté des prix et de la concurrence] sappliquent à toutes les activités de production, de distribution et de service, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques".
Cet arrêté du 17 octobre 1996 témoigne de lentrée de la médecine dans le droit de la consommation. Il est, en ce sens, à rapprocher de :
- larrêté du 11 juin 1996 relatif à linformation sur les tarifs dhonoraires pratiqués par les médecins libéraux,
- larrêté du 15 juillet 1996 "relatif à linformation du consommateur [sic] sur lorganisation des urgences médicales" notamment par voie daffichage dans la salle dattente.
À noter que le Conseil dÉtat (27 avril 1998, n° 184473) a annulé les dispositions de larrêté du 17 octobre 1996 relatives au délai de réflexion de 15 jours, les ayant estimées illégales. Toutefois au regard de la responsabilité médicale, il est sage, voire indispensable, de respecter un délai de réflexion (éventuellement de 15 jours, même si ce délai nest plus un délai réglementaire).
Par ailleurs, le Conseil dÉtat considère que ce devis ne porte que sur un prix estimatif et quil na ni pour objet ni pour effet de contraindre un praticien à se faire rémunérer au moyen dun forfait (ce qui est interdit par larticle 55 du Code de déontologie médicale).
2. Lobligation dinformation étendue
Par principe, linformation en médecine porte désormais sur "les risques graves". Pour les actes à visée esthétique, linformation est traditionnellement plus étendue, tant à lhôpital quen secteur privé.
Ainsi, une patiente qui avait subi à lhôpital plusieurs séances de traitement au laser-argon pour un angiome sur lhémiface gauche, et qui est restée atteinte de cicatrices chéloïdes, a poursuivi lhôpital dans lequel elle avait reçu les soins. Elle reprochait à létablissement de ne pas avoir été informée de tous les risques du traitement même bénins ou rares. Le Conseil dÉtat (15 mars 1996, n° 136692, R., p. 85) a suivi largumentation de la patiente considérant qu"en matière de chirurgie esthétique, le praticien est tenu dune obligation dinformation particulièrement étendue à légard de son client".
Dans une autre affaire de principe, un médecin avait pratiqué sous anesthésie une lipo-aspiration dun excès de graisse abdominale. Cette intervention a nécessité des incisions plus importantes que prévu et a provoqué des complications (difficultés de cicatrisation et infection). La patiente indiquait quelle sattendait à ne conserver quune cicatrice horizontale sus-pubienne facilement masquée par le port dun slip. Or, une incision verticale a dû être réalisée. La Cour de cassation (1re Chambre civile, 17 février 1998, n° 329 P) a précisé ici "quen matière dactes médicaux et chirurgicaux à visée esthétique, lobligation de linformation doit porter non seulement sur les risques graves de lintervention mais aussi sur tous les inconvénients pouvant en résulter". En loccurrence, selon la Cour de cassation, le praticien aurait dû informer sa cliente "quil était possible quil soit dans lobligation de faire deux incisions abdominales et non pas une seule".
À noter que dans cette affaire, la Cour dappel a relevé qu"aucune note, fiche ou écrit quelconque ne permettait de connaître la teneur des informations" données et quun "compte rendu de consultation eût permis au médecin de soutenir avec raison quil avait averti sa patiente [...]".
Conclusion
La principale difficulté du renversement de la charge de la preuve de linformation consiste à trouver une interprétation qui permette dappliquer les principes généraux présentés ci-dessus en ménageant les intérêts de chacun, patient et médecin. Ces principes juridiques saccommodent en effet difficilement des particularités de la médecine et de la légitime quête de sécurité juridique des praticiens.
Constatation faite, de surcroît, de la disparité de régime juridique existant entre les praticiens du secteur privé, dune part, et les praticiens exerçant dans des établissements publics, dautre part, il apparaît primordial dharmoniser les pratiques en matière dinformation des patients.
Enfin, le renversement de la charge de la preuve ne doit pas masquer un autre problème plus vaste, à savoir lindemnisation des victimes daléas médicaux qui ne trouve pas aujourdhui, sauf exception, de solution satisfaisante (notamment législative) dans notre régime de responsabilité pour faute.