Tableau général des démences autres que Alzheimer --
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- Bruno Dubois
Fédération française de neurologie
Unité INSERM 289 " Mécanismes et conséquences de la mort neuronale "
Hôpital Salpêtrière, Paris
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Cliniquement, la démence se définit par l'association de trois symptômes :
- un trouble de la mémoire,
- l'atteinte d'une ou plusieurs autres fonctions cognitives (jugement, langage, reconnaissance visuelle, ),
- un retentissement sur l'autonomie.
Les atrophies lobaires :
L'atteinte du lobe frontal, région responsable de l'organisation des comportements dirigés vers un but, et des régions temporales antérieures conduit à la démence fronto-temporale, caractérisée par des modifications comportementales : repli sur soi, retrait social, inertie progressive avec, parfois, signes de désinhibition ou agressivité nouvelle.
Habituellement, il n'y a pas de troubles de la mémoire, mais un trouble d'enregistrement ou de saisie des informations auquel s'associe une anosognosie (absence de conscience des troubles).
Les examens de neuroradiologie morphologique et métabolique font apparaître une atrophie de la partie antérieure du cerveau, ainsi qu'un dysfonctionnement métabolique au sein du cortex préfrontal.
L'atteinte de la région péri-sylvienne gauche, région impliquée dans le langage, entraîne une aphasie progressive, qui ne touche ni la mémoire ni le comportement.
La maladie, qui débute par un trouble du langage, ne porte pas atteinte à l'autonomie (il ne s'agit donc pas d'une démence à proprement parler).
L'atteinte du cortex pariétal, région responsable de l'organisation gestuelle, entraîne une apraxie progressive provoquant une perte d'autonomie purement fonctionnelle.
L'atteinte des régions postérieures (cortex occipito-pariétal postérieur), régions responsables du traitement de l'information visuelle, est à l'origine d'un tableau ordinairement dénommé atrophie corticale postérieure, caractérisé par des difficultés à identifier les objets ou leur localisation dans l'espace (syndrome de Balint), ou les visages.
Ces atrophies lobaires peuvent correspondre à plusieurs affections caractérisées par des lésions neuropathologiques différentes :
- la maladie de Pick, la plus classique, est rare. Elle est reconnue par la présence de corps de Pick, lésion comportant des protéines tau anormales différentes de celles de la maladie d'Alzheimer.
- la dégénérescence non spécifique est bien plus fréquente. Seules sont observées une raréfaction neuronale qui s'accompagne volontiers d'une vacuolisation des couches superficielles du cortex attribuée à leur désafférentation, et une gliose (hypertrophie et prolifération des cellules neurogliales) réactionnelle, en l'absence d'anomalies spécifiques.
- les lésions de type Alzheimer ont été rarement décrites dans certaines dégénérescences focales.
- la maladie de Creutzfelt-Jakob localisée peut être relativement focale.
La maladie de Creutzfelt-Jakob
Cette démence d'installation très rapide se traduit par une encéphalopathie myoclonique d'aggravation très sévère. Bien que rare (environ 60 cas par an en France), elle constitue un problème de santé publique en raison du lien entre l'une de ses formes (" nouvelle variante ") et l'encéphalopathie spongiforme bovine.
La démence avec corps de Lewy
Dans cette affection, les corps de Lewy sont voisins de ceux décrits dans la maladie de Parkinson. Ils sont présents au sein des neurones du cortex cérébral sous la forme d'inclusions intracytoplasmiques comportant plusieurs protéines (synucléine, ubiquitine) différentes des protéines tau.
Les encéphalites liées au VIH
Le profil neuropsychologique de ces démences est comparable à celui des démences sous-corticales de la maladie de Huntington, la paralysie supranucléaire progressive ou la maladie de Parkinson avec démence, c'est-à-dire des troubles liés à une démodulation du cortex d'origine sous-corticale : détériorations cognitives modérées, ralentissement cognitif, troubles frontaux (région responsable des fonctions exécutives) et troubles de l'évocation mnésique.
Les démences vasculaires
Les plus fréquentes sont liées à la survenue d'accidents vasculaires généralement multiples au sein des régions cérébrales impliquées dans des fonctions cognitives. Elles se déclarent en règle sur des terrains à facteur de risque cardiovasculaire. Le nombre d'accidents vasculaires cérébraux (AVC) impliqués n'est pas indifférent.
Si l'AVC est unique, il est symptomatique en raison de sa localisation en un site stratégique du fonctionnement cérébral (infarctus stratégique).
S'ils sont nombreux et volumineux, ou multiples et de petite taille, ils entraînent un syndrome sous-cortico-frontal aboutissant à la démence. On sait aujourd'hui que le risque de développer une démence d'Alzheimer augmente au décours d'un accident vasculaire cérébral.