10 - La psychiatrie française dans l’Europe et dans le monde

- Coordonnateurs : J. Garrabé et H. Sontag

Et le groupe de travail : JF Allilaire, P. Bailly Salin, A. Besse, M. Botbol, M. Leborgne, G. Letwkowicz, D. Mathis, S. Parizot, M.F. Patris Gisselmann, M. Triantafyllou, F. Petitjean, SD. Kipman, E. Perrier
Une des caractéristiques de la psychiatrie française est son ouverture sur les écoles d’autres pays, ouverture que lui a permis d’établir dès son origine, un courant d’échanges enrichissant avec nombre d’entre elles. La reprise de ces échanges, après leur interruption due à la seconde guerre mondiale, puis la mise en place du rideau de fer, a été marquée par l’organisation à Paris en 1950, par les sociétés de psychiatrie, alors existantes en France (cf. chap. IX) du Premier Congrès Mondial de Psychiatrie. C’est le succès de ce congrès qui a conduit à la fondation de l’Association Mondiale de Psychiatrie. Celle-ci pour marquer le rôle ainsi tenu par la psychiatrie française dans la création de cette organisation non gouvernemental a confié à la Fédération Française de Psychiatrie le soin d’organiser en l’an 2000 son congrès du Jubilé qui vient de réunir à nouveau à Paris 2500 congressistes venus de plus de soixante pays.

Ces échanges se font soit à l’occasion de réunions scientifiques ou de voyages d’études, organisés aussi bien dans notre pays qu’à l’étranger par des sociétés françaises de psychiatrie, soit par l’intermédiaire des revues que la plupart d’entre elles éditent et dont celles qui ont une audience internationale ont des comités éditoriaux internationaux et/ou des correspondants étrangers. Plusieurs ont une rubrique régulière « de l’étranger » ou publient des numéros spéciaux centrés sur les échanges entre la France et un pays déterminé. Il faut souligner qu’il existe plusieurs dizaines d’association binationales réunissant psychiatres français et étrangers originaires d’un pays ou d’une région. Nous en donnerons en annexe une liste qui sera loin d’être exhaustive car elles ne se font pas toujours largement connaître.
Signalons enfin qu’au cours de ces dernières années ont été signées nombres de conventions bilatérales entre deux institutions, formule qui facilite grandement l’organisation croisée de stages, de séances de formation mais là aussi ces conventions ne sont pas toujours connues des professionnels. Pour présenter de façon aussi claire que possible l’état actuel de ces échanges internationaux nous envisagerons successivement :
I - ceux au sein de l’Europe
II - ceux établis par la francophonie
III - enfin ceux avec des pays non européens et non francophones.

I - L’Europe
Il nous parait nécessaire de distinguer au sein de l’Europe deux groupes de pays : ceux qui font actuellement partie de l’Union Européenne et ceux qui postulent leur entrée dans telle union. En effet, ce découpage politique et économique a pour reflet des différences considérables dans l’organisation des systèmes de santé et les relations de la psychiatrie française ne se situent pas sur le même plan puisque si des comparaisons entre la France et les autres pays du premier groupe dans différents domaines (formation, démographie médicale, etc.) sont significatives, elles seraient dénuées de sens si on les faisait avec ceux du second où les disparités entres les produits nationaux bruts sont encore trop importantes pour que l’on puisse espérer la mise en place d’une politique socio sanitaire convergente dans un délai proche ou prévisible.
I.1 - Dans le groupe des pays membre de l’Union Européenne

(auxquels on peut adjoindre sur ce point la Suisse à partir du 1er janvier 2002). Depuis les directives européennes « Médecine » de 1993 l’établissement d’équivalences entre les diplôme permettant l’exercice de la médecine et de la spécialité psychiatrie, même si le contenu des formation n’est pas harmonisé a permis l’exercice de la psychiatrie à des médecins européens n’ayant pas reçu leur formation dans le pays d’où ils exercent (à noter qu’une récente directive 2001/19/EC, reconnaissant la psychiatrie de l’enfant comme spécialité à part entière sera applicable à partir du 1er janvier 2003 dans les 4 pays, dont la France, qui ne la considéraient que comme une option).

On a aussi vu des médecins de l’Europe du Sud, où le nombre de spécialistes était réduit par rapport à l’Europe du Nord, venir se spécialiser en France (surtout après l’instauration en 1970 du CES de psychiatrie), puis après les entrés successives de leurs pays d’origine (Espagne, Grèce, Portugal), dans l’Union Européenne y rester pour ceux d’entre eux désireux d’exercer là où ils s’étaient spécialisés. Paradoxalement donc ces échanges dans le domaine de la formation de spécialistes auront au moins un temps accentué le déséquilibre de la démographie médicale entre des régions européennes.
Par contre ceux qui une fois la spécialisation terminée en France sont retournés dans leurs pays d’origine sont autant de précieux relais dans les échanges scientifiques à l’intérieur de l’Unions Européenne.
Il est particulièrement encourageant que le problème de la formation des futurs spécialistes qui ne pourra , dans l’avenir être résolu pour l’ensemble de l’Europe, notamment en ce qui concerne son harmonisation, fasse l’objet d’un intérêt particulier de la part de jeunes psychiatres en formation : L’AFFEP (Association pour la Formation Française et Européenne en Psychiatrie), fait partie de l’EFPT (European Federation of psychiatrie trainess), elle-même fondée en 1993 et travaille en liaison avec les autres organismes européens concernés en particulier avec l’UEMS (Union Européenn des médecins spécialistes) et ses deux collèges (Européen Boards) psychiatrie adulte et psychiatrie de l’enfant. Le prochain forum de l’EFPT doit se tenir à Paris en 2003.
Traditionnellement de nombreux échanges se font entre psychiatres français et des pays limitrophes du nôtre au cours de « Journées d’études » organisées sur un sujet précis dans des villes françaises ou dans des villes européennes proches de nos frontières, journées souvent ouvertes à d’autres professionnels de la santé. Mais les comptes rendus de ces journées ne sont malheureusement pas toujours publiés dans des revues référencées et restent donc dans la littérature grise.

I.2 - Relations internationales avec les pays européens hors U E.

On note dans ces pays surtout depuis l’éclatement de l’URSS ou de la Yougoslavie un vif désir pour renouer des relations jadis extrêmement riches (pour ne donner qu’un seul exemple les grands noms de la psychiatrie russe ont publié nombre de leurs travaux en France ou en français), même si l’on constate chez les jeunes psychiatres un attrait pour les échanges avec les pays de langue anglaise. Il faut cependant signaler que les médecins d’Europe centrale ou de l’est qui viennent se former en France sont le plus souvent intéressés par la psychiatrie psychodynamique, voire par une formation psychanalytique, sans que la question de la langue soit un obstacle.
C’est là que les conventions entre institutions sont particulièrement intéressantes d’autant que paradoxalement, elles sont actuellement moins difficiles à signer avec des hôpitaux de pays hors Union européenne qu’au sein même de celle-ci en raison de la complexité de la réglementation. Nous pouvons citer, à titre d’exemple celles signées en l’Institut Marcel Rivière à la Verrière et l’Hôpital Bohnice à Pragues, et celle entre l’hôpital Esquirol et l’Institut Serbski à Moscou, mais il en existe d’autres. Ces conventions devraient permettre d’affirmer la présence française dans les congrès de l’Association Européenne de Psychiatrie.

I.3 - Rappel des instances européennes de la psychiatrie

- Association Européenne de Psychiatrie (Strasbourg)
- AFFEP (Paris)
- UMES (Bruxelles)
- OMS - Bureau compétent pour l’Europe dans sa totalité. Outre les programmes européens de santé mentale ce bureau qui est compétent pour les bourses.
- Association Mondiale de Psychiatrie : l’Europe est divisée en cinq zones : Ouest, Nord, Sud, Centre et Est. Le « zonal representative » pour l’Europe de l’Ouest, dont font partie les société françaises est actuellement Brian Martingale (Londres).
- Il existe au moins deux journaux européens, European Psychiatry et Europeen Journal of psychiatry.

II - Les échanges internationaux de la francophonie
Les échanges entre l psychiatrie française et les psychiatres francophones se font, pour des raisons évidentes, Delon d’autres modalités que ceux internationaux où l’usage de l’anglais prédomine.

II.1 - Une des sociétés de psychiatrie les plus anciennes, le Congrès de Neurologie de Langue Française (CPNLF), fait alterner ses sessions annuelles entre la France métropolitaine, d’outre mer et des villes étrangères de pays francophones. Les présidents de session, les rapporteurs les discutants, les congressistes sont donc originaires de toutes les régions du monde ; let le choix des thèmes est le reflet de l’intérêt porté dans ces région à la psychiatrie française. La 96è session (1998) a été tenu dans un DOM (La réunion) pour la première fois et a réuni des neuro psychiatres de l’Océan indien et même du Viet Nam La 99è session (2001) empêchée de se tenir comme prévu à Beyrouth, en raison de la situation politique, a pu se réunir grâce à nos collègues tunisiens à Ammamet. Ces sessions sont bien entendu organisée conjointement avec la société nationale correspondante qui utilise souvent le français comme langue scientifique. Les rapports et les discussions publiées en français constituent souvent des ouvrages de référence.

II.2 - Plusieurs autres sociétés françaises plus récentes organisent des rencontres, des journées scientifiques ou des voyages d’études en liaison avec des psychiatres francophones.
Nous pouvons citer, parmi les « binationale » les association franco cubaine, franco égyptienne, franco hellénique, franco maghrébine, franco mexicaine, France - Moyen Orient, franco vietnamienne, etc.
La société de l’Information Psychiatrie a organisé ses XVIIIème Journées « Psychiatrie, langue et culture » à Fort de France en décembre 99, s’ouvrant ainsi sur l’espace caraïbe non exclusivement francophone permettant à des spécialistes hispanophones, d’établir ou de rétablir des liens avec la psychiatrie française. Cette même société est en train d’organiser avec l’association des Psychiatres du Québec, ses XXIè Journées (2002) à Québec sur « La question des neurosciences en psychiatrie », question typiquement nord américaine mais qui sera traité à la française. Ces Journées sont publiées dans la revue du même nom.
En 2001, la revue « Psychiatrie Française (XXXII, I) a consacré un numéro à la psychiatrie française vue de l’étranger présentant la vision qu’en ont actuellement les psychiatres de plusieurs pays : Argentine, Canada, Etats-Unis, Grèce, Italie, Pologne, Russie. En 2002, les échanges avec le Mexique ont été très importants, grâce à l’aide de l’Ambassade de France à Mexico qui avait permis la signature d’une convention officielle entre l’hôpital Sainte Anne à Paris et un établissement mexicain. Outre les échanges par le biais de l’Association franco mexicaine, la société de l’Evolution Psychiatrique a été invitée par l’Association piquiatrica mejicona à organiser un symposium dans le cadre de leur XVIIè congrès où le français a été retenu comme 3ème langue officielle et un autre à l’UNAM (Universidad Autonoma de Mexico) dont les travaux donneront lieu à des publications conjointes entre les deux pays.
On voit donc que les sociétés françaises organisent de nombreuses réunions scientifiques francophones binationales. On peut regretter que ces échanges se fassent dans un foisonnant désordre. Il est évident qu’une coordination au niveau de la Fédération Française de Psychiatrie, dont la plupart de ces sociétés sont membres, permettrait de concentrer les efforts en associant plusieurs d’entre elle son ou même projet et d’obtenir ainsi de meilleurs résultats. La formule la plus adaptée paraît être celle de réunions de taille moyenne (quelques centaines de participants) centrée sur des sujets traités à peu près exclusivement dans notre pays car négligés ailleurs (p. e. des question de psychopathologie) plutôt que de grands congrès internationaux.

II.3 - Il existe une Fédération francophone internationale de psychiatrie (FIFP) dont le siège est à Paris (Hôpital Sainte Anne) qui organise des congrès internationaux. Elle est elle-même société « affiliée » à l’Association Mondiale de Psychiatrie dont les sociétés constituantes sont les seules sociétés nationales.

III - Relations internationales au niveau mondial.
Il convient de distinguer les relations établies à travers l’Association mondiale de psychiatrie ou l’OMS de celles établies par d’autres voies.

III.1 - Les échanges établis à travers d’associations binationales sont par définition limitées à un seul pays ou à un groupe de pays et dépendent de l’importance de celui-ci. Cette formule n’avait jusqu’à présent été utilisée qu’avec de petits pays. Mais à la suite de plusieurs « French American Psychiatric Meeting », tenus alternativement aux Etats-Unis, lors du Congrès de l’APA et en France, une association franco américaine vient d’être déclaré à la préfecture de Paris (2000). Le développement de ses activités dans le futur permettra d’évaluer l’intérêt que porte à la psychiatrie française un groupe sans doute réduit mais particulièrement motivé de psychiatres américains.
De la même manière une convention a été signée lors du congrès du Jubilé entre la Fédération Française de Psychiatrie et l’APAL (Associacion psiquiatrica de l’america latine) qui fédère les association de psychiatrie des pays d’Amérique latine et d’Amérique centrale. Celles-ci, dont l’origine provient presque toujours d’écoles européennes, en particulier française, cherchant à établir des échanges qui leur évitait l’exclusivité hégémonique des échanges inter américain.

III.2 - Le danger qui guette les échanges à travers des grands organisation comme l’AMP ou l’OMS est celui de la dilution du contenu scientifique dans des congrès mondiaux devenus trop importants. L’intérêt d’une organisationnel comme L’Association Mondiale de Psychiatrie qui rassemble, rappelons le, non des pays mais des sociétés nationales de psychiatrie, est de permettre de suivre le développement de la psychiatrie dans les pays où cette spécialité médicale était jusqu’à il y a peu inexistantes. Ce développement est marqué par la naissance de sociétés nouvelles de psychiatre in, ou de neuro psychiatres, dans les pays émergents et par leur réorganisation où elles existaient déjà de plus ou moins longue date. La plupart de ces réorganisation correspondent à des changements politiques mais elles peuvent aussi être dues à l’apparition dans un même pays de courants de pensée nouveaux marqué par création d’une nouvelle société scientifique. Les échanges des sociétés françaises avec ces sociétés étrangères doivent tenir compte de ces deux ordres de circonstances. On peut espérer que la constitution, il y a dix ans de la Fédération Française de Psychiatrie permette à la psychiatrie française de retrouver au sein de l’AMP la place qu’elle avait en partie perdue du fait de la multiplicité en France des Sociétés nationales. Lors du XII è congrès Mondial de Psychiatrie (Yokohama 2002) 115 sociétés nationales, dont cinq françaises v seront représentées. Aucun français ne fait actuellement partie du bureau de l’Association mondiale et un seul préside une de ses sections (Military and discorder psychiatry). Mais il a été proposé, sur une initiative française la création d’une nouvelle section « Psychanalyse en psychiatrie », l’approche psychanalytique des troubles mentaux ayant progressivement disparue des questions scientifiques discutées au sein de l’Association Mondiale de psychiatrie. Enfin, plusieurs symposium sont organisés dans le congrès par des sociétés françaises. Ceci montre que pour faciliter les échanges internationaux de la psychiatrie française il vaut mieux les centrer dans des réunions de « sections » judicieusement choisies ou dans des symposium dits régionaux.

On pourrait d’ailleurs envisager de ne pas se limiter à la seule région d’Europe de l’Ouest et d’organiser en France des réunions regroupant plusieurs des « régions » entre lesquelles est actuellement divisée, pour l’AMP, l’Europe. De tels symposium régionaux élargis auraient entre autres avantages de mieux faire connaître au niveau international les réalisation de la FFP telles les conférences de consensus (cf. chapitre correspondant).


Dernière mise à jour : lundi 18 mars 2002 15:44:16 envoyer vos commentaires et suggestions