En ce qui concerne la psychothérapie, létat des lieux peut être synthétisé de la manière suivante : Dans un premier temps, la psychanalyse, inventée par Sigmund Freud à la fin du XIXème siècle, ne pénètre réellement lespace psychiatrique français quà ce moment là. Elle représente jusquà une date récente la base conceptuelle de toute psychothérapie. Dans un second temps, dautres méthodes psychothérapiques viennent la relayer en sappuyant sur des conceptions psychopathologiques tout à fait différentes. Ces conceptions relèvent de quatre courants principaux : le courants humaniste, le courant systémique et le courant comportementaliste et le courant cognitiviste. Pour comprendre de quoi lon part, nous commencerons par résumer rapidement ce quon entend par psychothérapie de type psychanalytique puis nous donnerons quelques indications sur chacun de ces quatre courants.
Au fil des années et compte tenu des besoins de plus en plus grands en matière de psychothérapie, notamment dans le secteur public, la cure type sest diversifiée et assouplie. La psychothérapie dinspiration psychanalytique (PIP) utilise les concepts psychanalytiques dinconscient, de transfert, de résistance et dinterprétation mais elle se fait en en face, avec des buts limités et un rythme de séances différent (P.B. Schneider « Propédeutique dune psychothérapie » Payot, Paris, 1976, P.C. Racamier « La psychanalyse sans divan » Payot, Paris, 1973). Les psychothérapies brèves fixent par contrat une durée déterminée à la thérapie. La psychanalyse de groupe et le psychodrame psychanalytique transposent au sein de petits groupes et dans une technique issue de Moreno pour le psychodrame, les concepts fondamentaux découverts en situation duelle.
1- le courant humaniste
La psychothérapie humaniste, comme la psychanalyse, se centre sur la personne (client centered psychotherapy) et cherche également à promouvoir son autonomie mais elle a lambition de le faire en dehors de toute théorisation préalable (et donc en construisant une nouvelle théorie). Elle préconise une relation daide basée sur une compréhension réciproque et sur lempathie du thérapeute pour son patient.
Cest un psychologue américain, Carl Rogers, qui a défini le premier les concepts de la psychothérapie humaniste et précisé sa technique. En dehors de lempathie, celle-ci se fonde sur la notion de « congruence », cest à dire sur la coïncidence intuitive des sentiments du thérapeute avec ceux du patient. La congruence sexprime par la re-formulation des affects tels que le psychothérapeute les ressent, cest à dire avec un certain décalage qui permet de valider positivement les sentiments négatifs éprouvés par le patient.
La psychothérapie humaniste se pratique aussi en groupe. Elle insiste alors sur les aspects bénéfiques de la rencontre et sur les espaces de liberté que celle-ci permet douvrir. Les psychothérapies humanistes sadressent surtout à des individus qui cherchent à épanouir leur personnalité, à se dégager des dépendances aliénantes et à souvrir à de nouveaux espaces de liberté. Elle se combine parfois à la psychothérapie dinspiration psychanalytique à partir des notions « dempathie, dintersubjectivité et de narration » (J Hochmann « Intersubjectivité, empathie et narration dans le processus psychothérapique » In : Quest ce qui guérit dans les psychothérapies ? PUF, Paris, 2001 : 11-34).
2- Le courant systémique
Il repose sur des conceptions théoriques tout à fait différentes. Elaborée dans les années soixante dix à Palo Alto par un psychologue américain, Gregory Bateson, la thérapie systémiques est basée sur une théorie de la communication originale. Le patient y est considéré comme un des éléments du réseau de communications qui le relie à son groupe social et familial. La pathologie peut entrer en résonnance avec lenvironnement, ce qui peut amplifier ou atténuer le processus psychopathologique.
La modélisation systémique sintéresse donc en priorité aux interactions familiales et au contexte social dans lesquels se trouve impliqué le patient plutôt quaux causes subjectives de ses troubles. Identifier les dysfonctionnements familiaux permettrait ainsi den corriger les effets négatifs et de favoriser les ressorts créatifs du patient et de ses proches. Le changement est attendu de la création de nouveaux contextes et de lélaboration de procédures compatibles avec les troubles mentaux détectés.
2- Le courant comportementaliste
Il repose sur les conceptions de la réflexologie, le conditionnement pavlovien et le conditionnement skinnerien. Le processus thérapeutique est le déconditionnement.
3- Le courant cognitiviste
Il sinspire dune théorie de lesprit qui se rattache aux sciences de la cognition et dont le but ultime est de parvenir à déterminer les conditions démergence des troubles mentaux à partir de processus neuro-physiologiques et neuro-psychologiques. Le cognitivisme considère les troubles des conduites et des comportements, de même que les symptômes dallure névrotique, comme relevant de dysfonctionnements dans les programmes dapprentissage. Son but est dobjectiver les processus à loeuvre dans lactivité mentale et den traiter les perturbations selon des procédures codifiables et reproductibles
Les missions du psychiatre se sont beaucoup diversifiées ces dernières années. Pendant tout le XIXème siècle, en effet, le but des psychiatres avait été de définir et de classer les maladies mentales selon le schéma médical du principe de causalité : des symptômes, aussi précis et bien décrits que possible, seraient expliqués un jour par une cause repérable et identifiable. Cest ainsi que furent successivement différenciées des « maladies mentales » telles que la paralysie générale (qui a servi de modèle), la schizophrénie, les délires chroniques, la psychose maniaco-dépressive, les démences, la confusion mentale etc.... Ces affections dites « psychotiques » forment aujourdhui encore lessentiel de ce quon appelle « la psychiatrie lourde », qui reste du ressort exclusif du psychiatre. Leur prise en charge psychothérapique a connu, ces dernières années, un essor dû au développement des nouvelles théories et techniques que nous venons dévoquer.
Le chapitre des troubles névrotiques a été précisé et approfondi par la psychanalyse à la fin du XIXème siècle. Elle a proposé pour la névrose dangoisse, les névroses obsessionnelle, hystérique, phobique, hypocondriaque des modèles théoriques cohérents permettant de compendre leur psychogénèse et le mode daction de la cure. Les nouvelles psychothérapies ont aussi fait de ces troubles un de leurs domaines privilégiés. Elles les interprètent selon dautres modèles et conçoivent le processus thérapeutique selon dautres modalités mais elles sont elles aussi efficaces. Le champ des possibilités psychothérapiques sen est trouvé élargi. Il est apparu aussi que la chimiothérapie nétait pas incompatible avec la psychothérapie et quil y avait, au contraire, des possibilités de potentialisation réciproque.
A côté de ses missions traditionnelles dans le champ des psychoses et des troubles névrotiques, le psychiatre est aujourdhui sollicité dans des domaines tout à fait nouveaux, encore inexistants ou à létat débauche il y a seulement quelques années : la gestion des catastrophes, la prise en charge des délinquants et des agresseurs sexuels, la prévention du suicide, lexclusion, le traitement des addictions, la psychiatrie de liaison, la supervision déquipes ou dinstitutions. Toutes ces pathologies nécessitent des prises en charge psychothérapiques.
Ce nest dailleurs pas seulement la maladie en cause qui rend nécessaire la démarche psychothérapique. Cest aussi lensemble du contexte socio-familial. Le patient parfois nexprime aucune demande. Celle-ci peut émaner de la famille ou de la société et le psychiatre doit aider lentourage à soutenir le malade et à le conduire à accepter les soins.
Une attitude psychothérapique est nécessaire dans toutes les activités dun psychiatre. Au cours dune consultation, celui-ci fonctionne selon un double régistre, à la fois objectif et subjectif. Il cherche à repérer des symptômes pour établir un diagnostic, ce qui est une démarche de type médical et, en même temps, il analyse la relation qui vient de sétablir entre le patient et lui, le transfert et son propre contre-transfert, il sintéresse aux motivations de son patient, à sa situation dans son milieu socio-familial, aux fantasmes quil a concernant ses troubles, à ses éventuelles gratifications secondaires. De même lorsquil prescrit une thérapeutique biologique, il tient compte à la fois des données pharmacologiques et de la dynamique affective que mobilise cette prescription.
Dans les consultations de suivi, il y a toujours ces deux composantes, médicale et psychothérapique. Elles sont en proportions variables. Quelquefois cest la dimension médicale qui est prépondérante, par exemple pour le suivi dun traitement par le lithium ou lajustement de la posologie dun antidépresseur pour une dépression endogène mais même dans ces cas la dimension psychodynamique est présente. De plus ces cas typiques où la chimiothérapie peut être prédominante sont rares. Le plus souvent les médicaments ne jouent quun rôle dappoint. Chez le bipolaire le mieux équilibré par le lithium, le régime de vie et la situation relationnelle avec son environnement jouent un rôle déterminant. Les dépressions purement endogènes sont rares sinon exceptionnelles, les facteurs liés à la structure de la personnalité, au contexte social et aux événements sont souvent prédominants et toujours à inventorier et à prendre psychologiquement en charge. Dailleurs la majorité des consultants ne présentent pas une pathologie typique mais un ensemble de troubles liés à leur organisation fantasmatique personnelle. Aussi ne peut-il pas y avoir dacte psychiatrique qui ne sinscrive pas dans une démarche psychothérapique. Le choix de la méthode repose à la fois sur lorientation du psychothérapeute et sur des indications psychopathologiques.
. Nous avons vu que les nouvelles missions qui sont fixées à la psychiatrie (voir le chapitre...........) sont beaucoup plus psychothérapiques que médicales. La prise en charge des sujets victimes de catastrophe, des délinquants ou des agresseurs sexuels, la prévention du suicide, la participation à la lutte contre lexclusion, la psychiatrie de liaison ne relèvent que très accessoirement de thérapeutiques biologiques et demandent une compétence psychodynamique.
La place de la formation initiale et de la formation post-universitaire à cette pratique psychothérapique est parfois lobjet de controverses. Très souvent les praticiens indiquent quils sont psychothérapeutes et quils se sont formés plus par une démarche personnelle que dans le cadre de leur cursus universitaire, ce qui pourrait être interprété comme une insuffisance de cette formation initiale. En fait, dans notre profession comme dailleurs à peu près toutes les autres, la formation initiale donne les bases nécessaires pour commencer à pratiquer mais le maintien dune compétence adaptée à lévolution des connaissances et de la société nécessite une formation permanente. Et cette nécessité vaut autant pour les connaissances pharmacologiques, génétiques, épidémiologiques ou autres que pour la psychothérapie. Le praticien continue à acquérir des connaissances qui vont au-delà du bagage quil avait acquis lorsquil a été autorisé à exercer. Le meilleur enseignement est celui qui apprend à létudiant à apprendre, la meilleure formation est celle qui lui donne le goût de se perfectionner. De plus la formation à la psychothérapie passe par une évolution personnelle que chacun réalise à son rythme et selon sa structure psychique. Elle ne peut être codifiée selon des programmes communs à tous comme la transmission de connaissances. Le rôle de la formation initiale est de sensibiliser le futur psychiatre à cette dimension de la pratique qui implique engagement personnel et souci de contrôler la qualité de sa démarche en la confrontant à celle de ses pairs.
Cette double compétence, médicale et psychothérapique, caractérise bien laptitude professionnelle des psychiatres français. Il y a bien des différences de niveau de compétence car la démarche personnelle de chacun est plus ou moins aboutie mais limportant est ce fait que cette double compétence est générale. Ceci dit on ne peut que souhaiter que la formation à la psychothérapie soit encore renforcée. Les nouvelles missions de la psychiatrie en font une nécessité.
On voit que les points 1, 3 et 4 préconisent des méthodes de formation et les points 2 et 5 des évaluations. Pour la formation, le conseil est de généraliser les méthodes pédagogiques qui ont fait leur preuve et la commission a tenu à mettre laccent sur les supervisions et les relations entre lunbiversité et les instituts de formation.
Il faut se demander aussi quelle sorte de psychothérapie le psychiatre doit pratiquer. Le rapide tableau qui a été donné des différentes formes de psychothérapies montre leur diversité. Comment choisir ? Il faut, semble-t-il, distinguer deux niveaux : Celui dune psychothérapie de base exercée par tous les psychiatres dans lexercice quotidien de leur profession et celui de psychothérapies spécifiques sadressant à des indications précises.
A fortiori lorsquil sagit de troubles purement psychologiques. La psychothérapie de base pourrait être définie comme « une relation thérapeutique adaptée au champ psychiatrique ». Le trouble mental, en effet, nest pas réductible à une maladie somatique même sil entretient avec le corps des liens encore mystérieux. Il demande à être compris au niveau où il se présente, cest à dire au niveau psychologique. Or, la psychothérapie est la seule méthode apte à relever ce défi.
Mais, pour le faire, elle demande à être codifiée, généralisée et enseignée. Elle doit sappuyer sur un support théorique. Chacune des méthodes dont nous avons parlé peut ête utilisée. Toutefois, à ce niveau, il faut privilégier la sensibilisation à la dynamique de la relation médecin-patient, au transfert et au contre-transfert.
Pour juger du sérieux de ce genre de formation, le groupe de travail sur les psychothérapies propose de créer un organisme, « un collège » qui accréditerait, en aval, ce qui a été acquis dans une formation spécialisée. Cette solution paraît meilleure que celle qui consisterait à accréditer directement des organismes privés se chargeant de formations.
Il serait souhaitable, a-t-il été souligné, que ce collège soccupe également des problèmes éthiques liés à lactivité psychothérapique.
Dernière mise à jour : lundi 18 mars 2002 15:44:16 envoyer vos commentaires et suggestions