le Livre Blanc

de la Fédération Française de Psychiatrie


9 – Publications, communication et Sociétés savantes


- Coordonnateurs : JM Thurin et P. Noël


Et le groupe de travail : P. Ageneau, M. Grohens, C. Polge, P. Richard, I. Secret, M. Thurin, A. Vaissermann

QUEL EST LE RLE DES SOCIÉTÉS SAVANTES DANS L'ÉLABORATION ET LA DIFFUSION DES CONNAISSANCES ?

1. Les Sociétés


Si l'on considère que la Fédération Française de Psychiatrie rassemble une cinquantaine de sociétés savantes de la discipline, l'enquête à laquelle nous nous sommes livrés dans le groupe 9 du Livre Blanc est représentative puisque près de la moitié ont répondu.
Certes, ces sociétés savantes sont nombreuses (trop ?), leurs objectifs diversifiés, leur audience inégale mais leur dynamisme est souvent grand. Pour autant, sont-elles différentes ou non des sociétés d'autres spécialités ? Quelles spécificités expliqueraient leur grand nombre ? Quelle est la place la FPP et quelles sont les attentes des sociétés à son égard ?
Ce sont des questions qui se trouvaient, explicites ou non, dans l'article publié par l'ANDEM en 1997. C'est le point de départ dans la réalisation de l'enquête dont nous essaierons de résumer ici les points essentiels.

- DATE DE CRÉATION


Ceci permet de repérer que les plus anciennes gardent une place de référence dans le paysage psychiatrique français : La Société médico-psychologique, Le congrès des neurologues et psychiatres de langue française, La société de L'Evolution psychiatrique, La Société Psychanalytique de Paris...
Autre constat : le grand nombre de créations de sociétés savantes dans les années 70-90, années qui correspondent à la fois à l'essor de la psychiatrie, à l'explosion démographique, aux scissions syndicales et professionnelles.

- DÉFINITION DES OBJECTIFS


Plusieurs définitions étaient proposées. Nous n'avons pas la place de les développer ici et nous les condenserons en quelques formulations lapidaires :
- Rendre compte des travaux de la société
- Travaux et actions réalisées en commun
- Promouvoir la discipline
- Elaborer et diffuser les pratiques
- Protéger les membres
Hormis la dernière, on admettra que les quatre premières sont voisines dans leurs objectifs. On ne s'étonnera donc pas de leurs scores assez proches les uns des autres : 68 - 75 - 61 - 76 - 23
Toutefois, ce sont les items " travaux et actions communs" et l'élaboration et la diffusion des pratiques" qui obtiennent le plus large consensus, ce qui semble indiquer l'attention toute particulière donnée aux travaux cliniques, leurs applications et leur diffusion.
La définition (5) de "protection des adhérents" n'obtient que 23 points, donc nettement en retrait par rapport aux précédentes. La distinction entre activités scientifiques et travail syndical est ainsi clairement affirmée.

- LES MEMBRES


Un tiers des sociétés réunit des praticiens d'un même exercice
Les deux tiers rassemblent des praticiens d'exercice différent.
La quasi totalité fonctionne de façon pluridisciplinaire, encore faut-il faire un distinguo entre celles qui sont ouvertes aux équipes soignantes (psychologues, infirmiers...) et celles qui accueillent d'autres disciplines, généralement dans le registre des sciences humaines (psychanalyse, philosophie, anthropologie...) avec l'exception notable du Congrès des Psychiatres et Neurologues de Langue Française.

- CONTENU


Les sociétés savantes, prises globalement, embrassent un vaste champ depuis les confins de la neurologie (la neuropsychiatrie défunte et renaissante) jusqu'aux sciences humaines.
Ce qui ne va pas sans risques : d'un côté menace de dilution, de dispersion et de l'autre, possibilité de laisser en jachère des pans entiers du champ de la psychiatrie tant du côté organique et psychosomatique que du côté de la psychopathologie ou de la recherche. On pourrait encore élargir le champ si on parlait de santé mentale.

- SCIENTIFICITÉ ?


Pour certains, cela va de soi : la psychiatrie est une discipline scientifique puisqu'elle est médicale. Un peu court...Remarquons d'ailleurs que dans le concert des différentes spécialités, la psychiatrie, par exemple au sein de l'INSERM, est pour le moins sous-représentée !
D'autre part, "la relation", la subjectivité sont des dimensions irréductibles, indissociables des objectifs mêmes de la spécialité et qui sont difficilement prises en compte dans l'évaluation de la scientificité de la psychiatrie, du moins par les "observateurs" extérieurs.
Ainsi, un petit tiers seulement des sociétés affirme un rôle exclusivement scientifique. L'ensemble des autres considère avoir vocation à la fois scientifique et professionnelle. Mais cette estimation globale devrait être recoupée en fonction de critères autres : objectifs de psychiatrie généraliste ou sur-spécialisée ? Promotion de la profession ou d'une partie de celle-ci ? Place de l'étude de problèmes tels que l'éthique professionnelle ?

- RECHERCHE


La situation est floue et l'on peut opposer deux affirmations faciles : "La recherche, on ne peut pas ne pas en faire" et "la recherche, c'est le domaine des universitaires et de l'industrie pharmaceutique". Voyons ce que nous dit l'enquête : Face aux scores de 70 pour " lieu de production de documents", de 80 pour "lieu de rencontres", l'item "lieu de recherche" n'obtient que 48. De façon concordante, à la question "votre société est-elle à l'origine de recherches cliniques", à peine plus de la moitié (12 sur 20) donne une réponse affirmative.
Ceci est bien le reflet des obstacles à propos de la recherche en psychiatrie. La polarité "sciences humaines" est une dimension indispensable mais aux contours et au contenu difficiles à traduire en termes "objectifs". La polarité biologique est, elle, de visibilité palpable (même si est surestimée).
En pratique, il semble que l'accent devrait être mis notamment sur des études longitudinales et sur des études multicentriques qui ne devraient pas être pilotées uniquement par l'industrie. Le secteur psychiatrique en a les possibilités et pas lui seulement.

- FORMATION


Toutes les sociétés revendiquent un rôle dans la formation. Mais des disparités existent : accord quasi unanime pour ce qui relève de la Formation permanente ; celle-ci va enfin bénéficier d'un encadrement réglementaire qui permettra sans doute de rendre ses modalités plus structurées.
Réponses en revanche très minoritaires en ce qui concerne un rôle actif dans la formation initiale. Encore faudrait-il préciser de quelle formation initiale il s'agit : étudiants en médecine ? Formation des psychiatres ?
Indiquons ici la place prise par quelques associations dans la préparation aux concours (PH - PAC...).

- VUE GLOBALE DES ACTIVITÉS


Nous résumons dans un histogramme les activités repérées par l'enquête. Certaines viennent d'être évoquées mais la juxtaposition avec d'autres permet quelques comparaisons. On peut regrouper les différents items ainsi :
- la totalité ou presque des sociétés organisent des congrès, publient des ouvrages, organisent des sessions de FMC, ont des activités internationales
- beaucoup de sociétés publient des bulletins ou une revue, font de la recherche clinique et participent aux conférences de consensus
- une minorité est concernée par la formation initiale et par les recommandations de pratique clinique.

- RESSOURCES


La majorité paraît trouver au niveau de ses adhérents les ressources suffisantes, quelques unes confessent qu'elles ont recours à des subventions (hospitalières, ministérielles, laboratoires), deux se contentent de considérer leurs ressources comme insuffisantes.

- BÉNÉVOLAT


Presque toutes ne fonctionnent que grâce à lui, deux n'y ont recours qu'en partie, aucune ne peut s'en passer.

- DÉVELOPPEMENT ET PERSPECTIVES


Un peu de "verbatim" remplacera les chiffres.
Quelques affirmations de circonstances : "davantage de dynamisme... plus de diffusion et d'audience... Plus d'information et de formation...devenir une force de pression... s'ouvrir davantage..."
D'autres plus modestes : "maintenir...poursuivre...se faire reconnaître..."
C'est l'inconvénient d'une enquête qui privilégie les données binaires (et la facilité de dépouillement) : peu de commentaires rédigés.

- PLACE ET RLE DE LA FÉDÉRATION FRANÇAISE DE PSYCHIATRIE


Isolons quelques formulations :
Avenir modeste : "confraternité...nécessité..."
Des réserves : " trop parisienne...pas assez ouverte...un peu marginale...nécessité de pondération des votes"
Des opinions positives : " potentialisateur... catalyseur...aide...rassembleur... rôle de représentation... d'articulation... de maintien de liens...lieu de partage...favorisant les partenariats".


2. Les publications


Dès septembre 1995, deux numéros de Pour la recherche sont consacrés aux revues psychiatriques françaises, notamment dans leur relation à la recherche .. Ils s’appuient sur un questionnaire qui a été envoyé à 35 revues, dont 21 ont répondu.

Dans son éditorial de présentation C. Veil, qui a déjà beaucoup réfléchi sur ce domaine et celui de la documentation, souligne que « Ce qui frappe d’abord, c’est la diversité du matériel ainsi concentrée » Il ajoute « ... L'élaboration du questionnaire et le rassemblement des réponses s'inscrivent dans la ligne d'une orientation majeure de la Fédération Française de Psychiatrie : oeuvrer à la diffusion nationale et internationale de la pensée psychiatrique d'expression et de culture françaises. Il faut que chaque travail de valeur, personnel ou collectif, puisse déboucher sur une publication qui le fera connaître. Il faut que chaque lecteur potentiel puisse trouver facilement les éléments d'information dont il a besoin. On peut aussi contribuer à assurer des termes de comparaison consensuels à ceux d'entre nous qui ont à présenter ou à estimer des exposés de titres et travaux.

Certes, et l'enquête le montre bien, l'état des lieux est encourageant : le potentiel existant est important. Il s'agit surtout de le mettre mieux en valeur. C'est pourquoi la Fédération s'est engagée dans la création d'une banque de données. »

Nous sommes en 2002. La banque de données existe depuis 1997 sur Internet. Elle se nomme Psydoc_Base. Elle est très visitée, peut être consultée en plusieurs langues, mais n’est utilisée que par une partie des revues.

Deux journées ont été consacrées aux publications, à la documentation et aux enjeux et problématiques de la presse scientifique sur Internet au cours des réunions conjointes FFP –Inserm .,. Un important travail sur l’indexation et la définition d’un vocabulaire francophone à base Mesh (vocabulaire international) a été engagé, dont l’état a été présenté au congrès du jubilé. S’il fallait résumer, on pourrait dire que le vocabulaire international a été totalement ignoré de la plupart des revues jusqu’à une période très récente. Quand au réseau documentaire hospitalier, il en utilisait un autre dont il gardait jalousement le secret. La mise en place d’un outil informatique permettant l’inclusion de synonymes et de corrélats a été travaillée au cours d’un séminaire FFP/Fondation Ey. Il a été depuis amélioré et utilisé pour l’indexation de Psydoc-France et la mise en place d’une approche encyclopédique.

Tout cela pour dire que l’ouverture internationale et l’utilisation d’outils qui la facilitent n’est pas encore entrée dans la culture française.

Abordons maintenant le travail réalisé à l’occasion du Livre Blanc

Le groupe s’est interrogé sur la production scientifique française et sa communication à travers les revues : les revues sont-elles conçues comme un espace d’écriture pour des auteurs potentiels ? Sont-elles utilisées pour la formation initiale, continue ? A un autre niveau, existe-t-il des thèmes généraux qui sont particulièrement traités dans une période donnée, ce qui reflèterait les intérêts de la communauté scientifique et le mouvement des connaissances ? Existe-t-il une spécificité des sujets traités en fonction de la revue ?

A partir d’une pré-enquête basée sur quelques revues (l’Encéphale et l’Information psychiatrique), il a semblé possible de déterminer un tableau à double entrée avec d’une part :
Cinq grands chapitres : 1) théories, modèles, neurosciences 2) Clinique et troubles (définis) 3) Thérapeutiques 4) Professionnel 5) International
D’autre part : neuf sous-domaines pour chacun de ces chapitres : épidémiologie et facteurs de risque, psychologie et cognition, psychométrie, diagnostic et sémiologie, comorbidités psychiatriques, biologie, pharmacothérapie, psychothérapie, soignants.

En fait, cette grille testée avec les Annales Médico-Psychologiques et l’Evolution Psychiatrique ne fonctionne que partiellement. Les typologies sont différentes.
Ainsi, les articles contenus dans les numéros des AMP 2000-2001abordent les thèmes suivants, qui ne rentrent que partiellement dans les catégories précédentes :
1) Histoire, concepts et épistémologie
2) Travaux de recherche et méthodologie (échelles, etc.)
3) Juridique et médico-social
4) Schizophrénie, dépression, suicide, épilepsie, Alzheimer
5) Organisation des soins, médico-économique, Actualité et vie professionnelle
6) Environnement
7) Psychothérapies et Autres thérapeutiques
8) Comorbidités somatiques (VIH)
9) Psychogériatrie

L’orientation de l’EP est encore plus précise. Elle se constitue surtout autour de concepts (dissociation, dissociation hystérique, hallucination, ...) et de l’histoire (Lacan aurait 100 ans, ...)

L’analyse de plusieurs autres revues montre que, de façon générale, les publications françaises sont éclectiques et peu spécialisées, à la fois généralistes et thématiques. Les thèmes sont extrêmement diversifiés.

Cette particularité pose différentes questions : Cela relève-t-il d’un choix, ou bien est-ce simplement la manifestation naturelle du fil des productions scientifiques des membres de l’association ? Cela est-il dicté par des raisons « commerciales », pour répondre à l’attente d’un groupe professionnel particulier ? Le choix éditorial de la revue est-il conçu dans l’optique de l’association dont elle est l’émanation, dans une perspective d’atteindre une cible nationale plus large, voire internationale ?
A-t-on une idée de la façon dont se fait d’ailleurs le choix de publier dans un journal ou dans un autre ? Les revues d’ailleurs sont-elles lues ? comment, dès réception, archivée ?

Toutes ces questions restent aujourd’hui sans véritable réponse et une étude est à concevoir pour essayer d’y répondre.

Le second abord a été celui de la présence internationale. Première remarque : il n’existe pas de grande revue française présente dans toutes les bibliothèques du monde. Seconde remarque, une seule revue indexée dans medersa : L’Encéphale.

1) Est-ce qu’une revue « idéale » française est envisageable ? La FFP peut-elle être à l’initiative de cette revue ?
Une création paraît difficile, car on a plutôt le sentiment qu’il existe trop de publications que pas assez. D’autre part, le champ est extrêmement diversifié. Comment répondre alors aux différentes attentes dans un contexte qui va plutôt vers la spécialisation ?
Une solution, envisagée dès la première réunion du bureau de la FFP, avait été de réaliser une sorte de « revue des revues », une sélection des meilleurs articles français. Mais outre les problèmes précédents évoqués, ne risquerait-ton pas de placer les revues dans une situation de concurrence avec la « revue des revues ». Une solution serait que les articles soient traduits en anglais, renvoyant à des citations en français. D’autres possibilités existent sans doute, en association avec Psydoc-France notamment. Reste le problème de la sélection. Qui la ferait ? La revue ? des referi externes, ce qui est indispensable pour rentrer dans les critères internationaux ? Quel en serait le profil ? Qu’avons-nous à apporter à nos collègues étrangers ? Il semblerait que les français soient perçus comme des spécialistes de l’histoire ...

2) Peut-on aller vers de revues plus performantes au niveau international, et sans doute aussi au niveau national ? C’est, comme nous l’avons vu, l’orientation qui a été prise par la FFP depuis sa création en publiant (sept. 1994) les critères requis pour l’indexation d’une revue dans le Current-Contents . Un tableau de la situation des revues françaises par rapport aux revues indexées a été réalisée pour cette journée par C. Polge, ainsi qu’une analyse de l’impact factor et des références cités. Ces trois tableaux donnent une idée assez claire de la situation.



Index de citation 1996 - 2000


Psychologie/Psychiatrie Publications/Pays Citation/Monde
USA 55,54 +18
Danemark 0,45 +14
Canada 7,48 +6
Italie 1,62 +5
Belgique 0,81 -2
Autriche 0,20 -17
France 2,28 -20
Israel 1,68 -22
Espagne 1,53 -52

http://in-cites.com/research/2001/april_30_2001-2.html

L’impact de citation des publications françaises (d’après l’Institute of Scientific Information) est faible puisqu’elles sont dans la position –20 par rapport à la moyenne mondiale, se situant à peu près au même rang qu’Israel et loin derrière la Belgique (+2) et l’Italie (+5), le Canada (+6), le Danemark (+14) et évidemment les USA (+18)

Impact Factor


Deux revues françaises participent au grand classement des citations dans le panel des 82 revues internationales de psychiatrie sélectionnées : L’encéphale et les Annales médico-psychologiques, qui occupent parmi elles respectivement les 77 et 78 èmes places, avec un impact factor de 0.276 et 0.236. Il faut leur associer l’European Psychiatry classé 61 ème, avec un IF de 0.748. De 1999 à 2002, 58 et 48 articles de l’Encéphale et des AMP ont été cités.


Dans une perspective plus « marketing », les revues pourraient-elles s’entendre pour renforcer leur orientation principale et orienter vers d’autres revues les articles qui ne les concernent pas directement ? Peut-on envisager des abonnements groupés ?


Il existe sans nul doute de nombreuses possibilités, mais elles impliqueraient une cohésion et une cohérence un peu plus grande des publications françaises dans le contexte international. Sont-elles aujourd’hui vraiment souhaitées ?

Rapporteurs : Pierre Noël et Jean-Michel Thurin



Dernière mise à jour : lundi 28 janvier 2002 15:18:06

Dr Jean-Michel Thurin