le Livre Blanc

de la Fédération Française de Psychiatrie


Comment caractérisiez vous les rapports du politique et de la psychiatrie ?



Très superficiels : comme nos résultats ne sont pas spectaculaires nous ne les interressons pas vraiment. Aujourd'hui il y a un petit coup de pub avec les suicides mais je crains que ça ne dure guère. La meilleure preuve du désinterêt des politiques est notre chiffre démographique descendant depuis plusieurs années.

Martine Burdet Dubuc

Mal informé. Cf recent "Plan santé mental du ministère de la santé.....Pourquoi n'y est-il pas mentionné la nécessité de developper des politiques, structures, programmes de soins en psychiatrie de l'âgé par exemple ????....

Vincent Camus

Ah oui ... fais moi mal , c'est si bon ... !!!!

Paul Cleirec

Pervers du côté politique. Nous semblons discuter avec les politiques d'égal à égal, mais nous discutons d'une chose qu'ils ne connaissent (ou qui laissent croire qu'ils ne connaissent) que trop imparfaitement et de façon caricaturale. L'image du psychiatre qui interne ses patients sans motif valable, puis les laisse sortir sans réflexion, bien qu'ancienne reste toujours prégnante aux mass-média, et par effet d'audimat, au politique démagogue. La loi qui nous fonde (30 juin 1838 modifiée 27 juin1990) confond toujours de façon trop insupportable le trouble à l'ordre public avec le trouble psychiatrique. Il faut en cesser avec une loi d'exception trop cocardière (cf. lois des autres pays d'Europe) qui engendre de nombreuses autres méprises, sur la définition du soin, etc ...
Les formations de psychiatres sont au compte-goutte. L'économique qui pouvait être jadis au service réfléchi des soins devient la lanterne à suivre des contraintes sans considération ... Çà me rappelle une pièce de Molière "Sans dot, vous dis-je !". Bien qu'il n'y ait pas de destinée systématique de la pauvreté à la folie : notre société génère des pauvres et des fous. Mais bien qu'elle n'en décrète (arrêté préfectoral ou municipal) que certains parfois désignés, c'est pour ces derniers qu'elle convoque d'autorité le psychiatre à leur chevet ... Elle traite souvent à tort de fous certains de nos contemporains, elle définit donc la folie en dehors du champ médical, mais elle convoque le médical pour les soins décrétés. La multiplication des missions impératives sans moyens supplémentaires...
Le caractère pesant des circulaires parfois antinomiques aux lois préexistantes (par exemple : Que reste-t-il du secret médical ?)
Le retrait progressif du champ psychiatrique de pathologies dès lors qu'elle acquièrent des prises en charge plus ou moins spécifiées (alcoolisme et patients chroniques en psychiatrie adulte; épilepsie, autismes, "dyslexies" en pathologie infanto-juvénile). Alors même que certaines de ces prises en charge ne prennent pas en considération la souffrance psychologique, elles réagissent parfois de manière anaphyllactique à la psychiatrie, mais réclament d'autres moyens de soins psychiques ????
L'alourdissement (malgré voire avec l'informatisation quand elle existe) des procédures administratives déplaisantes de justification du travail accompli. Passer 10% de son temps à ces opérations de comptabilité analytique et descriptive me parait très peu raisonnable parce que : 1) cela vient amputer d'autant les capacités vicariantes de soin 2) cela rend l'humeur peu propice à la disponibilité d'esprit qui doit être la nôtre par la culpabilisation secondaire de ne pas avoir donné ses chiffres en temps réel ...

Pervers du côté psychiatrique publique : nous n'avons pas consubstantiellement réussi à laisser de côté nos querelles idéologiques et nous nous sommes trop cantonnés comme de bons hobereaux retranchés dans nos secteurs disparates. Quand on a déshabillé Pierre, ce n'est pas Jacques qui s'en est plaint. Le paysage français montre des inégalités monstrueuses et injustifiables de capacité de soin d'un secteur à l'autre ... Une absence de réelle solidarité professionnelle (où sont les ratio de soignants selon l'importance géodémographique ?) et un avenir très assombri dans la diminution contante des moyens. La crise actuelle des valeurs n'a pas encore permis tous les consensus minimaux (malgré quelques conférences du même nom). Nous aimons trop la médecine de spectacle (encore pudiquement appelé "médecine de catastrophe"). Pardonnez-moi mais Dix minutes d'écoute, un Demi cachet et Trois bonnes paroles et voilà par D.D.T. remis sur pied le quidam qui n'a pas encore métabolisé ce qu'il venait de vivre ... Cette attitude téléphile manquant de la plus élémentaire réserve scientifique nous rend bien incroyables (au sens premier) aux yeux de tous. Certains (mais, il faut le reconnaître, pas toujours médecins) se vantent là d'y réussir n'importe quoi dans la prévention des conséquences psychiques ... Toujours est-il que si une telle attitude est statistiquement justifiée (prévention relative des troubles post-traumatiques) on peut légitimement s'interroger sur la nécessité d'y convoquer un groupe de psychiatres, alors qu'il ne s'agit pas de soins psychiques à la personne souffrante, mais de "traitement" d'une population (hors du sens médical mais dans le sens économique de gestion de crise) . Nous voilà pervertis à la santé publique et prêts à toutes les compromissions ! [peut-être que le terme de pervers est un peu galvaudé dans ma plume, excusez-m'en]

Patrice Duquenne

Il ne s'agit pas seulement d'un problème de crédit mais aussi de tout un courant qui irait plutôt dans le sens d'une déresponsabilisation générale, renforcé par la trouille d'être attaqué en justice à la première occasion. Bon dieu de merde il faudrait que chacun assume ses responsabilités à son niveau, c'est-à-dire accepte de prendre un minimun de risque!

A. Fournier

Pervers et soumis aux médias et/ou lobbies pharmaceutiques.

Christian Richard-Foy

La psychiatrie est étroitement liée à la politique parce que comprendre le fonctionement mental des gens permet de l'utiliser à des fins politiques, bonnes à priori

Ghizlane Benjelloun

Les rapports du politique et de la psychiatrie constituent un sous-ensemble des rapports du politique avec la médecine dans sa totalité; mais ils prennent alors un aspect particulier pour plusieurs raisons : plus que d'autres parties de la médecine, ils comportent des relations avec le droit public (concilier le respect de la liberté des citoyens avec les soins à apporter aux citoyens malades mentaux qui peuvent les refuser, malgré leur intérêt pour eux), avec le droit privé civil (établir objectivement la capacité ou l'incapacité) et pénal (les expertises, et l'extension déraisonnable que le pouvoir tend à leur donner, tout en en contrôlant la pratique, et avec les pires confusions entre peine et traitement), mais aussi le coût des soins et des institutions, et la tendance flagrante depuis des décennies à les organiser de façon autoritaire, au nom d'un bien public présumé et sans l'avis réel des praticiens. De plus, le peu de technicité apparente de la psychiatrie, marqué par le discrédit des tests de niveau et des tests projectifs, par la faible pertinence de l'électroencéphalographie, jadis porteuse d'espoirs, ainsi que par le désintérêt de nombreux collègues pour la neuroradiologie contemporaine, tend à ce que le politique tienne cette psychiatrie pour très peu spécifique et quasi réductible à un aménagement d'une certaine harmonie sociale.

Georges Lanteri Laura

C'est "je t'aime moi non plus" depuis 2 siècles.

Charles Alezrah

Dans l'état actuel de la psychiatrie avec particulièrement l'éloignement des pratiques des psychiatres (devenus plus généralistes que cliniciens : pratique d'évaluation et d'orientation- pratique « gestionnaire » des malades) ) de celle des autres praticiens hospitaliers , une politique active , précise et réformiste me paraît utile. La psychiatrie s'est construite bout par bout et fait apparaître d'inégales répartitions des moyens qu'il me paraît nécessaire de planifier. La politique jusqu'alors menée de repérage des besoins n'est pas une bonne logique car le besoin se dérobe laissant place à un autre et de façon indéfinie. Une autre logique créationniste et d'organisation est à introduire . Il serait utile de mettre à l'étude les différentes organisations du travail en équipe en terme d'efficacité et de rentabilité. Le politique doit s'occuper des moyens pas des pratiques, pas d'idéalisations des pratiques, pas de bonnes pratiques standardisées, pas de psychiatrie de masse .......... Mais du cas par cas.

Brigitte Helen

Il n'y a pas de politique de soin dans ce pays depuis longemps, il n'y a plus que des voeux, souvent remarquablement formulés.

Marie-Françoise Livoir Petersen

Les deuxième « Rencontres de la psychiatrie » s'intitulaient « La psychiatrie est politique ». Bien que participant à l'élaboration de ces journées, nous pensons qu'il y a amalgame entre le concept organisationnel et donc collectif, et le soin à l'individu. Le traitement d'un individu dans sa singularité relève d'un autre registre, celui de l'inter subjectivité et des mouvements spécifiques qu'elle induit.

Bernard Jolivet et Frédéric Raffaitin


Dernière mise à jour : lundi 10 juin 2002 20:03:14

Dr Jean-Michel Thurin