MUTATIONS EN GUADELOUPE

Par Dr Michel EYNAUD, Président de la CME du CHS de Montéran

(Saint-Claude, Guadeloupe)

Les Antilles sont célèbres pour leurs rythmes… Et la santé mentale en Guadeloupe ne manque pas d’y alterner ses lenteurs et ses accélérations.

Ainsi, quand on ouvrait en métropole en 1838 des asiles thérapeutiques, on s’y contentait toujours d’y enfermer ensemble en prison esclaves récalcitrants et fous perturbateurs… Quand on entamait en 1960 l’ère du secteur, on y attendait toujours que les malades hospitalisés aient enfin un lit par personne…

La dernière " restructuration hospitalière " avait été " décidée " par la Soufrière : face à la menace annoncée par certains d’une éruption volcanique, l’asile de Saint-Claude avait été déménagé à Pointe-à-Pitre, et on y avait laissé un service lors du retour… On avait en Guadeloupe encore récemment des secteurs de plus de 100 000 habitants, trois fois moins de psychiatres mais 6 fois plus d’hospitalisations d’office que pour la moyenne nationale… Il faut dire que dans cet archipel, se faire hospitaliser depuis les îles n’était pas une sinécure : il fallait 2 ambulances, un avion et/ou un bateau, et pouvoir attendre entre 12 et 36 heures au moins…

Et puis tout s’est accéléré ! Objectivé par un DIM décrivant l’ampleur des besoins et l’inadaptation des équipements, porté par une unité syndicale de l’ensemble des personnels médicaux et non-médicaux, confirmé par la Mission Nationale d’Appui en Santé Mentale, le retard accumulé a engendré une priorité régionale.

Un SROS de qualité a été élaboré à partir des propositions des acteurs de terrain, l’état s’est engagé dans un plan pluri-annuel de rééquilibrage du dispositif sanitaire, et la psychiatrie se retrouve en pleine mutation… Certes coexistent reliquats asilaires et projets novateurs, mais l’existence d’objectifs ambitieux et de moyens substantiels déjà en cours d’attribution est un scénario assez exceptionnel. En partenariat avec une Agence Régionale de l’Hospitalisation particulièrement impliquée, loin d’avoir à " défendre des acquis ", les professionnels sont appelés à construire et inventer.

Un tel chantier ne se résume pas en quelques lignes, mais quelques indices peuvent en être donnés :

Cependant l’aboutissement complet de ces mutations dépend maintenant de l’attractivité du chantier en cours : les réalités de la démographie médicale pèsent sur les postes de praticiens hospitaliers mis au choix, dont le nombre n’est pas signe de désertification, mais plutôt de potentiel. A contre-courant de l’histoire, et après avoir convaincu décideurs et planificateurs qu’on ne soignait pas sans médecins, la Guadeloupe saura-t-elle convaincre les psychiatres que les tropiques ne sont pas qu’un lieu de vacances  ou de congrès ?


Dernière mise à jour : vendredi 31 mars 2000 6:26:12

Dr Jean-Michel Thurin