L'hypothèse d'un lien entre les stimuli issus de l'environnement et le phénomène de la maladie est formulée depuis le début du siècle. Jaspers, dès 1913, insiste dans son Traité de Psychopathologie générale sur la notion de réaction. Celle-ci serait la réponse affective à un événement, réponse allant dans le sens de l'homéostasie individuelle. Pour Jaspers, cet enchaînement, facteur déclenchant et maladie, fait partie des relations psychopathologiques «compréhensibles, en opposition aux relations dites "causales" qui sont liées aux processus, et qui permettent d'expliquer les phénomènes pathologiques, mais pas de les comprendre.
A peu près à la même époque, Adolf Meyer fait aussi l'hypothèse de l'existence d'un lien direct entre des stimuli bien précis, ceux issus de l'environnement, et l'apparition d'une maladie. Un important courant scientifique va se développer, (d'abord aux Etats Unis, puis un peu plus tard en Europe) impliquant l'événement selon une relation de causalité plus ou moins étroite dans l'apparition de la maladie.
Dans les années 50, de nombreux chercheurs s'appuyant sur la conception physiologique du stress promue par Cannon et peu après par Selye, initient des recherches sur le stress provoqué par les événements environnementaux. Ils transposent le modèle des réactions bio-physiologiques de l'organisme au modèle du stress psychologique. Cette extension suscite de nombreuses questions. Réduire le comportement à des réactions physiologiques, c'est faire l'impasse sur les dimensions relationnelles, cognitives et affectives qui le sous-tendent aussi.
Les premiers auteurs n'ignoraient pas le côté réducteur de la transposition du physiologique au psychologique. S'intéressant aux changements culturels et sociaux, ils déduisent de leurs travaux que des changements importants peuvent provoquer des modifications de l'état de santé à deux conditions : d'abord que l'événement ait un impact important sur le sujet ; ensuite, que celui-ci soit prédisposé à une maladie spécifique. Ainsi, au départ de ce mouvement concernant le rôle des événements stressants de la vie dans la survenue de la maladie, les effets d'un événement ne peuvent être déterminés par ses seules dimensions, mais aussi par les caractéristiques physiologiques et psychologiques des sujets. Par après, un réductionnisme certain s'est développé, pour évoluer ces quinze dernières années vers une approche contextuelle complexe de la relation événement/maladie.
I. Conceptualisations et méthodologies
2. Principales listes d'événements
3. Qualité psychométrique des listes et questionnaires d'événements
4. Etudes rétrospectives et prospectives.
5. Deux exemples d'études impliquant les événements de vie
6. Références bibliographiques
La conceptualisation des événements de la vie tient un rôle majeur dans le développement et l'évolution du mouvement centré sur l'étude de la relation événement/maladie. Au fur et à mesure que les chercheurs élaborent leurs approches conceptuelles, ils mettent au point des méthodologies - et par là même des instruments et des modes d'approche - de plus en plus spécifiques des problèmes traités.
- Pour les chefs de file que sont Holmes et Rahe (1967), c'est la "quantité de changement" impliquée par un événement survenant dans la vie d'une personne qui confère à celui-ci un rôle pathogène ou non.
Pour évaluer l'importance du changement, ces auteurs construisent the Schedule of Recent Experiences. Il s'agit d'une liste de 43 événements considérés comme potentiellement perturbants, dans la mesure où ils impliquent une certaine quantité de changement lorsqu'ils surviennent dans la vie de tout un chacun. Ce changement, qui exige alors un effort d'adaptation et de réajustement de la part de celui qui le vit, a été quantifié par un grand nombre de sujets-juges, devant se référer à leurs expériences personnelles et à ce qu'ils ont pu voir autour d'eux. A chaque événement, est ainsi attribuée une note d'impact événementiel. Les moyennes des scores attribués à chacun des événements ont fourni à Holmes et Rahe les notes d'impact standard.
En pratique, il suffit de faire remplir en auto-passation des listes d'événements. Les sujets doivent indiquer, dans la liste qui leur est proposée, les événements survenus dans leur vie au cours de la période précisée. Ensuite, à chaque événement est attribuée la note standard correspondante. Le tout étant sommé, donne la note globale d'impact événementiel de chaque sujet.
S'intéresser à la quantité de changement qu'implique un événement est, à notre avis, une démarche restrictive et ne s'intéresser qu'à un aspect du problème. Mais, confondre comme l'ont fait ces chefs de file, la représentation générale de la quantité de changement liée à un événement - c'est à dire l'idée qu'on se fait de cette quantité de changement - et son impact réel est une erreur. S'appuyer ensuite sur cette confusion pour établir des scores standard et les prêter à tout un chacun, nous apparaît comme une autre erreur à la fois sur les plans psychologique et sociologique.
Plus tard, les chercheurs se sont plutôt intéressés à l'aspect qualitatif de l'événement, tel son impact ou son retentissement affectif sur le sujet au moment de sa survenue.
L'impact événementiel est alors envisagé différemment suivant qu'il représente un gain ou une perte pour le sujet (Dohrenwend,1973) ou suivant sa désirabilité sociale (Cochrane et Robertson, 1973 ; Myers et al., 1974 ; Paykel, 1974). Celle-ci peut être considérée comme "négative" ou "positive". Le fait qu'un événement constitue une entrée ou une sortie du "champ social" (Paykel et al., 1969 ; Jacobs et al., 1974) ou bien que le sujet soit censé exercer un "contrôle" ou non sur l'événement, qu'il ait une part de responsabilité ou non, dans la survenue des événements (Dohrenwend, 1973), que ceux-ci aient été prévisibles, anticipables, dans l'ordre des choses (on time events) ou non (off time events), qu'il surviennent à un âge particulier de la vie est aussi considéré (Neugarten, 1968, 1983; Riley, 1963, 1985).
- L'évaluation de la quantification de l'impact événementiel par les sujets eux-mêmes fait l'objet d'une troisième approche (Thomson et Hendrie, 1972 ; Schless et al., 1974 ; Amiel-Lebigre et al., 1984).
Elle consiste à demander directement aux sujets, au cours d'un entretien, d'estimer personnellement et rétrospectivement le retentissement affectif des événements qu'ils ont vécus, parmi ceux d'une liste. L'impact événementiel recherché est celui ressenti au moment de la survenue de l'événement.
Cette méthode d'évaluation de l'impact présente l'intérêt d'être le plus proche de l'expression du vécu du sujet. Elle ne peut être biaisée par l'expérimentateur, mais elle peut tout à fait l'être par le sujet. L'auto-évaluation rétrospective de l'impact événementiel est soumise au biais des mécanismes de défense, à la réorganisation des affects dans le temps, à leur expression verbale dans la situation de l'entretien et au banal phénomène d'oubli. Elle peut dépendre aussi de l'humeur du sujet interviewé, de sa tendance à l'acquiescement et de sa capacité à verbaliser et à quantifier ses affects.
Le concept d'impact événementiel est polysémique. La nature des scores d'impact donnés par les sujets est composite et variable d'un sujet à l'autre et quelquefois, d'un événement à l'autre, chez un même sujet. Pour certaines personnes, c'est le trouble, la souffrance causée par l'événement, c'est à dire la réaction émotionnelle, la mobilisation, l'envahissement de l'esprit, le degré de préoccupation du moment qui sont exprimés dans la note d'impact. Pour d'autres, ce sont les difficultés d'adaptation, de gestion des situations qui prévalent. La culpabilité, la tristesse, l'anxiété attachées à certains événements sont tour à tour prises en compte. Nous retrouvons bien là les ambiguïtés et contradictions du terme de "stress psychosocial" ou de "situations événementielles stressantes", largement utilisé dans la littérature de langue anglaise.
- Le quatrième mode d'approche du vécu événementiel se veut "contextuel" (Brown et Harris, 1978). L'examen du contexte historique dans lequel un événement survient dans la vie d'un sujet donné, associé à la façon dont cette personne exprime son vécu événementiel, contribue à approcher et à comprendre la signification de cet événement pour cette personne.
Dans la construction de son modèle, Brown introduit la notion de "difficulté majeure". Il s'agit de situations difficiles dans lesquelles peuvent se trouver les sujets depuis un certain temps, lorsque surviennent les événements, situations problématiques en elles-mêmes ou qui peuvent contribuer à déterminer l'importance de l'événement.
Des critères précis et de nombreux exemples de difficultés qualifiées de majeures sont proposés aux cotateurs, dans une sorte de glossaire. Un événement qualifié de sévère ou une situation qualifiée de majeure, constitue, dans le modèle un agent inducteur (provoking agent) de la dépression. Toutefois, les agents inducteurs ont rarement une force pathogène suffisante pour déclencher à eux seuls une pathologie mentale. Lorsqu'ils surviennent en présence de facteurs de vulnérabilité, autres variables de ce modèle, la probabilité qu'une décompensation survienne est alors beaucoup plus élevée.
Ce modèle complexe, comme nous le voyons, donne une chance aux chercheurs qui l'utilisent d'approcher le vécu événementiel des sujets, sous différents angles. Par là même, ses auteurs tentent de déjouer au maximum les pièges du non dit, des oublis et même de ceux que tendent, inconsciemment, les sujets alexithymiques.
Bien que ce modèle de recueil des données et d'évaluation de la signification contextuelle des événements apparaisse de loin supérieur à tous ceux présentés ci-dessus, l'utilisation de cette méthodologie complexe présente quelques risques : la sous ou la sur-évaluation de l'importance des événements par manque de connaissance de la dynamique personnelle des sujets ou par défaut de formation des enquêteurs à ce genre de travail. Il y a aussi celui, bien que les critères de sévérité des événements soient multiples et précis, de biaiser, ne serait-ce qu'inconsciemment, les évaluations en fonction des objectifs de recherche. Le seul moyen de faire face à ces risques est de récolter les données en aveugle et de les évaluer en équipe et en aveugle.
Les différentes techniques d'évaluation de l'impact événementiel que nous venons de présenter, s'appuient sur des points de vue différents qui sont autant de jugements de valeur. Nous pouvons nous demander qui est le plus habilité à juger de l'importance d'un événement pour un sujet donné? Les attributs provenant des représentations collectives, comme l'ont fait Holmes et Rahe et tous les chercheurs qui ont employé leur méthodologie, l'expression verbale du sujet se remémorant, a posteriori, l'importance du retentissement des événements au moment de leur survenue, ou le jugement en équipe d'interviewers-experts, à partir d'un nombre important d'éléments ?
La question du choix préférentiel reste ouverte. Chaque méthodologie présente ses avantages, ses limitations et ses risques. A chacun de privilégier l'une ou l'autre technique en fonction de son niveau de formation clinique et de formation aux différentes méthodologies, de ses objectifs de recherche, de ses préconceptions scientifiques et aussi du temps dont il dispose ainsi que du montant de ses crédits de recherche.
Dans tous les cas, suivant l'emploi d'une méthodologie ou d'une autre, la portée des résultats ne sera pas la même et cela devra être discuté dans la présentation qui en sera faite. De même, les résultats des travaux ne seront comparables qu'à méthodologies égales.
3 Premier type de liste : notes préétablies
la SRE (Stressful of Recent Experiences)1 ou échelle d'événements récents, mise au point par Holmes et Rahe (1967), comprend 43 évènements auxquels est attribué un impact standard.
le (Life Events Inventory)2 , ou inventaire d'événements de vie, mis au point par Cochrane et Robertson (1973) est composé de 55 évènements précodés suivant la même méthode standardisée que celle des précurseurs.
le PERI (Psychiatric Epidemiology Research Interview)3 ou Entretien de recherche en épidémiologie psychiatrique a été mis au point par Dohrenwend (1973). Il comprend 102 évènements précodés.
3 Second type de liste : attribution par les sujets d'une note d'impact événementiel, selon un moyen qui leur est précisé.
La LES (Life Experiences Survey)4 ou enquête d'événements de vie, mise au point par Sarason et al. (1978) comprend 57 items. Il est demandé aux sujets de coter l'impact de chaque événement au moment de sa survenue dans leur vie, en donnant une note d'impact négative (de -3 à -1), nulle ou positive (de +1 à +3).
le Questionnaire d'événements5, mis au point par Amiel-Lebigre, s'inspire des précédentes listes. Il comprend 52 items plus deux possibilités pour pouvoir coter d'autres évènements. L'évaluation de l'impact de l'événement au moment de sa survenue est faite rétrospectivement par le sujet, au cours d'un entretien, avec l'attribution d'une note d'impact de retentissement affectif (dans le sens de la difficulté) allant de 0 à 100.
le LEI (Life Events Inventory)6 ou inventaire d'événements de vie, mis au point par Perris (1984) est un guide d'entretien semi-structuré. Il comprend 55 items plus un item additionnel pour un événement autre. Chaque événement de cet inventaire est cotable suivant que l'événement était attendu ou non, contrôlable ou non par le patient et suivant que l'ajustement à l'événement a été difficile ou non. Une note est attribuée allant de 1 (très positif) à 5 (très négatif).
3 Troisième type de liste : contexte de la situation et du vécu.
la LEDS (Life Events and Difficulties Schedule), guide d'entretien mis au point par Brown et Harris (1978) et traduit en français par Gorwood et Rouillon (1994)6, passe en revue de nombreux événements et difficultés dans 12 grands domaines de la vie. Pour chaque événement, sont explorés le contexte dans lequel il est apparu et son impact sur le sujet, selon une série d'éléments. L'influence de l'événement ou de la difficulté du fonctionnement humain est considérée en fonction de nombreux critères. Par exemple : le sommeil, l'humeur, la consommation de cigarettes, d'alcool, de médicaments, la possibilité de se confier à quelqu'un ou non, la présence ou non d'un support social affectif, les conséquences sur la vie professionnelle et familiale du sujet, le fait d'avoir déjà vécu ou non le même type d'événement, qu'il ait été inattendu ou prévu, etc.
L'importance des évènements et des difficultés pour les sujets est évaluée de façon collégiale par des personnes formées et entraînées à ce travail. A partir d'un ensemble important d'éléments, l'équipe détermine la vraisemblance qu'un événement puisse être qualifié de sévère ou de difficulté majeure.
Références bibliographiques des listes d'événements
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Validité d'un instrument ou d'un mode de recueil des données
Le calcul de la validité d'un instrument ou d'un mode de recueil des données se fait à partir de la relation qui existe entre les éléments apportés par l'instrument, et un critère externe. Dans le domaine des événements survenus dans la vie de quelqu'un, le seul critère externe auquel il est possible d'avoir recours correspond aux dires d'une personne proche.
La validité se traduit, soit par un coefficient de validité qui est un coefficient de corrélation, soit par un pourcentage d'accord entre les deux sources de données. Dans le cas d'une exploration intrapaire, les auteurs ont établi des coefficients de validité dont les valeurs varient considérablement, allant de 0 à .75 et des pourcentages d'accord, allant de .57 à .81 suivant les travaux.
Plusieurs paramètres sont responsables de ces variations :
o plus la période explorée rétrospectivement est longue, moins la validité de la mesure est bonne.
o certains événements sont plus facilement datables que d'autres et cela augmente l'agrément intrapaire.
o inversement, l'imprécision
du moment de survenue de l'événement ou de sa nature tend à abaisser l'accord intrapaire. Par exemple, un événement qui s'est installé progressivement ou dont l'intensité a varié dans le temps n'a pas toujours été transmis au proche interrogé, au moment qui a été considéré par le sujet comme crucial. De ce fait, cet événement peut être, pour une période précise, rapporté par le sujet et non par la personne "critère", ou inversement.
o le côté dramatique des événements diminue aussi la validité du recueil de données.
o la méthodologie joue un rôle capital dans la validité du recueil des données. Les auteurs qui emploient une méthodologie proche de la clinique obtiennent le plus fort agrément entre les dires des sujets et des proches.
Fidélité des mesures
La fidélité concerne le nombre d'événements rapportés et la quantification de leur impact. Elle est calculée à partir de mesures de ces variables à deux temps différents (test-retest), chez les mêmes sujets. Elle varie en fonction de nombreux éléments :
o le facteurs temps est sans doute le facteur le plus important de tous. Une décroissance globale de 5% par mois du nombre d'événements rapportés par les sujets est relevée par les auteurs.
o le type d'événement joue aussi un rôle dans le rappel. Les événements indésirables s'oublient plus vite que les événements désirables. Ce sont les événements neutres qui sont remémorés avec le plus de constance. Les événements fatals sont oubliés plus vite, ou plutôt, ils sont moins fréquemment mentionnés au moment du retest, que les autres.
o le niveau d'éducation joue un certain rôle dans la fidélité du rappel des événements. Les niveaux les plus bas sont associés aux plus faibles coefficients de fidèlité et inversement (.26 à .96).
o la brièveté des listes d'événements affecte la fidélité des instruments, un nombre optimum d'items l'augmente.
Quant à la fidèlité des évaluations des impacts événementiels, elle ne peut être étudiée que si les sujets attribuent personnellement un impact aux événements vécus. Une décroissance des notes d'impact est constatée dans un espace de temps très bref (une à deux semaines). La fidèlité de ce type de mesure varie aussi avec les consignes d'évaluation de l'impact. Celle des évaluations de la réponse émotionnelle à l'événement se situe entre .63 et .86, celle de la part de responsabilité du sujet dans la survenue de l'événement varie de .58 à .71 suivant les travaux.
INTERETS ET PROBLEMES
Le choix d'une stratégie (rétrospective ou prospective) de recherche en épidémiologie psychiatrique s'effectue suivant deux dimensions principales : les objectifs poursuivis et les moyens (personnels, financiers, en temps) dont on dispose pour réaliser l'étude.
Le premier intérêt que présente la méthode rétrospective est son coût temporel et financier. Celui-ci peut être minime, alors qu'un étude prospective est par définition coûteuse. Autre avantage lié à la temporalité, les auteurs peuvent publier rapidement leurs résultats. Le deuxième intérêt réside dans le fait que les patients peuvent être examinés en dehors des épisodes de maladie.
Quatre inconvénients, liés à la méthode rétrospective des événements de la vie, sont signalés dans de nombreux travaux. Ils sont la conséquence de l'estimation indirecte des variables étudiées. Ils ont trait aux critères de pathologie (diagnostic), à l'oubli ou aux mécanismes de défense mis en jeu selon le sens que l'événement peut avoir pour le sujet, au risque de majoration des affects et à la contrainte que constituent les groupes témoins.
- Le diagnostic psychiatrique ou somatique porté sur un sujet est souvent difficile à établir au début de la maladie, dans la mesure où l'évolution de la maladie contribue à le vérifier. Nous savons combien l'exactitude du diagnostic est capitale dans les études étiologiques. Si elles sont réalisées sur des cas anciens, le risque rencontré est l'oubli des événements survenus avant le premier épisode ; si elles sont réalisées sur des nouveaux cas, certains diagnostics sont souvent difficiles à établir.
Il est des cas cependant où le diagnostic peut être parfaitement précisé, par la chirurgie par exemple, comme dans le travail de Creed (1981) sur le rôle du stress dans la crise d'appendicite conduisant à une appendicectomie7 (encadré p.5).
- Les risques de majoration des affects liés aux événements paraissent d'autant plus importants dans les études concernant les maladies mentales que les patients sont souvent déprimés alors que les témoins ne le sont pas, par définition. D'autre part, on peut faire l'hypothèse que la tendance à l'acquiescement, à donner au chercheur ce que le patient croit qu'il attend (des événements nombreux ou/et des impacts événementiels élevés), peut venir renforcer le risque de majoration des affects. Ajoutons à cela que les sujets malades ont bien souvent tendance à se référer implicitement à une théorie exogène de la maladie (celle de l'événement cause de l'épisode) plus qu'à une théorie endogène de la maladie (sur le plan génétique, biologique et/ou psychogénétique), pour expliquer leur maladie. D'où la tentation de rapporter des événements perturbants en nombre.
o L'utilisation de groupes témoins est importante dans les études rétrospectives. Toute étude rétrospective visant à déterminer l'effet ou le non-effet d'un facteur sur la santé mentale d'une population donnée, à un moment donné, se doit de déterminer les mêmes éléments sur des bien portants, au même moment, ou sur des sujets présentant une autre pathologie. Sinon, les auteurs ne pourront tirer aucune conclusion.
Les études prospectives présentent, dans notre discipline, un intérêt certain dans les travaux étiologiques et dans la recherche de facteurs pathogèniques. Dans l'étude du rôle des événements de la vie comme facteurs déclenchants ou
étiologiques de la pathologie somatique
et mentale, l'approche longitudinale est assurément la technique la plus sûre. Elle permet de localiser précisément les événements dans le temps et d'enregistrer des impacts événementiels à des temps différents de la période de suivi. Les cas peuvent être longuement examinés et les diagnostics élaborés tout au long de l'observation.
Nous retrouvons ici les avantages des études longitudinales : meilleure estimation des variables (événements, morbidité), moindre risque d'erreur à tous les niveaux. L'interprétation des résultats de ce type d'étude est fiable et peut conduire aussi bien à des confirmations affinées d'hypothèses qu'à des infirmations très nettes. L' étude menée par Séville (1977, 1978) sur le psoriasis en est une illustration (voir encadré).
La rareté des études longitudinales est la conséquence des difficultés et inconvénients qu'elles présentent. Elles sont souvent longues, difficiles, coûteuses.
- Elles sont longues parce que les temps d'observation doivent se répéter de façon standardisée. Une persévérance certaine et un bon savoir-faire sont exigés des chercheurs qui réalisent ce travail s'ils veulent conserver le plus grand nombre de sujets possible jusqu'au bout des investigations, afin de se garder du biais qu'introduit la perte des sujets.
- Ces études sont coûteuses en personnel et en crédits. Ce type de travail demande à des personnels spécialisés beaucoup de temps et d'énergie. Le coût de ces travaux se justifie pour les raisons que nous venons d'évoquer, mais égale
ment parce que dans notre discipline il est nécessaire d'étudier un nombre assez important de sujets en raison de la fluctuation des phénomènes et de la perte des sujets en cours d'étude.
En conclusion, nous pouvons dire que les méthodes d'évaluation des événements stressants de la vie doivent être utilisées à la fois de façon très stricte, afin d'avoir de bonnes qualités psychométriques des mesures, et de façon souple et délicate afin de parvenir à évaluer le retentissement affectif lié aux événements, tel que les sujets l'ont ressenti.
1. Une méthodologie rétrospective a apporté des éléments intéressants sur la liaison entre stress et crise d'appendicite.
Les chirurgiens, malgré des signes cliniques évidents qui avaient conduit à l'intervention, ont trouvé chez 50% des patients un appendice présentant une faible réaction inflammatoire, contrairement à ce qui était trouvé chez les autres patients. S'intéressant aux événements vécus par tous les opérés dans les treize semaines précédant les premières douleurs abdominales, Creed, utilisant la méthodologie de Brown et Harris, constate que les sujets dont les appendices étaient normaux ou subnormaux au moment de l'intervention, avaient expérimenté des événements sévères, au cours de la période explorée, contrairement aux autres opérés dont les événements étaient comparables à ceux trouvés dans un groupe témoin. Les types d'événements sévères, trouvés dans le premier groupe, correspondaient à ceux identifiés par l'équipe de Brown et Harris chez des déprimés.
Contrairement aux attentes, les malades dont l'appendice présentait une faible réaction inflammatoire avaient tendance à ressentir, après l'intervention, un plus grand nombre de symptômes physiques banaux, se rétablissaient moins vite et avaient été plus nombreux à présenter des symptômes d'ordre psychiatrique au moment et après l'intervention, que les autres.
2. Séville montre, dans une étude catamnestique de trois ans sur 132 patients, non seulement que les épisodes de psoriasis sont liés à des événements, mais que les rechutes sont d'autant moins fréquentes que le stress lié à ces événements est identifié par les malades. Cet auteur montre aussi que l'importance de "l'insight" prime sur la survenue ou non des événements.
7. Creed F. Life events and appendicectomy. Lancet 1981; 1 : 1381-1385
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A l'issue d'une enquête effectuée sur la santé mentale d'un groupe de femmes issues d'un quartier défavorisé de Londres, les auteurs mettent en évidence le rôle des événements qualifiés de sévères, des difficultés qualifiées de majeures en présence de facteurs de vulnérabilité propres au groupe étudié, dans la survenue de la dépression.
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CONCEPTUALISATIONS ET METHODOLOGIES
PRINCIPALES LISTES D'EVENEMENTS
QUALITES PSYCHOMETRIQUES DES LISTES ET QUESTIONNAIRES D'EVENENEMENTS
ETUDES RETROSPECTIVES ET PROSPECTIVES.
Deux exemples d'études impliquant les événements de vie :
Références bibliographiques
Sommaire Pour La Recherche n°10