La question de l'efficacité générale de la psychothérapie est, depuis déjà plusieurs années, clairement établie. Dès 1994, dans le BMJ(1), J. Holmes déclarait, en s'appuyant sur de nombreuses études contrôlées, que non seulement la psychothérapie n'était pas un luxe que le système de soins anglais ne pourrait pas s'offrir, mais qu'il était plus coûteux et non éthique de ne pas utiliser ce traitement. J. Holmes dénonçait une crise des valeurs où l'enjeu de l'acte médical risquait de devenir le soulagement ponctuel d'une détresse, en ignorant la façon dont le sentiment de soi et le sens des choses interviennent dans la santé, et le rôle que peut y jouer la relation médecin-patient.
Au delà de cette approche où l'on voit que l'économie peut conduire à une gestion minimaliste de l'état de santé qui va contre ses propres intérêts et ceux de la population, d'autres questions nous sont aujourd'hui posées que les recherches sur les psychothérapies, introduites en France il y a une vingtaine d'années par P. Gerin et A. Dazord, peuvent contribuer à résoudre.
D'abord, on aimerait mieux savoir répondre à des questions telles que : pour ce patient, quel type d'action psychothérapique est-elle indiquée ? dans quelles conditions ? à quels « dose » et rythme ?
Ensuite, nous ne savons que très peu de choses - reconnaissons le - sur la façon dont une intervention psychothérapique agit à court et à long terme. C'est un peu comme si le terme de « psychique » suffisait et avait éliminé toute réflexion « biologique » au sens large du terme. Or le fait que l'action d'une psychothérapie puisse être comparée à celle d'un médicament, que l'on renforce l'action de l'un par l'autre, que la durée de leur action puisse être différente, pose des questions très étranges : comment une action psychique peut-elle être comparable à celle d'une action chimique ? Evidemment parce que l'une et l'autre interviennent dans un processus biologique peut être différent, mais dont l'aboutissement, à un moment donné, est semblable.
Dans deux grands articles récents publiés dans l'Am J P(2), Kandel propose une réflexion très large et documentée qui conduit à l'hypothèse suivante : si la psychothérapie réussit à produire des changements substantiels et durables dans le comportement, elle le fait en générant des modifications de l'expression génétique qui produisent des changements structurels dans le cerveau, impliquant notamment les réseaux de mémoire. Il plaide pour un rapprochement des neurosciences et de la psychanalyse. N'est-ce pas en effet à la psychiatrie que revient la capacité de penser la mise en relation et l'intégration de niveaux d'approche à la fois si différents et nécessairement liés ?
Au delà des recherches antérieures sur lesquelles elles se fondent, les psychothérapies offrent effectivement une perspective tout à fait particulière de connaissance des fonctionnements psychiques et biologiques humains, de leurs conséquences et de leur évolution. Les recherches sur les psychothérapies, au delà de la question de leurs indications, vont-elles retrouver une tournure plus fondamentale à partir de la question de leur efficacité ? *
(1) HOLMES J. Contreversies in management psychotherapy - a luxury the NHS cannot afford ? More expensive not to treat, BMJ 1994;309:1070-1071
(2) KANDEL, E. R. A new intellectual framework for psychiatry, Am J Psychiatry, avril 1998, pp 457-469
KANDEL, E. R. Biology and the future of psychoanalysis : a new intellectual framework for psychiatry révisited Am J Psychiatry, avril 1999, pp 505-524
Il n'existe pas, à notre connaissance, de définition officielle et/ou consensuelle de la psychothérapie.
Cet état de fait reflète probablement un certain flou conceptuel dans ce domaine.
La définition la plus souvent utilisée est celle de Porot : "La psychothérapie est l'ensemble des moyens par lesquels nous agissons sur l'esprit malade ou sur le corps malade par l'intervention de l'esprit".
Cette définition spécifie la psychothérapie par rapport aux autres moyens thérapeutiques, mais ne fournit pas de critères précis permettant de distinguer, parmi l'immense diversité des interventions psychologiques existant aujourd'hui, celles qui sont "psychothérapeutiques". La définition de Strotzka, citée par Huber, s'y essaie :
"La psychothérapie est un processus interactionnel conscient et planifié visant à influencer les troubles du comportement et les états de souffrance qui, dans un consensus (entre patients, thérapeute et groupe de référence), sont considérés comme nécessitant un traitement, par des moyens psychologiques (par la communication) le plus souvent verbaux, mais aussi non verbaux, dans le sens d'un but défini, si possible élaboré en commun (minimalisation des symptômes et /ou changement structurel de la personnalité), au moyen de techniques pouvant être enseignées sur la base d'une théorie du comportement normal et pathologique. En général cela nécessite une relation émotionnelle solide" Strotzka (1978).
Pour Hubert, auteur dont la réflexion sur les psychothérapies nous paraît être parmi les plus intéressantes, on peut distinguer 3 niveaux de complexité croissante parmi des "interventions psychothérapeutiques", qui toutes, ne mériteraient donc pas le label "psychothérapie" : i) la prévention, la réhabilitation et le conseil ; ii) l'intervention de crise et l'accompagnement ; iii) la psychothérapie.
La psychothérapie serait alors une intervention psychologique qui :
- est basée sur une théorie scientifique de la personnalité et de ses troubles ;
- se fonde sur une théorie scientifique de la modification des troubles et sur une technologie éprouvée ;
- présente des évaluations empiriques de ses effets, positifs et négatifs ;
- porte sur des troubles du comportement ou des états de souffrance considérés comme requérant une intervention ;
- est pratiquée par des personnes formées et compétentes.
Les techniques ne répondant pas à ces critères sont des techniques d'appoint.
Tout comme il n'existe pas de définition officielle des psychothérapies, il n'existe pas de classification consensuelle des différentes techniques, ce qui constitue une difficulté pour la réalisation des méta-analyses. Cela doit inciter les auteurs d'études sur l'évaluation des psychothérapies à bien préciser la technique qu'ils ont étudiée, afin d'en permettre ultérieurement une classification sans ambiguïté. (A. G-P.)
* Unité de Psycho-Oncologie, I.G.R., Villejuif
Bibliographie :
- Hubert W. : Les psychothérapies : quelle thérapie pour quel patient ? Nathan Université, 1993, 55-63.
- Porot A. : Manuel Alphabétique de Psychiatrie, PUF, Paris, 1952, 542-546.
- Strotzka H. (Ed) : Psychotherapie : Grundlagen, Verfahren, Indikationen, Urban and Schwarzenberg, Munich, 1978.
De la donnée expérimentale au savoir :
les méta-analyses
La méta-analyse est la forme la plus élaborée de synthèse de la littérature. Elle comporte les étapes suivantes :
- identification précise d'une question ;
- recherche bibliographique aussi exhaustive que possible de toutes les études permettant de répondre à cette question ;
- analyse critique de ces articles, avec élimination des études de qualité insuffisantes ;
- analyse spécifique de l'ensemble des données retenues, permettant une " synthèse " des informations.
La méta-analyse permet ainsi de déterminer, de façon plus puissante que le résultat d'une seule étude, le degré d'efficacité d'une thérapeutique, au-delà d'éventuelles divergences entre études.
Le mot « psychothérapie a été utilisé pour la première fois en 1891 par Hippolyte Bernheim (1840-1919), avec son sens actuel, dans « Hypnotisme, suggestion, psychothérapie. Études nouvelles », livre qu'il a publié cette année là à Paris chez Doin.
Par ce titre explicite Bernheim, professeur de pathologie interne à Nancy, voulait souligner que l'effet thérapeutique résultant de l'établissement de la relation médecin-malade n'est dû ni au soi-disant état hypnotique produit par le thérapeute sur le patient pour l'établir, ni à la simple suggestion qu'elle induit mais procède de caractéristiques propres à cette relation.
Dès 1892, l'ouvrage a été traduit en allemand par Sigmund Freud (1856-1936), qui a conservé le mot tel quel dans le titre « Neue Studien über hypnotismes, suggestion und psychotherapie ». Leipzig und Vieuve : Denticke.
Cette apparition précède de peu d'années celle de 1896, d'un autre mot nouveau « psychoanalyse » employé, lui, sous cette forme par Freud dans un des textes qu'il a publiés en français, dans la Revue neurologique, celui sur « L'hérédité et l'étiologie des névroses. » Freud datera ultérieurement la naissance de la psychanalyse en tant que méthode thérapeutique des névroses dites de transfert, à partir de l'abandon de l'hypnose et le recours exclusif à la parole dans l'exploration de l'inconscient.
Si l'origine de la psychothérapie et de la psychanalyse sont les mêmes, elles ne sont pas la même chose. L'utilisation fréquente de la locution « psychothérapie-psychanalytique » a brouillé la nécessaire différenciation car selon le contexte elle parait réduire la psychanalyse à n'être qu'une forme de psychothérapie parmi d'autres ou au contraire à laisser entendre que les psychothérapies non psychanalytiques seraient dénuées de valeur. (J.G.)
Parallèlement aux nombreuses querelles théoriques qui alimentent depuis les premiers écrits de Sigmund Freud l'histoire des idées dans le champ des psychothérapies, la réflexion concernant l'efficacité des psychothérapies a, elle aussi, fait l'objet de nombreuses controverses. Les enjeux politiques et universitaires ont souvent masqué l'importance de ces débats. Cependant, les recherches menées sur les résultats thérapeutiques ont participé de façon décisive au développement de ce que l'on peut avec Kiesler appeler " une science de la modification du comportement " (1971, p. 37). Nous vous proposons dans cet article d'en retracer les principales étapes.
Malgré le scepticisme affiché par Freud concernant l'évaluation systématique des effets des psychothérapies, Coriat publie, en 1917, "Quelques résultats statistiques concernant le traitement psychanalytique des psychonévroses". Dès cette première recherche, les considérations méthodologiques sont l'une des principales préoccupations du clinicien-chercheur. Les conclusions formulées par Coriat reflètent un souci toujours présent de nos jours et très bien formulé par Paul en 1967 (p. 111), à savoir : "Quel traitement est plus efficace pour cet individu avec ce problème spécifique et sous quelles conditions ?".
En 1941, Knight propose une première synthèse des données présentes dans la littérature. Son étude porte sur un total de 952 cas. Les observations faites entre 1920 et 1940 à l'Institut de Berlin, la clinique de Londres, l'Institut de Chicago et la Clinique de Menninger constituent la base de son analyse et concernent uniquement des thérapies d'obédience analytiques. Les pourcentages des patients guéris ou très améliorés sont, pour certains troubles, plutôt positifs : 68 % pour des troubles psychosomatiques, 63,2 % pour les névroses, 56,6 % dans le cas des troubles du caractère, 48,5 % pour les troubles sexuels. Les critères utilisées pour juger de l'amélioration du patient renvoient à différentes dimensions comme par exemple l'amélioration au plan symptomatique ou de l'activité professionnelle (Ionescu, 1998, p. 182).
Vers les années 50-60, le développement de la thérapie centrée sur la personne (Rogers, 1942), des thérapies comportementales (Jones, 1924 ; Mowrer & Mowrer, 1938 ; mais principalement Wolpe, 1958), des thérapies cognitives (Ellis, 1958) et des thérapies familiales (Bateson, Jackson, Haley & Weakland, 1956 ; Ackerman, 1958) va enrichir le champ de la pratique psychothérapeutique. Sous l'impulsion notamment de Carl Rogers (1957), mais aussi des thérapeutes comportementalistes, la recherche sur l'efficacité des psychothérapies va considérablement progresser. Les recommandations méthodologiques (définitions de critères de guérisons plus standardisés, de diagnostic plus précis, etc.) énoncées dés les premières recherches menées sur l'efficacité de la psychanalyse, sont l'objet de nombreux débats.
Parallèlement, les pouvoirs publics se montrent, même s'ils participent activement au financement de la recherche, de plus en plus exigeant. La Joint Commission on Mental Illness and Health nommée par le congrès des Etats-Unis dans le milieu des années 50, dresse un constat peu élogieux de l'action médicale en santé mentale. En conclusion de leur enquête, qui dura 5 années, les auteurs du rapport déclarent que le système de santé mentale américain est défaillant et que les prises en charge de longue durée - essentiellement la psychanalyse - ne conviennent pas au plus grand nombre et tout particulièrement aux personnes souffrant de troubles graves et de psychose. (Joint Commission on Mental Illness and Health, 1961).
La remise en cause des pratiques de soin, bien que les attaques concernent principalement les psychanalystes encore largement majoritaires à cette époque, ne manquera pas d'agiter tous les esprits. Malgré des premiers résultats plutôt positifs, les psychothérapeutes, toutes obédiences confondues (psychanalystes, rogériens, comportementalistes,...), vont éprouver la nécessité de mettre en évidence, "de façon définitive", la valeur de leur travail.
Pour certains praticien-chercheurs, défendre sa propre pratique ne suffit pas. Il est aussi important de discréditer celle du voisin. Eysenck (1952), thérapeute comportementaliste, entreprend de tester l'efficacité des thérapies d'orientation analytique. Il sélectionne 24 études, soit un total de 8053 Sujets. Deux groupes sont constitués : les patients suivis en thérapie analytique (5 recherches) opposés aux patients admis en "thérapies éclectiques" (19 recherches). Pour effectuer sa comparaison, l'auteur se base sur le taux de rémission spontanée observé par Landis (1937) et Denker (1946), soit 72 % pour des patients névrosés.
Les conclusions d'Eysenck sont les suivantes : 44 % des patients traités par une thérapie d'orientation analytique s'améliorent, ainsi que 64 % des patients suivis en thérapie éclectique. L'auteur note que l'on peut, étant donné notre base de 72% de rémission spontanée, conclure à une corrélation inverse entre la guérison et la psychothérapie.
La publication de cet article est à l'origine d'une controverse qui va durer une trentaine d'années. Les critiques méthodologiques adressées à l'encontre de l'analyse et des conclusions de Eysenck sont nombreuses et souvent justifiées (choix des études arbitraires, imprécisions dans la définition de la population étudiée, valeur élevée du taux de rémission spontanée utilisé, absence d'études comparatives, etc.). Le débat est passionné. L'agressivité des conclusions énoncées par Hans Eysenck, thérapeute comportementaliste, dans un champ de recherche largement dominé par les tenants de la théorie freudienne, l'ambiguïté du thème abordé, font souvent déraper les propos vers une argumentation subjective (Bergin, 1971, p. 218). Mais, paradoxalement, "l'effet Eysenck" participe de façon considérable au développement des recherches sur l'évaluation des psychothérapies. Plusieurs thèmes abordés par Eysenck seront repris et étudiés : la rémission spontanée (Cartwright, 1956 ; Kiesler, 1966 ; Bergin, 1971) ; les effets négatifs des psychothérapies (Bergin, 1963, 1966), etc. .
Des années 60 à nos jours, le nombre toujours plus important d'études a permis très rapidement d'effectuer des revues de la littérature. Meltzoff & Kornreich (1970, p. 174) rassemblent 101 études publiées entre les années 50 et 70. 57 de ces recherches sont considérées méthodologiquement correctes, contre 44 "questionnables". Sur l'ensemble des 101 études, 80 % semble montrer des résultats positifs. 54 % des 57 recherches jugées méthodologiquement les plus correctes, montrent des résultats positifs en faveur des thérapies, contre 30 % favorables mais limités et 16 % nuls ou négatifs. Enfin, 75 % des 44 études considérées "questionnables" mettent en évidence des résultats positifs en faveur de la psychothérapie.
En 1980, Smith, Glass & Miller entreprennent de tester l'efficacité des psychothérapies sur la base des résultats observés dans 450 recherches. Pour ce faire, ils décident d'adapter au champ des thérapies une méthode statistique habituellement utilisée en science sociale : la méta-analyse (cf. encart p. 2). Plus affinée qu'une revue de la littérature classique, la méta-analyse fait appel à de nombreux outils statistiques. L'objectif de la méta-analyse est de convertir et pondérer les données observées dans différentes recherches afin de pouvoir les comparer. Leur étude permet de mettre en évidence une amélioration plus importante des patients suivis en psychothérapie par rapport aux patients sans traitement. (Smith et al., 1980 p. 87). Ce résultat sera confirmé, entre autres, par Landman & Dawes (1982), puis Lambert, Shapiro & Bergin (1986) et Howard, Kopta, Krause & Orlinsky (1986).
Seuls, Prioleau, Murdock & Brody (1983) contestent la démonstration de Smith et de ses collègues. Pour Prioleau et ses collaborateurs, rien ne permet d'affirmer une quelconque supériorité de la thérapie analytique sur l'absence de soin. Leur analyse porte sur 32 recherches extraites de l'échantillon de Smith et al. (1980) et compare la thérapie analytique versus des groupes contrôles. Eysenck tentera sur la base des conclusions de Prioleau de relancer la polémique. Toujours très en verve, il conclut son commentaire d'un : "Avons-nous le droit de continuer à enseigner aux étudiants des théories générales de psychologie, comme la théorie Freudienne, pour lesquelles il n'existe aucune preuve expérimentale et qui ont fait la preuve de leur faiblesse dans leur application pour les traitements psychiatriques ?" (Eysenck, 1983, p. 290). Sa tentative sera vaine. Après 30 années de débats mouvementés, les chercheurs vont abandonner l'analyse globale des effets des psychothérapies pour concentrer les recherches sur les conditions particulières à l'origine d'effets positifs.
Aujourd'hui, il est généralement admis que les principales psychothérapies utilisée dans le champ de la santé mentale peuvent, dans certaines conditions et pour certains patients, être à l'origine d'amélioration rapide et durable. Des avancées méthodologiques considérables ont été réalisées et permettent d'envisager des recherches toujours plus fines : la mesure du changement thérapeutique peut être appréhendée à l'aide de plusieurs méthodes (comportement, psychophysiologie, etc.) et selon plusieurs points de vue (patient, thérapeute, famille, entourage social, etc.) ; un effort important est mené pour définir les composantes spécifiques des différentes psychothérapies (rédaction de manuel) ; l'accumulation des données est facilitée grâce à l'utilisation de batterie de tests standardisés.
Pour conclure, rappelons l'un des résultats majeurs de la recherche sur l'évaluation des psychothérapies. Dans les années 70-80, un nombre important d'études mirent en évidence le "paradoxe de l'équivalence", à savoir l'absence de différences de résultats entre les principales psychothérapies.
En 1975, Sloane, Staples, Cristol, Yorkston et Whipple comparent deux pratiques: la thérapie analytique brève et la thérapie comportementale. Cette recherche, effectuée au Temple University Health Sciences Center, est considérée par beaucoup pour une des meilleures études comparatives des années 70. La population étudiée est composée de 90 patients : 2/3 sont jugés névrosés et 1/3 souffrent de troubles de la personnalité. La répartition des patients dans les trois groupes s'effectue par randomisation. Plusieurs tests psychologiques standards sont utilisés. La pratique des thérapeutes est contrôlée. L'analyse des données met en évidence des niveaux de résultats identiques pour la thérapie comportementale et la thérapie analytique brève et toutes deux sont significativement supérieurs à ceux observées pour les patients sur liste d'attente.
A la même époque, l'Institut National de Santé Mentale des Etats-Unis initie un projet de recherche multicentrique sur le traitement de la dépression : the NIMH Treatement of Depression Collaborative Research Program. Ce projet répond d'une part à la demande des chercheurs, impatients d'accumuler des données "définitives" (Elkin, 1994, p. 114) sur l'efficacité spécifique de différentes thérapies (thérapie cognitivo-comportementale versus interpersonnelle) en fonction des troubles du patient, et d'autre part de l'Alcohol, Drug Abuse and Mental Health Administration, suite aux sollicitations des consommateurs, du tiers-payant et des pouvoirs publics. L'analyse des résultats montre qu'il n'y a pas de différence quant aux effets des deux thérapies. Toutes deux sont légèrement supérieures au groupe traité par placebo.
Ces conclusions confortent les résultats de Luborsky, Singer & Luborsky (1975) et règlent d'une certaine manière le problème de l'efficacité des thérapies. Il semble, en effet, que "tout le monde a gagné et tous méritent des prix". Cependant, elles obligent les chercheurs à réfléchir sur les processus à l'origine des changements thérapeutiques. Comment expliquer qu'un comportementaliste et un psychanalyste obtiennent des résultats identiques malgré une conception de leur pratique si différente. Les cliniciens-chercheurs libérés de la question de l'efficacité globale des psychothérapies doivent maintenant affronter un nouveau défi : Pourquoi la psychothérapie est-elle efficace ? Mais cela, c'est d'une tout autre histoire dont il s'agit.
M. V
Bibliographie
- Ackerman, N. (1958). The psychodynamics of family life. New York: Basic Books.
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Quelles différences entre approches évaluatives «naturelle» et «structurée»
Recherches « naturalistes »
La démarche évaluative des cliniciens de l'efficacité de leur action psychothérapique n'est pas nouvelle. Elles se rencontre dans au moins trois circonstances :
- celle où le psychothérapeute infléchit sa pratique, inconsciemment ou consciemment, en fonction des résultats qu'il obtient ;
- celle où le psychothérapeute tente, seul ou en groupe de pairs, de formaliser sa pratique à propos des cas qu'il suit et d'évaluer l'effet de ses interventions ;
- celle où il fait le point avec le patient, souvent à sa demande : "cela va mieux dans tel domaine et éventuellement, moins bien dans tel autre" ; ou encore, "cela n'avance pas".
Ces modalités font intervenir différents niveaux d'objectivité. Leur premier avantage est de faire partie des conditions cliniques et de la démarche thérapeutique naturelles. Elles permettent aussi d'élaborer des hypothèses qui pourront être proposées pour des recherches structurées.
Recherches « structurées » ou « systématisées »
L'intérêt particulier des recherches « structurées » est d'apporter des données qui n'apparaissent pas nécessairement à l'échelon individuel ou que l'on n'aurait pas perçues. Elles impliquent une méthodologie définie pour l'étude d'un objet précis. L'évaluation peut ainsi concerner :
- l'efficacité globale d'une psychothérapie (comparaison avant - après, avec la question de l'évolution spontanée) ;
- l'efficacité comparée de protocoles thérapeutiques différents mis en uvre avec des patients "semblables", ce qui va poser évidemment la question de la définition de cette similitude (voir plus loin : "diagnostic") et de l'application de protocoles standardisés) ;
- l'efficacité de protocoles "semblables" pour des patients différents. Ici aussi la notion de similitude des protocoles est hasardeuse : soit on tente de "standardiser" le thérapeute et sa technique et l'on introduit un biais majeur par rapport aux conditions naturelles ; soit on considère que le rattachement à un paradigme théorique est un critère suffisant d'homogénéité de la pratique. En fait, l'expérience des présentations de cas par des cliniciens chevronnés, chacun d'entre eux ayant fait une psychanalyse personnelle et suivi une formation théorique, montre qu'à l'insu des thérapeutes qui croient se référer à une théorie et une technique uniques (dans ce cas, "la psychanalyse"), ce sont en fait des pratiques différentes qui sont mises en uvre. Elles le sont en fonction des patients ; mais également, chez un même patient, selon les circonstances et les périodes du traitement. Plutôt que de vouloir "standardiser" globalement les techniques, il paraît préférable d'en recenser les principales modalités, en partant de cas effectivement traités et en les rapportant aux modèles correspondants (profil) ;
- l'efficacité comparée des psychothérapeutes en fonction de leur formation et d'autres facteurs tels que l'âge, les conditions d'exercice, la personnalité, etc. ;
- l'étude des changements au cours du processus psychothérapique, rapportés aux facteurs qui y contribuent (cf. ci-après article spécifique) et d'éléments spécifiques impliqués dans le fonctionnement psychique (par exemple, le rêve).
Où en est-on dans l'évaluation ?
Plusieurs périodes se sont succédées :
- première période (40 ans !) : évaluation de l'efficacité des psychothérapies (en comparaison avec l'absence de traitement ou de la chimiothérapie). Méthode : essais randomisés. Réponse : efficacité (plus de 500 études). Mais : on ne sait ni comment c'est efficient, ni vraiment dans quels cas. Méconnaissance de la multiplicité des variables dépendantes et indépendantes et taille insuffisante des échantillons ;
- deuxième période : évaluation comparative entre différentes techniques. Méthode : essais randomisés. Premiers résultats : toutes les méthodes se valent. Réflexion secondaire à partir des problèmes rencontrés et biais recensés : outre les problèmes déjà évoqués plus haut, certains patients peuvent répondre de façon différente à un traitement selon les périodes. Méconnaissance des particularités du thérapeute. Données manquantes (phénomène d'attrition). L'approche globale naïve doit être dépassée. Il ne devrait plus être question de comparer les différentes méthodes indépendamment de leur indication, de leurs modalités d'application technique (en s'appuyant sur une clinique fine et multiaxiale (voir ci-dessous) ;
- troisième période : évaluation de l'effet d'une variable (ex : alliance thérapeutique) ; évaluation des résultats suivant une analyse de plusieurs paramètres (ex : symptômes, thème conflictuel central, sociabilité, ...) ;
- quatrième période (actuelle) : différents auteurs (Howard, Jones) préconisent un retour à l'étude de cas avec une démarche systématisée : présentation du patient et contexte de la demande ; présentation du thérapeute ; évaluation diagnostique incluant la problématique ; repérage et identification des facteurs causaux supposés ; périodes successives définies par (ou corrélées à) des "systèmes" de relation inter-individuelle et de fonctionnement psychique différents ; définition des objectifs, des stratégies et des agents. Chaque cas évalué doit apporter de l'information au clinicien.
Sur quelles données porte l'évaluation ? Qui les recueille et comment ?
On peut distinguer trois sortes de données :
- celles émanant directement du thérapeute
Elles concernent la présentation du thérapeute (âge, sexe, courant théorique, ancienneté de pratique), les caractéristiques générales du traitement (rythme des séances, durée, position face à face ou allongée), son attitude plutôt neutre ou empathique, compréhensive), ses modalités habituelles d'intervention (questions, reformulations, interprétations) et leur fréquence. Elles seront recueillies à partir d'un entretien avec le thérapeute ou d'un questionnaire.
Elles concernent le patient et, en particulier, le diagnostic (voir également "évaluation diagnostique"). Il existe là une difficulté particulière car les thérapeutes sont confrontés de façon habituelle à des patients bouleversés, angoissés, déprimés, à la limite de la décompensation, dont la description déborde les classifications DSM et CIM et qui évoluent. Pour éviter une approche trop partielle qui ne serait par utilisable pour une évaluation, le diagnostic peut être envisagé selon plusieurs axes se rapportant :
- au trouble de départ : dépression, affection psychosomatique, inhibition majeure, troubles anxieux, troubles graves de la personnalité, ... et aux circonstances qui ont conduit le patient à entreprendre une psychothérapie (difficultés existentielles graves, sentiment d'échec permanent et de comportements répétitifs pathologiques,...) ;
- au handicap et à ses corrélations comportementales : difficulté - déficit des relations sociales avec repli, déficit de la communication, névrose de caractère, conduite de dépendance, ...
- aux grandes catégories de distinction nosologique : névrosé, psychotique, état limite.
Des outils de recueil sont généralement nécessaires. Adaptés à des approches globales ou particulières, certains sont particulièrement utilisés : Echelle Santé Maladie (ESM), Echelle d'ajustement social, Echelle de bien-être, Echelles spécifiques de troubles particuliers
- celles émanant directement du patient
Elles concernent des éléments objectifs, comme sa biographie et l'importance donnée à certains événements de sa vie ; des éléments subjectifs comme sa souffrance, son angoisse, ses difficultés avec son entourage, ses fonctionnements (impulsion, impossibilité de distanciation, ...)
Elles peuvent être transmises par le psychothérapeute ou obtenues directement par questionnaire ou entretien structuré (préalable : grille).
- celles issues du corpus de la cure
Ce sont surtout des éléments de microanalyse. Ils vont renseigner en particulier sur les modalités de la relation d'objet, la fixation sur un conflit central, l'interactivité dans la cure. Par exemple :
- la position subjective dans la présentation de l'énonciation, qui renseigne de façon générale sur l'affirmation, l'individuation, etc. ;
- la problématique générale (thème conflictuel central, thème existentiel central,...) à partir de structures formelles, de scénarios redondants ;
- la "distance" du patient par rapport à un problème ou un traumatisme ;
- les modalités d'intervention réciproque du thérapeute et du patient (Cf. Jones).
L'enregistrement au magnétophone ou magnétoscope est généralement nécessaire. On peut également utiliser des écrits (rêves) ou des productions (dessins, modelages, etc. ).
Ce sont généralement des chercheurs externes au traitement mais qualifiés pour le comprendre qui vont faire l'analyse et la coter.
Évaluation d'une technique ou de la valeur
pragmatique d'une théorie ?
Une "psychothérapie" n'est pas l'application aveugle d'une technique à une indication générale. Le praticien s'appuie sur différents modèles étiologiques évoqués par le discours et la sémiotique du patient et met en uvre les actions psychothérapiques correspondantes dans un espace thérapeutique défini. Cet ensemble constitue le cadre psychothérapique. On ne peut donc évaluer une pratique que si chacun de ces registres a été suffisamment défini au préalable, car l'action est sous-tendue par le sens perçu d'une situation ou d'un contenu et engagée vers un objectif satisfaisant.
Par exemple, selon le statut qu'il donnera au symptôme, à la temporalité et au transfert, l'approche et l'intervention du psychothérapeute seront différentes.
Concernant le symptôme, trois interprétations au moins peuvent fonctionner :
1 - le symptôme résulte d'un conflit psychique.
Il existe un conflit entre un désir et un interdit intériorisé ou signifié. Ce conflit est à l'origine du symptôme (refoulement, angoisse, conversion, etc. ). Visée de l' intervention : expression du désir, lever le conflit ;
2 - le symptôme provient et est l'expression d'un traumatisme. Visée de l' intervention : expression et élaboration du trauma ;
3 - le symptôme est le produit direct et indirect de déficits du développement du moi et d'acquisition de modalités sociales d'échange. Visée de l' intervention : établissement de conditions de sécurité et de soutien ouvrant à (re)structuration du moi, en relation avec la réalité externe.
Concernant le temps passé et le temps présent, la psychothérapie peut avoir pour objectif de :
1- mettre en perspective un désir au présent et des interdits anciens ;
2- revenir sur l'histoire (temps ancien), rechercher des événements traumatiques (sexualité, séparation, complexes) associés au symptôme ou réactualisés par un événement (relationnel ou psychique) présent ;
3- verbaliser et élaborer l'actuel (réalité traumatisante, stress)
Concernant la place et la fonction du transfert, la relation entre le thérapeute et le patient peut être considérée comme une réactualisation du passé ou faire intervenir le temps présent, en contraste avec le temps passé (carences, traumas) :
- ici, simple phénomène imaginaire, il permet la transposition de la réalité psychique sur des personnages actuels et l'élaboration des complexes associés ;
- là, identifié à la situation d'empathie, il favorise les processus d'internalisation et d'identification et ouvre la possibilité d'une structuration subjective.
Selon l'un ou l'autre cas, "l'engagement" du thérapeute est différent. Il est exceptionnel qu'une psychothérapie se déroule dans un seul registre, d'où l'intérêt des modèles de « dose» et de « phase » de Howard (cf. évaluation des changements).
Que va-t-on évaluer ?
Les objets de l'évaluation
Il existe un décalage entre la richesse des éléments auxquels a accès le psychothérapeute et ce qui peut être réellement évalué. Des choix sont donc nécessaires, souvent un peu frustrants, mais indispensables. En même temps, il faut veiller à ce que cette réduction ne conduise pas à annuler la portée même des résultats. La question du diagnostic en est un bon exemple :
- dans une visée évaluative clinique, le diagnostic initial dépasse la notion de symptôme ou de maladie et prend en compte le problème de la personne dans ses différentes composantes : développementale, historique, actuelle incluant le contexte ;
- l'évaluation destinée à une recherche ne peut prendre en compte l'ensemble de ces paramètres, ce qui ne veut pas dire qu'elle doive se concentrer sur les plus triviaux (les symptômes) ou qu'elle doive se désintéresser des critères d'environnement. Le risque serait autrement, non seulement de négliger des facteurs étiologiques et de changement qui interviennent dans l'évolution spontanée, mais ce qui fonde la nature psychopathologique d'un symptôme ou d'un syndrome.
Une recherche récente parue dans le BMJ(1) illustre bien ce problème : elle conduit au résultat surprenant qu'une dépression grave peut être traitée en 6 séances par une technique d'expression et de résolution des problèmes, menée par un médecin ou une infirmière formés rapidement à cette technique. On voit là où peut conduire le simple recours à une échelle de dépression pour poser un diagnostic.
D'autres problèmes éxistent concernant la variabilité de la pathologie, les polypathologies et leur hiérarchisation, les effets de leurre que peuvent produire certaines expressions initiales.
Tous ces éléments doivent pouvoir être pris en compte, non pas pour tout étudier, mais pour définir des objectifs et choisir les outils les plus pertinents pour les atteindre. (JM. T.)
* 9, rue Brantôme - 75003 Paris
(1) Mynors-Wallis L., Gath D. H., Day A., Baker F. Randomised controlled trial of problem solving treatment, antidepressant medication and combined treatement for mahor depression in primary care, BMJ 2000; 320:26-30
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* Thurin J. M., Thurin M., Sarah Tieder-Kaminsy S., Kaminsky P., Grümbach A., Widlöcher D. Analyse descriptive et comparative des rêves au cours d'une psychothérapie. Fonctions du rêve, relations au conflit central du patient, évolution. Etude de faisabilité d'une méthodologie clinique en sciences cognitives appliquée au domaine de la psychopathologie. Contrat CNEP 94 CN 40 - INSERM. 1995.
La psychothérapie est-elle efficace ?
De nombreux auteurs (Huber, Meyer, Bergin, Giles) s'accordent à penser que, depuis la méta-analyse de Smith et Glass (475 recherches comportant 1766 grandeurs d'effets), la démonstration de l'efficacité de la psychothérapie est faite. La grandeur d'effet moyenne est de 0,85. En d'autres termes, une personne qui a fait une psychothérapie se porte mieux que 80% des personnes qui n'en n'ont pas fait. Ces données se sont largement confirmées depuis 1977. Aujourd'hui, les questionnements ne portent plus sur une efficacité générale de la psychothérapie, mais sur la détermination de la grandeur d'effet de chaque psychothérapie dans chaque indication, la comparaison des techniques psychothérapeutiques, ainsi que la compréhension du processus par lequel une psychothérapie est efficace.
Quelle psychothérapie pour quelle pathologie ?
En raison de la prolifération des données, les synthèses de la littérature et les méta-analyses constituent les meilleures sources d'information.
Deux ouvrages peuvent particulièrement être recommandés : i) l'ouvrage de Bergin et Garfield propose une évaluation des diverses techniques de psychothérapies. Cet ouvrage est régulièrement revu et mis à jour tous les 6-8 ans. La dernière édition date de 1994. Ii) l'ouvrage de Giles fait la synthèse des données concernant les effets des diverses techniques de psychothérapies, pathologie par pathologie.
Pour les évaluations ultérieures
Ces mêmes ouvrages proposent des conseils et des recommandations pour les recherches futures indispensables à toute équipe se lançant dans l'aventure de l'évaluation d'une psychothérapie.
Bibliographie :
* Bergin A.E. and Garfield S.L. : Handbook of psychotherapy and behavior change. Wiley and Sons, New York, 1994, 866 pp.
* Giles T. R. Handbook of effective psychotherapy. Plenum press, New York, 1993, 505pp.
* Hubert W. Les psychothérapies : quelle thérapie pour quel patient ? Nathan Université, 1993, 55-63.
* Meyer A.E., Bolz W., Stuhr U. Burzig G. The Hamburg Short Psychotherapy Comparison Experiment : VI. Outcome Results by clinical Evaluation Based on the Blind Group Rating, Psychotherapy and Psychosomatics, 1981, 35, 199-207.
EFFECT-SIZE
Une difficulté rencontrée lors des méta-analyses portant sur des variables subjectives concerne la diversité des échelles utilisées pour évaluer ces variables.
Afin de synthétiser l'information issue de recherches utilisant des échelles différentes pour évaluer un même construit (ex : la dépression), une standardisation est nécessaire : c'est l'"effect-size " ou dimension (ampleur) d'effet (DE), utilisable pour les critères continus distribués normalement.
DE = moyenne du groupe traité moyenne du groupe témoin
Ecart-type du groupe témoin
Une dimension d'effet de 0,2 est considérée comme modérée ; de 0,5 : moyenne ; de 0,8 : importante.
Certaines formes de psychothérapies atteignent des dimensions d'effet supérieures à 2.
Repères théoriques
Présents dés les années 30 sous la plume de certains psychanalystes sous une forme proche - Sterba (1934) parle "d'ego alliance" - les termes d'alliance thérapeutique ou alliance de travail semblent avoir été utilisés pour la première fois par Elizabeth Zetzel dans un article publié en 1956. Inscrit dans la continuité de la théorie freudienne, le concept sera repris et développé par Ralph Greenson (1965). Ce dernier considère qu'il est possible de parler d'alliance de travail "lorsque le patient consent à mener à bien les divers procédés de la psychanalyse et lorsqu'il est capable de travailler analytiquement sur les insights régressifs et pénibles qui peuvent surgir" (Greenson, 1977, p. 62).
Un peu plus tard, deux cliniciens-chercheurs proposeront une définition " transthéorique " de l'alliance :
- Bordin (1979), dans la continuité des travaux de Greenson (Greenson, 1977 ; Greenson & Wexler, 1969) décrit un modèle de l'alliance composé de trois parties : a) le lien entre le patient et son thérapeute (bond) ; b) l'accord entre le thérapeute et le patient sur les objectifs de la thérapie (goal) ; c) l'accord entre le patient et le thérapeute sur les activités spécifiques que le patient devra mettre en place pour provoquer un changement (task). Bordin parle alors d'alliance de travail - même si, dans l'un de ses plus récents écrits sur le sujet, il utilise le terme plus générique d'alliance de travail thérapeutique (Therapeutic working alliance, Bordin, 1994) ;
Luborsky (1976) développe le concept "d'alliance aidante", qu'il définit par deux axes. Le premier axe est caractérisé par le fait que le patient vit son thérapeute comme lui apportant aide et soutien. Le second axe est basé sur le fait que le patient a le sentiment d'un travail en commun, d'une coopération avec son psychothérapeute avec l'impression de partager la responsabilité de sa propre évolution.
Le concept d'alliance renvoie à plusieurs termes : l'alliance de travail, l'alliance aidante ou encore l'alliance thérapeutique. Dans une perspective intégrative, il est possible de définir l'alliance entre le thérapeute et le patient comme constituée de 4 dimensions (Gaston, 1990) : a) l'alliance thérapeutique qui représente la relation affective du patient avec le thérapeute ; b) l'alliance de travail, qui correspond à la capacité du patient à fournir un travail thérapeutique ; c) la compréhension empathique du thérapeute et son implication ; d) l'accord entre le patient et le thérapeute sur les objectifs et les taches liées à la prise en charge.
Plusieurs outils de mesure
Quatre échelles sont le plus souvent utilisées pour mesurer la qualité de la relation thérapeutique :
- les Penn Helping Alliance Scales (Penn). Ces échelles élaborées par Luborsky et ses collaborateurs sont au nombre de trois : La Penn Helping Alliance Counting Signs Method (HAcs) ; La Penn Helping Alliance Rating Method (HAr) ; et la Penn Helping Alliance Questionnaire Method (HAq) (Alexander & Luborsky, 1986). Selon leurs auteurs, ces instruments ont été conçus dans la continuité des travaux analytiques, mais leur utilisation est maintenant classique pour des recherches dans des perspectives théoriques différentes. Parmi ces trois échelles, la Penn Helping Alliance Questionnaire Method est la plus couramment utilisée. Elle est composée de 11 items dans sa version originale. Récemment, Luborsky et ses collaborateurs ont élaboré une nouvelle version composée de 19 items (Luborsky et al., 1996). L'échelle se décline sous la forme de deux auto-questionnaires : patient et thérapeute.
- la Working Alliance Inventory (WAI). Elle est construite sur la base du modèle théorique de Bordin (1979) présenté plus haut. Elle est constituée de 12 items. 3 versions sont proposées : patient, thérapeute et observateurs extérieurs (Horvath & Greenberg, 1986).
- la California Psychotherapy Alliance Scale (CALPAS). Elle est basée sur des travaux effectués au Langley Porter Psychiatric Institute de San Francisco. La première version comprenait 41 items et était remplie par des juges extérieurs. L'objectif était de noter les contributions favorables ou défavorables du patient et du thérapeute à la constitution d'une alliance. Puis Marmar et ses collaborateurs ont constitué une échelle de 31 puis 24 items avec une version patient, thérapeute et juge extérieur (Gaston & Marmar, 1994). Cette échelle est inspirée à la fois par les théories psychanalytiques et le modèle de Bordin (1979). Elle se présente sous la forme de 4 sous-échelles : 1) l'engagement du patient ; 2) la capacité du patient à travailler ; 3) l'attitude compréhensive du thérapeute et son implication ; 4) le consensus entre le patient et le thérapeute sur les modalités thérapeutiques (objectifs et moyens).
- la Vanderbilt Therapeutic Alliance Scale (VTAS). Elle a été développée dans le département de psychologie de l'Université de Vanderbilt par Strupp et ses collaborateurs (Hartley & Strupp, 1983). Elle se présente sous la forme de 3 catégories d'items (44 au total) : 1) la contribution du patient ; 2) la contribution du thérapeute ; 3) l'interaction patient/thérapeute. Elle peut être représentée par 6 facteurs : 1) la participation du patient ; 2) l'exploration du patient ; 3) la motivation du patient ; 4) l'acceptation par le patient de ces responsabilités ; 5) Les qualité relationnelles du thérapeute, 6/ les attitudes négatives du thérapeute. Contrairement à la CALPAS, la VTAS ne comporte pas d'auto-questionnaires, seuls des juges extérieurs cotent la qualité de la relation thérapeutique. La VTAS s'inspire, selon ces auteurs (Henry, 1994), de nombreux travaux : ceux de Bordin (1979), de Greenson (1965; 1977), de Langs (1976) et de Luborsky (1976).
En résumé, deux familles d'échelles sont présentes. La première la Penn et la WAIS théoriquement plus homogène, dont toutes les sous-échelles sont fortement liées entre elles. La seconde la CALPAS et la VTAS construite par analyse factorielle, dont chaque sous-échelle représente une dimension indépendante.
Perspectives
Quelque soit l'outil utilisé pour la mesurer, la qualité de l'alliance entre le patient et le thérapeute au début de la thérapie semble être un bon prédicteur de l'évolution du patient au cours de la thérapie. Cela, quels que soient le type de thérapie et le type de critère utilisé pour mesurer l'efficacité de la prise en charge (Horvath & Symonds, 1991; Luborsky, 1994) .
Depuis son utilisation au début des années 70 dans le champ de l'évaluation des psychothérapies, le concept d'alliance, grâce à l'accumulation d'un nombre considérable de données, a fait la preuve de sa pertinence. Cependant, il reste encore aujourd'hui à développer un modèle théorique du changement thérapeutique susceptible d'expliquer la relation entre l'alliance patient/thérapeute, son évolution au cours de la thérapie et son interaction avec les autres facteurs intervenant dans le processus thérapeutique. Il sera nécessaire de mettre en évidence les variables propres au Sujet capables de prédire la qualité de la relation, mais surtout, il sera important d'un point de vue clinique, de définir les attitudes spécifiques du thérapeute qui influent sur l'évolution de la qualité de la relation (Bachelor & Salamé, 2000).
Bibliographie
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L'ensemble des interventions de la Réunion conjointe des Comités d'Interface
INSERM-NEUROSCIENCES, INSERM-PSYCHIATRIE, INSERM-PATHOLOGIE INFECTIEUSE
Colloque interdisciplinaire sur le thème
Stress et immunité : de la clinique à la recherche
Ce colloque conserve son objectif : développer les recherches dans ce domaine et vous propose d'intervenir à ce niveau on-line sous la forme de questions, informations, propositions de thèmes et présentation de cas cliniques
I. Introduction
- Histoire naturelle. Stress et facteurs déclenchant et intervenant dans le processus morbide J.L. VILDE,
J.P. BRANDEL, N. BAUMANN,
C. DESNUELLE, J. M. THURIN
II. Définitions, rappels physiologiques et nouvelles données
- Définition et effets du stress : aigu, répété et chronique J.M. THURIN,
C. KORDON
- Introduction didactique sur le système immunitaire P. GALANAUD
- Interactions entre les différents systèmes touchés par le stress (endocrinien, nerveux, immunitaire). Exposé général F. HAOUR
- Brain-immune connection in health and disease E. STERNBERG
- Cytokines et système nerveux
C. JACQUE
- Animaux transgéniques et investigation du stress F. HOELSBOER
III. Physiopathologie des affections liées au stress
*Affections psychiatriques et stress
- Troubles de la mémoire, dépression, attaques de panique, syndromes de stress post-traumatiques
M. REYNAUD
- Du stress à la pathologie : une question de modèle R. DANTZER
- Stress et psychopathologie : modèle périphérique de la dépression
F. HOELSBOER
*Maladies autoimmunes
- Événements de vie, stress quotidien et maladies autoimmunes
S. CONSOLI
*Maladies infectieuses
- Stress et pathologies infectieuses M. ARMENGAUD
*Pathologies chroniques
- Diabète, stress, anxiété et dépression S. FRIEDMAN
*Stress et environnements
- Rôle des psychostimulants sur l'axe du stress C. RIVIER
- Chronobiologie D. SECHTER
- Variations génétiques des compétences immunitaires en relation avec le stress et les consommations d'alcool et de drogues P. CAZELAS
- Support social, personnalité, histoire personnelle, comportements
JM THURIN
IV.Mesures du stress et thérapeutiques actuelles
- Mesures biologiques
P. MORMEDE, P. NEVEU
- Thérapeutique médicamenteuse
W. ROSTENE, G. GRIBEL
- Accompagnement et approches psychothérapiques du stress
G. LOPEZ
V. Perspectives de recherche
- Table ronde - conclusions
La prochaine conférence de consensus, organisée par la Fédération Française de Psychiatrie, avec le soutien méthodologique de l'ANAES, se tiendra les 19 et 20 octobre prochains à l'Hôpital de la Salpétrière, Amphithéâtre Charcot, sous la Présidence du Professeur Philippe MAZET pour le Comité d'organisation et du Professeur Guy DARCOURT pour le Jury. Elle aura pour thème : « LA CRISE SUICIDAIRE »
Concernant les changements qui se produisent au cours d'une psychothérapie, deux grandes approches sont possibles :
- situer un début, une fin et mesurer les différences entre ces deux moments
La seule chose que l'on veuille savoir de la période intermédiaire, c'est que la personne était en psychothérapie. Naturellement, il faudra toutefois envisager l'intervention d'autres facteurs et leurs effets respectifs avant d'attribuer les changements constatés à la psychothérapie. D'où la nécessité de définir une "ligne de base" prenant en compte non seulement l'évaluation psychopathologique individuelle initiale, mais aussi ses éléments contextuels. Les régularités qui ont ponctué l'évolution antérieure sont également intéressantes pour définir cette ligne (succession de somatisations, épisodes de décompensation psychiatrique, leur fréquence, leurs circonstances et leur durée jusqu'au début de la psychothérapie) ;
- considérer la psychothérapie comme un ensemble de séquences et répéter les évaluations au cours de la psychothérapie
Celle-ci est alors conçue comme un processus de changement avec ses lois propres (succession de plusieurs phases qui se déroulent dans un ordre donné, intervention du temps en lui-même dans le processus d'élaboration, de maturation, d'intériorisation, etc.) ; mais aussi comme un processus sensible à différentes interventions "externes" (du thérapeute et de l'environnement). L'évaluation va ainsi avoir pour premier objectif de déterminer ces variables "agissantes", ensuite, d'en mesurer l'effet. On pourra ainsi, par exemple, mesurer l'effet respectif d'une attitude plutôt que d'une autre, de "l'interprétation" par rapport à la "compréhension" chez un patient donné, à un moment donné. Cela suppose évidemment de définir soigneusement ces variables (par exemple, "l'empathie"), l'objectif visé (diminution de la souffrance, "insight", résolution du symptôme, modification du comportement, du fonctionnement psychique (refoulement, projection, ...), de la structure (narcissisme, ...)). Il faudra prendre en compte également les interactions émotionnelles, qu'elles soient inconscientes ou intentionnelles entre le thérapeute et le patient, les conditions générales de l'intervention (qui peut être de se taire).
Les intervalles qui vont être pris en compte pour déterminer l'évolution et ses causes peuvent être :
- la séance ;
- un ensemble de séances (dans un des articles, l'évaluation a lieu toutes les 16 séances, soit environ tous les mois à raison de deux séances par semaine) ;
- le mois, la demi-année, l'année, etc.
Naturellement, si l'on teste une intervention ou un contenu d'expression et d'élaboration précis, l'intervalle devra être court.
L'évaluation des changements peut porter sur :
- les symptômes isolés ou série de symptomes : présents, absents, plus ou moins intenses ;
- la santé. L'échelle santé maladie de Luborsky donne une idée générale sachant que l'évolution dans chacun des six domaines mesurés peut faire intervenir des temps et des stratégies différents ;
- les fonctionnement psychiques ; elle impliquera en particulier, celle des mécanismes de défense. Certains sont classiquement associés à la psychose (déni, projection), d'autres à la névrose (refoulement, angoisse, déplacements divers). On rejoint ainsi les distinctions précédentes avec une sensibilité améliorée. On mesurera également la variété et l'intensité des investissements, leur possibilité de concerner un autre objet que soi, la capacité d'intériorisation ou simplement d'écoute d'un autre message que le sien propre ;
- les productions de discours, de dessins, de rêve. Par exemple, l'existence des rêves et leur nature peut évoluer. Pas de rêves initialement, ou une successions de cauchemars ou de rêves d'angoisse avec réveil. De même le contenu des rêves, répétitifs ou non, etc.
Pour illustrer concrètement la méthodologie de l'évaluation des changements, nous présenterons deux modèles d'analyse, celui de Howard et celui de Jones. L'un et l'autre utilisent une méthodologie de cas unique, etant donné les limitations très importantes pour l'évaluation des changements en psychothérapie de la méthode de l'essai clinique (cf. encart)
Modèle de phase de Howard :
trois étapes de la psychothérapie
Howard distingue trois phases à partir du moment qui inaugure l'intervention psychothérapique, dont le déroulement fait intervenir une succession et une graduation relatives à l'état profond du patient perturbé à un moment donné.
Intervention de crise. Les patients sont assaillis par les problèmes. Leur capacité à mobiliser les ressources dont ils disposent pour les affronter est gravement perturbée. Cet état répond à un certain nombre d'interventions - médicaments, vacances, soutien émotionnel - et va se calmer, d'ordinaire, après quelques séances de soutien ou de séances de psychothérapie axées sur la crise (Frank, 1991). Pour certains patients, cette diminution de la détresse va leur permettre de mobiliser leurs propres ressources, ce qui conduit à la résolution des problèmes vitaux actuels. D'autres patients en sont incapables et passent à une deuxième phase de la thérapie.
Réparation. Cette seconde phase de la thérapie est centrée sur l'analyse et le contexte des symptômes qui ont conduit le patient à chercher une aide professionnelle. Avec l'aide du thérapeute, un soulagement symptomatique apparaît. Cette phase dure en général de trois à quatre mois mais elle peut varier en fonction des symptômes. A ce stade, de nombreux patients mettent fin au traitement, mais certains vont découvrir que leur(s) problème(s) se retrouve(nt) de manière répétitive tout au long de leur vie (par exemple, instabilité professionnelle, relations inter-individuelles faisant problème) et sont vraisemblablement l'aboutissement de schémas de comportement établis depuis longtemps (habitudes, caractère, mécanismes de défense) qui sont inadaptés et/ou entravent la réalisation des objectifs de vie (par exemple, trouver un emploi satisfaisant, établir une relation intime durable satisfaisante). Ces patients vont passer à la troisième phase.
Réaménagement. C'est le travail psychothérapique proprement dit. Cette étape de la thérapie peut durer des mois ou des années, en fonction de l'accessibilité et de la souplesse des fonctionnements psychiques et du modèle de traitement utilisé.
Dans la mesure où ces phases sont distinctes, elles impliquent des visées thérapeutiques différentes et, par conséquent, le choix de variables d'évaluation différentes. Il sera également approprié de choisir des interventions différentes pour les différentes étapes de la thérapie. Certaines tâches peuvent exiger d'être effectuées avant que d'autres soient entreprises et des processus thérapeutiques différents peuvent caractériser chaque phase. L'intervention de crise impliquera l'emploi de l'encouragement et de l'écoute empathique ; la réparation pourrait se faire grâce à des interprétations ou des éclaircissement ; l'insight, la réduction des conflits et l'affirmation de soi peuvent contribuer au réaménagement.
Évaluation de l'interactivité
patient-psychothérapeute : le modèle
de séries temporelles de Jones
La recherche sur les processus de changement repose généralement sur l'hypothèse d'une action "descendante" et univoque du thérapeute à travers sa technique. L'hypothèse de Jones est que le patient et le psychothérapeute s'influencent mutuellement et que le processus psychothérapique est une série d'actions, qui entraînent une interaction entre le thérapeute et le patient. Ces actions peuvent être inconscientes ou intentionnelles. Il leur est attribué une signification qui prend sa portée du contexte du cas clinique.
Jones a mis au point une méthode de recherche permettant d'appréhender les séquences interactives entre le patient et le thérapeute, en considérant que le transfert n'est pas seulement une relation imaginaire qui se déploie sur le mur de neutralité du thérapeute, mais qu'il implique également une dimension réelle où les interactions émotionnelles jouent aussi un rôle. Le processus de changement est abordé dans un cadre longitudinal. On recherche un lien entre l'importance de l'interaction et le changement chez le patient, que celui-ci soit dans un sens ou dans un autre. Cette interaction n'est pas seulement quantitative mais qualitative (on retrouve ici le modèle de D. Stern). Par exemple, on pourra rechercher si un affect dépressif apparaissant chez le patient inaugure une action particulière du thérapeute ou en est la conséquence.
L'exemple présenté par Jones est celui d'une femme dépressive, avec un contexte d'histoire familiale (enfance puis comme femme) difficile, reçue pendant deux ans et demi dans le cadre d'une psychothérapie psychodynamique avec séances bihebdomadaires.
L'évaluation se fait à partir d'une évaluation de départ, puis d'évaluations régulières avec une analyse bidirectionnelle des effets de causalité dans le processus psychothérapique. L'évaluation de départ est faite de la façon suivante : (a) interview semi-directive enregistrée au magnétoscope fondée sur le SADS-I et établissement du diagnostic selon les critères du RDC ; (b) deuxième interview magnétoscopée de 1 heure et demi portant sur l'histoire du patient, englobant le champ de la détresse et de la symptomatologie, les circonstances de la vie actuelle et l'histoire des relations interpersonnelles, enfin (c) : une batterie de mesures selon des échelles d'auto-évaluation, préalable à la thérapie. Les patients répondaient aux critères d'admission suivants : (a) diagnostic définitif de trouble dépressif majeur au RDC ; (b) note de 16 ou plus au BDI. Enfin, (c) note de 14 ou plus au HRSD.
L'intérêt de la méthodologie de cette étude tient surtout à l'utilisation d'un instrument conçu de manière à pouvoir être appliqué à un enregistrement ou à une transcription sur cassette audio ou vidéo d'une heure de traitement isolée servant d'unité d'observation. Le Q-Set à 100 items apporte une procédure linguistique et de notation permettant une description détaillée, en termes cliniquement appropriés, de l'interaction thérapeute-patient sous une forme adaptée à l'analyse et à des comparaisons d'ordre quantitatif. Après étude de l'enregistrement d'une heure de thérapie, les juges cliniciens organisent les 100 items, chacun étant imprimé séparément sur des cartes, afin de les disposer et de les redisposer facilement. Les items sont classés en neuf piles s'échelonnant sur un continuum allant du moins caractéristique (catégorie 1) au plus caractéristique (catégorie 9), la pile centrale (catégorie 5) étant utilisée pour les items considérés soit comme neutres, soit comme non pertinents pour l'heure que l'on note.
Le résultat donne un classement de cet ordre :
Q-n° Item Rang
10 items les moins caractéristiques
20 Le patient est provocateur, teste les limites de la relation thérapeutique (un placement vers une extrémité non caractéristique implique que le patient se comporte de manière docile) 1,85
15 Le patient ne lance pas de sujet, se montre passif 2,12
9 Le thérapeute est distant, (vs chaleureux, impliqué affectivement) 2,27
25 Le patient a des difficultés à commencer la séance 2,31
44 Le patient est circonspect ou soupçonneux (vs confiant et à l'aise) 2,58
83 Le patient est exigeant 2,69
87 Le patient se contrôle 2,79
14 Le patient ne se sent pas compris par le thérapeute 2,95
42 Le patient rejette (vs accepte) les commentaires et observations du thérapeute 3,04
93 Le thérapeute est neutre 3,08
10 items les plus caractéristiques
92 Les sentiments et perceptions du patient sont liés aux situations ou comportements du passé 7,70
63 Les relations interpersonnelles du patient constituent un thème central 7,51
88 Le patient apporte des questions et du matériel significatifs 7,44
37 Le thérapeute se comporte de manière professorale (didactique) 7,29
40 Le thérapeute formule des interprétations se référant à des personnes de l'histoire du patient (vs est général ou fait des interprétations impersonnelles) 7,27
45 Le thérapeute prend une attitude de soutien 7,15
86 Le thérapeute a confiance en lui ou est assuré (vs incertain ou sur la défensive) 7,00
43 Le thérapeute suggère le sens du comportement des autres 6,85
30 La discussion est centrée sur des thèmes cognitifs (par ex. concerne des systèmes d'idées ou de croyances 6,84
62 Le thérapeute identifie un thème récurrent dans l'expérience ou la conduite du patient 6,82
Note : N = 53 heures de traitement
On peut ainsi suivre la modification par le psychothérapeute de sa technique psychothérapique en fonction de la perception de ses effets. Ainsi, celui-ci portait initialement moins de jugements, était plus facilitant et neutre ; l'affect dépressif de la patiente pendant les séances semblent avoir tiré graduellement le psychothérapeute vers une attitude plus directive et plus chargée émotionnellement. Ce changement dans la nature du processus était prédictif de la diminution progressive du niveau symptomatologique de la patiente. Cette attitude répond au concept de réaction positive au rôle (Sandler, 1976). La recherche montra également que le psychothérapeute utilisa, en fonction des circonstances, une diversité de techniques.
(JM. T.)
Cinq problèmes qui ont réorienté la méthodologie de l'évaluation des psychothérapies vers l'étude de cas
1. La procédure de répartition aléatoire milite à l'encontre de son caractère généralisable, puisqu'elle ne représente pas le processus par lequel les patients entreprennent un traitement et le poursuivent.
2. Du fait du grand nombre de variables indépendantes incontrôlées et qui peuvent avoir une signification causale, la taille de l'échantillon n'est jamais suffisante pour garantir que la répartition aléatoire va rendre les groupes égaux quant aux confusions possibles.
3. Lorsque la variation à l'intérieur d'un groupe est supérieure à l'erreur sur la mesure, il existe des différences fiables entre les patients à l'intérieur même des traitements ; c'est-à-dire que certains patients répondent de manière différente au même traitement.
4. Bien que l'on puisse répartir de manière aléatoire les traitements aux patients, les thérapeutes, eux, ne le sont presque jamais ; les particularités du thérapeute - et leur interaction avec les résultats du traitement - ne sont ni bien contrôlées ni bien décrites.
5. Enfin, lorsque l'on effectue des recherches avec des patients, il est virtuellement impossible d'éviter d'avoir des données manquantes. Ces données manquantes compromettent toujours la répartition aléatoire et réduisent souvent l'essai clinique au statut de quasi-expérimentation médiocrement conçue.
(Howard, Orlinsky, Lueger)
La MiRE (Mission Recherche)/DREES
Ministère de l'Emploi et de la Solidarité lance un
APPEL A PROPOSITIONS DE RECHERCHE
" SANTÉ MENTALE "
* Infléchissements récents de politiques en santé mentale
* Nouvelles figures pathologiques, nouvelles catégories d'enregistrement
* Définition de la santé mentale et diversité des pratiques sociales et professionnelles - Disparité des histoires et pratiques de secteur
* Prévention - Réhabilitation sociale et professionnelle
Ce programme de recherches en sciences sociales s'adresse aux chercheurs de ces disciplines mais les collaborations entre chercheurs et praticiens sont encouragées.
Date limite de dépôt : 25 septembre 2000
Renseignements : Hélène LESUEUR tél : 01 40 56 82 18 Email : helene.lesueur@sante.gouv.fr
Contact :
Isabelle BILLIARD
MIRE/DREES
11, place des 5 Martyrs du Lycée Buffon
76696-Paris Cedex 14
Tel : 01 40 56 82 22
Email : isabelle.billiard@sante.gouv.fr
Plate forme d'information scientifique sur les psychothérapies sur Psydoc-France
http://psydoc-fr.broca.inserm.fr/Recherche/Psychotherapies/
Coordonnateur chargé du domaine : Michael Villamaux
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