Les études comparatives: Sloane, Staples, Cristol, Yorkston, & Whipple (1975)


En 1975, Sloane, Staples, Cristol, Yorkston, & Whipple décident d’effectuer une recherche comparative sur l’efficacité des thérapies brèves. Deux pratiques sont l’objet de leur attention : la thérapie analytique brève et la thérapie comportementale. Cette recherche, effectuée au Temple University Health Sciences Center, est considérée par beaucoup pour une des meilleures études comparatives des années 70 1.

Les auteurs se fixent trois objectifs : 1/ Tester l’efficacité de la psychothérapie brève pour des patients en ambulatoire avec en ligne de mire la volonté d’observer l’efficacité respective de la thérapie analytique et de la thérapie comportementale ; 2/ Etudier les différences et les similarités entre ces deux thérapies ; 3/ Observer et définir les facteurs susceptibles d’influencer les résultats.

La population étudiée est composée de 90 patients : 2/3 sont jugés névrosés et 1/3 souffrent de troubles de la personnalité (diagnostic fait à partir du DSM II). Les patients sont répartis par randomisation dans 3 groupes : Patients traités en thérapie analytique ; patients suivis en thérapie comportementale ; patients sur liste d’attente. Le sexe des patients et l’intensité du trouble mesuré à l’aide de l’Eysenck Personality Inventory sont contrôlés afin d’obtenir des groupes de comparaison homogènes. Plusieurs tests psychologiques standards ont été utilisés pour tester les différentes hypothèses: MMPI ; Eysenck Personality Inventory (EPI) ; California Psychological Inventory ; The Structured and Scaled Interview to Assess Maladjustement (SSIAM). Par ailleurs, une épreuve de " symptomes cibles " a été adaptée pour recueillir les 3 principaux problèmes énoncés par les patients et pour évaluer la gravité de la symptomatologie (The Target Symptoms Technique). Plusieurs points de vue sont recueillis : le patient, un évaluateur extérieur, le thérapeute et un membre de l’entourage. Une échelle d’anxiété est systématiquement administrée au patient si ce dernier ne fait pas état de problèmes d’anxiété lors de l’entretien semi-structuré concernant " les symptômes cibles ". Les hypothèses concernant le processus thérapeutique sont étudiées à l’aide du Truax Relationship Questionnaire et du Lorr Inventory.

Les évaluations sont effectuées 4 mois (fin de la prise en charge), 1 an puis 2 ans après le début du traitement. La pratique des thérapeutes est " contrôlée ". Les thérapies durent 4 mois, à raison d’une séance hebdomadaire d’une heure (soit en moyenne 13 à 14 séances).

L’analyse des données à 4 mois semble mettre en évidence des niveaux d’amélioration symptomatique identiques pour la thérapie comportementale et la thérapie analytique brève et tous deux sont significativement supérieurs au niveau d’amélioration observées pour les patients sur liste d’attente. Approximativement, on considère que 50 % des patients sur liste d’attente ont vu leur symptomatologie diminuée contre 80 % pour les patients suivis en thérapie. Concernant les mesures d’adaptation sociale (SSIAM), aucune différence significative n’est apparue entre les trois groupes. D’une façon générale, le niveau d’amélioration semble indépendant du sexe du patient, de son niveau de sévérité (mesuré à l’EPI) et de l’expérience du thérapeute. Le suivi, à un et deux ans, semble indiquer que les améliorations observées se maintiennent dans le temps. Malgré des résultats identiques, des styles relationnels différents ont pu être mis en évidence entre les thérapeutes comportementalistes et les thérapeutes analystes. Enfin, il semble que les patients qui bénéficient le plus le thérapie analytique se rapproche du patient type YAVIS (jeune, séduisant, …). Comparativement, les thérapies comportementales semble garder leur pertinence quelques soient les caractéristiques du patient.

Anecdote

Le livre rédigé par Sloane et ses collaborateurs comporte deux préfaces : La première est écrite par Judd Marmor, psychanalyste, président - à l’époque - de l’Association Américaine de Psychiatrie et la seconde est rédigée par Joseph Wolpe, l’un des plus important théoricien de la thérapie comportementale. Pour Judd Marmor, les résultats présentés par Sloane et ses collègues mettent en évidence l’importance des processus communs aux psychothérapies. Pour Joseph Wolpe, ces résultats sont la preuve de la supériorité des thérapies comportementales, seules thérapies élaborées sur la base de données expérimentales.

Notes

1- Parmi les principaux " fans ", on note: Bergin & Lambert, 1978 ; Smith, Glass & Miller 1980, Strupp, Hadley & Gomes-Schwartz, 1977. Cependant, Bandura, 1978 et Rachman & Wilson, 1980 considèrent que cette étude est l’une des plus mauvaises du point de vue de la méthodologie et de l'interprétabilité (cité par Kazdin, 1986, page 61).

Bibliographie

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Rachman, S. J., & Wilson, G. T. (1980). The effects of psychotherapy. New York: Pergamon.

Smith, M. L., Glass, G. V., & Miller, T. I. (1980). The benefits of psychotherapy. Baltimore: Johns Hopkins University Press.

Sloane, R. B., Staples, F. R., Cristol, A. H., Yorkston, N. J., & Whipple, K. (1975). Psychotherapy versus behavior therapy. Cambridge: Harvard University Press.

Strupp, H. H., Hadley, S. W., & Gomes-Schwartz, B. (1977). Psychotherapy for better or worse: An analysis of the problem of negative effects. New York: Jason Aronson.

Fiche rédigée par : Michaël Villamaux

 


Les études comparatives: The NIMH Treatement of Depression Collaborative Research Program


Vers 1975, l’Institut National de Santé Mentale des Etats-Unis initie un projet de recherche sur le traitement de la dépression: The NIMH Treatement of Depression Collaborative Research Program. Les premiers résultats seront publiés à la fin des années 80. L’objectif de cette étude est double: 1/ Tester la faisabilité et l’utilité d’un essai clinique en collaboration avec plusieurs centres thérapeutiques. 2/ Tester l’efficacité de deux thérapies brèves dans le traitement de la dépression 1.

Ce projet répond d’une part à la demande des chercheurs, impatients d’accumuler des données " définitives " (Elkin, 1994, page 114) sur l’efficacité spécifiques de différentes thérapies en fonction des troubles du patient, et d’autre part de l’Alcohol Drug Abuse and Mental Health Administration, suite aux sollicitations des consommateurs, du tiers-payant et des pouvoirs publics 2.

Trois centres thérapeutiques collaborent à cette étude: Les universités de Pittsburgh, George Washington et Oklaoma. 250 sujets dépressifs, sélectionnés selon des critères diagnostics spécifiques, participent à cette recherche. Les patients sont répartis par randomisation en 4 conditions: 1/ Thérapie cognitivo-comportementale. 2/ Thérapie interpersonnelle. 3/ Imipramine avec entretien de soutien. 4/ Pilule placebo avec entretien de soutien. Les deux conditions médicamenteuses sont prescrites en double aveugle. Les différents thérapeutes et pharmacothérapeutes, pour la plupart expérimentés, ont été entraînés avec l’aide de manuel afin d’homogénéiser leur pratique respective.

L’analyse des résultats montre qu’il n’y a pas de différence d’efficacité entre les trois premières conditions (Thérapie cognitivo-comportementale ; Thérapie interpersonnelle ; Imipramine avec entretien de soutien), Toutes trois sont légèrement supérieures au groupe traité par placebo.

Globalement, on observe aucune différence quant aux effets des deux thérapies 3.

La comparaison des thérapies avec le groupe traité par imipramine semble mettre en évidence une efficacité plus rapide des médicaments pour les patients très déprimés.

Pour les patients faiblement déprimés, il existe peu de différences entre le groupe placebo et les patients traités avec la thérapie cognitivo-comportementale ou la thérapie interpersonnelle.

Notes

1- Pour un historique précis voir: Elkin, Parloff, Hadley & Autry, 1985 ; Elkin et al., 1989 ; Parloff & Elkin, 1992.

2- Les professionnels en santé mentale font régulièrement l’objet de critiques. Garfield (1995, page 262) cite pour exemple les livres de: Tennov (1975), Masson (1988) et Gross (1978).

3- Voir aussi Imber et al., 1990.

Bibliographie

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Tennov, D. (1975). Psychotherapy: The hazardous cure. New York: Abelard-Schuman (Thomas Y. Crowell).

Fiche rédigée par : Michaël Villamaux



La rémission spontanée


Afin de tester l’efficacité des thérapies, il est nécessaire de définir la proportion des sujets atteints d’une maladie mentale susceptibles de guérir sans avoir suivi de thérapie. Landis (1937)1, fut un des premiers à poser le problème en santé mentale. Les données qu’il publie en 1937 semble montrer un niveau de base de rémission spontanée de 72 %. Ce résultat est très discuté 2. Deux questions animent ce débat: 1/ Quel est le taux moyen de base de la rémission spontanée ? 2/ Quelle est la nature de la rémission spontanée en santé mentale 3 ?

L’estimation de l’évolution " naturelle " d’une maladie mentale demande l’élaboration d’études épidémiologiques coûteuses souvent difficile à opérationaliser. Par ailleurs, les données recueillies grâce à l’analyse des niveaux d’amélioration des patients dirigés vers une liste d’attente, même s’il peuvent constituer un groupe de comparaison très intéressant, nous renseignent peu sur les niveaux de base de la rémission spontanée. Howard, Kopta, Krause & Orlinsky (1986)4 ont effectué une méta-analyse pour étudier la relation entre le nombre de séances de thérapie et le taux d’amélioration. Leur étude porte sur une population de 2431 patients. L’analyse des résultats a permis, entre autres, de mettre en évidence que 15 % des patients étaient déjà améliorés avant même d’avoir assisté à la première séance de la thérapie. Ce phénomène est très certainement aussi présent chez les patients inscrits sur une liste d’attente. Ainsi, les groupes " liste d’attente " ne permettent pas de mettre en évidence les seuls cas de rémission spontanée. Le simple fait qu’un patient sache qu’il va suivre une thérapie semble avoir un effet curatif. Enfin, le niveau de rémission spontanée varie en fonction du trouble. Etablir un taux moyen ne constitue donc qu’un repère très approximatif et provisoire.

Malgré ces difficultés méthodologiques, certains auteurs se sont risqués à une estimation. Denker (1946) confirme le taux de 72% de rémission spontanée avancé par Landis (1937). Eysenck (1952) utilise ce taux comme référence. Bergin (1971, page 241) nuance ce chiffre et reproche à Landis d’avoir commis de nombreuses erreurs méthodologiques. Bergin a analysé 15 études publiées entre 1942 et 1967: il trouve un taux moyen de 30 % pour les patients atteints de névroses (Les taux de rémission spontanée varie entre 0 et 52 %). On estime aujourd’hui le taux moyen d’amélioration sans traitement à 40 % pour des patients névrosés (Lambert, Shapiro & Bergin, 1986, page 162).

Quel que soit le niveau de base choisi, il reste à définir le processus sous-jacent à l’origine d’une guérison " naturelle ". Il semble aujourd’hui admis que les personnes souffrant de troubles mentaux, qu’elles suivent ou non une thérapie, sollicitent des personnes extérieurs aux systèmes de santé mentale classique. Gurin, Veroff & Feld (1960)5 ont interrogé 345 personnes dans le cadre de l’enquête de la " Joint Commission on Mental Illness and Health ". A la question de nommer les personnes susceptibles de les aider pour des problèmes psychologiques: 42 % ont répondu chercher de l’aide auprès d’un membre du clergé, contre 29 % auprès d’un généraliste, 12 % auprès d’un psychiatre libéral, 10 % auprès de conseillers sociaux diverses, 6 % auprès d’un psychiatre institutionnel, 6 % auprès d’un avocat, 3 % auprès d’un conseiller conjugal, 3 % auprès d’un service social (sans spécialisation pour des problèmes psychologiques) et 11 % autres.

A la question de qualifier la qualité de ces différents intervenants: 65 % des personnes interrogés considèrent les membres du clergé et le généraliste comme très aidant, contre 62 % pour l’avocat, 60 % pour les services " non-psychologique ", 46 % pour le psychiatre, 39 % pour les services " psychologiques " et 25 % pour le conseiller conjugal. Plus récemment, la revue Consumer Reports (1995) a envoyé à 184000 abonnés un questionnaire, dont une partie était consacrée à la santé mentale. Sur les 22000 réponses, 6900 ont répondu avoir cherché de l’aide au cours des trois dernières années. Parmi ceux-ci: a) 2800 n’ont fait appel qu’à la famille, aux amis ou aux membres du clergé, b) 2900 ont vu un professionnel de la santé mentale (37 % ont vu un psychologue, 22 % un psychiatre, 14 % un travailleur social, 9 % un conseiller conjugal et autres 18 %), c) 1300 ont rejoint un groupe d’entre-aide et enfin d) 1000 ont vu leur médecin de famille (Seligman, 1995, page 967).

Ainsi, les processus à l’origine d’amélioration dans les populations officiellement sans traitement sont très certainement proches de ceux observés au cours des thérapies traditionnelles. L’évolution " naturelle " de la maladie mentale serait avant tout " sociale ". Un individu en souffrance va solliciter toutes les personnes susceptibles de lui fournir du soutien, de l’écoute, voire dans le meilleur des cas une solution à son problème. De fait, pour qualifier les cas d’amélioration sans intervention formelle d’un thérapeute on ne parlera plus de rémission spontanée, mais de " facteurs communs " ou de " facteurs non-spécifiques ". Seul le niveau d’efficacité observé pourra différencier les intervenants sociaux. L’objectif de la recherche sur la rémission spontanée sera: a) d’explorer les mécanismes commun à toute relation d’aide et b) de définir les caractéristiques spécifiques du travail effectué par le professionnel en santé mentale.

Notes

1- Bergin, 1971, page 239.

2- Pour un résumé de cette discussion, voir Kiesler, 1966.

3- Bergin, 1971, page 239-246.

4- Lambert, Shapiro & Bergin, 1986, page 162

5- Bergin, 1971, page 242.

 

Bibliographie

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Fiche rédigée par : Michaël Villamaux

 



Les effets négatifs des thérapies


De nombreuses études ont démontré l’efficacité des thérapies. Un autre phénomène reste, cependant, l’objet de nombreuses interrogations: les effets négatifs des thérapies.

Depuis les années 50, où l’on a pu lire les premières recherches planifiées sur ce sujet, (Powers & Witmer, 1951, Rogers & Dymond, 1954, Cartwright, 1956)1 plusieurs termes sont utilisés pour qualifier ce phénomène. Bergin (1966) propose de le nommer: effets " détériorants " (deterioration effects). Strupp, Hadley et Gomes-Schwartz (1977), optent pour l’expression: effets négatifs (negative effect). Enfin, Mays & Franks (1980, 1985) préfèrent parler de résultats négatifs (negative outcome).

Les résultats négatifs des thérapies ont fait l’objet de nombreuses recherches et alimenté de nombreuses discussions 2.

Les critères d’évaluation des effets négatifs varient selon les études. Traditionnellement, l’aggravation des symptômes en fin de thérapie ou au cours du suivi est considéré comme un cas de détérioration. Mais, la dépendance au thérapeute (ou à la thérapie), ou bien la construction d’attente irréaliste qui nuisent au bon fonctionnement du sujet peuvent aussi être utilisées (Hadley & Strupp, 1976)3.

Quel que soit le critère choisi, les détériorations ne doivent pas être confondu avec la manifestation d’une régression provisoire avant une phase de restructuration, comme cela peut être observé au cours de cures analytiques. L’évaluation des effets négatifs s’effectuent en fin de traitement ou au cours du suivi. Par ailleurs, parmi les nombreux cas de détérioration observés, tous ne sont pas attribuables aux thérapeutes. Des troubles similaires sont observés chez des patients sur liste d’attente. Il est donc fort probable que pour certain cas les caractéristiques du patient (personnalité, niveau de gravité, etc.) ou des évènements extérieurs à la thérapie soient à l’origine des effets négatifs (Mays & Franks, 1985, page 4)4.

Etablir un taux de base des effets négatifs des thérapies reste difficile. On observe dans la littérature une variation importante des niveaux d’aggravation. De nombreux facteurs sont certainement à l’origine de ce phénomène, par exemple: le diagnostic, la sévérité des troubles, les attitudes du thérapeute, les types de thérapies, les modalités de traitement (individuel, groupe).

Bergin (1971, page 248) et Gurman & Kniskern (1978, page 832) proposent un taux de détérioration évoluant entre 5 % et 10 %. Les 23 études présentées par Lambert, Bergin et Collins (1977, page 460, Table 3) montrent des taux d’aggravations variant entre 0 % et 45 % (les taux des groupes contrôles oscillent entre 0 % et 37 %). Sloane, Staples, Cristol, Yorkston & Whipple (1975) observent sur 60 patients traités 1 cas d’aggravation. Orlinsky & Howard (1980)5 ont observé 6 à 7 % de résultats négatifs. Quel que soit le taux retenu, un certain nombre de recherches semblent démontrer l’existence de résultats négatifs 6.

Conjointement à ces travaux, certains chercheurs ont étudié la ou les causes des effets négatifs. Différents facteurs ont pu être testés. Nous n’en donnerons que quelques exemples.

- Le thérapeute

Peu d’études récentes ont spécifiquement étudiées la relation entre les caractéristiques du thérapeute et les résultats thérapeutiques négatifs. Truax (1963)7 étudie les styles relationnels du thérapeute. Ces résultats semblent démontrer que l’absence d’empathie, d’un regard positif inconditionnel (unconditional positive regard) et d’authenticité (genuineness) au cours de la thérapie pourrait être à l’origine d’une aggravation de l’état de santé du patient 8. Pour Garfield & Bergin (1971), ces résultats pourraient être généraliser à l’ensemble des thérapies et pas uniquement à la thérapie centrée sur le client. D’autres variables liées au thérapeute ont été testées: Le sexe (Abramowitz et al., 1976) ; L’appartenance ethnique (Sattler, 1977) ; Les " motivations inconscientes " (Singer & Luborsky, 1977) ; les valeurs (Lafferty et al., 1991).

- Le patient

Lambert, Bergin et Collins (1977, page 467) proposent de hiérarchiser les niveaux d’aggravation attendus en fonction du diagnostic. Si l’on extrait les patients psychotiques dont les taux d’aggravation semble traditionnellement élevés, les patients souffrant de dépression réactionnelle ou d’anxiété seraient les moins sujets à des résultats négatifs. A l’opposé, les patients obsessionnels ou souffrant hypocondrie seraient les plus susceptibles de s’aggraver.

Dans un registre différent, Lieberman et al. (1973)8 mettent en évidence que des variables telles qu’une faible implication dans le groupe thérapeutique, un faible niveau d’estime de soi, une mauvaise image de soi sont positivement corrélées avec des résultats négatifs.

- Le type de thérapie

Ogles, Sawyer & Lambert (1995)9 ont ré-analysé les données obtenues au cours de l’étude du " NIMH Collaborative Depression study ". Leurs résultats peuvent être résumés ainsi: a) 10 à 13 % des patients traités par une thérapie cognitivo-comportementale ont des résultats négatifs, contre b) 0 à 2 % pour les patients traités par une thérapie interpersonnelle, c) 5 % des patients traités à l’aide de médicaments et d) 5 à 8 % des patients du groupe placebo.

Notes

1- Lambert, Bergin et Collins, 1977.

2- Pour un historique précis de ces études voir: Bergin, 1971, page 246 ; Lambert, Bergin & Collins, 1977 ; Bergin & Lambert, 1978, page 152 ; Lambert, Shapiro & Bergin, 1986, page 182 ; Lambert & Bergin, 1994, page 176.

3- Bergin & Lambert, 1978, page 152.

4- Garfield, 1995, page 268.

5- Lambert, Shapiro & Bergin, 1986, page 183 .

6- Lambert & Bergin, 1994, page 176 citent entre autres: Beutler, Frank, Schieber, Calvert & Gaines, 1984 ; Doherty, Lester & Leigh, 1986 ; Emmelkamp, DeHaan & Hoogduin, 1990 ; Henry, Schacht & Strupp, 1986 ; Holtzworth-Munroe, Jacobson, DeKlyen & Whisman, 1989 ; Lafferty, Beutler & Crago, 1991 ; McGlashan et al., 1990.

7- Voir aussi Truax & Carkhuff, 1967 et Truax & Mitchell, 1971.

8- Lambert et al., 1977.

9- Lambert & Bergin, 1994, page 177.

 

Bibliographie

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Sattler, J. M. (1977). The effect of therapist-client racial similarity. In A. S. Gurman & A. M. Razin (Eds.), Effective psychotherapy : A handbook of research (pp. 252-291). Oxford: Pergamon Press.

Singer, B. A., & Luborsky, L. B. (1977). Countertransference: The status of clinical versus quantitative research. In A. S. Gurman & A. M. Razin (Eds.), Effective psychotherapy : A handbook of research (pp. 433-451). Oxford: Pergamon Press.

Sloane, R. B., Staples, F. R., Cristol, A. H., Yorkston, N. J., & Whipple, K. (1975). Psychotherapy versus behavior therapy. Cambridge: Harvard University Press.

Strupp, H. H., Hadley, S. W., & Gomes-Schwartz, B. (1977). Psychotherapy for better or worse: An analysis of the problem of negative effects. New York: Jason Aronson.

Truax, C. B. (1963). Effective ingredients in psychotherapy. Journal of Counseling Psychology, 10, 256-263.

Truax, C. B., & Carkuff, R. R. (1967). Toward effective counseling and psychotherapy: Training and practice. Chicago: Aldine Press.

Truax, C. B., & Mitchell, K. M. (1971). Research on certain therapist interpersonal skills in relation to process and outcome. In A. E. Bergin & S. L. Garfield (Eds.), Handbook of psychotherapy and behavior change: An empirical analysis (pp. 299-344). New York: John Wiley & Sons.

Fiche rédigée par : Michaël Villamaux

 

Le patient type ?


La recherche de patients types fut rarement appréhendée sous une forme globale. On parle traditionnellement de " variable patient ". L’objectif est alors de définir des caractéristiques susceptibles, par exemple, de définir une bonne indication thérapeutique ou de décrire des variables impliquées dans le processus thérapeutique.

Toutefois, un stéréotype, souvent présenté sous la forme d’une boutade, est régulièrement retrouvé dans la littérature. Il concerne le " patient type " susceptible de profiter favorablement d’une psychanalyse.

" Les caractéristiques requises pour entreprendre une psychanalyse serait d’être un patient YAVIS, c’est à dire un patient jeune, attrayant, verbalement doué, intelligent et qui réussit, alors que les caractéristiques HOUND (c’est à dire casanier, vieux, sans succès, verbalement et intellectuellement peu doué) vous donnerait moins de chance d’être accepté par un psychanalyste et même tout simplement d’être pris en psychothérapie " (Huber, 1993, page 202).

Kadushin (1969), dans une étude menée dans une clinique de la ville de New York, montre que la classe sociale est l’un des plus important facteurs pour expliquer le choix d’un centre de thérapie: " plus le centre est affilié à une pratique orthodoxe de la psychanalyse, plus élevé est la classe sociale des patients ".

Plus récement, Weber, Solomon & Bachrach (1985) ont étudié les profils sociaux de 1582 patients traités au Colombia University Center for Psychoanalytic Training and Research. Les patients ont majoritairement un haut niveau d’étude, sont plutôt jeunes et sont promis à une belle carrière professionnelle (high vocational achievers)1.

 

Notes

1- Garfield, 1994, page 191

Bibliographie

Huber, W. (1993). Les psychothérapies: Quelle thérapie pour quel patient ? Paris: Nathan.

Kadushin, C. (1969). Why people go to psychiatrist. New York: Atherton.

Weber, J. J., Solomon, M., & Bachrach, H. M. (1985). Characteristic of psychoanalytic clinic patients: Report of the Columbia Psychoanalytic Center Research Project (I). International Review of Psychoanalysis, 12, 127-141.

Fiche rédigée par : Michaël Villamaux



Le refus d’être traité ?


Aussi surprenant que cela puisse paraître, une très grand nombre de patients ayant pris contact avec un thérapeute pour entreprendre un traitement, stoppent leur démarche avant même d’avoir débuté la prise en charge.

Sue, McKinney & Allen (1976) semble mettre en évidence que sur un échantillon de 2551 patients, recueillis dans 17 centres thérapeutiques, 41 % ont rompu tout contact après le premier entretien d’admission.

Phillips & Fagan (1982) montrent que sur un total de 2922 étudiants inscrits pour une consultation dans un centre universitaire, 49 % ont abandonné avant la première séance.

Marks (1978) rapporte que sur un groupe de 100 patients suivis dans un centre de thérapie comportementale de l’hôpital de Maudsley, 23 % ont refusé le traitement. Ces résultats furent confortés par Betz & Shullman (1979)

Pour expliquer ces abandons, plusieurs variables sont invoquées: le niveau d’éducation (Rosenthal & Frank, 1958), l’âge, l’origine ethnique, la motivation, les événements de vie, l’inadaptation de la thérapie proposée, etc. Cependant, les données recueillies sont encore disparates et souvent difficilement interprétables 1.

Notes

1- Garfield, 1994, page 191-192

Bibliographie

Betz, N., & Shullman, S. (1979). Factors related to client return following intake. Journal of Counseling Psychology, 26, 542-545.

Garfield, S. L. (1994). Research on client variables in psychotherapy. In A. E. Bergin & S. L. Garfield (Eds.), Handbook of psychotherapy and behavior change (4th ed., pp. 190-228). New York: John Wiley & Sons.

Marks, I. M. (1978). Behavioral psychotherapy of adult neurosis. In S. L. Garfield & A. E. Bergin (Eds.), Handbook of psychotherapy and behavior change: An empirical analysis (2nd ed., pp. 493-548). New York: John Wiley & Sons.

Phillips, E. L., & Fagan, P. J. (1982). Attrition: Focus on the intake and first therapy interviews. Paper presented at the 90th annual convention of the American Psychological Association, Washington, DC.

Rosenthal, D., & Frank, J. D. (1958). The fate of psychiatric clinic outpatients assigned to psychotherapy. Journal of Nervous and Mental Disorders, 127, 330-343.

Sue, S., McKinney, H. L., & Allen, D. B. (1976). Predictors of the duration of therapy for clients in the community mental health system. Community Mental Health Journal, 12(365-375).

Fiche rédigée par : Michaël Villamaux



Les ruptures thérapeutiques ou drop out


Garfield & Kurz (1952) étudient la durée des consultations à la VA Outpatient Clinic: 42,7 % des patients restent moins de 5 séances en consultations (tableau 1).

 

Nombre

de séances

moins

de 5

5 -9

10 - 14

15 - 19

20 - 24

25 et plus

TOTAL

Nombre

de cas

239

134

73

41

24

49

560

Pourcentages

42,7 %

23,9 %

13%

7,3 %

4,3 %

8,8 %

100 %

Tableau 1: durée du traitement (Garfield & Kurz, 1952)

Les résultats observés par Garfield & Kurz ont été confortés par l’étude de Sue et al. (1976). Plus récemment, Taube, Burns & Kessler (1984) observent des résultats identiques pour des patients suivis en cabinet privé par des psychiatres ou des psychologues.

En 1981, le NIMH publie un rapport portant sur un échantillon de 350 000 patients (enfants et adolescents). Les résultats sont éloquents: 69 % des patients ont suivi un maximum de 5 séances et 12,5 % plus de 10 séances.

La courte durée des prises en charge n’est pas le fait d’une volonté délibérée des thérapeutes d’effectuer des thérapies brèves. Pour un certain nombre de cas, il s’agit d’une rupture à l’initiative du patient.

On considère que le nombre de " drop out " ou arrêt prématuré varie généralement entre 5 et 30 % de la population totale admise en thérapie. De nombreuses recherches ont essayé de comprendre les raisons d’un tel phénomène.

- Les variables démographiques

Berrigan & Garfield (1981)1 trouvent une relation significative entre le statut socio-économique (testé avec le Hollingshead Index) et la durée de la thérapie. Les auteurs montrent que le nombre d’arrêt prématuré augmente avec la baisse du statut socio-économique. Ces résultats sont confortés par Weighill, Hodge & Peck (1983). Cependant, de nouvelles recherches doivent être entreprises afin de déterminer s’il existe un lien entre le statut social et la personnalité, les attitudes et les techniques du thérapeute.

Le niveau d’éducation est souvent considéré comme un facteur déterminant. Mais il est raisonnable de considérer qu’il existe un biais de sélection des patients en faveur des sujets à haut niveau d’éducation.

Le sexe et l’âge des patients ne semblent pas être prédictif de l’adhérence au traitement 2.

Selon les études citées, l’étude de l’effet du diagnostic psychiatrique donne des résultats différents. Il n’y a pas encore de fait précis nous permettant d’affirmer un lien important entre cette variable et la continuation d’une thérapie.

L’analyse du facteur " origine ethnique " ne permet pas d’établir de conclusions définitives. Deux études récentes donnent des résultats contrastés. Greenspan & Kulish (1985) mettent en évidence des ruptures prématurées en nombre important chez une population " afro-américaine " comparée à une population tout-venant. Ce résultat ne sera pas confirmé par Sledge et al. (1990).

- Les variables de personnalité

L’utilisation de tests psychologiques (Rorschah, MMPI, etc.) n’a jusqu’à présent pas permis de mettre en évidence de relations stables entre des traits de personnalité et la continuation ou l’arrêt prématuré d’une thérapie. Non sans humour, Garfield (1994, page 201) remarque que seul l’adhérence au protocole de recherche serait un prédicteur significatif. De nombreuses recherches mettent en évidence que les patients qui acceptent de remplir les questionnaires soumis par les chercheurs ont une probabilité plus grande de terminer leur thérapie 3.

- Les attentes du patient

Contrairement aux professionnels en santé mentale qui pensent qu’il est nécessaire qu’une thérapie dure plusieurs mois voire un an (Kupst & Schulman, 1979), les patients s’attendent à une durée de prise en charge relativement courte. Pekarik & Wierzbicki (1986) montrent que sur un échantillon de 148 patients, 73,3 % des sujets n’ont pas dépassé la dixième séance et environ le même nombre ne s’attendait pas à y rester plus de 10 séances. Bien que les auteurs observent seulement une corrélation de .28 entre le nombre de sessions prévues et le nombre actuel de séances, ce score est significatif et est le meilleur prédicteur du nombre de séances attendues.

- L’interaction du patient avec le thérapeute

De nombreux facteurs semblent influencer la continuation d’une thérapie et cela dés les premiers contacts avec le thérapeute. Signalons entre autres: La proximité des discours du patient et du thérapeute ainsi que leur contenu (Duehn & Proctor, 1977) ; La capacité des participants à la thérapie d’établir ensemble les objectifs du traitement (Tracey, 1986).

Dans une étude récente, Mohl, Martinez, Ticknor, Huang & Cordell (1991) analysent le contenu d’entretiens menées auprès de 96 patients. Les patients qui ont arrêté prématurément leur thérapie, présentent les caractéristiques suivantes: a) Ils ont moins apprécié le thérapeute, et l’ont perçu moins aimant et moins respectueux, b) Ils ont ressenti une moindre " helping alliance ", et c) ils sont apparus plus passifs et moins compréhensifs.

Signalons pour conclure que les phénomènes de rupture prématurée sont observés pour toutes formes de thérapie 4.

Notes

1- Pour une revue de la littérature des recherches menées avant les années 80, voir le formidable travail de Baekeland & Lundwall (1975).

2- Concernant la variable " sexe ": Dubrin & Zastowny, 1988 ; Greenspan & Kulish (1985) ; Sledge et al. (1990) n’observent aucun lien. Concernant la variable " âge": seul Greenspan & Kulish (1985) met en évidence une corrélation (favorable aux plus jeunes). Dubrin & Zastowny, 1988 ; Gunderson et al. (1989) ; Sledge et al. (1990) n’observent aucune relation entre l’âge et la continuation d’une thérapie (cités par Garfield, 1994, page 197).

3- Pour une revue de la littérature plus récente concernant le MMPI voir Chisholm & al. (1997).

4- Garfield, 1994, page 198-204.

Bibliographie

Baekeland, F., & Lundwall, L. (1975). Dropping out of treatment: A critical review. Psychological Bulletin, 82(5), 738-783.

Berrigan, L. P., & Garfield, S. L. (1981). Relationship of missed psychotherapy appointments to premature termination and social class. The British Journal of Clinical Psychology, 20, 239-242.

Chisholm, S. M., Crowther, J. H., & Ben-Porath, Y. S. (1997). Selected MMPI-2 scales'ability to predict premature termination and outcome from psychotherapy. Journal of Personality Assessment, 69(1), 127-144.

Dubrin, J. R., & Zastowny, T. R. (1988). Predicting early attrition from psychotherapy: An anlysis of a large private practice cohort. Psychotherapy, 25, 393-408.

Duehn, W. D., & Proctor, E. K. (1977). Initial clinical interaction and premature discontinuance in treatment. American Journal of Orthopsychiatry, 47, 284-290.

Garfield, S. L. (1994). Research on client variables in psychotherapy. In A. E. Bergin & S. L. Garfield (Eds.), Handbook of psychotherapy and behavior change (4th ed., pp. 190-228). New York: John Wiley & Sons.

Garfield, S. L., & Kurz, M. (1952). Evaluation of treatment and related procedures in 1216 cases referred to a mental hygiene clinic. Psychiatric Quarterly, 26, 414-424.

Greenspan, M., & Kulish, N. M. (1985). Factors in premature termination in long term psychotherapy. Psychotherapy, 22, 75-82.

Gunderson, J. G., Frank, A. F., Ronningstam, E. F., Watcher, S., Lynch, V. J., & Wolf, P. J. (1989). Early discontinuance of borderline patients from psychotherapy. Journal of Nervous and Mental Disease, 177, 38-42.

Kupst, M. J., & Schulman, J. L. (1979). Comparing professional and lay expectation of psychotherapy. Psychotherapy: Theory, Research, and Practice, 16, 237-243.

Mohl, P. C., Martinez, D., Ticknor, C., Huang, M., & Cordell, M. D. (1991). Early dropouts from psychotherapy. Journal of Nervous an Mental Disease, 179, 478-481.

Pekarik, G., & Wierzbicki, M. (1986). The relationship between clients'expected and actual treatment duration. Psychotherapy, 23, 532-534.

Sledge, W. H., Moras, K., Hartley, D., & Levine, M. (1990). Effect of time-limited psychotherapy on patient dropout rates. American Journal of Psychiatry, 147, 1341-1347.

Sue, S., McKinney, H. L., & Allen, D. B. (1976). Predictors of the duration of therapy for clients in the community mental health system. Community Mental Health Journal, 12(365-375).

Taube, C. A., Burns, B. J., & Kessler, L. (1984). Patients of psychiatrists and psychologists in office-based practice: 1980. American Psychologist, 39, 1435-1447.

Tracey, T. J. (1986). Interactional correlates of premature termination. Journal of Consulting and Clinical Psychology, 54, 784-788.

Weighill, V. E., Hodge, J., & Peck, D. F. (1983). Keeping appointments with clinical psychologist. The British Journal of Clinical Psychology, 22, 143-144.

Fiche rédigée par : Michaël Villamaux



Résultats thérapeutiques et variables patient ?


Depuis la première édition, en 1971, du livre Handbook of Psychotherapy and Behavior Change (Bergin & Garfield, 1971), un chapitre est régulièrement consacré à l’analyse des recherches sur la " variable patient " 1. Quelques soient les variables testés, les résultats observés ne peuvent informer que sur la thérapie pratiquée dans l’étude citée. L’état actuelle de nos connaissances ne permettent pas la présentation de données définitives sur la " psychothérapie en générale ". Différents aspects de la relation thérapeutique peuvent être étudier. Nous en citerons quelques exemples.

- Classe sociale et résultats thérapeutiques

Jusqu’à aujourd’hui aucune relation évidente n’a pu être établi entre la classe sociale et les résultats thérapeutiques.

- Age et résultats thérapeutiques

Traditionnellement, il est admis que les patients âgés sont plus résistants aux thérapies. Cependant les résultats les plus récents ne permettent pas de confirmer cette hypothèse.

- Sexe et résultats thérapeutiques

De nombreuses études ont pu mettre en évidence un lien entre le sexe du thérapeute et les résultats thérapeutiques. Ce résultat n’est pas confirmé en ce qui concerne l’importance du sexe du patient.

- Personnalité, tests psychologiques et résultats thérapeutiques

La recherche sur les facteurs de personnalité en jeu dans le processus thérapeutiques est dépendante de la validité des outils utilisés pour mesurer les résultats thérapeutiques mais aussi de la qualité statistique et théorique des tests utilisés dans les champ des recherches sur la personnalité normale et psychopathologique. Ce double lien explique en partie l’absence d’un consensus net sur les résultats observés. Nous ne citerons ici que les plus " robustes " :

* Niveau de gravité et résultats thérapeutiques

Steinmetz et al. (1983), dans une étude sur un échantillon de 75 patients dépressifs, qui ont reçu un traitement " psycho-éducatif ", montrent qu’il existe un lien entre le niveau de gravité des troubles et les résultats thérapeutiques. Les patients très malades en début de thérapie tendent à ne pas évoluer au cours du traitement. Beckham (1989) et Burns & Nolen-Hoeksema (1991) confirment ces premiers résultats.

* Force du moi et résultats thérapeutiques

Deux principales échelles sont utilisées pour tester la " force du moi " des sujets: L’Ego Strength Scale et la Rorschach Prognostic Rating Scale (RPRS).

L’Ego Strength Scale est constitué par des items extraits du MMPI. Elle fut souvent employée dans les années 50-75. La Rorschach Prognostic Rating Scale est organisée en 6 composantes extraites du test du Rorschach. Quel que soit le test utilisé, les résultats semblent être en faveur d’une corrélation positive entre la force du moi et les résultats thérapeutiques.

* Relation d’objet et résultats thérapeutiques

Piper et ses collègues (1991) ont mené de nombreuses recherches sur ce thème. Ces auteurs montrent une relation positive significative entre " la qualité " de la relation d’objet et les résultats thérapeutiques de patients suivis en thérapie psychodynamique brève.

* Motivation et résultats thérapeutiques

Malgré une apparente importance, la motivation des patients ne fut pas l’objet d’une recherche systématique. Il est donc encore difficile de proposer des conclusions " définitives ".

* Intelligence et résultats thérapeutiques

Luborsky et al. (1975) effectuent une analyse de 13 recherches. 10 d’entre elles mettent en évidence une relation positive entre l’intelligence et les résultats thérapeutiques. Meltzoff et Kornreich (1970) vont nuancer ces résultats. Pour ces auteurs, un haut niveau intellectuel ne permet pas de prédire systématiquement de bons résultats thérapeutiques. Ils ont analysé les résultats de 15 recherches: 7 mettent en évidence une relation entre le QI et les résultats thérapeutiques et 8 n’indiquent aucune différence.

* Attentes du patient et résultats thérapeutiques

Les premières recherches sur les attentes des patients concernant la thérapie montrent des résultats contrastés. Deux types d’attentes doivent être considérées: 1/ Les attentes initiales présentes avant le début de la thérapie et qui concernent le rôle du thérapeute, la durée de la thérapie, les procédures thérapeutiques etc. 2/ Les attentes observées au cours de la thérapie directement dépendantes des premières impressions vécues par le patient au cours des premières séances: l’amélioration observée, la qualité relationnelle du thérapeute etc.

Ainsi les futures recherches devront tenir compte de cette dichotomie et analyser leur interaction. Il semble que les premières impressions du sujet modifient le contenu des attentes initiales.

* Résistance, coping style et résultats thérapeutiques

Beutler et al. (1991) étudient les variables susceptibles de prédire les réponses de patients souffrant de dépression à trois types de thérapie: a) une thérapie cognitive, b) une thérapie " expérientielle " et c) une " supportive self-directed " thérapie. Deux variables sont testées: les styles de coping (externalisation) et la résistance.

Notes

1- Pour le chapitre le plus récent voir Garfield, 1994.

Bibliographie

Beckham, E. E. (1989). Improvement after evaluation in psychotherapy of depression: Evidence of a placebo effect. Journal of Clinical Psychology, 45, 945-950.

Bergin, A. E., & Garfield, S. L. (1971). Handbook of psychotherapy and behavior change: An empirical analysis. New York: John Wiley & Sons.

Beutler, L. E., Engle, D., Mohr, D., Doldrup, R. J., Bergan, J., Meredith, K., & Merry, W. (1991). Predictors of differential response to cognitive, experiential and self-directed psychotherapeutic procedures. Journal of Consulting and Clinical Psychology, 59, 333-340.

Burns, D. D., & Nolen-Hoeksema, S. (1991). Coping style, homework compliance and the effectiveness of cognitive-behavioral therapy. Journal of Consulting and Clinical Psychology, 59, 305-311.

Luborsky, L., Singer, B., & Luborsky, L. (1975). Comparative studies of psychotherapies. Is it true that " everybody has won and all must have prizes ?". Archives of General Psychiatry, 32, 995-1008.

Meltzoff, J., & Kornreich, M. (1970). Research in Psychotherapy. New York: Atherton Press.

Steinmetz, J. L., Lewinsohn, P. M., & Antonuccio, D. O. (1983). Prediction of individual outcome in a group intervention for depression. Journal of Consulting and Clinical Psychology, 51, 331-337.

Fiche rédigée par : Michaël Villamaux


© Michael Villamaux, Psydoc-France

Dernière mise à jour : jeudi 4 mai 2000 8:28:29

Michael Villamaux