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Médecin en Chef Louis CROCQ
Spécialiste du Service de Santé des Armées
Direction des Recherches Etudes et Techniques
Groupe « Biologie et Sciences Humaines »
Ministère de la Défense
26, boulevard Victor, 75996Paris-Armées
Parmi les moyens élaborés ou élaborables pour soutenir et aider la recherche en psychiatrie clinique, les questionnaires sont d'un grand secours en ce sens qu'ils systématisent et ordonnent la clinique (pour le bilan rationnel du cas individuel ou pour l'exploitation statistique d'une population de cas) sans introduire de grave perturbation (moyennant quelques précautions) dans la démarche clinique dont ils sont, en fin de compte, assez proches. Je vais vous faire part de mon expérience dans ce domaine en soulignant, à propos de quelques exemples de questionnaires, les caractéristiques, les avantages, les inconvénients et les limites de la méthode. Mais, tout d'abord, délimitons ce que nous entendons pas questionnaire. C'est un instrument d'investigation composé de questions, consécutives ou hiérarchisées, que - dans le cas de la clinique - le praticien pose au malade, oralement ou par écrit, et dont il recueille les réponses pour les apprécier ou les interpréter et en intégrer les résultats à l'ensemble de son investigation d'entretien et d'examen. L'entretien de psychiatrie clinique, qui est jalonné de questions explicites ou implicites, est un questionnaire ; mais il varie d'un clinicien à l'autre et d'un malade à l'autre et n'est pas standardisé (encore que beaucoup de cliniciens transmettent des plans d'entretien à titre didactique). L'étape suivante, dans cette perspective, consiste à élaborer et construire des questionnaires strictement définis dans leur fond, (leur contenu) et leur forme (ordre et libellé des questions) et applicables - oralement ou par écrit - dans des conditions standardisées.
Dès la conception d'un questionnaire, il convient de prêter beaucoup d'attention aux aspects formels, tels que libellé et ordre des questions, qui risquent de fausser l'information ayant trait au contenu, ou au fond même du questionnaire. Le type le plus connu de questionnaire est le questionnaire de psychologie sociale, utilisé dans des enquêtes d'opinion. Or, il faut bien se rendre compte que l'information brute issue du dépouillement des réponses n'est pas fiable du tout ; et cela pour quatre raisons.
En premier lieu, le questionnaire porte en général sur des comportements imaginaires, et non sur des comportements réels. On demande par exemple à des individus ce qu'ils feraient en cas d'incendie et, dans le calme et la sécurité de l'entretien, ils énoncent un schéma de comportement adapté. Or, dans la réalité, surpris par un incendie inopiné et influencés par le climat de désordre et de panique qui y est lié, ils se comportent tout autrement. Le seul cas où le comportement imaginaire est proche du comportement concret est le cas des sondages sur les intentions de vote ; et encore il convient de tenir compte des influences de dernière heure et des décisions impromptues.
En second lieu, la formulation de la question induit toujours la réponse. Je dis bien « induit toujours », même quand cette formulation semble offrir toutes les garanties de neutralité. Je m'explique. Prenons, dans l'exemple d'une enquête alimentaire, la question : ° est-ce que la soupe est bonne ? ». Le fait de faire figurer l'adjectif ° bonne » dans le libellé de la question influence le sujet interrogé en induisant dans son préconscient un halo d'euphorie. A l'inverse, si l'on formulait « la soupe est-elle mauvaise », l'effet contraire s'exercerait, et le sujet devrait vaincre ce halo préalable de jugement défavorable pour définir son jugement réel. Enfin si, voulant me rapprocher des conditions les plus objectives et de la neutralité la plus stricte de la recherche scientifique, j'énonce, « veuillez coter les qualités gustatives du potage sur cette échelle graduée de 0 à 10 », je fausse aussi l'enquête car je substitue une attitude ultra-scientifique abstraite et distante à l'expérience vécue de goûter la soupe. Le sujet va se prendre pour un chimiste et non plus pour un consommateur.
En troisième lieu, la proximité des questions peut en fausser le sens par effet de halo. Prenons par exemple une question sur le respect de la vie : introduite entre deux questions d'attitude à l'égard de l'avortement, elle ne donnera pas lieu à la même réponse que située dans un questionnaire de morale générale. Dans d'autres cas, le sujet interrogé est tellement irrité par la stupidité de certaines questions qu'il persiste à manifester son mécontentement dans les réponses aux questions suivantes, sans y traduire l'opinion réelle qu'il aurait dans un état de calme habituel.
Enfin, d'une manière corrélative, un questionnaire trop long use la disponibilité du sujet et les réponses aux dernières questions subissent la distorsion due à la lassitude et au désir d'en finir au plus vite.
Pour ces quatre raisons, donc, les résultats bruts issus du dépouillement des questionnaires sont peu fiables. Est-ce dire toutefois que toutes les enquêtes et tous les travaux qui utilisent des questionnaires donnent des résultats faux ? Non, car on peut quand même faire un bon travail avec ces mauvais questionnaires.
En effet, au lieu de travailler sur les résultats bruts du questionnaire, obtenus par simple comptabilité des réponses, je peux travailler sur des résultats du « deuxième degré », plus élaborés et indépendants des causes d'erreur énoncées plus haut. Par exemple, si je répète mon enquête dans la même population tous les trois mois avec mon même questionnaire imparfait, j'obtiens à chaque fois des résultats bruts peu fiables, mais la variation de ces résultats d'une enquête à l'enquête suivante, cette variation, elle, est une donnée très fiable, indépendante des caractères formels du questionnaire. Par exemple, encore, si je croise les résultats bruts aux questions avec les classes de population définies par les coordonnées socio-démographiques (ou autres) de mon échantillon, j'obtiens des « distributions partielles » dont les proportions sont fiables, même si elles aboutissent à un total non fiable. Par exemple : à telle question où j'obtiens 66 % de Oui, les distributions partielles me révèlent que les fils uniques répondent à 80 % de Oui, les benjamins à 70 % et les sujets de rang médian dans la fratrie à 50 % ; ou encore, j'obtiendrais 80 % chez les cadres, 70 % chez les professions libérales, mais 50 % chez les ouvriers et 45 % chez les agriculteurs, etc. En fait, la fiabilité de ces distributions partielles va dépendre de la représentativité de l'échantillon de population interrogé, mais c'est un autre problème et, ici, la qualité du questionnaire n'est pas en cause. Dernier exemple enfin, je peux croiser les questions entre elles pour isoler les sous-populations qui répondent Oui à telle, telle et telle question et qui répondent Non à telle et telle autre et isoler ainsi des sous-groupes. Ici encore, je me suis élevé au dessus du résultat brut - peu fiable - pour accéder au deuxième niveau d'exploitation, plus fiable, qui est celui des distributions partielles et des croisements, exploités à des fins de discerner des typologies.
Voyons maintenant comment on peut élaborer des questionnaires et les appliquer à l'activité clinique ou à la recherche clinique. Il existe déjà des questionnaires en clinique psychiatrique : je veux parler des tests mentaux, qui sont le plus souvent présentés et administrés sous forme de questions, que ces questions soient posées oralement ou par écrit.
La première catégorie de ces tests mentaux regroupe les tests d'efficience (tests d'intelligence ou tests d'efficience psychomotrice). Ils paraissent assez éloignés de l'activité clinique psychiatrique du fait de la limitation de leur domaine d'exploitation et de la rigidité de leur mode de passation. Cette rigidité, liée à la stricte standardisation des consignes et de la formulation des questions, garantit toutefois leur objectivité et permet les comparaisons inter-sujets. En outre, on doit souligner le fait que leur exploitation ne repose pas seulement sur les réponses brutes, mais aussi sur les différences de performances d'un sujet aux divers sub-tests conduisant à l'évaluation d'un score brut. En ce sens, ils représentent le prototype simple du questionnaire en clinique psychiatrique.
La seconde catégorie de tests mentaux regroupe les questionnaires de personnalité, plus proches de notre activité clinique, parce qu'ils explorent tout le champ de la personnalité des malades et non plus seulement leur efficience intellectuelle. Ils sont souvent présentés comme les questionnaires de psychologie sociale, sous forme d'une liste de questions écrites auxquelles il convient de répondre par écrit (le plus souvent par choix forcé entre trois réponses « fermées » « Oui », « Non », « Je ne sais pas »). Leur exploitation, ici encore, ne repose pas tellement sur le dénombrement brut des réponses positives ou négatives, mais sur des croisements entre réponses à différentes catégories de questions, effectués au moyen de grilles de correction. Bien que fournissant des résultats exploitables en langage de clinicien le MMPI, (ou « Inventaire Multiphasique de Personnalité du Minnesota »), donne un « profil » en fonction des catégories de personnalités pathologiques de la nosographie kraepelinienne : hypocondrie, hystérie, anxiété, paranoïa, psychasthénie, schizoïdie, etc. ; ils sont toutefois encore éloignés de l'activité clinique en ce sens que leur évaluation et leur validation reposent sur la dispersion statistique et non sur le sens de chaque question. Je m'explique : la position du sujet sur chaque échelle du profil est déclarée pathologique si son score de réponses « anormales » aux questions de l'échelle se situe au delà de deux écarts-types de la moyenne des réponses d'une population normale (l'étalonnage du test ayant été établi par comparaison statistique de sujets normaux et de sujets hypocondriaques, hystériques, anxieux, etc.).
La troisième catégorie de tests mentaux regroupe les tests dits « projectifs ». Sans entrer dans le détail des implications de la notion de projection (manière de percevoir le monde en fonction de ses habitudes et de ses désirs, ou manière de se débarrasser de son angoisse en attribuant à un être extérieur nos sentiments intolérables ou inconfortables), on remarquera que ces tests sont aussi des questionnaires. Peu standardisés (puisque les consignes sont délibérément imprécises pour ne pas influencer la réaction du sujet face à un matériel intentionnellement peu structuré), peu rigoureux dans leur étalonnage (qui repose plus sur une typologie des réponses que sur leur évaluation quantitative), ils questionnent néanmoins le sujet qui va d'ailleurs répondre - au travers d'une « réponse orale ouverte » - par un véritable comportement global, révélateur des dimensions profondes de la personnalité. En ce sens, les tests projectifs (dont le test des taches d'encre de Rorschach est le plus connu) sont les questionnaires les plus proches de l'activité clinique en psychiatrie (observation et recensement des symptômes et des comportements, exploration des mécanismes de leur survenue et des traits de personnalité qui les inspirent, saisie de leur signification, ... ) et ils sont les questionnaires les plus fiables, les plus préservés des influences liées aux aspects formels des questionnaires.
Les tests mentaux ne constituent toutefois que des adjuvants à l'activité clinique habituelle, laquelle se rapporte avant tout à l'examen du malade et aux données de l'entretien médecin-malade. Et la question se pose de transposer cet examen et cet entretien - tout ou partie - sous forme de questionnaires afin d'objectiver et de rationnaliser l'activité clinique et, surtout, d'homogénéiser les données dans les recherches coopératives.
Mais, tout d'abord, il convient de se demander si l'entretien et l'examen peuvent être transposés en questionnaires, c'est-à-dire s'ils sont déjà structurés comme des questionnaires ? Nous allons voir que ce n'est possible que partiellement et que, pour différentes raisons, la transposition en questionnaires n'épuise pas la réalité de l'activité clinique et qu'il subsiste un résidu irréductible.
Il est probable qu'une grande part - voire même l'essentiel - de l'activité clinique correspond à un questionnaire, même si ses modalités d'exercice ne le suggèrent pas explicitement. En effet, l'activité du clinicien, orientée vers l'établissement d'un diagnostic (diagnostic nosographique de maladie ou diagnostic typologique de personnalité) et la mise en œuvre d'une thérapeutique, passe au préalable par une longue phase d'anamnèse (exploration et appréciation des antécédents et de l'histoire de la maladie) et d'observation (observation et évaluation des symptômes et des comportements, de leurs intrications et de leur évolution). Et cette phase d'anamnèse et d'observation est structurée comme un questionnaire systématique, même si elle se déroule dans un désordre apparent et même si les propos spontanés du patient évitent au clinicien de poser des questions destinées à l'obtention de la même information. Tout clinicien, sauf dans des cas d'exception où l'anonymat le plus extrême doit être maintenu, prend connaissance des « coordonnées sociodémographiques » de son patient : âge, sexe, état civil, date et lieu de naissance, profession, adresse et mode d'habitation, âge du conjoint et des enfants, etc. Et toutes ces informations sont obtenues par des questions. Nous verrons en outre que, pour l'appréciation de l'expérience vécue du patient, pour la connaissance de ses conflits, de ses préoccupations, de ses habitudes et de ses frayages de conduite, un bon examen clinique peut pousser plus loin l'investigation de ces coordonnées socio-démographiques et explorer systématiquement la biographie du patient dans les divers milieux sociaux où il a baigné pendant toute l'histoire de sa vie : milieu familial, milieu scolaire, milieu professionnel, etc. Et, ici encore, l'entretien se déroule en général sur un mode semi-directif, les questions du clinicien jalonnant la progression systématique de l'investigation et cherchant à combler les lacunes laissées dans l'information apportée par les propos spontanés du patient.
L'exploration des antécédents (familiaux et personnels) et de l'histoire de la maladie (qu'il est parfois difficile de dissocier de la suite des antécédents, en psychiatrie particulièrement) est effectuée aussi selon un plan rigoureux d'investigation (que certains cliniciens appellent d'ailleurs parfois « interrogatoire » au lieu de « anamnèse ») et qui se résoud à un questionnaire. Il s'agit en effet d'une véritable « check-list » dont aucun item ne doit être négligé, même si le patient ne l'évoque pas spontanément. Par exemple, un patient psychosomatique peut fort bien omettre de parler des troubles similaires dont souffraient ses parents et même ses grands-parents et, sans « interrogatoire » systématique, on risque de méconnaîÎtre la notion d'une « lignée psychosomatique » avec tout ce que cela implique au plan du « terrain » ou de l'« exemplarité ». Nous verrons plus loin, dans un exemple de questionnaire d'antécédents, quels sont les rubriques et les items qui font l'objet de cette investigation systématique pour un clinicien de formation classique.
Il en est de même pour l'histoire de la maladie, que le patient décrit d'un point de vue subjectif et souvent dans un désordre apparent et que le clinicien réordonne, par le moyen de questions précises, afin de l'apprécier objectivement (coordonnées temporelles, épisodes actifs, temps de latence et temps morts, facteurs facilitants ou déclenchants, etc.).
L'examen lui-même, dans le cas particulier de la psychiatrie clinique, se résoud aussi partiellement à un questionnaire. En effet, à côté des signes et symptômes obtenus par l'inspection (car la palpation, la percussion et l'auscultation sont de peu d'utilité en psychiatrie) tels que gesticulation ou immobilité, fixité ou mobilité du faciès, rougeur ou pâleur du visage, intensité ou fuite du regard, etc. (et qui peuvent très bien être systématiquement recherchés sur une check-list du clinicien), la plupart des symptômes sont moissonnés dans la conversation du malade, dans le contenu et le ton de ses propos. Et, du moins pour le contenu, le clinicien complète ici encore les domaines de la personnalité ou de l'expérience vécue laissés dans l'ombre dans la conversation du malade par des questions (précises ou délibérément non inductives) qui sont issues d'un « questionnaire imaginaire ». L'examen lui-même, dans le cas de la psychiatrie clinique, est donc aussi structuré comme un questionnaire. Compte tenu de ces constatations, le clinicien pourrait être tenté de substituer des questionnaires (à remplir par le malade) à une grande part de l'entretien et même de l'examen. Une telle disposition lui apporterait de grands avantages.
En premier lieu, elle lui économiserait beaucoup de peine fastidieuse, et beaucoup de temps. Toutes les coordonnées sociodémographiques, les repères de la biographie (et même quelques données concernant l'expérience vécue de cette biographie), l'inventaire des antécédents familiaux et personnels, les jalons de l'histoire de la maladie et même la liste des symptômes essentiels dont se plaint le malade : il disposerait de tout cela en peu de temps ; et il disposerait en outre de la liste « négative » des antécédents et des symptômes ne concernant pas le malade. Qui plus est, un tel questionnaire « optimiserait » son activité, puisqu'il n'aurait plus qu'à la concentrer sur l'exploration approfondie des faits pathologiques signalés. A noter en outre que la fiabilité des informations de premier degré est plus grande que dans les questionnaires de psychologie sociale puisqu'elle est précisée et vérifiée au cours de l'entretien ultérieur.
En second lieu, elle libèrerait sa totale disponibilité d'écoute pour son patient. En effet, dans l'entretien habituel, le clinicien est parfois obligé de distraire une part de son attention aux propos du malade pour ouvrir des apartés ou des parenthèses implicites concernant des points qu'il se promet de préciser ultérieurement. Il se dit, par exemple : « ce malade vient de me parler de son père unijambiste et il a aussitôt parlé d'autre chose ; je ne veux pas lui couper.la parole ni l'inspiration par une question intempestive, mais je lui demanderai plus tard comment son père est devenu unijambiste et j'essaierai d'apprécier le retentissement de cette mutilation du père sur le développement psychologique du sujet ». Tout bon clinicien connaît cette tension et cette fatigue provoquées par la double nécessité de soutenir l'attention aux propos du malade et de projeter - dans des parenthèses implicites - un programme d'explorations et de questions circonstanciées.
En troisième lieu, ces questionnaires (qu'ils soient présentés au patient par écrit ou qu'ils soient appliqués - même dans un désordre apparent - dans un entretien oral) seraient utiles au clinicien parce qu'ils objectiver aient son observation clinique (toujours entachée de la double subjectivité du malade et du médecin), qu'ils l'ordonneraient et parce qu'ils lui permettraient de conduire à son terme un examen type sans lacunes majeures.
Enfin, dernier avantage, de tels questonnaires, répertoriant les mêmes données dans le même ordre et posant les mêmes questions (que la réponse soit positive ou négative) à toute une population de patients, ou à plusieurs populations de patients, et à des populations examinées par des praticiens de formation, d'habitude et d'idéologie scientifique différentes, assure l'homogénéité des données nécessaires à toute étude statistique, surtout quand il s'agit de recherches coopératives multi-praticiens ou multi-centres. Mais une telle méthode présente aussi des inconvénients.
En premier lieu, elle risque d'altérer la relation médecin-malade. En effet, surtout en psychiatrie clinique ou en demande d'aide psychologique, le malade est venu voir la personne du médecin (de la « chair de médecin ») et non pas du papier de questionnaire ni un système de questionnaire sur ordinateur. La présentation d'un questionnaire le déçoit, l'irrite et le décontenance au point peut-être de tarir sa spontanéité à se plaindre et sa disponibilité à fournir l'information. J'ai, en ce qui concerne mon activité clinique, trouvé un moyen terme en proposant au patient de tels questionnaires à la fin d'un entretien ou - mieux - entre deux entretiens. Par exemple, je lui dis : « ce que vous venez de me dire au sujet de vos antécédents est important ; mais nous n'avons pas eu assez de temps pour bien les analyser et en discuter ; voulez-vous me remplir ce questionnaire d'antécédents et nous en rediscuterons ensuite ? ». Une fois le questionnaire rempli, le malade, - à qui cela a d'ailleurs permis de se remémorer des antécédents qu'il avait oubliés - est disponible et motivé pour un nouvel entretien qui les précise. De plus, contrairement à ce que je craignais, la relation médecin-malade n'est pas compromise ; elle est même renforcée (le malade se rendant compte que l'on examine son cas avec minutie).
En second lieu, et surtout pour les questionnaires de séméiologie, la méthode risque d'être iatrogène. Evoquer des symptômes de dépersonnalisation à un anxieux et à un hystérique, suggérer des noms de maladies nouvelles à un hypocondriaque, c'est provoquer l'inquiétude du patient et peut-être l'aggravation de son cas. Je pense, personnellement, qu'il ne faut utiliser qu'avec prudence et le moins possible - tout au moins dans leur forme écrite - des questionnaires de séméiologie (d'ailleurs le test de personnalité MMPI, qui comporte beaucoup de questions de ce type, n'est pas d'une inocuité garantie) ; en revanche les questionnaires de type « état civil » ou « biographie », voire même « antécédents » sont relativement à l'abri de telles mésaventures.
En troisième lieu, et c'est là le reproche le plus profond que l'on puisse leur faire, les questionnaires de clinique psychiatrique ne parviennent pas à explorer tout le champ de l'activité clinique et ils laissent toujours un résidu non exploré dans l'histoire du cas du malade. L'activité clinique est très subtile, très complexe et illimitée. D'abord elle dépasse le niveau du simple questionnement (mais nous examinerons cet aspect un peu plus loin). Ensuite, elle porte souvent autant sur les relations et inter-pénétrations entre les faits que sur les faits eux-mêmes. Ensuite encore, elle doit explorer et apprécier le dynamique, le mouvant. Enfin, elle n'a pas de limite : on découvre à chaque patient - peu ou prou - un champ nouveau d'exploration qui n'a été ouvert chez aucun autre. En ce sens, aucun type de questionnaire ne saurait la remplacer, au seul plan du quantitatif.
En quatrième lieu, le plan du qualitatif soulève les objections et les limitations les plus graves à la méthode des questionnaires, et ce pour deux raisons. D'une part parce que l'observation clinique est « légitimement anarchique ». Ce qui fait son sens dernier et le plus intime, ce n'est pas tellement les informations qui y figurent, mais l'agencement original dans lequel le malade les a présentées et les a vécues. Or, cet agencement, qui paraît « désordonné » ou « anarchique » par rapport à l'ordonnancement et à la progression stricts d'un questionnaire rationnel, est perdu - ou, qui pire est, « méconnu » - quand l'information est transposée ou directement recueillie sur un questionnaire. Que deviennent les oublis (le malade qui ne parle pas de sa mère pendant les trois premiers entretiens) ? que deviennent les apparentements et les télescopages (le malade qui vous dit : « le patron, c'est comme l'adjudant et l'instituteur, ce sont tous les trois des brigands, comme mon père ») ? que deviennent donc les perspectives originales de ses activités, de ses fantasmes, de son existence ? Le questionnaire méconnaît ou détruit l'anarchie légitime de la clinique. D'autre part parce que les informations données dans l'entretien sont énoncées dans le miracle « maïeutique » du langage, qui est de dépasser sa seule intention d'information. Surtout en psychiatrie, lorsque le malade a parlé, il se rend compte de ce qu'il vient de dire, et il se rend compte qu'il a dit tout autre chose que ce qu'il voulait dire. Ses paroles sont révélatrices pour lui en même temps qu'elles sont informatives pour le médecin. Et aucun questionnaire - qui laisse le malade seul devant du papier - ne pourra restituer cette création, cette anticipation de la parole sur la conscience, qui est le propre du langage et surtout de l'entretien, où le clinicien, par sa présence et son expérience, tient le rôle de témoin quand ce n'est celui d'accoucheur (d'où le terme de maïeutique).
Le dernier inconvénient de la méthode des questionnaires est leur trop forte rentabilité (ils apportent au clinicien un gain de temps, d'énergie et d'ordre considérable) et leur facilité : ils risquent d'introduire dans la mentalité du clinicien des habitudes et une propension « comptables » au détriment de sa vocation à la saisie « compréhensive » et « empathique » des misères et des existences. Préparant l'observation clinique à l'exploitation statistique, ils l'ordonnent trop rigoureusement et tendent à négliger l'individuel, l'anecdotique et le subjectif au profit du commun, de la catégorie et de l'objectif. Si le clinicien les utilise avec exclusivité, il risque de méconnaître les nuances, la subjectivité et le dynamisme du cas ; à l'extrême, il risque même de ne plus être disponible pour une relation médecin-malade authentique et féconde. Voilà pourquoi il convient d'utiliser des questionnaires comme des aides, ou des instruments dans l'activité clinique mais non pas comme substitués à l'activité clinique, et encore moins comme des machines à diagnostic automatique. Mais aussi, voilà pourquoi il s'avèrent précieux - si ce n'est indispensables - dans la recherche clinique : objectivation et ordonnancement des données, inventaires systématiques et sans lacunes, standardisation des investigations et homogénéisation des données, toutes qualités nécessaires à la recherche clinique statistique et coopérative.
A titre d'illustration je vais présenter et commenter trois instruments que j'utilise couramment dans diverses activités cliniques ou de recherche : le questionnaire médical, le questionnaire biographique et l'échelle EOC pour l'appréciation des états dépressifs mineurs.
Le questionnaire médical ci-joint (1), dont il existe plusieurs versions adéquates à chaque utilisation (clinique psychiatrique, examen clinique de sélection individuelle, procédures de triage pour sélection de masse) est un inventaire d'antécédents tel que je l'ai évoqué plus haut. Dans la forme ci-jointe, destinée à préparer l'entretien clinique pour la sélection de certains cadres, il est présenté selon le modèle « papier crayon » en un cahier ronéotypé de cinq pages et donne lieu à une passation écrite, individuelle ou collective. Sur la premiè re page, où est mentionnée la garantie du secret médical, les consignes précisent qu'il y a deux sortes de réponses : d'une part le choix Oui - Non et d'autre part des réponses semi-ouvertes destinées à préciser l'antécédent signalé (par exemple à quel âge est-il survenu ? a-t-il été traité à domicile, à l'hôpital, etc. ? Et combien de temps a duré le traitement ou l'indisponibilité) (par exemple encore : quelle maladie, dans la rubrique « autres maladies » ? ou « cause du décès » dans les antécédents familiaux). Il comprend, outre la page de garde (état civil et consignes), quatre pages de questions consacrées respectivement aux antécédents personnels médicaux, aux antécédents personnels chirurgicaux, aux antécédents personnels concernant le développement psychologique et aux antécédents familiaux. Une page constitue ainsi un chapitre, ce qui évite les erreurs auxquelles on s'expose lorsque l'on reporte les dernières questions d'un chapitre dans le haut de la page suivante. Le sujet, ici peut saisir toute la page d'un coup d'œil et distinguer rapidement les questions qui le concernent.
Il y a de vingt à trente questions par page, le total du questionnaire comprenant quatre vingt neuf questions. En fait, il en contient vingt cinq de plus si l'on tient compte des sous-questions, ce qui fait un total réel de cent quatorze questions. Les questions sont libellées en termes clairs, présentées en colonne, et groupées par appareils ou sous-chapitres cohérents, ce qui facilite la compréhension et la progression du questionnaire. Les sujets mettent environ vingt minutes pour le remplir, sans ressentir de difficulté, de perplexité, de lassitude ni de mécontentement. Il s'agit d'un questionnaire préalable à l'entretien clinique, qui a lieu peu de temps après sa passation et qui est destiné à préciser les réponses pathologiques et à en apprécier l'expérience vécue. Par exemple, à la question 18 « maladies de l'estomac », l'entretien permettra de savoir si le sujet a souffert de l'estomac une fois dans sa vie ou s'il présente un ulcère duodénal en traitement et rechutant chaque fois qu'il est contrarié ou stressé.
Au plan de l'exploitation, ce que le clinicien recherche dans ce
questionnaire, outre la connaissance de toutes maladies et affections
chirurgicales dont a souffert le sujet, c'est sa « vulnérabilité neuro-
psychique ». Il la cherche dans les dimensions suivantes, qui sont
fournies par des « grilles » choisissant et pondérant certaines
questions apparentées :
- « terrain » héréditaire (maladies mentales psychotiques ou névrotiques chez les ascendants ou collatéraux, arriération mentale, alcoolisme, suicide dans la famille ... ) (affections psychosomatiques dans la famille) ;
- exemplarité familiale (à distinguer de l'hérédité) (tentatives de suicides, crises de nerfs, absentéisme pour maladie ... ) ;
- événements de la santé des parents pouvant avoir eu un retentissement sur le développement psychologique du sujet (décès brutal ou agonie lente, déchéance par paralysie ou arriération mentale, souffrance lors d'un cancer, amputation, hospitalisation dramatique, etc.) ;
- antécédents personnels neuro-organiques (épilepsie, méningite ou encéphaiite, traumatisme crânien, intoxication par le CO, etc) ;
- antécédents personnels psychiatriques (hospitalisation pour schizophrénie, délire, etc.) ;
- antécédents personnels névropathiques (consultation ou hospitalisation pour névrose, troubles du comportement tels que crises, fugues, tentatives de suicide, énurésie tardive, bégaiement, etc.) ;
- antécédents personnels psychosomatiques (asthme, ulcère duodénal, hypertension, eczéma, etc.) ;
- antécédents personnels somatiques médicaux ou chirurgicaux pouvant avoir eu des répercussions sur le développement psychologique (par exemple une longue hospitalisation en sanatorium impliquant une séparation de la mère à un âge crucial, etc.).
On remarquera enfin, au plan méthodologique, que certaines questions donnent lieu à une évaluation de gravité graduée, quasi quantitative. Par exemple, la question 78 (antécédents personnels de troubles nerveux) qui peut désigner :
- des troubles du comportement non traités ;
- des troubles traités par le médecin généraliste ;
- des troubles traités en consultation psychiatrique ;
- des troubles ayant nécessité une brève hospitalisation psychiatrique ;
- des troubles ayant nécessité une hospitalisation vésanique.
Bien entendu, outre son utilisation comme préalable à l'entretien clinique (avec tous les avantages de gain de temps, d'optimisation de l'entretien et de disponibilité d'écoute qu'il apporte au clinicien), ce questionnaire donne lieu à une exploitation statistique, qui vise à connaître la pathologie de la population examinée, à y distinguer des profils-types et, éventuellement, à valider les critères et les combinaisons de critères de sélection-orientation. Il existe des formes « automatisées » de ce questionnaire médical, exploitables directement en ordinateur (c'est-à-dire sans étapes intermédiaires de codage et de transcription sur cartes perforées) grâce à un système de lecture optique de marques. Les cases Oui-Non cochées par le patient lui-même (et éventuellement les cases d'infirmation et d'appréciation quantitatives portées par le clinicien au cours de l'entretien) sont lues par un système de balayage optique et stockées en ordre dans la mémoire d'un ordinateur. Les programmes de cet ordinateur peuvent aussi bien éditer une observation individuelle composée de membres de phrases correspondant à chaque case Oui (le programme édite en outre les appréciations qualitatives ou quantitatives cochées par le clinicien et reproduit les commentaires entrés en clair sur le clavier d'entrée) que fournir un indice individuel d'aptitude (compte tenu des diverses pondérations à attribuer aux items pathologiques et à leurs combinaisons) ou effectuer des travaux de dénombrement ou de croisement dans une recherche statistique. A titre d'illustration, nous présentons le prototype d'un questionnaire d'antécédents pour la sélection de masse, actuellement en expérimentation dans les centres de sélection du Service National. Dans cette forme on a séparé les questions (présentées en deux colonnes dans les marges gauche et droite d'une planche plastifiée qui pourra reservir plusieurs fois) et la carte-réponse, disposée au centre en face de ces deux colonnes (correspondance ligne par ligne) et qui ne comporte que deux colonnes de mots clefs correspondant aux questions et assortis chacun d'une case Oui (à cocher par le sujet) et d'une case erreur (à cocher éventuellement par le clinicien au cours de l'entretien). La carte réponse ne peut, évidemment, servir qu'une fois.
L'utilisation de ce système a quatre fins permet de :
- fournir des informations préalables à l'entretien clinique pour optimiser ce dernier ; à noter que, en cas de panne du système informatique, la carte - qui comporte les mots-clefs - peut être exploitée directement par le clinicien pour cette première fin ;
- éditer une observation individuelle composée de membres de phrase correspondant aux items cochés (soit avant l'entretien, comme recensement d'informations pertinentes pour l'entretien, soit après les corrections effectuées lors de l'entretien, comme édition d'une observation fiable et éventuellement complétée à la main) ;
- procéder à des opérations de pré-triage (triage par spécialités médicales intéressées ou triage par sujet, désignant le parcours médical à effectuer auprès des divers spécialistes) ;
- stocker des données homogènes pour des groupes de population (voire même une tranche entière de population puisque les Centres de Sélection examinent chaque année tous les jeunes Français âgés de 19 ans) à peu de frais (sans intermédiaire de codage et de perforation), en peu d'espace (cent quatre items pour cinq cent mille hommes tiennent sur dix disques, soit un rayonnage d'armoire) et les exploiter à des fins statistiques,
Pour compléter l'inventaire des antécédents par une exploration et une appréciation de la biographie, j'ai construit le questionnaire biographique, élaboré à partir de l'expérience clinique concrète et inspiré par la notion d'adaptation au milieu (2). Des travaux statistiques antérieurs - recoupant les données cliniques sur les péripéties biographiques des psychopathes et des névrosés - avaient montré en effet que l'inventaire biographique peut fournir une indication sur la capacité d'adaptation sociale des individus. Il est bien connu en effet, surtout en psychiatrie militaire, que les sujets qui se sont mal adaptés dans les milieux et les institutions qu'ils ont fréquentés avant d'affronter le milieu militaire (milieu familial, milieu scolaire, milieu professionnel, institutions de culture et de loisirs, institutions régissant la sexualité et le mariage, institutions religieuses, institutions juridiques enfin) s'avèrent inadaptables au milieu militaire et à d'autres institutions sociales. L'inadapté social est presque toujours un inadapté social préalable, tandis que l'adapté ou l'adaptable ne porte pas un tel passé d'inadaptations antérieures. Une telle découverte mérite toutefois d'être nuancée et l'expérience a montré deux choses : d'une part que le profil antérieur ne fait pas toute l'adaptation et que les conditions de milieu et d'encadrement jouent un rôle non négligeable (sauf si le profil antérieur est très perturbé), d'autre part que beaucoup de profils « inadaptables » pour des milieux anormaux pourraient trouver dans des milieux d'exception la « béquille psychique qui leur avait toujours manqué » (selon l'expression du psychiatre militaire Fribourg-Blanc ; ce dernier phénomène, que nous appelons « adaptation paradoxale » explique l'insertion tolérable - sinon harmonieuse - que beaucoup de petits psychopathes trouvent dans des régiments actifs, type parachutistes et commandos. Toujours est-il que, à des fins d'aide à l'évaluation clinique et d'aide à la sélection, nous avons élaboré un questionnaire biographique qui inventorie systématiquement les coordonnées biographiques objectives et leur expérience vécue d'une « trajectoire institutionnelle » suivant le sujet au travers des divers milieux et institutions qu'il a successivement traversés de sa naissance à l'âge de jeune adulte. Composé de six pages, (plus une page de consignes) correspondant chacune à un chapitre biographique, il comprend des questions fermées (Oui-Non) et des questions ouvertes et il inventorie aussi bien les coordonnées objectives de toute biographie que les péripéties déviantes. Il comprend au total soixante sept questions (en fait soixante quinze si l'on y inclut les questions dichotomisées) et requiert environ 30 minutes pour être rempli, en passation individuelle ou collective. Indépendamment de son utilisation à des fins de sélection et d'exploitation statistique, on soulignera ses avantages dans la seule utilisation clinique. Prenons par exemple la question 7, relative à la présentation de la fratrie : en regardant le tableau rempli par le sujet, on voit tout de suite s'il est fils unique, benjamin, rang médian, rang médian ayant perdu son statut de benjamin à x ans, s'il a un jumeau, s'il est seul garçon parmi les filles, s'il a un statut de phénix ou de canard boiteux et s'il appartient à une fratrie complexe (demi-frères et semi-sœurs). Pour obtenir tous ces renseignements dans l'entretien, il aurait fallu au moins 15 minutes et parfois beaucoup de patience. Tandis qu'en partant des données du tableau, le clinicien n'a plus qu'à « exploiter » les points fragiles ou caractéristiques, c est-à-dire en connaîÎtre et apprécier 1 expérience vécue.
L'échelle d'observation clinique pour états dépressifs névrotiques et réactionnels n'est pas un « questionnaire » à proprement parler, puisqu'elle n'est pas rédigée sous forme de questions que l'on pose au patient oralement ou par écrit. Elle correspond plutôt à un plan d'examen systématique, c'est-à-dire à des questions implicites que se pose le clinicien (3). Elaborée à partir d'un examen clinique type pratiqué habituellement en consultation psychiatrique, elle permet au clinicien d'assurer un examen standard sans lacunes majeures, de l'objectiver, et de l'assortir d'appréciations quantitatives (pondérées par un indice de doute) tout en autorisant la transcription de commentaires libres dans la marge blanche réservée à cet effet. Son mode d'emploi, ses normes de cotation et ses perspectives d'utilisation (objectivation de l'examen, suivi de l'évolution du cas, contrôle thérapeutique, participation à des recherches statistiques coopératives) sont exposés en page trois de la fiche (ci-joint). Mais ce sur quoi je voudrais insister, outre les possibilités d'exploitation nuancée apportées par l'introduction d'un indice de doute, c'est sa rigueur logique qui évite les « faux zéros » en repliant les échelles bipolaires en deux demi-échelles superposées et reliées à un zéro commun. Prenons par exemple la rubrique 1 (« Présentation ») : si elle avait été répartie dans les deux échelles « présentation inhibée » et « présentation excitée », un malade mélancolique prostré aurait été noté cinq à « inhibé » et zéro à « excité », et un sujet normal aurait été noté zéro à « inhibé » et zéro à « excité ». On aurait fait entrer pour exploitation statistique deux zéros pour l'échelle « excité » mais deux zéros différents : Le véritable zéro (ou zéro de référence) est celui du sujet normal, tandis que le zéro du mélancolique est un faux zéro, dépendant du fait que le malade est doté du symptôme contraire. Le repliement des deux échelles sur un zéro commun (avec impossibilité de cocher à la fois une case de la demi-ligne du haut et une case de la demi-ligne du bas) évite ces confusions qui grèvent lourdement la validité de l'exploitation statistique.
Nous ne soulèverons pas ici le problème de l'homogénéité de la cotation quantitative dans les études coopératives. Bien sûr, il convient de réunir au préalable les praticiens participant à l'étude et de les exercer à l'emploi de l'échelle. Mais il est certain que, en fonction de leur formation, de leurs habitudes et de leur tempérament, les praticiens peuvent coter différemment : certains respectent le même écart imaginaire d'intensité entre tous les degré de l'échelle, d'autres rétrécissent ces écarts entre les premiers degrés ou entre les derniers, ou entre ceux des deux extrémités ou entre ceux du centre. Qui plus est, certains praticiens changent de référence imaginaire de cotation en cours d'étude longitudinale et d'autres changent même entre les premières et les dernières rubriques de l'échelle. Aussi convient-il, avant toute exploitation statistique de ces échelles, de tester l'homogénéité des cotations et d'effectuer s'il le faut les corrections nécessaires sur la population des notes. A fortiori pour ces échelles plus que pour les questionnaires, de tels instruments, s'ils sont d'un grand secours au clinicien pour l'objectivation de ses données (et éventuellement leur quantification) et leur préparation à une exploitation statistique, ne peuvent en aucun cas se substituer à l'examen, et à l'entretien clinique, qui demeure l'essentiel même de la méthode et de l'éthique de la psychiatrie clinique.
(1) Voir Annexe 1
(2) Voir Annexe 2
(3) Voir Annexe 3
Dernière mise à jour : mardi 26 mars 2002 17:10:16 Dr Jean-Michel Thurin