REPUBLIQUE FRANÇAISE
MINISTERE DE L'EMPLOI
ET DE LA SOLIDARITE

DIRECTION DE LA RECHERCHE, DES ETUDES,
DE L'EVALUATION ET DES STATISTIQUES
MISSION RECHERCHE (MiRe)
www.sante.gouv.fr

« SANTE MENTALE » APPEL A PROPOSITIONS DE RECHERCHE

Ce nouveau programme de recherche sur la santé mentale fait suite aux actions antérieures de la MiRe dans le domaine -« pratiques en santé mentale » (1985), « santé mentale et travail » (1987), « médicaments et santé mentale » (1994). Il a pour objectif de mieux comprendre les orientations récentes en matière de santé mentale, dans leurs relations avec les pratiques professionnelles et les institutions sanitaires et sociales -elles-mêmes confrontées aux évolutions de la demande et des normes sociales-, afin de mettre en lumière les enjeux et tensions qui habitent actuellement ces politiques et ces pratiques. A ce titre il est destiné à accompagner et à compléter d’autres initiatives visant à évaluer les pratiques de soins et l’activité des différents professionnels intervenant dans le champ de la santé mentale.

Cinq thèmes sont proposés aux chercheurs :

I- Les infléchissements récents des politiques de santé mentale
II- Nouvelles figures pathologiques ou nouvelles catégories d’analyse et d’enregistrement ?
III- Quelle définition de « la santé mentale » ? Diversité des enjeux et des pratiques sociales et professionnelles
IV- La sectorisation en voie d’achèvement ? Disparité des histoires, des pratiques et des réalisations de secteurs
V- Deux objectifs en retrait : la prévention et la réhabilitation sociale et professionnelle

Conformément aux missions de la MIRE, ce programme fait appel à la recherche en sciences sociales, et n’a pas vocation à soutenir des travaux de recherche clinique, d’épidémiologie ou de recherche bio-médicale. Par contre, il encourage vivement les collaborations entre chercheurs en sciences sociales et praticiens, ou autres professionnels du champ sanitaire et social.

Le point VI précise les « modalités de réponse » à cet appel à propositions de recherche et les critères de sélection des projets.

DATE LIMITE DE DEPOT : 25 SEPTEMBRE 2000


Les envois devront être adressés à : Hèlène LESUEUR, MiRe/DRESS, pièce 2073
Ministère de l’Emploi et de la Solidarité, 11, place des 5 Martyrs du Lycée Buffon
750696 – Paris Cedex 14 - Tél : 01 40 56 82 18

Pour toute information complémentaire : Hélène LESUEUR ou Isabelle BILLIARD
Tél : 01 40 56 82 22 – Email isabelle.billiard@sante.gouv.fr




APPEL A PROPOSITIONS DE RECHERCHE « SANTE MENTALE »

I – Les infléchissements récents des politiques en santé mentale


L’histoire des politiques d’hygiène mentale depuis l’entre-deux guerres semble osciller entre les politiques générales de santé publique plus ou moins articulées à des préoccupations sociales, et les approches soulignant la spécificité des troubles mentaux et de la psychiatrie en tant que discipline médicale.
Les premières formulations d’une politique d’hygiène mentale dans les années 20-40 correspondent à l’apogée de la médecine sociale et des politiques de santé publique (création de dispensaires, dépistage, information, infirmières visiteuses) mobilisées pour lutter contre les « fléaux sociaux ».
Après la guerre et jusqu’aux années 80, les politiques de santé publique marquent le pas en même temps que l’accès aux soins se démocratise et que la médecine se spécialise et s’individualise. C’est également dans les années 45-60 que le mouvement pour la réforme des hôpitaux psychiatriques et le Syndicat des médecins des hôpitaux psychiatriques reprennent le flambeau au nom d’une visée unitaire des pratiques psychiatriques étayée sur une conception dynamique et relationnelle de la maladie mentale. Il s’agit à la fois de transformer l’hôpital et les soins psychiatriques (psychothérapie institutionnelle) afin de « sortir » les malades des hôpitaux psychiatriques et de les suivre au plus près des milieux de vie ; en même temps, de prévenir les maladies mentales en développant une « psychiatrie sociale », certains psychiatres intervenant alors auprès des collectivités (PMI, école, travail, armées, prisons...) au nom de la santé mentale.
Le projet de « sectorisation », élaboré et revendiqué par les psychiatres au nom de la continuité des soins à partir de l’hôpital psychiatrique, est officialisé par la circulaire de 1960, lentement mis en œuvre à partir de 1972, et finalement intégré aux catégories de gestion de l’administration sanitaire et sociale par la loi de 1985.
A partir des années 80, puis au cours des années 90, on a affaire à une configuration nouvelle qui contribue à une redéfinition des enjeux et des orientations concernant à la fois la prise en charge des troubles mentaux et la santé mentale.
- sur le plan scientifique et doctrinal, on assiste à une montée en force des conceptions neuro-biologiques et cognitives des troubles mentaux, comme des comportements humains, tendant à reléguer au second plan les approches dynamiques et la psychopathologie clinique, en particulier les apports de la psychanalyse.
- sur le plan des politiques de santé, on assiste à un redéploiement des politiques de santé publique, lié à l’épidémie de sida et aux nouveaux risques qu’elle met en lumière ( transfusion sanguine, toxicomanies...).
- durant la même période, l’augmentation du « coût de la santé » conduit les gestionnaires à tenter de maîtriser les dépenses de santé, et à rationaliser les dépenses hospitalières (budget global, évaluation des activités et des dépenses) et les actes médicaux.. Cette conjoncture favorise également un mouvement de responsabilisation des individus en matière de santé (réactivation de la lutte contre l’alcoolisme, campagnes anti-tabac, contre l’abus des psychotropes, contre les toxicomanies...) .
- Enfin, ces années correspondent également à une dégradation de la situation socio-économique. Les effets du chômage, les formes de déliaison sociale se traduisent par des manifestations particulières de mal-être et de souffrance psychique. Une partie de cette souffrance est portée sur le devant de la scène à travers la prise en charge de « populations à risques », la lutte contre « l’exclusion sociale» (RMIstes, SDF, familles monoparentales, jeunes en errance), ou du fait de symptômes particulièrement criants (suicides, toxicomanies, alcoolisme, délinquance, violence...). Par ailleurs, la pression des exigences d’autonomie et de responsabilité individuelle rend les individus plus vulnérables et les motifs de consultation portent de plus en plus sur les difficultés personnelles ancrées dans le social.

C’est dans ce contexte qu’il convient de resituer et d’examiner la relance des recommandations et orientations publiques en matière de santé mentale au cours des dix dernières années.

Parmi celles-ci, il faut en particulier mentionner :
la loi du 27 juin 90 (hospitalisation libre, hospitalisation à la demande d’un tiers, hospitalisation d’office, injonction thérapeutique) qui se substitue à la loi d’internement de 1838 ;
la circulaire du 14 mars 1990 « relative aux orientations de la politique de santé mentale ». Elle confirme le principe de la sectorisation psychiatrique, encourage la diversité des dispositifs (sectoriels et intersectoriels) de soins, d’accueil et d’écoute des troubles mentaux au plus près des milieux de vie, et met l’accent sur la double vocation d’une politique de santé mentale : lutter contre les maladies mentales, et, d’une façon plus large, « promouvoir la santé mentale au niveau de l’individu, de la famille et du groupe social, ou de la communauté ». Une politique de santé mentale ainsi conçue suppose donc d’associer aux professionnels de santé d’autres acteurs, et d’envisager des formes de partenariat avec les collectivités territoriales et les associations.
La politique affirmée d’intégration de la psychiatrie publique dans le système général de Santé (rapport Massé, 1992 : « Psychiatrie ouverte »). Selon l’esprit de ce rapport, les établissements spécialisés (hôpitaux psychiatriques) seraient conduits, à terme, à disparaître, et avec eux, les effets de segrégation et de stigmatisation attachés aux troubles mentaux. Le secteur serait rattaché à des services de psychiatrie au sein des hôpitaux généraux ou des CHR, ces services prenant en charge les états de crise et la symptomatologie aiguë, comme c’est le cas pour les pathologies organiques ; parallèlement, les soins au long cours de malades chroniques vieillissants, ou de patients dépendants de l’aide de tiers, seraient assurés par des dispositifs médico-sociaux relevant de la gestion extra-hospitalière (maisons d’accueil, foyers). Le schéma préconisé est celui d’un large éventail de structures alternatives d’accueil et de suivi des personnes souffrant de troubles psychiques faisant appel aux ressources du « secteur » psychiatrique, du secteur médico-social, des réseaux ville-hôpital et des associations inscrivant leur action au sein de la cité.

Durant la même période, on note d’autres indices de changement dans l’appréhension et la gestion des troubles mentaux et de la santé mentale :

- réduction progressive de la part de la psychiatrie dans le budget global des hôpitaux généraux.
- rationalisation, évaluation des soins, mise en place d’un PMSI en psychiatrie ;
- limitation prochaine du nombre de psychiatres de service public (certains postes sont déjà vacants et le nombre d’internes en psychiatrie diminue depuis plusieurs années) .
- création du Haut Comité à la santé publique ; disparition pour un temps de la Commission des maladies mentales et du Bureau de la Psychiatrie qui réapparaît sous l’intitulé Bureau de la Santé mentale.


Face à ces évolutions récentes des politiques de santé conjuguant des objectifs d’économie de la santé, de gestion des comportements individuels et de réponse aux effets de problèmes sociaux, il semble donc nécessaire en premier lieu de retracer et d’analyser de façon approfondie l’histoire récente du champ, afin d’éclairer ce qu’il faut entendre aujourd’hui par « politique de santé mentale ».

Dans quelle mesure le champ de la santé mentale tend-il à être considéré comme un domaine d’extension de la santé publique, soumis aux mêmes objectifs, résultats et méthodes d’évaluation, la maladie mentale devenant de son côté « une maladie comme les autres » ?

Les orientations récentes en matière de santé mentale reflètent-elles des formes de prise en compte de nouvelles questions sociales dans les termes et selon les dispositifs de la « santé publique » ?

Dans quelle mesure le modèle français de sectorisation évolue-t-il vers d’autres modèles, en particulier le modèle communautaire, le psychiatre s’effaçant relativement devant d’autres acteurs (généralistes, psychologues, structures associatives) ? Au contraire, la psychiatrie n’est-elle pas plutôt écartelée entre deux fronts : une psychiatrie à dominante thérapeutique polarisée par le soin, le suivi et la réadaptation des personnes souffrant de troubles mentaux, et une mission de santé mentale à dominante socio-sanitaire, voire sociale ?

II - Nouvelles figures pathologiques ou nouvelles catégories d’analyse et d’enregistrement ?


Ajuster le système de soins, d’écoute et d’accueil à la demande et aux attentes des individus suppose de se faire une idée du poids et de la nature des grandes figures de troubles, ainsi que de l’incidence de manifestations qui, sans relever à proprement parler du registre des maladies mentales, n’en signalent pas moins une souffrance psychique, voire les signes avant-coureurs d’un état de crise ou de décompensation qui prennent tout leur sens dans le cadre de politiques de prévention. Or, on ne dispose pas encore de données permettant d’appréhender la santé mentale en population générale.
Face à cette question, les professionnels sont en effet confrontés à une grande hétérogénéité de sources et de définitions.

Les données de l’épidémiologie des maladies et troubles mentaux représentent une de ces sources, encore modestement développées en France. Généralement inspirées des classifications standardisées américaines, elles font une large place aux troubles du comportement. Enfin, si elles permettent d'enregistrer des mouvements de baisse (débilité mentale, manifestations hystériques...) ou d’augmentation (anorexie, boulimie, toxicomanies, symptomatologie de l’agir...) de certains types de troubles, elles ne peuvent prétendre en fournir l’explication.

D’un autre côté, si l’on se tourne vers la clinique, on voit que se combinent actuellement différents modèles -psychogénétique, bio-médical, voire génétique- de la maladie mentale donnant lieu à des classifications nosographiques qui mettent tantôt l’accent sur la structure de la personnalité et du fonctionnement de l’appareil psychique, tantôt sur des ensembles de symptômes.

En outre, les progrès de la psychopharmacologie semblent jouer un rôle décisif dans la définition de classifications standardisées. De fait, ils ont permis d’isoler différentes classes de molécules permettant d’atténuer les symptômes les plus pénibles. Mais ces molécules ont été découvertes par des chercheurs, et diffusées par des laboratoires pharmaceutiques, qui n’avaient pas à connaître les pratiques psychiatriques, ni à s’interroger sur le sens des symptômes pour les patients. Ces découvertes n’en ont pas moins permis un élargissement des outils thérapeutiques à la disposition des praticiens. Du même coup, la psychopathologie clinique, qui part du symptôme pour connaître le sujet, semble concurrencée par une démarche diagnostique, inspirée des diagnostics standardisés comme le DSM III ou la CIM10, et du modèle biologique qui les sous-tend : les symptômes et troubles du comportement sont codés en fonction des médicaments qui permettent de les réduire (psychoses/ neuroleptiques ; troubles anxieux/anxiolitiques ; dépressions/anti-dépresseurs).

Par ailleurs, en matière de santé mentale les travaux épidémiologiques existants ne concernent généralement que les patients répertoriés, c’est-à-dire faisant, ou ayant fait l’objet de soins psychiatriques. Or, une grande part des symptômes à expression psychologique ou psychosomatique, est directement prise en charge par les généralistes. Ce volant de troubles, est alors répertorié de façon très lâche, en particulier à travers les classifications proposées par la documentation que fournissent les laboratoires pharmaceutiques. Faute de diagnostics approfondis, l’augmentation des troubles anxieux et dépressifs ne serait alors qu’un effet en trompe-l’oeil induit par la prescription accrue de psychotropes de la part des généralistes, et de plus en plus à la demande des patients eux-mêmes.

Reste enfin toute une part de troubles et souffrances d’ordre psychique qui ne font pas l’objet de prises en charge mais sont néanmoins signalés par des tiers (médecins du travail, travailleurs sociaux, éducateurs...).

Ainsi, la question se pose de savoir si l’augmentation de la demande en santé mentale traduit un mal-être croissant dans la population, ou si cette augmentation est surtout induite par l’offre de soins et de molécules permettant de domestiquer une gamme extrêmement large de troubles pathologiques et de préoccupations personnelles ?

Au-delà de cette première question, une autre interrogation devrait mobiliser l’attention des chercheurs en sciences humaines et sociales : la symptomatologie des troubles se transforme en effet au fil des époques. En quoi les manifestations psychopathologiques que l’on rencontre aujourd’hui font-elles écho à certaines caractéristiques de la société actuelle, à la façon dont se construisent et se fragilisent la relation aux autres et l’identité de l’individu contemporain ? En rapport avec quelles normes sociales ?
Les réflexions des philosophes ou sociologues qui s’intéressent à l’individu contemporain constituent de premières contributions à ce champ de réflexion.

M. Gauchet, par exemple, met en rapport « un nouvel âge de la personnalité » avec les caractéristiques de la société contemporaine, en particulier la fin de l’autoritarisme et de l’éducation répressive ; la privatisation de la famille et évolution des rôles familiaux ; la déshérence du principe d’universalité et de l’inscription collective au profit de l’affirmation des identités privées ; la captation du lien social par l’Etat ; la juridicisation des rapports interpersonnels aux dépens des formes de civilité. Les nouvelles figures de pathologie de la personnalité seraient moins l’expression de conflits intra-psychiques que des troubles de l’identité, des formations psychopathologiques du rapport à l’autre (solitude anéantissante, évitement de l’autre comme intrinsèquement menaçant) et une symptomatologie de l’agir.
Pour sa part, A. Ehrenberg souligne plutôt les rapports entre l’affirmation de nouvelles normes et comportements sociaux et les symptômes correspondants. La montée généralisée de la norme d’autonomie entraînerait à la fois une extension de la responsabilité et une inflation de la subjectivité . Dans ce contexte, les pathologies du conflit s’estomperaient au profit de pathologies de l’insuffisance, la « panne dépressive » prenant ici valeur de figure emblématique.

Ces articulations complexes du psychique et du social semblent encore peu explorées. Elles font appel aux analyses et réflexions croisées de psychiatres, psychanalystes, philosophes, sociologues, anthropologues, historiens (le courant de la psychologie historique). De telles réflexions collectives devraient permettre de ré-interroger la notion de prévention en prenant en compte la part des significations sociales dans la construction de l’identité psychique et ses manifestations pathologiques.

III - Quelle définition de la « santé mentale » ? Diversité des enjeux et des pratiques sociales et professionnelles


La définition de la santé mentale ne préexiste pas aux opérations par lesquelles elle est constituée en problème à gérer par les pouvoirs publics, en trouble pathologique à soigner par les psychiatres, en souffrance psychique à soulager par les autres professionnels de la santé ou du social, en demande exprimée par les personnes concernées.

Or ces différents points de vue ne se recouvrent que partiellement, ou privilégient certains aspects de la réalité aux dépens d’autres. La santé mentale « dans l’intérêt de tous », sous-tendue par une conception de la normalité et de la conformité aux normes du groupe, ne peut être confondue avec la santé mentale « de chacun » entendue comme capacité d’agir en sujet autonome et de soutenir sa propre existence face aux normes sociales et face au groupe. On peut penser que c’est dans les zones d’écart ou de tension entre ces points de vue qu’apparaissent des reformulations d’enjeux de santé, mais aussi politiques et sociaux.

Un premier axe de réflexion concerne les interactions entre l’expression de la demande et les caractéristiques de l’offre en matière d’écoute et de soins, et l’analyse des disparités constatées.

La demande est généralement posée par les psychiatres comme un préalable nécessaire à toute pratique de soins. Or, toute une part de troubles ou comportements symptomatiques ne fait l’objet d’aucune demande d’aide de la part des personnes concernées. Par ailleurs, la possibilité de formuler le besoin d’aide ressenti est largement tributaire des représentations que l’on se fait des interlocuteurs et des lieux d’écoute potentiels. La difficulté à formuler la demande peut relever de différents facteurs : milieu social, type d’éducation, image repoussoir de l’hôpital psychiatrique comme seul recours imaginé, âge et culture professionnelle du médecin généraliste (qui entend ou non ce genre de demande). Lorsque la demande est formulable, elle peut s’exprimer de différentes façons : demande auprès du généraliste, médiatisée ou non par des troubles fonctionnels, demande explicite de psychotropes, voire recours direct à un psychiatre privé, une consultation publique, un psychothérapeute, un psychanalyste. Le mode de recours retenu dépend à la fois de l’existence de l’offre de soins (pas de psychothérapeutes privés et peu de psychiatres libéraux dans les petites villes ou les zones rurales), et de la gravité des troubles (généraliste/ consultation psychiatrique/ hospitalisation). En outre, la demande peut constituer une démarche délibérée du sujet, ou être une réponse à l’insistance des proches ou d’autres professionnels (médecin du travail, travailleurs sociaux, médecin scolaire...), voire être d’abord la demande d’un tiers (HDT/HO). Enfin, cette demande initiale est souvent orientée vers un autre spécialiste (psychiatre libéral, psychothérapeute, CMP, service hospitalier). Là encore, l’orientation dépend à la fois de la diversité de l’offre locale et de la culture professionnelle du praticien de référence. Autrement dit, la demande exprimée est à la fois élaborée par le sujet dans sa rencontre avec tel ou tel type de praticien, et recodée dans les termes de la pratique et de la doctrine de ce praticien.

La première tâche consiste ici à mieux comprendre les interactions de facteurs qui rendent compte de la façon dont les demandes en matière de santé mentale trouvent à s’exprimer pour la première fois, ainsi que leur destin ultérieur en termes d’aide et de soins (filières, stratégies de soins).

Parallèlement, selon les différents segments de l’offre de soins, les prises en charge sont centrées sur certaines pathologies ou troubles mentaux, ou certaines séquences de ces troubles.
Les généralistes, les psychiatres libéraux, la psychiatrie hospitalière ne reçoivent pas les mêmes types de patients et de demandes. Il convient donc de rechercher les données qui permettent d’éclairer la diversité des pratiques en santé mentale et les présupposés qui légitiment ces pratiques aux yeux des acteurs eux mêmes.

Si l’on connaît pour partie le champ d’intervention et la clientèle des psychiatres de secteur public à travers l’activité des services intra et extra-hospitaliers et les fiches de suivi des malades, par contre on sait peu de chose sur les pratiques des psychiatres libéraux et celles des généralistes.

- Concernant les psychiatres libéraux, il serait utile de connaître les critères d’implantation d’un cabinet, les caractéristiques socio-économiques de la clientèle, les profils de troubles et pathologies prises en charge, les pratiques thérapeutiques (temps/patient ; durée des traitements ; chimiothérapies associées ou non à la psychothérapie ; psychothérapies analytiques, cognitives, comportementales ; relaxation ; psychanalyse) ; mais également les relations établies avec les généralistes et le secteur hospitalier ; les activités en institutions, les relations avec les associations afin de savoir si la psychiatrie libérale participe également de réseaux de soins ou d’échanges, et sous quelles conditions.

- De leur côté, les généralistes reçoivent dans leur cabinet des patients présentant des « troubles anxieux ou dépressifs » à manifestation psychique ou psychosomatique. Ce volant de symptômes, qui représente une part croissante des motifs de consultations, et une part très importante du champ des soins de santé mentale, contribue également à la définition et à l’extension du champ de la santé mentale par le corps médical.
Mais face à ces expressions de troubles ou de mal-être, et d’une demande d’écoute plus ou moins voilée ou formulée, le généraliste est souvent mal armé pour clarifier les motifs de la demande et établir un diagnostic psychopathologique. Faute de formation approfondie en la matière, et faute de temps, il s’efforce de caractériser les symptômes et de les atténuer en prescrivant les médicaments qu’il connaît et maîtrise au mieux, voire en répondant à la demande de prescription de tel ou tel médicament de la part du patient, mais aussi parfois en négligeant l’existence de troubles graves sous-jacents. Or, on sait peu de choses sur les pratiques en la matière.
Il serait donc intéressant de mieux connaître cette part de l’activité des médecins généralistes : leurs connaissances psychiatriques et leurs exigences en matière de formation ; la façon dont ils conduisent leur entretien, construisent leur diagnostic, répondent aux demandes de prescription du patient ; dans quels cas ils décident d’orienter le patient vers une consultation psychiatrique, vers d’autres spécialistes (médecine d’organe, psychiatres, psychothérapeutes, « médecines douces ») ou vers les urgences psychiatriques.

Mais, le champ de la santé mentale ne peut se résumer à la demande d’aide et de soins et à leur prise en charge.
En effet, toute une part du mal-être individuel plus ou moins lié aux transformations de la société et au contexte socio-économique (sur-adaptation, marginalisation) ne fait l’objet d’aucune demande subjective ou objective, mais s’exprime ailleurs ou autrement : somatisations, décompensations, addictions, délinquance, violences....

Par ailleurs, une autre part correspond à une souffrance psychique ressentie mais inexprimée faute d’interlocuteurs, ou inexprimable (sujets traumatisés, isolés, en position de repli défensif, de vulnérabilité ou d’exclusion sociale). L’existence de cette souffrance est souvent perçue et signalée par d’autres professionnels de la santé ou du social : médecins scolaires, enseignants, médecins du travail.
Si l’on retient les témoignages des médecins du travail, il apparaît que les nouvelles exigences en matière d’emploi et de travail, les pressions exercées sur les salariés et les logiques de compétition et de concurrence sont à l’origine de manifestations de plus en plus fréquentes de décompensations et de souffrance psychique parmi les salariés. Toutefois, ces constats sortent encore peu du champ clos de la médecine du travail, de l’ergonomie, de la psychiatrie ou de la psychopathologie du travail.

Par contre, une part de cette souffrance inexprimée est portée sur le devant de la scène dans la mesure où elle croise d’autres actions politiques et sociales : prise en charge des « populations à risques », lutte contre l’exclusion sociale. De fait, les travailleurs sociaux, chargés de suivre les dossiers de RMIstes et les personnes en situation d’isolement et de détresse sociale sont eux-mêmes mis en difficulté par le nombre de personnes qu’il leur est de plus en plus difficile de « contractualiser » ou d’ « insérer ». La « démarche de soins » promue au rang de projet d’insertion, et l’ampleur d’un phénomène social qui dépasse leur champ de compétences, les conduisent souvent à poser les problèmes en termes médicaux et à faire appel aux psychiatres pour les éclairer dans leur pratique, voire pour leur demander de prendre en charge certains de leurs « clients ».
De leur côté, les psychiatres de service public ne sont pas toujours disposés à s’engager dans des pratiques qui sortent des prises en charge habituelles et font appel à des modalités d’intervention spécifique. En outre, ils sont eux-mêmes confrontés aux problèmes de réinsertion sociale (Cf. thème V) de leurs anciens malades qui, lorsqu’ils sont trop isolés et sans ressources, rejoignent souvent les exclus pour cause de « handicap », faute de moyens d’accueil et de soutien appropriés. Le brouillage des frontières entre le social et le médical ferait finalement apparaître une frange de « handicapés sociaux » que se renvoient psychiatres et travailleurs sociaux.
Dans la mesure où il est difficile de faire la part des fragilités individuelles et celle des causes sociales (conditions de vie : salariales, matérielles et sociales), la souffrance des précaires et des exclus devient finalement l’enjeu de discours et de pratiques qui tendent à traduire « la nouvelle question sociale » en termes individuels et sanitaires.
Ces derniers constats conduisent à s’intéresser à deux questions complémentaires :

Dans quelle mesure et par quels mécanismes l’accent mis sur la souffrance psychique des exclus (plutôt que celle de nombre de salariés) participe-t-il à la médicalisation de la « nouvelle question sociale » ? Quelles en sont les conséquences sur les modes de prise en charge ?
Par ailleurs, les actions visant à atténuer la souffrance psychique liée à la « désaffiliation sociale » donnent peu à peu naissance à une clinique psycho-sociale, recouvrant des initiatives éparses, hétérogènes et peu formalisées. Il serait intéressant d’établir un état de ces initiatives, afin de voir quels lieux, types d’écoute, modalités de réhabilitation sociale, remobilisation active sont proposés, et leurs présupposés. Par quelles formes d’engagement, quels professionnels ou écoles sont-elles portées ?

Enfin, on peut se demander si derrière la définition (toujours implicite) de ce que l’on entend par « santé mentale » on n’a pas affaire à des conceptions différentes de la part des professionnels selon les segments de la demande auxquels ils sont confrontés. Est-ce que cette segmentation ne contribue pas à occulter une approche de la santé mentale visant à « tenir ensemble » enjeux personnels et projet collectif ?


IV - La sectorisation en voie d’achèvement ? Disparités des histoires, des pratiques et des réalisations des secteurs


Le principe de la « sectorisation » préconisé par les psychiatres, et officialisé par la circulaire de 1960, postulait l’unicité de la prévention, des soins, de la post-cure et de la réhabilitation sociale des malades mentaux. Trente ans après la mise en œuvre de la « sectorisation », on constate de grandes disparités de pratiques et de fortes inégalités de moyens entre les quelques 800 secteurs inscrits sur la carte hospitalière, qu’il conviendrait ici d’apprécier et d’analyser.
La possibilité de mettre en œuvre, au niveau départemental, des coopérations différenciées, souples et coordonnées en matière de soins et de prévention en santé mentale suppose donc de mettre en lumière les obstacles à cette coordination ainsi qu’à une plus grande lisibilité du système par les usagers.

Parmi ces obstacles, un certain nombre sont d’ordre structurel :

- Superposition de découpages territoriaux et de niveaux de compétence administrative (régionaux pour le Schéma d’Organisation sanitaire ; par « secteurs » de 70 000 habitants pour la psychiatrie ; départemental pour les politiques de DDASS ; communaux et départementaux pour l’instruction des dossiers de RMI; communal pour les politiques municipales ciblées en matière de santé, etc...). A cela il faut ajouter la disparité des prises en charge : Assurance-maladie pour les soins; aide sociale et aide de l’Etat pour l’hébergement médico-social, la réinsertion professionnelle.

- Ancienneté différenciée et environnement sanitaire des différents secteurs : existence ou non d’un ancien asile, de clinique psychiatrique privée, de praticiens libéraux ; implantation plus moins récente des équipements extra-hospitaliers et diversification des équipements, nombre d’ETP de psychiatres par secteurs, définissant des combinaisons différenciées de moyens en lits, en places et en praticiens.

- Poids des principes et logiques de budgétisation. L’évaluation des coûts et des activités centrés sur l’activité hospitalière sous-estime les coûts de l’activité extra-hospitalière et tend à privilégier l’activité dans les structures au détriment de l’activité ambulatoire pourtant destinée à réduire le coût des hospitalisations. Le même problème se pose évidemment en termes de personnel.
Il faut en particulier s’interroger sur les effets de la budgétisation hospitalière sur la prise en charge et le suivi des patients dans un domaine de la médecine où l’évolution des troubles est imprévisible, souvent réversible, et où le soin s’inscrit souvent aussi dans la longue durée.
On peut se demander si les secteurs rattachées à des hôpitaux généraux ne sont pas limités dans leurs moyens de déploiement extra-hospitalier du fait de la pression exercée par les autres services hospitaliers ( aménagements internes, équipement médical de pointe, demande de personnel intra-muros).
Le modèle d’activité proposé par le PMSI, pose à cet égard un certain nombre de problèmes : la durée moyenne de séjour a-t-elle ici la même signification que pour les pathologies organiques ? Sur quels critères définir des groupes homogènes de malades ? Comment standardiser l’acte médical, les soins infirmiers, quand les psychiatres considèrent que la dimension relationnelle (écoute, engagement psychothérapique, accompagnement, continuité) constitue la part essentielle du soin ? Quels sont les outils d’information et de gestion alternatifs proposés par les praticiens ?

- Augmentation de la demande globale, diversification des activités et des échanges.
Bien que le nombre global de psychiatres de secteur public ait fortement augmenté au cours des dix dernières années, il ne semble plus suffire, dans certains secteurs, à assurer l’accroissement de la « file active ». Ce déséquilibre reflète sans doute des configurations locales différenciées qu’il faudrait analyser (forte attraction des grandes agglomérations urbaines pour les psychiatres et les internes en psychiatrie ; postes vacants dans un certain nombre de secteurs) – (Cf. « L’offre de soins en psychiatrie », DREES/ Etudes et Résultats, n°48, janv. 2000).
De façon plus large, ce déséquilibre est peut-être la traduction de la multiplication et de la diversification des tâches qui incombent désormais aux psychiatres et aux équipes de secteur : psychiatrie de liaison, urgences psychiatriques, augmentation des relations avec les inter-secteurs (infanto-juvéniles- gériatriques) ; suivi thérapeutique personnalisé et temps de coordination des équipes travaillant dans des lieux thérapeutiques différents ; services contractualisés avec le secteur socio-sanitaire ; tâches de transmission et de formation auprès des acteurs du travail social (foyers de jeunes travailleurs, CHRS, écoles....).
A ce titre, il serait utile d’avoir une meilleure connaissance de ce qui fait « l’ordinaire » du psychiatre, de l’infirmier dans les secteurs : non pas tant mesurer l’activité, mais mieux connaître le contenu du travail de l’équipe soignante en psychiatrie (y compris le temps consacré aux tâches administratives, suivi des dossiers).

- Outre ces raisons d’ordre structurel, il convient de s’interroger sur ce qui fonde la disparité des pratiques et des modes de prise en charge selon les secteurs.

Le cadre légal prévoit une marge d’initiative permettant l’ajustement aux réalités locales (créations prioritaires et localisation des équipements extra-hospitaliers et des modalités de suivi)
L’interprétation des marges d’initiative dépend de l’histoire du secteur considéré : certains secteurs, animés par des psychiatres acquis à la cause de la sectorisation ont très tôt connu un fort dynamisme orienté par un projet de secteur et une politique de santé mentale clairement affichés; d’autres n’ont pris leur essor que plus tardivement et ne satisfont encore que partiellement aux critères fondamentaux ( accessibilité des soins, diversité des modalités de soins, continuité du soin).
L’interprétation des textes et recommandations dépend également des hypothèses cliniques du responsable du secteur, de sa conception de la maladie mentale, et des pratiques thérapeutiques qu’il est conduit à privilégier (part du médicaments/part de la relation et de la construction de liens) ; degré d’engagement des soignants dans les soins (psychothérapie institutionnelle, analytique/psychothérapies comportementales, cognitives... ; pratiques de groupe dans les lieux de soins à temps partiel (objectifs, méthodes, formation).
Il serait utile d’apprécier dans quelle mesure certains secteurs privilégient l’activité hospitalière, les thérapies brèves visant les pathologies de crise et orientent les troubles au long cours vers les institutions de long séjour ou vers les familles ; d’autres privilégient le long terme, la restauration des liens et la restructuration du sujet, et son suivi dans différentes structures grâce à des échanges constants entre les membres de l’équipe soignante ; d’autres encore consacrent une part importante de leur activité aux besoins de la population générale et aux attentes des autres acteurs sociaux (élus, travailleurs sociaux, éducateurs, institutions médico-sociales) et privilégient la question des interactions dans le champ social ?

Enfin, cette capacité d’ajustement dépend également du fonctionnement et des modalités de coordination de l’équipe soignante (souhait et possibilité de défendre un projet commun et d’assurer le suivi thérapeutique individuel/ atomisation d’espaces et de pratiques de soins sans échanges entre équipes).

A côté du projet élaboré au sein de l’administration pour évaluer les pratiques de secteur, il semble nécessaire d’envisager d’autres méthodes d’observation tenant notamment compte de la dynamique temporelle des secteurs. Il s’agirait ici de faire un travail descriptif et comparatif de secteurs correspondant à des étapes semblables de leur développement et mettant en lumière : l’ancienneté de la mise en œuvre et l’existence d’un projet de secteur ; les modalités de rattachement ; les équipements de santé mentale préexistants sur le secteur (hôpital psychiatrique, cliniques privées) ; les caractéristiques et l’évolution socio-démographique et socio-économique du secteur ; la composition et les modes d’échanges et de fonctionnement de l’équipe soignante ; les méthodes thérapeutiques et type de prises en charge privilégiés ; les équipements extra-hospitaliers déjà réalisés ; les relations instaurées avec d’autres institutions et partenaires ; les obstacles rencontrés dans la réalisation des projets ; les objectifs à moyen terme ; les changements opérés dans la « culture » de secteur.

Par ailleurs, au fur et à mesure des nouvelles recommandations faites aux responsables de secteur (circulaires de 90, 92, 98, nouvelle circulaire 2000), ceux-ci sont contraints à faire des choix et à opérer des priorités en fonction des objectifs qu’ils se donnent à court et moyen terme.
Une meilleure compréhension des pratiques de secteur gagnerait sans doute à être couplée à une évaluation des mesures relatives à la santé mentale promues par les pouvoirs publics et les sollicitations parfois contradictoires qui peuvent en résulter pour les équipes soignantes (rationalisation des pratiques soignantes et démultiplication des pratiques d’assistance, de coopération, de prévention, de formation dans le champ social ; insistance des pouvoirs publics pour que soient créées les structures homologuées par l’arrêté de mars 86, et résistances manifestées par les instances administratives locales ou régionales).
On peut également se demander si les recommandations récentes visant à « déspécifier » la psychiatrie au nom de la promotion de la santé mentale ne contribuent pas pour partie à aiguiser les incertitudes d’une profession tiraillée entre la fidélité à la perspective dynamique, et le retour à une psychiatrie organiciste (ou symptomatique) ayant surtout recours à la chimiothérapie et aux thérapies brèves ; profession également partagée entre son attachement à ses missions de soins, et la disponibilité requise du « psychiatre-pèlerin » à la disposition de la collectivité.


V - Deux objectifs plus en retrait : la prévention et la réinsertion sociale et professionnelle


- Prévention

La mission de prévention des troubles mentaux, présente dans les textes fondateurs de la sectorisation, et à nouveau encouragée dans les différentes circulaires élaborées depuis 1990, semble rester au rang des préoccupations secondaires.
La première question consiste à voir ce que l’on met derrière la notion de prévention en santé mentale ?
Dans le vocabulaire médical, elle recouvre la prévention primaire, secondaire et tertiaire.
La prévention tertiaire, qui doit permettre que la maladie déjà installée ne s’aggrave, que les troubles soient réduits ou stabilisés, que les malades soient suivis dans le retour vers l’autonomie est la première mission de la psychiatrie de secteur, celle aussi qu’elle assure le mieux.
Par contre, la prévention primaire (action sur les causes de la maladie) ne s’est guère développée. On peut en effet penser qu’en matière de santé mentale la prévention primaire est un objectif problématique : l’incertitude qui règne sur les causes des troubles mentaux et la conjugaison de divers facteurs (biologiques, psychiques, environnementaux) limite les possibilités d’action : les composantes biologiques font actuellement l’objet de nouveaux programmes de recherche ; la part du social (groupes primaires et secondaires, conditions économiques et sociales, significations sociales) dans l’apparition et l’expression des troubles fait appel à des réflexions pluri-disciplinaires encore pratiquement inexistantes. Par ailleurs, si les psychiatres doivent s’efforcer de mieux connaître cette part du social et des causes sociales, celles-ci débordent largement le domaine de compétence de la thérapeutique psychiatrique.
Quant à la prévention secondaire (dépistage précoce des troubles), elle fait actuellement l’objet de nombreuses déclarations et encouragements, faute de satisfaire aux attentes en la matière.
Néanmoins, le terme de prévention est généralement utilisé de façon générique sans que soient clarifiées en même temps d’autres questions : qui et comment prévient–on ? Contre quoi, ou contre qui ? En fonction de quelles exigences éthiques ou de quelles normes sociales?
C’est sans doute en s’appuyant sur l’analyse de problèmes particuliers ( prévention des troubles de la petite enfance et de l’adolescence, tentatives de suicide, troubles des conduites alimentaires... ), qu’il sera possible de mieux comprendre à la fois ce qu’il faut entendre par prévention en santé mentale, et ce qui constitue, dans chaque cas, les limites actuelles de l’action.

- Réinsertion sociale et professionnelle

La réadaptation sociale supposait que soient créés des lieux intermédiaires assurant une étape de transition entre l’hospitalisation et l’existence autonome (avec ou sans famille). Progressivement des foyers de post-cure, des appartements thérapeutiques, des appartements collectifs ont été créés, mais leur nombre reste insuffisant.
La réinsertion professionnelle, réalisable en période de plein emploi moyennant certains aménagements spécifiques (ateliers protégés, réglementation sur l’emploi des personnes handicapées) et la création de centres spécialisés (CAT, ateliers thérapeutiques, centres de réadaptation professionnelle) est devenue de plus en plus difficile faute de places dans les institutions spécifiques, d’une part, et du fait des transformations du marché du travail et des exigences de performance, d’autre part. Les malades mentaux demeurent des individus stigmatisés, et leur « employabilité » est d’autant plus problématique qu’ils sont en concurrence avec un grand nombre de demandeurs d’emploi.
Enfin, l’AAH a permis une relative autonomie financière, mais tous les malades n’en bénéficient pas.
Ainsi un nombre important d’anciens malades mentaux, partiellement autonomes, sont aujourd’hui à la charge principale de leur famille, ou isolés et parfois démunis de tout moyen d’existence (un certain nombre de SDF). La réhabilitation sociale, reposant sur la diversité des interactions et des interlocuteurs est ainsi largement compromise.

Etant donné la charge de soutien qui incombe aujourd’hui à de nombreuses familles, et le rôle essentiel du secteur associatif dans les perspectives de réinsertion des malades mentaux, il conviendrait de s’intéresser de façon prioritaire :

- aux trajectoires de malades : âge et durée de la première hospitalisation, existence ou non d’une famille ou d’un conjoint assurant un rôle de soutien effectif ; lieux de vie alternatifs successifs (institutions de soins ou de réinsertion ; placements familiaux ; appartements thérapeutiques ; retour à la vie familiale ; ré-hospitalisations... ); éligibilité à l’AAH ou non, ruptures des droits ; démarches de réinsertion professionnelle : emplois standards ou protégés, ateliers protégés, CAT ; demandes et refus d’emplois, de placement ; ruptures et motifs de la rupture ; repli sur la famille ou vers des centres d’hébergement ; logement de fortune, moyens d’existence... L’analyse de ces trajectoires devrait permettre de mettre en lumière les demandes et exigences parfois conflictuelles ou contradictoires qui s’établissent entre le patient, la famille et les institutions de soins ou de réinsertion sociale.

- à une meilleure connaissance du secteur associatif engagé dans ces actions : - part des associations institutionnelles faisant fonction de service public, et fonctions principales ( post-cure, accompagnement, clubs de malades, ateliers protégés...), conditions de développement, type de contrat avec l’Etat et modalités de subventions... ; - part de petites associations soutenant des projets d’accompagnement destinées à valoriser l’activité et l’autonomie du sujet, voire entreprises intermédiaires (restaurant coopératif, dépôt-vente, restaurations de bâtiments...) : modalités de ressources, relations avec les secteurs, principes de fonctionnements, obstacles rencontrés, freins au développement de l’activité...


ELEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES


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BAILLON, G, « Questions sur la santé mentale », note à l’attention de la MiRe, janvier 2000.
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ZARIFIAN, E, Les jardiniers de la folie, O. Jacob, 1988.

VI – MODALITES DE REPONSE


1 –Critères de sélection des projets


- La sélection des projets portera à la fois sur la qualité de la problématique développée et sur le caractère novateur de la recherche proposée.
- A ce titre cet appel d’offre s’adresse au milieu de la recherche en sciences sociales et à des équipes de recherche confirmées, ayant déjà travaillé sur ces thèmes ou des thèmes connexes.
- Cependant, étant donné les relations étroites qui unissent sciences médicales et sciences sociales dès lors qu’il s’agit de psychiatrie et de santé mentale, une attention particulière sera portée à toute équipe proposant une collaboration étroite avec les praticiens du secteur de la santé (public et privé), ou avec les professionnels du domaine socio-sanitaire ou social.

2- Trois modalités de réponse : proposition de recherche ; contrat de définition ; projet de séminaire de recherche


- proposition de recherche

Les chercheurs sont invités à présenter :
. l’objet de leur recherche et la situation de la recherche par rapport aux travaux existants
. la problématique de la recherche en une dizaine de pages
. la méthodologie qu’ils comptent mettre en œuvre, ainsi que les terrains retenus, voire les contacts déjà établis avec leurs interlocuteurs
. leur expérience dans le domaine ou des domaines voisins (travaux de références)
. l’équipe de recherche et (selon l’objet proposé) les formes de collaboration avec des praticiens.

- contrat de définition

Les chercheurs peuvent proposer un travail exploratoire visant à approfondir une problématique et à tester la faisabilité d’une recherche ultérieure sur un des thèmes ou questions présentés dans l’appel d’offre.
L’objet et le projet doivent donner lieu à une présentation de 6 à 8 pages.
Le financement demandé ne peut excéder 50 000 F TTC, sans engagement de la MiRe sur un financement ultérieur.

- projet de séminaire de recherche

Les chercheurs peuvent enfin présenter un projet de séminaire de recherche.
L’objet du séminaire, les participants envisagés, les résultats attendus (et débouchés éditoriaux éventuels) doivent l’objet d’une présentation en quelques pages.
Le financement ne peut excéder 50 000F TTC.

3 – Pièces du dossier


Dans tous les cas, les chercheurs doivent joindre à leur projet :
- le dossier administratif et financier (ci-joint)
- un CV des chercheurs
- un résumé de leur projet


Dernière mise à jour : mardi 26 février 2002 8:09:49

Dr Jean-Michel Thurin