I. Rappel des objectifs du réseau
II. Développement du réseau
III. Résultats obtenus
IV. Soutien apporté par le réseau
V. Perspectives
2 - Annexes
I - Réunions du Réseau
II - Bilan financier
III - Publications
IV - Copie des publications les plus représentatives des travaux du réseau
V - Thèses
La recherche poursuivie dans le cadre de ce réseau porte sur l'approche neurobiologique des processus pathologiques impliqués dans les troubles du développement avec handicap mental chez l'enfant. Les travaux ont concerné un ensemble de déficiences mentales précoces : retards, troubles " envahissants " du développement du DSM-III-R (1987) comprenant l'autisme ainsi que des troubles plus spécifiques du développement correspondant notamment aux troubles du langage. Ils sont plus spécialement centrés sur l'autisme, ce syndrome étant la forme la plus globale et la plus sévère des inadaptations comportementales apparaissant dès les premiers mois de vie.
Notre but est d'identifier et d'évaluer les dysfonctionnements neuropsychologiques et neurophysiologiques de base sous-jacents dans ces désordres mentaux précoces et d'en préciser la nature à l'aide des nouvelles méthodes de l'imagerie cérébrale fonctionnelle notamment.
Nos précédentes études cliniques, électrophysiologiques et d'imagerie fonctionnelle indiquent que, chez l'enfant autiste, les désordres relationnels sont d'emblée associés à des anomalies comportementales et cérébrales plus " élémentaires " de l'activité sensori-motrice et cognitive.
Notre travail a pour objectif de confirmer le caractère " primaire " des processus pathologiques mis en évidence chez les enfants autistes à partir de trois ans et d'en préciser la nature.
Cette recherche est conduite selon différentes approches ayant les objectifs suivants :
- identifier les dysfonctionnements comportementaux et cognitifs observables dès la naissance et analyser l'évolution avec l'âge en référence au développement normal;
- en définir la spécificité en appliquant nos explorations à de larges populations d'enfants déficients mentaux avec ou sans autisme;
- rechercher, à partir de ces indices, d'éventuelles anomalies fonctionnelles et morphologiques sous-jacentes témoignant de perturbations du développement de l'encéphale. Dans cette perspective, les explorations d'imagerie cérébrale anatomique et fonctionnelle (IRM, SPECT, PET) seront adaptées, au fur et à mesure des progrès dans ce domaine, pour être appliquées sans inconvénient chez l'enfant.
Ce réseau est bâti sur six centres :
- Deux unités INSERM: U 316 à TOURS, U 259 à BORDEAUX.
- Trois services hospitalo-universitaires de recherche clinique et bioclinique :
D. SAUVAGE à TOURS, Ph. EVRARD à BRUXELLES, G. SALAMON à
MARSEILLE.
-Un service de recherche clinique relié au CEA: A. SYROTA à ORSAY.
EQUIPE A
Pr. Catherine BARTHELEMY
Pr. Léandre POURCELOT
BARRE Monique
BAULIEU Jean-Louis
BRUNEAU Nicole
GARREAU Bernard
GUERIN Pascaline
LARDEUX Annick
LELORD Gilbert
LIORET Danièle
MARTINEAU Joëlle
ROUX Sylvie
EQUIPE D
Pr. Hervé SIMON
Pr. Michel LE MOAL
ABROUS Nora
DELLU Françoise
DEMINIERE Jean-Marie
DEROCHE Véronique
DESJARDINS Sandrine
JODOGNE Marie-Christine
KHAROUBY Martine
MARINELLI Michela
MAYO Willy
PIAZZA Pier Vincenzo
ROUGE-PONT Françoise
VALLEE Monique
EQUIPE B
Pr. Dominique SAUVAGE
ADRIEN Jean-Louis
BOIRON Michèle
COUTURIER Guylène
DANSART Pascale
HAMEURY Laurence
LENOIR Pascal
PERROT Anne
EQUIPE E
Pr. Philippe EVRARD
BONNIER Christine
DE VOLDER Anne
FERRIERE Gérard
GADISSEUX Jean-François
HUFTY Anne-Marie
LYON Gilles
SERNEELS Joséphine
VAN HOUT Anne
EQUIPE C
Dr. Yves SAMSON
Pr. André SYROTA
ZILBOVICIUS Monica
EQUIPE F
Dr. Noriko MURAYAMA
Pr. Georges SALAMON
MAMERA Luis
PERETTI-VITON Paule
LEVRIER Olivier
Equipe A: C. BARTHELEMY, INSERM U. 316 - TOURS
L'équipe de Neurophysiologie du Développement est tout spécialement chargée de l'évaluation des fonctions neurophysiologiques chez l'enfant par les méthodes cliniques et d'exploration cérébrale électrophysiologique et vasculaire.
- Evaluation des fonctions -. échelles de comportement, vidéo, épreuves neuropsychologiques spécifiques (BARTHELEMY, C., GUERIN, P.).
- EEG, cartographie, potentiels évoqués (BRUNEAU, N., MARTINEAU, J., GARREAU, B.).
- Flux sanguins cérébraux par Doppler transcrânien (BRUNEAU, N.)
Une ingénieur de recherche (ROUX, S.) gère les systèmes, le réseau informatique et crée les logiciels pour l'ensemble des données cliniques et biologiques des six groupes, le tout étant centralisé à TOURS.
Equipe B: D. SAUVAGE, CHU Bretonneau - Clocheville - TOURS
L'activité de ce groupe de recherche clinique est centrée sur le tout-petit et en particulier sur la mise au point de techniques permettant le repérage et l'évaluation des dysfonctionnements comportementaux précoces, notamment à partir des films familiaux.
Au sein de cette équipe, composée de pédopsychiatres, psychologues, orthophoniste, sont élaborés et appliqués divers instruments (tests, échelles, fiches cliniques) pour l'évaluation comportementale et cognitive au cours du développement précoce.
Equipe C: Y. SAMSON, SHFJ - CEA ORSAY
Le service du Pr. A. SYROTA met à la disposition du réseau, à proximité de TOURS, un plateau technique d'imagerie cérébrale, très complet, performant et adapté à l'examen des enfants.
C'est par cette équipe que sont réalisés les examens d'imagerie anatomique et fonctionnelle par IRM, SPECT et PET (SAMSON, Y., ZILBOVICIUS, M.).
Equipe D: H. SIMON, INSERM U. 259 - BORDEAUX
Cette équipe est spécialisée dans l'étude psychobiologique des comportements adaptatifs chez l'animal. Elle intervient aux étapes de la mise au point des protocoles, de l'application de techniques spécifiques et de l'interprétation des résultats en tenant compte des résultats expérimentaux de la neurophysiologie des comportements chez l'animal :
- au cours du développement et du vieillissement (ABROUS, N., DELLU, F., MAYO, W., VALLEE, M.);
- en fonction des modifications précoces de l'environnement (DEMINIERE, J.M., DEROCHE, V., MARINELLI, M., PIAZZA, P.V.).
Equipe E: P. EVRARD, Service de Neuropédiatrie - UCL BRUXELLES
Avec ce groupe de recherche clinique en neuropédiatrie, les travaux menés depuis de nombreuses années concernent l'évaluation neuropsychologique des dysfonctionnements comportementaux et cognitifs (VAN HOUT, A., BONNIER, C., GADISSEUX, J.F., HUFTY, A.M.).
C'est aussi en collaboration avec ce groupe que sont effectués les examens anatomo-pathologiques (LYON, G.).
Equipe F: N. MURAYAMA, CHU La Timone - MARSEILLE
Un axe de recherche en imagerie anatomique s'est progressivement dégagé au cours du précédent contrat et a suscité de nouvelles et fructueuses collaborations.
La collaboration des équipes d'ORSAY et de TOURS avec celle du Pr. SALAMON à MARSEILLE a permis le développement de méthodes originales pour l'analyse des images cérébrales et cérébelleuses obtenues par résonance magnétique nucléaire (travail de N. MURAYAMA). Les régions d'intérêt sont déterminées et digitalisées sur l'IRM. Elles sont ensuite superposées aux images fonctionnelles obtenues par SPECT et PET ; ceci permet d'étudier le fonctionnement cérébral dans des régions anatomiquement définies.
Un programme de reconstitution tridimensionnelle des structures cérébrales et cérébelleuses étudiées est en cours.
Philippe EVRARD a été nommé Professeur des Universités, Praticien Hospitalier en Pédiatrie au C.H.U. Robert Debré, PARIS.
Pascaline GUERIN a été nommée assistant hospitalo-universitaire en Physiologie au C.H.U. de TOURS.
Gilbert LELORD a pris sa retraite ; Catherine BARTHELEMY lui succède pour la responsabilité de l'équipe n° 3 de l'Unité INSERM 316.
Pascal LENOIR a été nommé Praticien Hospitalier au C.H.S. de POITIERS.
Yves SAMSON a été nommé Professeur des Universités, Praticien Hospitalier en Neurologie au C.H.U. Pitié-Salpétrière.
Monica ZILBOVICIUS a été recrutée par l'INSERM comme Chargée de Recherche 1ère classe et affectée à l'Unité 316, équipe n° 3. Elle a reçu le Prix de la Société Circulation et Métabolisme du Cerveau, 1994.
Grâce à sa pluridisciplinarité, notre réseau a participé à la mise en évidence de faits nouveaux concernant notamment les déficiences fonctionnelles précoces de l'autisme, les particularités du développement neuropsychologique et neurophysiologique dans ce syndrome. Nos résultats ont d'ores et déjà contribué à la mise en place de soins précoces mieux adaptés.
ADRIEN et ai., 1993 (a), 1995
Ces études ont permis de faire progresser à la fois la connaissance des signes précoces et la mise au point de méthodes d'évaluation adaptées au tout-petit: L'ERCN (Evaluation Résumée du Comportement du Nourrisson) est spécialement adaptée à l'analyse des troubles précoces. Des anomalies portant sur la motricité (activité spontanée, tonus, mouvements inhabituels, activité corporelle particulière), le domaine sensoriel (adéquation du regard, attention, orientation auditive, sensibilité au tact), la régulation des instincts (alimentation, sommeil) ont été mises en évidence dès les premières années.
Les comparaisons effectuées avec des enfants normaux ou retardés montrent que, dès la première année, la sémiologie la plus spécifique de l'autisme est déjà au premier plan. Les perturbations affectent la socialisation, la communication, l'attention, la perception, l'association cross-modale. Ces troubles sont plus marqués et la sémiologie plus complète au cours de la deuxième année.
ADRIEN et ai., 1993 (b); BARTHELEMY et ai., 1994
Un premier travail portant sur l'évaluation du développement des fonctions neurocognitives souligne la discordance entre les différents domaines de la connaissance et de la communication chez les enfants autistes : alors que ces enfants peuvent être à l'aise dans les manipulations d'objet, ils présentent un retard des acquisitions des schèmes interactifs et d'attention mutuelle.
Ces évaluations montrent que la " dysrégulation " des comportements est notable chez ces enfants : les interruptions, les répétitions d'actions, les modifications du rythme des actions (lenteur en particulier), leur irrégularité et leur incoordination spatio-temporelle sont très fréquentes.
Des études fonctionnelles comparatives avec des groupes d'enfants retardés mettent en évidence dans l'autisme un trouble caractéristique et spécifique du maintien des schèmes cognitifs et une grande variation dans leur utilisation.
Ce trouble commun à la pathologie autistique affecte, de façon plus ou moins marquée selon les individus, les secteurs sensoriels, moteurs, de la communication et des émotions qu'il a été nécessaire d'évaluer à l'aide des méthodes cliniques et électrophysiologiques développées par l'équipe.
3.1. Evaluation des déficiences
BARTHELEMY et al., 1996; ROUX et al., 1995
A partir de l'échelle ECA, un regroupement préliminaire des items en fonctions a permis pour chaque enfant d'établir un " portrait " fonctionnel individuel immédiatement explicite et communicable qui s'intègre dans l'évaluation clinique multidimensionnelle. Par ailleurs, cette interprétation fonctionnelle de l'ECA a été confortée par les résultats des explorations fonctionnelles et biologiques.
Une nouvelle version de l'échelle ECA a été validée. L'application de cette échelle à de larges populations d'enfants ayant un trouble du développement a permis de mettre en évidence des sous-groupes d'autisme dont les dysfonctionnements sont soit diffus, soit prédominants dans la sphère sensori-motrice.
3.2. Perturbations de la fonction auditive
BRUNEAU et al., 1993; GARREAU et al., 1994 ; ZILBOVICIUS et al., 1995.
Des fonctions sensorielles, la fonction auditive est celle qui offre le plus large éventail d'explorations : aussi bien clinique que fonctionnelle, analyse temporelle par l'électrophysiologie et analyse anatomo-fonctionnelle par l'IRM et le SPECT.
ý Explorations électrophysiologiques
Ce travail a nécessité une étude préalable de la maturation de la fonction auditive chez l'enfant normal.
Cette fonction a été explorée par des méthodes neurophysiologiques (potentiels évoqués enregistrés au niveau du tronc cérébral -PEATC- et au niveau cortical -PEAC- réactivité circulatoire mesurée par Doppler transcrânien et par SPECT). Les résultats ont été confrontés aux données cliniques (réactions comportementales aux stimulations auditives ; évaluation de la communication préverbale et verbale).
Au niveau cortical, les réponses obtenues chez l'enfant normal (onde biphasique positive-négative qui prédomine au niveau temporal) sont très différentes de celles obtenues chez l'adulte (négativité qui prédomine au niveau fronto-central). La confrontation avec les données de la littérature permet de supposer que les réponses temporales observées chez l'enfant correspondent à l'activation des aires auditives associatives.
A l'âge de 4-8 ans, les enfants autistiques diffèrent des enfants normaux principalement au niveau temporal. Les réponses sont d'amplitude plus faibles et ceci de façon plus marquée à gauche aux fortes intensités de stimulation. Cette hyporéactivité gauche confirme les résultats obtenus par l'étude de la circulation cérébrale (Doppler et SPECT) lors d'activation par des stimulations auditives fortes.
L'étude clinique a permis d'évaluer les perturbations du comportement audit ' if (enfants hypo ou hyper-réactifs au monde sonore) et l'importance des troubles de la communication chez ces enfants. Les confrontations des données électrophysiologiques et cliniques montrent que l'amplitude des réponses temporales est la plus faible chez les enfants caractérisés par une hyporéactivité au monde sonore et par des troubles graves dans le domaine de la communication verbale et non-verbale.
L'étude chez l'enfant autistique jeune (2-4 ans) montre que les anomalies électrophysiologiques portent sur les réponses temporales ainsi que sur les réponses fronto-centrales.
ý Explorations SPECT
De par son innocuité et son temps d'acquisition bref, la mesure des débits sanguins cérébraux (DSCR) par la méthode du SPECT couplée à l'IRM se prête bien à l'étude de la perception auditive chez l'enfant.
La mesure des DSCR par injection de Xénon 133 effectuée sous prémédication n'avait pas permis de mettre en évidence de différence entre le groupe témoin et le groupe autiste au repos, sauf dans la tranche d'âge de 3 à 5 ans pour laquelle on observe chez les enfants autistes un débit significativement plus faible dans la région associative plurimodale antérieure. En revanche, sous l'effet de stimulations sensorielles simples, nous avons observé une augmentation du débit dans la région associative unimodale auditive gauche dans le groupe témoin et une augmentation du débit dans la région associative plurimodale droite dans le groupe autiste. Les troubles du langage qui, pour certains auteurs, constituent à partir de trois ans la composante principale du syndrome autistique, s'accompagnent d'une réactivité temporale inversée par rapport aux témoins. Plus précocement, les troubles de l'attention sélective notamment auditive, qui prédominent chez le jeune enfant, s'accompagnent d'un hypodébit frontal.
Certaines données sont reprises et détaillées plus loin, paragraphe 4 de cet exposé des résultats.
3.3. Perturbation de la fonction d'association auditivo-visuelle et de sa régulation
LELORD et al., 1994.
Les résultats des études électrophysiologiques portant sur les troubles de l'association auditivo-visuelle (modifications des réponses évoquées auditives lorsque la stimulation auditive est suivie par une stimulation visuelle forte) permettent d'identifier des sous-groupes d'enfants autistes présentant des capacités d'association différentes et de préciser les données de l'examen neuropsychologique. Une étude électrophysiologique de l'association a été mise en place afin d'explorer la réactivité fonctionnelle des enfants. Les principaux résultats confirment que les enfants autistes ne s'habituent pas à la répétition des stimulations et, qu'à l'opposé, ils ne sont pas capables de maintenir au cours du temps les réponses d'association. L'étude des relations entre ces données électrophysiologiques et les données cliniques fonctionnelles confirme chez l'enfant autiste le lien entre les troubles des fonctions d'attention, de perception et les difficultés à maintenir la capacité d'association. Des résultats très différents sont obtenus chez des enfants retardés sans autisme. L'étude des relations entre la réactivité électrophysiologique et un test cognitif tel que le test d'association différée (permanence de l'objet) montre que la difficulté à maintenir une séquence d'actions est en relation avec la difficulté à constituer des associations auditivo-visuelles.
3.4. Mise en évidence des différents profils biocliniques
HAMEURY et al., 1995 - ROUX et al., 1994,1995.
Du fait de la diversité des approches nécessaires et du grand nombre de paramètres biocliniques à prendre en compte, il a été nécessaire de mettre en place une base de données prospectives.
Il s'agit d'un dossier médical spécialisé dont la finalité est à la fois le suivi des enfants et la recherche bioclinique. Il est composé de trente grilles comprenant les informations cliniques, comportementales et biologiques mais aussi des données médico-sociales et familiales.
Le traitement des données a été automatisé pour ce qui concerne le suivi des enfants : études longitudinales à partir de données chronologiques (en particulier par les échelles comportementales), portraits biocliniques à partir de données d'origines différentes.
Pour la recherche clinique (essai thérapeutique, extraction de groupes homogènes d'enfants, validation d'échelles...), le modèle client/serveur a été adopté. Il est basé sur une interrogation interactive et conviviale de la base de données (sur l'ordinateur serveur) à partir des postes de travail (micro-ordinateur client) et sur un accès direct aux applications graphiques et statistiques.
Différents sous-groupes homogènes d'enfants ont ainsi pu être identifiés. Ces résultats confirment l'importance des perturbations de la réactivité auditive chez certains enfants alors que chez d'autres c'est la fonction d'imitation qui est plus particulièrement perturbée.
4. ANOMALIES DU DEVELOPPEMENT STRUCTURAL ET FONCTIONNEL DE L'ENCEPHALE
GARREAU et al., 1993 ; ZILBOVICIUS et al., 1994 1- GUERIN et al., 1993, 1996.
ý Données histopathologiques
Les troubles autistiques pourraient constituer des manifestations cliniques révélatrices d'un dérèglement survenu précocement au cours du développement du système nerveux central, sous l'effet de facteurs génétiques ou environnementaux. Notre objectif est donc de rechercher des preuves directes de ce dérèglement par des études neuropathologiques, quand celles-ci sont rendues possibles.
Ainsi, une étude anatomopathologique a pu être menée à propos d'un cas de syndrome autistique associé à un retard mental très sévère. Les seules anomalies indiscutables fournies par l'examen histologique dans cette observation se limitent à un cerveau de petite taille et de faible poids, une dilatation ventriculaire et une relative minceur du corps calleux. Ces constatations ne corroborent donc pas les particularités cérébelleuses (diminution des cellules de Purkinje dans le cortex cérébelleux) et hippocampiques (neurones de petite taille dans les champs CA1 et CA4), antérieurement décrites dans la littérature par d'autres auteurs.
L'absence, dans cette observation, d'anomalies dans le cervelet et l'hippocampe mérite d'être soulignée. Les signes autistiques qui ont jalonné l'anamnèse de ce cas sont intenses. Ainsi, de telles anomalies décrites dans le cervelet et l'hippocampe ne paraissent pas une caractéristique indissociable du syndrome autistique.
L'hypothèse d'une perturbation de l'un des stades de l'ontogenèse cérébrale se précise. En effet, aucune activation microgliale et anomalie vasculaire n'est constatée, éliminant ainsi un processus démyélinisant ou ischémique, susceptible de rendre compte de nos observations anatomopathologiques. Plus précisément, la conservation en nombre des cellules corticales, contrastant avec un cerveau de faible poids, des ventricules dilatés et un corps calleux mince, milite en faveur d'une densité axo-dendritique réduite. Les fibres, axones ou dendrites, auraient été limitées dans leur croissance ou bien éliminées de façon exagérée.
Ces anomalies mises en évidence dans notre étude neuropathologique pourraient donc résulter de la perte de collatérales sans morts cellulaires, perte consécutive à la croissance insuffisante du chevelu axo-dendritique ou à l'exagération du mécanisme normal d'élimination axonale.
ý Imagerie morphologique et fonctionnelle
Les méthodes d'imagerie morphologique et fonctionnelle visent à caractériser les bases physiopathologiques des troubles du développement.
Les tomographies par émission de simples photons (SPECT) ou de positons (PET) permettent d'obtenir de façon atraumatique, avec une irradiation très faible, des images tomographiques quantifiées de la distribution d'un traceur dans le cerveau. Leur résolution spatiale atteint actuellement 4 mm. Les mesures du débit sanguin cérébral (DSC) peuvent être effectuées par des méthodes de SPECT et de TEP. Elles ont l'intérêt tout particulier de pouvoir être réalisées lors d'épreuves d'activation par des stimulations sensorielles, motrices et/ou cognitives, ce qui permet de localiser les zones du cerveau activées par la stimulation. En effet, l'augmentation locale de l'activité synoptique s'accompagne d'une augmentation du DSC dans la même région.
La morphométrie par IRM suscite un intérêt croissant dans les pathologies du développement cérébral et notamment dans l'autisme. L'imagerie multimodalité utilise les moyens modernes de l'informatique pour reconstruire et superposer en trois dimensions les images anatomiques et fonctionnelles du cerveau, ce qui augmente considérablement la précision anatomique des informations recueillies. L'IRM fonctionnelle, en cours d'implantation dans le SHFJ, est fondée sur la détection des variations locales de l'oxygénation du sang. Elle permet de réaliser des études d'activation avec une résolution anatomique millimétrique et une résolution temporelle de l'ordre de la seconde.
Quatre résultats marquants ont été obtenus :
1° Entre l'âge de 5 à 11 ans, le DSC mesuré au repos est normal chez les autistes ;
2° A l'âge de deux ou trois ans, il existe chez les autistes une diminution du DSC au niveau des régions frontales. Les images obtenues correspondent alors à celles que l'on observe chez les enfants normaux plus jeunes ;
3° A l'âge où s'achève normalement le langage (5 à 11 ans), l'activation par des stimulations auditives entraîne des augmentations de DSC dans des régions corticales différentes chez les enfants autistes.
4° L'étude morphométrique en IRM du vermis cérébelleux montre une diminution de la surface des lobules 1 à V chez les enfants autistes en comparaison à des enfants non-autistes. Ces données sont actuellement soumises à publication.
5. THERAPEUTIQUE ET REEDUCATIONS
Autisme de l'enfant : la Thérapie d'échange et de Développement. C. BARTHELEMY, L. HAMEURY, G. LELORD, Expansion Scientifique Française, Paris, 1995.
L'étude systématique des troubles du comportement a donc individualisé certaines fonctions : attention, perception, association, ajustement postural, moteur, praxique, adaptation au monde des objets et des personnes, émotion, communication. Les examens des potentiels évoqués corticaux ont confirmé l'existence de difficultés " élémentaires " chez ces patients, notamment trouble de la modulation sensorielle, irrégularités des associations auditivo-visuelles.
La rééducation de ces fonctions " élémentaires " concourt à l'amélioration des troubles de la communication et de la relation avec autrui qui caractérisent non seulement l'autisme de l'enfant, mais aussi les retards mentaux sévères et les troubles du langage.
A cette rééducation des fonctions, s'ajoutent des thérapies pharmacologiques qui, de la même façon, peuvent améliorer la relation avec autrui par des effets plus " élémentaires " portant sur l'attention ou l'initiative.
Ces méthodes ont été, d'ores et déjà, adaptées aux soins des très jeunes enfants.
Les collaborations qui se sont initialement établies au sein du réseau se sont renforcées, diversifiées et élargies.
Les stages, les missions, les échanges de chercheurs ont stimulé les travaux coopératifs, favorisé l'émergence de nouveaux thèmes et ont permis l'ouverture sur de nouvelles collaborations.
1. TRAVAUX COOPERATIFS
Entre ORSAY et TOURS:
Des séances de travail aboutissent à l'harmonisation des protocoles d'examen et à l'interprétation conjointe des dossiers cliniques et biologiques (électrophysiologiques, morphométriques et d'imagerie, par SPECT).
Entre MARSEILLE et ORSAY:
Mise en commun et harmonisation des méthodes d'imagerie structurale et fonctionnelle et interprétation conjointe des résultats.
Entre BORDEAUX, TOURS et ORSAY:
Un ensemble de travaux scientifiques mené au sein du réseau a donné lieu à des discussions et à l'élaboration de perspectives communes de recherche. Ces démarches sont concrétisées par la réalisation de thèses dont les résumés figurent en Annexe V de ce rapport.
Entre BRUXELLES ET TOURS:
L'examen histologique de l'encéphale d'un patient de TOURS a été effectué à l'U.C.L. (G. LYON).
2. PARTICIPATION A DES REUNIONS SCIENTIFIQUES INTERNATIONALES ET CONTACTS AVEC DES EQUIPES DE NOTORIETE MONDIALE DANS LE DOMAINE
Les principales réunions scientifiques auxquelles le réseau a facilité notre participation sont répertoriées (Annexe III).
Nous citerons par exemple les communications présentées à AMSTERDAM, ATHENES, BARCELONE, MODENE, NICE, PARIS, ROME, SAN DIEGO, TORONTO, TROINA, UTRECHT, WASHINGTON.
N. BRUNEAU a effectué une mission scientifique au CANADA en juillet 1995 et plus particulièrement dans les laboratoires de M. TAYLOR, Neurology, Hospital for Sick Children, Toronto (2 semaines), K. CAMPBELL, School of Psychology, University of Ottawa (1 semaine) et Ph. ROBAEY, Département de Psychiatrie, Hôpital Sainte-Justine, Montréal (1 semaine). Lors du séjour à TORONTO, elle a présenté ses travaux à T. PICTON, Rotman Research Instituts, University of Toronto. Nous avons bénéficié ainsi de l'avis et des conseils d'un expert de renommée internationale dans le domaine.
Des échanges se sont effectués entre l'équipe A de TOURS et l'équipe de J. PERNIER (INSERM U. 280 LYON) pour développer l'étude électrophysiologique de la fonction auditive et de sa maturation. Un travail de D.E.A. est actuellement mené sur ce thème avec le parrainage de M.H. GIARD (Maître de Stage N. BRUNEAU).
3. EMERGENCE DE NOUVEAUX ECHANGES
Des projets de recherche sur les dysrégulations cognitives dans l'autisme coordonnées par J.L. ADRIEN associent l'équipe A de TOURS avec,
- l'équipe du Pr. F. CUXART (psychologue, Université Autonome de
Barcelone, Espagne) dans une action intégrée franco-espagnole sur programme, 1996.
- les équipes du Pr. R. LECUYER (institut de Psychologie, Paris V) et du Pr. J. CHARLIER (INSERM U.279, Lille) dans un GIS, Sciences de la Cognition, 1996.
Les responsables de plusieurs équipes ont par ailleurs manifesté leur souhait de collaborer aux futurs travaux du réseau. Il en est ainsi pour:
- le Pr. A. BERTHOZ, CNRS, UMR 9950, Collège de France;
- le Pr. J. MASSION, Neurobiologie du Mouvement, CNRS, Marseille;
- le Dr R. SCIFO, Neuropsychiatrie Infantile, Université de Catane, Italie.
- le Pr. R. MILITERNI, Neuropsychiatrie infantile, Université de Naples, Italie.
Les différents partenaires du réseau souhaitent poursuivre les travaux communs en cours (le contrat actuel prend fin en juin 1996).
L'architecture générale du réseau reste la même avec de nouvelles collaborations européennes au sein des équipes constituantes et ouverture sur la biologie du développement et la génétique moléculaire.
Notre perspective d'étude des troubles autistiques est à la fois physiopathologique, étiologique et thérapeutique.
Sur la base des résultats que nous avons obtenus depuis 1989, il nous faut confirmer qu'il existe chez l'enfant autiste des anomalies concomitantes, cliniques et biologiques du comportement, du fonctionnement cognitif, de la réactivité électrocorticale, du métabolisme cérébral dans les régions frontales notamment.
Ceci suppose que les explorations soient effectuées sur de plus larges populations de patients et d'enfants témoins. La référence au développement neuropsychologique et neurophysiologique normal chez le jeune enfant est indispensable. Elle sera facilitée par la collaboration avec des équipes qui, de longue date, étudient le développement normal du jeune enfant et du nourrisson.
La précocité d'apparition des signes cliniques d'autisme, la coexistence de troubles comportementaux et du fonctionnement cérébral ont autant d'arguments en faveur d'une " hypothèse développementale " de l'autisme.
Ce syndrome bioclinique serait lié à des anomalies -de nature sans doute biologiques- altérant très tôt et peut-être avant la naissance la mise en place de systèmes cérébraux ou encéphaliques nécessaires au développement harmonieux des comportements même élémentaires d'adaptation et de communication. Nous disposons déjà de certains indicateurs pour orienter les recherches : images SPECT anormales dans les régions frontales, taille réduite des lobules I à V du cervelet chez les autistes. La spécificité de ces anomalies structurelles et fonctionnelles est à confirmer. Des indicateurs complémentaires de trouble du développement nous seront fournis par les explorations de biologie moléculaire (collaboration au sein de l'équipe A du réseau avec le groupe de J. P. MU H).
Une fois le syndrome d'autisme installé, son expression -nous l'avons constaté- est variable, hétérogène. Les différences inter-individuelles sont évidentes.
Les diverses combinaisons de déficiences dont le degré de sévérité est variable dans différents secteurs (comportement, cognition, état neurologique, langage) ont fait l'objet d'analyses statistiques. Celles-ci ont abouti à la mise en évidence de profils biocliniques et de sous-groupes homogènes de patients. Il nous faut maintenant étudier de près l'évolution avec l'âge des composantes cliniques, biologiques et d'imagerie fonctionnelle dans l'espoir d'identifier des indices ou groupes d'indices (profils biocliniques) prédictifs de l'évolution ou de la sensibilité aux différentes thérapeutiques.
Ces études longitudinales, prospectives et rétrospectives par tranches d'âge assez serrées, demandent beaucoup de temps et un recrutement multicentrique de patients.
Il est attendu que tous ces travaux facilitent le diagnostic précoce de l'autisme, nous aident à mieux comprendre la pathologie autistique et ainsi à mieux la traiter. Même si l'origine de l'autisme ne nous est pas encore dévoilée, la compréhension pourra en être améliorée. L'interprétation de la pathologie autistique sera plus féconde pour ajuster les soins à chacun des enfants avec son " histoire " et en collaboration éclairée avec les familles.
Dernière mise à jour : lundi 10 février 2003 13:55:29 Dr Jean-Michel Thurin