..Janet
..Alexander..Bowlby..Cannon.......Kandel......Edelman..JamesClérambault.....Freud....Lacan...Lebovici....Klein...Jung...Bion
           

Le site des recherches fondées sur les pratiques psychothérapiques

Résultats à long terme des Psychanalyses et des Psychothérapies de longue durée.

Rolf Sandell et coll.
Intervention à l'Association Psychanalyse et Psychothérapies (APEP)

Arrière plan

Le statut de la recherche de résultat dans les traitements longs

Il n'est pas nouveau pour qui que ce soit dans cette salle que la psychanalyse est actuellement sous forte pression de la part de l'environnement non psychanalytique. Pour nous, qui pensons qu'une psychanalyse vaut souvent la peine d'être entreprise, cette pression est certainement frustrante et douloureuse. Cependant, je pense que nous devons admettre que cette douleur est, dans une large mesure, de notre fait. La vérité est que nous, en tant que psychanalystes, avons échoué collectivement à faire des efforts suffisants pour - démontrer de façon rigoureuse la valeur de notre pratique.

Pour être exact, il y a quelques exceptions parmi les psychanalystes à cette attitude négligente vis à vis de la recherche systématique. Le projet Menninger reste toujours l'une des tentatives les plus ambitieuses pour évaluer la valeur de la psychothérapie psychanalytique et de la psychanalyse (Wallerstein, 1986). Comme vous le savez, cependant, les résultats obtenus pour chacune des formes de traitement [psychanalyse versus psychothérapie psychodynamique ] n'étaient pas très concluants et les différences entre les deux virtuellement nulles. Il y a eu un certain nombre d'autres essais dans les cercles analytiques, et Bachrach et ses collaborateurs (Bachrach, Galatzer-Levy, Skolnikoff et Waldron,1991) en ont fait une revue exhaustive il y a quelques années. Ils ont conclu que les taux d'amélioration se situent dans l'intervalle de 60 à 90%, mais l'on doit admettre que cette estimation est très incertaine sinon carrément non fiable, parce que la méthodologie utilisée était généralement insuffisante ou très insuffisante. Le mieux que l'on puisse dire à propos de ces études est qu'ils avaient réuni un nombre de patients inhabituellement grand pour une étude de résultats, et qu'ils avaient pris en compte un suivi inhabituellement long, souvent cinq à dix ans ou plus. Un suivi de longue durée est généralement une qualité mais dans ce cas il est devenu une faiblesse majeure, parce que les améliorations furent estimées généralement dans un second temps par les analystes - qui souvent n'avait pas eu de contact avec leurs malades après la fin du traitement - ou par leur superviseur, qui, je le crois, pouvaient avoir oublié l'ensemble du sujet dans de nombreux cas. Ce qui augmente l'incertitude est le fait qu'ils utilisaient souvent des échelles d'évaluation “faites maison” de validité et fiabilité inconnues.

Fisher et Greenberg résument cela, dans leur livre récent, Freud Scientifically Reappraised, de la façon suivante, "en fait, il n'y aucune étude de psychanalyse comme traitement qui ne puisse être écartée à cause de données sérieusement contaminées ou douteuses. Toutes les différentes études sont imparfaites pour une ou plusieurs des façons suivantes: confiance totale sur des cas traités par un seul praticien; manque de démonstration qu'un traitement standard fiable (psychanalyse) a été réellement mis en place; absence d'un groupe de contrôle sans traitement ou traité autrement ; participation à l'étude de psychothérapeutes sans expérience ; dans les rares études comparatives, incapacité d'affecter les patients au hasard à différents types de traitement ; comme seule mesure de l'efficacité du traitement, dépendance fréquente à des taux de réussite potentiellement non fiables donnés par les thérapeutes ou issus de leurs notes " (Fisher et Greenberg,1996, p.201). La chose intéressante à propos de cette citation est, je crois, que Fisher et Greenberg sont parfois à la fois plein de sympathie vis a vis des psychanalystes et cependant très critiques en appliquant ce que l'on appelle parfois le « standard d'or» de la recherche de résultats cliniques. Les exigences de ce standard d'or sont que les patients doivent être répartis au hasard dans les groupes de traitement, qu'il s'agisse de groupes de thérapies à comparer, ou de groupes de thérapies et de groupes non-traités, et que les traitements appliqués doivent être strictement contrôlés et vérifiés de telle façon que l'on puisse être sûr que le traitement en question a été réellement délivré de la façon qui était prévue. Ceci en conséquence nécessite un entraînement des thérapeutes complètement standardisé adhérant de façon très précise à un manuel de thérapie. Malheureusement, il ne sera jamais possible dans une étude de résultats sur la psychanalyse, de la conduire de façon à satisfaire ces exigences. Ce n'est pas seulement parce que la psychanalyse ne pourra jamais être réglementée sans cesser d'être la psychanalyse ou parce que l'on ne peut espérer que les psychanalystes en général acceptent d'être réglementés ; c'est aussi parce que de tels degrés de contrôle sont inévitablement impossibles pour des durées aussi longues que celles des psychanalyses types. Non seulement aurions nous a contrôler l'adhésion des analystes pendant des années, mais si nous avions un groupe de contrôle sans traitement, nous aurions aussi à contrôler l'adhésion des patients non traités à ces conditions. Ou, si nous avions un groupe de traitement comparatif, nous aurions à obliger les patients â rester dans leurs thérapies respectives durant la totalité du projet, sans oublier que nous aurions besoin de leur accord pour l'obligation d'un traitement choisi au hasard au début. Ce n'est pas un plan réaliste. Les patients surveillent activement leur thérapie, les interrompent lorsqu'ils ne sont pas satisfaits et en cherchent d'autres, nouvelles. De ce fait, comme d'autres auteurs tels que Munford, Schlesinger, Glass, Patrick et Cuerdon (1984) et Seliamann (1995), par exemple, je suis convaincu que le choix et la sélection personnelle par le patient sont une part et une partie de la psychothérapie et de la psychanalyse, non seulement au commencement mais tout au long de leur traitement, c'est-à-dire, en choisissant de rester dans le traitement, d'aller aux séances journalières, jour après jour. Le fait qu'une procédure et un contrôle stricts sont d'autant plus difficiles à exercer que le traitement est long est probablement la raison la plus scientifique pour laquelle les chercheurs en psychothérapie, eux aussi, ont échoués collectivement à étudier systématiquement les résultats de traitement de longue durée. Si nous prenons la revue faite par Graw (Graw, Donati et Bernauer, 1994) comme source de référence, pas plus de 7% des études ainsi appelées thérapies psychodynamiques ne concernent des thérapies de plus de deux ans. Un autre problème important est celui du suivi ultérieur. Parmi les études de thérapies psychodynamiques rassemblées par Graw,7% seulement (encore) ont comporté un suivi de plus de deux ans. II est vrai que Nicholson et Berman (1983), dans leur méta-analyse, proposent l'absolution en concluant que le résultat est si stable que le suivi ultérieur n'est pas réellement nécessaire dans l'évaluation de la psychothérapie. Cependant-Smith,Glass etMiller (1980) ont de leur côté trouvé une forte relation négative entre l'intensité de l'effet et le temps de suivi jusqu'à 2 ans. Kazdin (1994) a aussi signalé des résultats indiquant qu'à la fois les effets absolus et relatifs pouvaient varier au cours du temps, et Shapiro et coll. (1995) ont récemment indiqué que les différences de résultats parmi différents types de thérapies et différentes durées changeaient avec la longueur du suivi entre trois mois et un an. Je crois que l'on doit s'attendre à cela, parce que je pense que le résultat du traitement est en lui-même un processus, dans le sens qu'il change au cours du temps et après la fin du traitement, à cause des processus autonomes internes du patient, construits et mis en mouvement pendant la thérapie. Les entretiens répétés et les tests projectifs que nous avons fait à l'Institut de Psychothérapie à Stockholm avec des patients pendant les 6 premiers mois après la fin du traitement montrent que les processus post-thérapeutiques peuvent être aussi volatiles que le processus thérapeutique lui-même, et par volatile je veux dire que tout peut arriver en terme de haut et de bas, d'espoir et de désespoir, de transfert de haine et d'amour, d'anxiété de séparation et de dépendance, et de désaveu etc.

Ainsi les généralisations sur les résultats de la psychothérapie sont essentiellement basées sur des recherches à partir de thérapies brèves, avec ou sans suivi, ou des suivis tout à fait courts. Je crois vraiment que de telles généralisations sont tout à fait fallacieuses lorsqu'on est concerné par de véritables psychanalyses ou psychothérapies.

Fondement du projet

En 1988, les autorités sanitaires en Suède décidèrent de subventionner les psychanalyses et les psychothérapies de longue durée menées par des praticiens privés non médecins. Ici, nous définissons une psychanalyse, formellement, comme comportant trois à cinq séances par semaine avec un membre de l'une des deux sociétés psychanalytiques, et une psychothérapie comme comportant une â trois séances par semaine avec un psychothérapeute agréé. La subvention de l'analyse ou de la thérapie était limitée à une durée de trois ans, mais le traitement lui- même ne l'était pas. Les patients étaient libres de poursuivre s'ils étaient dans une thérapie en cours, et libres de continuer à la financer par d'autres moyens après expiration du subside. De 1990 à 1993 quelque 70 à 140 traitements furent subventionnés annuellement à partir d'une liste d'attente qui était parfois supérieure à 1.100 personnes. Mon groupe à l'Institut de Psychothérapie du Conseil du Comté de Stockholm se vit assigner la tâche d'étudier, en accord avec les objectifs des autorités de l'assurance maladie, s'il était possible de discerner les effets bénéfiques des traitements proposés.

Méthode

Comme nous avions un certain nombre de personnes dans les traitements subventionnés, et un certain nombre de personnes sur la liste d'attente, et comme les personnes en traitement avaient été choisies au hasard, au début, nous avons fait l'hypothèse que nous avions une expérience que l'on pouvait appeler naturelle, avec un groupe en traitement et un groupe de contrôle non traité créé par la nature, pour ainsi dire

Projet et patients.

Le premier échantillon de patients a été constitué à partir de (a) 205 patients qui avaient été subventionnés en 1990 ou 1991 et (b) les 550 premières personnes sur la liste d'attente pour de psychothérapie subventionnée, sachant que certains d'entre eux étaient déjà en traitement. Cependant, il est apparu rapidement que presque tous les patients sur la liste d'attente était également en traitement, utilisant d'autres moyens de financement. Ainsi nous eûmes à passer à une autre sorte de projet, un projet appelé quasi-expérimental où les deux groupes étaient rassemblés en un seul échantillon d'environ 750 personnes à différents stades de psychanalyse ou de psychothérapie.

La base de ce projet fut une investigation approfondie effectuée en trois vagues, en utilisant un questionnaire qui fut conçu et compilé pour l'étude, le Questionnaire de bien-être (Well-being Questionnaire), nommé en abrégé WbQ. Les modalités du traitement, psychanalyse ou psychothérapie de longue durée ont été choisies librement par les patients eux-mêmes. Les stades dans le traitement constituaient en pratique un facteur aléatoire, car la chronologie de nos mesures de résultats étaient totalement indépendante du fait que chaque personne à ce moment était en cours de traitement, avait fini le traitement ou l'avait pas encore commencé. Ayant trois vagues d'investigation, nous pouvions mesurer le temps du traitement "de façon ordinale" ayant pour unité sept stades grossiers de déroulement du traitement. A la différence du temps réel, le temps ordinal est seulement une question de avant ou après, plus tôt ou plus tard. Ainsi, en examinant la figure 1, et considérant seulement la première vague du WbQ, les patients dans le groupe 1 étaient à un stade tardif de pré-traitement, alors que le groupe 2 était à un stade initial du traitement en cours, les groupes 3 et 4 à des stades plus tardifs du traitement en cours, et le groupe 5 à un stade initial de post-traitement. Sur plus de 700 personnes que nous avions en principe, un peu moins de 400 personnes avaient choisi de répondre d'une façon utilisable à notre questionnaire dans les trois occasions, et, parce que tous avaient répondu trois fois, nous avions au total plus de 1200 observations.

Soixante-quatorze personnes étaient, ou avaient été en psychanalyse deux années ou plus, 33 1 en psychothérapie de longue durée deux années ou plus, et 13 dans des thérapies variées à faible dose, c'est-à-dire à fréquence faible ou de courte durée.

Agrandir l'image

Pour assurer la signification clinique de nos résultats, nous avions inclus dans le projet deux groupes de contrôle ou de normalité, chacun d'eux étant un groupe "en bonne santé" et "normal". Au total, ils représentaient 650 personnes. Le projet est illustré dans le Tableau 1.

Tableau I.
Résumé du protocole de l'étude et des procédures d'évaluation

Treatment groups Norm groups
N = 700 persons at various stages of psychotherapeutic or psychoanalytic treatment N = 650 in community sample and student sample
Pretreatment status
Treatment conditions
Self-reported well-being:
Symptom CheckList (SCL-90)
Social Adjustment Scale (SAS)
Sense of Coherence Scale (SOCS), etc.,

annually 1994-1996

Self-reported well-being:
Symptom CheckList (SCL-90)
Social Adjustment Scale (SAS)

Sense of Coherence Scale (SOCS), etc.,
1994
Absenteeism and health care utilization: official records, 1988-1996 self-reports
Change ratings: Change After Psychotherapy (CHAP)

Procédures d'évaluation

Mesures de résultats. Pour nos mesures de résultats, nous avons inclus des mesures à des distances variées des buts intrinsèques de la psychothérapie. En les considérant au plus loin de la thérapie, nous avons trouvé des variables de dépendance socio-économique telles que la maladie, l'utilisation des services de santé, et différentes caractéristiques reliées au métier et aux aspects économiques. Ensuite nous avons fait l'hypothèse qu'il existe une sensation d'aller bien, en terme de symptômes, de relations sociales, et de vision générale de la vie et de l'existence, qui ne dépend pas seulement de la thérapie mais aussi des conditions sociales et matérielles. Enfin, nous avons supposé que les changements structuraux internes et les changements de perception et de connaissance de soi (self-insight) sont plus directement reliés à ce qui s'est joué dans la thérapie, en liaison avec l'expérience du patient d'avoir changé dans le sens d'une amélioration ou d'une aggravation. Comme je vais me concentrer sur nos résultats, je vais seulement décrire le questionnaire d'investigation du patient avec quelques détails, et comme je vais relier ces résultats à certains facteurs liés aux thérapeutes, je vais aussi décrire un autre questionnaire que nous avons administré aux thérapeutes.

Le questionnaire WbQ était fondamentalement orienté vers la qualité des relations sociales de la personne et de sa vie intérieure, et du caractère et de la gravité de ses symptômes psychiatriques. Le questionnaire répondait aussi à l'intention de voir l'interrogé décrire ses traitements psychothérapiques anciens ou actuels, de façon à enregistrer la nature des traitements auto-assignés. Parmi différentes sections, ayant trait à la famille, la santé, le travail et d'autres conditions, le questionnaire contenait les instruments standards suivants : le Symptôme Check List (SLC-90; Derogatis, Lipman, Rickels, lJhlenhuth, et Covi, 1974); la Social Adjustement Scale (SAS; Weismann et Bothwell, 1976; Weissmann, Prusof, Thompson, Harding et Myers,1978); et le Sence of Coherence Scale (SOCS; Antonovsky, 1987). Le WbQ fut distribué à tous les patients trois fois, de mai 1994 à mai 1996, et le groupe contrôle répondit au questionnaire une seule fois, en mai 1994.

Identité thérapeutique. Afin d'acquérir quelques idées générales sur le milieu thérapeutique dans lequel les traitements se situaient, un questionnaire fut distribué à chacun des 313 thérapeutes et analystes qui avaient des patients dans le projet. Ce questionnaire, Therapeutic Identity (Therid), incluait des questions à propos du cursus et de l'expérience thérapeutique, de l'expérience analytique ou de l'expérience en thérapie, et de l'orientation thérapeutique. Trois autres sections étaient également incluses dans le questionnaire avec l'intention d'enregistrer, en utilisant ensemble environ 75 échelles d'auto-évaluation, les croyances du thérapeute sur les facteurs curatifs en psychothérapie, le style général du thérapeute en thérapie et les croyances les plus basiques du thérapeute à propos de la nature de la psychothérapie et la nature de la personnalité. Pour des objectifs de standardisation, le questionnaire fût aussi distribué à un échantillon pris au hasard de 325 psychothérapeutes agréés en Suède. Afin de gagner du temps, je m'en tiendrai là, pour le moment du moins, sur le dispositif. Je vais maintenant vous donner une sélection sur la multitude de résultats que nous avons collectés jusqu'à présent.

Résultats

Pour commencer, je vais vous montrer comment nous avons analysé nos résultats et la forme de présentation que je vais utiliser pour les présenter. Dans la figure 2 vous verrez les trajectoires moyennes des courbes de décroissance sur le SCL-90 pour chacun des cinq groupes --- ou en fait 6, car il y avait aussi un sixième groupe très petit, d'une personne entrée, bien avant et très tôt, dans une psychothérapie de longue durée.

Figure 2

Nous ne l'avons pas traité comme un groupe à lui seul, mais nous avons inclus ses deux dernières valeurs dans l'étape suivante de notre analyse. Donc, nous prenons alors dans la figure 3, la moyenne pondérée de tous les groupes qui sont dans chaque vague d'investigation à la même position sur la même échelle de temps, et nous obtenons la courbe d'évolution plutôt régulière dans la partie inférieure de la figure. Ce résultat est basé sur4l8 cas.

Figure 3

Cependant, il apparaît une différence importante, mais seulement lorsque le traitement est fini. Alors que le groupe de psychothérapie n'atteint qu'un niveau légèrement inférieur à la ligne de signification clinique, le groupe d'analyse approche de près la valeur moyenne du groupe normal. II y a un effet très important quels que soient les standards envisagés, alors que l'effet est modéré dans le groupe de psychothérapie (même, si nous contrôlons en tenant compte de toutes sortes de différences initiales entre les deux groupes, les différences subsistent - ou même s'accroissent.) Bien qu'il s'agisse clairement de courbes, j'ai ajusté des lignes droites sur les trajectoires de chaque groupe, parce que cela est plus pratique pour vous aider à voir la grande différence. Si l'on suppose que les développements ultérieurs devraient continuer linéairement, il faudrait aux patients en psychothérapie une durée de 9 ans pour atteindre ce que les analysants ont atteint en 3. Incidemment, j'ai aussi fait correspondre une ligne droite aux moyennes du groupe en thérapie à dose faible, ce groupe est très petit après tout, aussi n'y a t-il pas grande signification à vous montrer la courbe très irrégulière, mais comme vous le voyez, il y a en fait une pente positive, c'est à dire une tendance à aller d'une charge en symptômes plus faible à une charge plus forte. Maintenant, laissez moi vous montrer rapidement les figures correspondantes pour l’ Échelle du Sens de Cohérence (SCOS) et pour I'Échelle d'Ajustement Social (SAS).

Figures 5 et 6

Sur la S O C S, il y a comme vous le voyez, le même aspect qu'avec la S C L. - 90, quoi que moins accentué -- noter ici que le S O C S s'améliore vers le haut. Sur la S A S, de même l'amélioration est chiffrée vers le bas, comme sur le S C L. 90, mais vous voyez que les progrès sont plutôt modestes et presque les mêmes dans les deux groupes.

Je crois que cet ensemble de résultats est intéressant, parce que nous avons toujours cru que la psychanalyse n'est pas en premier un traitement thérapeutique de symptômes, mais plutôt un développement plus général, et en quelque sorte éducationnel de la compréhension de soi et de confiance en soi. Cependant, il semble apparaître des résultats de cette étude que la psychanalyse est tout à fait capable aussi de produire des atténuations de symptômes croissantes et de longue durée. Cela fût une surprise pour moi. Cela fut également une surprise de trouver que le développement de l'ajustement social était pratiquement le même qu'un patient fut en psychothérapie ou en psychanalyse. Bien sûr, la S A S est une mesure de relations sociales plus que des relations objectales, ce par quoi je veux dire relations aux objets interne. D'autre part, on pourrait croire que la qualité des relations sociales refléterait la qualité des relations objectales, et cela nous avons été capables de le confirmer dans une expérience au Département de Psychologie â ['Université de Stockholm. Nous aimerions explorer un peu plus pourquoi les effets sur les relations sociales sont aussi faibles comme cela semble être le cas. Une raison possible, bien sûr, serait que la S A S soit une mesure peu sensible, mais je ne vais pas commencer par cette supposition.. Tout d'abord, il s'agit d'une mesure bien établie. En second, nous avons investi pas mal de temps â l'adapter aux conditions suédoises et aux temps modernes, en améliorant, nous le croyons, son format vers un format plus acceptable pour la psychométrie. Troisièmement, nous avons trouvé de grandes différences entre les différentes sous-échelles de la S A S, comme vous pouvez le voir dans cette figure, qui décrit le groupe des psychanalyses.

Figure 7

L'échelle concernant le travail s'améliore beaucoup, les échelles vers les proches (parents, proches parents, familles étendues) pratiquement pas. Cette situation est difficile à interpréter, bien sûr, spécialement comme il apparaît au contraire une détérioration en début de traitement sur toutes les échelles exceptées les échelles du travail et de l'amitié. Pour spéculer un peu, cette dernière trouvaille, qui a un parallèle sur la S O C S, vous pouvez vous en souvenir, pourrait refléter un éloignement initial narcissique des relations objectales, avec en premier une prise de distance avec les personnes proches. Dans certains cas, comme celui des enfants, le niveau de pré-traitement est malheureusement difficilement retrouvé. Une façon de résumer les résultats que j'ai présentés est de compter simplement combien de personnes dans chaque groupe à chaque étape du temps ont été du côté "en bonne santé" de la ligne de signification clinique sur les trois échelles. Ceci constitue un critère très exigeant par rapport à ce qui est habituellement appelé "résultat cliniquement significatif" dans la littérature de recherche psychothérapique, plus exigeant en fait que ce qui est utilisé habituellement. Cependant, pour être du côté sûr, voici ce que nous avons trouvé:

Figure 8

Les échelons verticaux représentent les pourcentages de chaque groupe à chaque étape du temps qui satisfont notre critère de normalité de santé. A gauche, la psychothérapie, à droite la psychanalyse. Comme vous le voyez, il y a un fort accroissement â partir d'environ 12% jusqu'à un peu au dessus de 70% dans le groupe d'analyse et un accroissement modéré depuis un peu moins de 30% jusqu'à 55% dans le groupe de psychothérapie. A titre de comparaison, 84% dans le groupe normal étaient « normaux» dans le sens opérationnel donné à ce terme. Pour un psychanalyste, ceci n'a rien de honteux. Maintenant, jusqu'à quel point ces résultats positifs sont-ils associés avec les thérapeutes et les facteurs thérapeutiques? En considérant le manque de réponse des patients et des thérapeutes, nous avons eu dans toutes les données sur les patients et les thérapeutes 325 couples de traitement, dont 264 psychothérapies, 53 analyses, et 8 thérapies à doses faibles. Une chose qui nous a beaucoup intéressés a été de rechercher jusqu'à quel point l'expérience du thérapeute peut être bénéfique, c'est à dire l'expérience du thérapeute est-elle associée avec le résultat ? La raison de notre intérêt est que la recherche sur la psychothérapie est arrivée jusqu'à présent à la conclusion plutôt étonnante que l'expérience du thérapeute n'a pas d'importance si l'on s'intéresse aux résultats et que le cursus du thérapeute - - un aspect de l'expérience, réellement - - importe peu (Stein et Lambert 1984, 1985). Ce que nous avons trouvé dans cette expérience est un phénomène complexe, multidimensionnel et que certaines des dimensions ont peu et d'autres beaucoup à voir avec les résultats. Je vais vous montrer une sélection de nos résultats. La variable de base dans l'expérience est naturellement l'âge; acquérir tout type d'expérience prend du temps.

Figure 9

Comme vous pouvez le voir dans cette figure il y a une tendance presque régulière à ce que les thérapeutes plus âgés obtiennent de meilleurs résultats avec leurs patients, indépendamment du sexe du thérapeute ou du patient, et indépendamment du fait qu'il s'agisse d'une psychanalyse ou d'une psychothérapie. Ceci apparaît sur la S C L. - 90, qui est la plus sensible des échelles et que je vais utiliser au cours de ce qui suit. Il y a une irrégularité: c'est le second plus jeune groupe - non pas le plus jeune - qui tend vers le plus mauvais. Ceci est intéressant, et j'ai entendu parler d'indications similaires concernant une sorte de réaction négative chez les thérapeutes après quelques années de pratique. Naturellement, l'augmentation de l'âge n'apporte pas de valeur si ces années ne sont pas utilisées dans quelques pratiques en valant la peine. Si nous considérons simplement la somme de temps pendant laquelle une personne a travaillé comme thérapeute, il y a une relation positive avec le résultat des patients dans les traitements. Mais si nous séparons ce temps en deux périodes, l'une avant d'être agréée pendant laquelle la personne travaille comme une sorte d'apprenti sous supervision avant sa formation majeure définitive, et l'autre après avoir été agréée, nous verrons dans cette figure que c'est plutôt cette dernière période qui fait la différence.

Figure 10

Nous avons séparé chaque période à partir du nombre médian d'années, moins ou plus de 10 ans. Il semble apparaître que pratiquer simplement la psychothérapie n'est pas suffisant - - une formation de base est nécessaire pour être capable d'utiliser cette expérience.

Figure 11

Cela fait aussi une différence si l'on a passé ces années à travailler comme psychothérapeute dans une pratique privée ou dans le système de santé publique. En partageant cette variable à sa médiane, qui est de 13 ans, nous avons cependant trouvé que cela ne semble pas avoir d'importance pour les psychanalystes. Ce sont seulement les psychothérapies qui semblent souffrir de la moindre expérience des thérapeutes en pratique privée

Figure 12

Pour résumer nos résultats sur l'expérience du thérapeute, il y a un nuage de variables intercorrélées qui sont clairement associées avec les résultats sur les patients et ceux-ci généralement favorisent les psychanalystes dans cet échantillon, tels que l'âge et l'expérience après la formation, principalement dans la pratique privée. Cependant, cet avantage n'est pas lié à la pratique de la psychanalyse, parce que c'est également avantageux chez les psychothérapeutes, ou même davantage. De plus, une formation en psychanalyse en soi n'est d'aucun avantage quand il s'agit de psychothérapie - - bien que, naturellement, la psychanalyse apparaisse comme généralement supérieure à la psychothérapie. Le fait d'avoir une supervision représente un autre nuage de variables et a une association plus complexe avec les résultats, alors qu'une activité courante de superviseur a clairement une relation positive avec eux. Le poids des cas, en terme de nombre de patients traités antérieurement en psychothérapie individuelle ne semble pas intervenir, pas plus que l'expérience psychothérapeutique dans le système de santé publique, qu'il s'agisse de soins ouverts ou en structure fermée. Au sein d'un nuage final de variables, nous avons trouvé qu'être en cours de supervision et avoir passé un temps très long - dans notre cas plus de dix ans - en formation à la thérapie ou formation à l'analyse est bien entendu relié négativement aux résultats des thérapies ou analyses.

Et maintenant, si nous ne l'avons pas déjà compris, nous nous rendons compte que le point crucial dans nos analyses, est qu'il nous est impossible de tirer des conclusions causales, parce que nous ne pouvons pas dire dans qu'elle mesure les associations trouvées sont des effets du traitement ou des effets de sélection. Quand il s'agit du fait d'être en supervision et d'être dans un parcours particulièrement long de formation à l'analyse ou à la thérapie, il y a presque certainement des effets de sélection, car des thérapeutes avec des problèmes professionnels ou personnels sont particulièrement enclins à rechercher une supervision ou une ré-analyse ou une re-thérapie et malgré cela à ne pas être tellement bons professionnellement. Quand il s'agit de l'âge, du nombre d'années de travail comme thérapeute etc., il se peut naturellement que les bons patients, pour ainsi les nommer, choisissent les thérapeutes les plus expérimentés ou encore, que les thérapeutes qui ne sont pas si bons abandonnent dans les premières années de leur pratique, laissant une plus grande proportion de bons thérapeutes parmi les plus anciens ou les plus expérimentés. Si nous avions pu affecter les patients aux thérapeutes dans une répartition au hasard, nous aurions pu extraire ces différentes interprétations alors qu'actuellement nous ne disposons que d'un certain nombre d'associations ou de corrélations - - mais combien intéressantes ! Enfin, si vous n'êtes pas déjà épuisés par toutes ces figures, je voudrais vous faire partager un certain nombre de résultats sur les attitudes et valeurs des thérapeutes. Ces variables sont les plus proches que nous puissions avoir dans notre étude concernant le milieu thérapeutique au sein duquel ces traitements étaient conduits. Quand j'ai décrit pour vous le questionnaire des thérapeutes, j'ai dit qu' ils incluaient une batterie d'environ 75 items auto-cotés concernant le style thérapeutique, la croyance dans les facteurs curatifs, et leurs hypothèses. Quand les résultats correspondants furent analysés par facteurs un à un dans l'échantillon national, standard des thérapeutes, nous avons extrait 9 facteurs qui peuvent être interprétés. Sur la base des résultats obtenus sur les facteurs concernant les thérapeutes, nous avons alors été en mesure d'identifier et déceler quatre catégories de thérapeutes et d'analystes sur la base de leurs croyances et de leurs valeurs.

Figure 13

Pour gagner du temps je vais éviter de détailler les facteurs, parce que je pense qu'ils s'expliquent d'ex mêmes dans cette figure. Vous verrez une classe de thérapeutes qui valorisent relativement peu la maîtrise, l'aide, la gentillesse et l'ouverture en psychothérapie, alors qu'ils attachent plus d'importance à la neutralité technique et à l'insight. Dans cette classe, les gens qui possèdent une formation psychanalytique sont très fortement représentés, mais il y a aussi un nombre important de "psychothérapeutes ordinaires", si je peux me permettre de les appeler ainsi. Nous considérons ces personnes comme un groupe avec des idéaux classiquement psychanalytiques. Un autre groupe de thérapeutes brille par son absence dans notre étude, et ce sont ceux qui mettent des valeursfortes sur la maîtrise, le support, la gentillesse et l'ouverture mais ne valorisent pas autant la neutralité ou l'insight. Ce sont les thérapeutes cognitifs ou comportementaux. Cependant, nous n'avons eu aucun traitement de ce type dans notre échantillon de résultats. Les deux autres clusters que vous voyez là, nous les appelons éclectiques, parce qu'ils obtiennent des scores élevés sur toutes les échelles, celles ou les comportementaux ont des résultats élevés aussi bien que celles où les analystes les obtiennent. La différence entre les deux clusters est principalement une question d'attitude vis a vis de l'ouverture, et ceci est relié à leur formation, mais je n'irai pas plus loin dans le détail dans ce contexte. Il est important que vous sachiez cependant qu'il y avait quelques psychanalystes appartenant à ces clusters, en plus des psychothérapeutes ordinaires.

Maintenant, supposant à nouveau qu'il y a une association entre ce qui se passe dans une psychothérapie et les attitudes et valeurs du thérapeute, nous avons relié les trois classes de thérapeutes restants aux résultats des patients. Notre intérêt maintenant était de trouver si les thérapeutes appartenant à ces différents clusters réussissaient également bien avec leurs patients en terme de résultats. Voici ce que nous avons trouvé pour la S C L. - 90, quand nous avons tracé les trajectoires des trois différents clusters en fonction des stades du traitement, sans tenir compte si sa modalité était une thérapie ou une analyse.

Figure 14

Comme vous pouvez le voir il y a un cluster qui dévie négativement des deux autres, et ceci est naturellement le cluster psychanalytique. Il n'y a pratiquement pas de développement ici. Rappelez vous, ces traitements n'étaient pas tous des psychanalyses et les thérapeutes n'étaient pas tous des psychanalystes, mais leur attitude était classiquement psychanalytique.

Ainsi nous pouvons conclure, à propos de l'analyse et de la thérapie, que l'attitude classique psychanalytique n'est pas optimale, au moins du point de vue des résultats sur les symptômes. Certains pourraient objecter que la diminution des symptômes n'est pas réellement intéressante d'un point de vue psychanalytique, et nous pourrions discuter de cela théoriquement plus tard, parce qu' il se trouve que je ne suis pas d'accord. Empiriquement cependant, le S O C S montre exactement le même type de diagramme, et ce n'est pas en principe une évaluation de variation de symptômes. Ceci est bien sûr un peu perturbant, car nous savons que la psychanalyse semble être tout à fait efficace, généralement, n'est ce pas ? L'idée m'est venue progressivement que la situation psychanalytique classique peut être excellente avec une personne sur le divan cinq à six fois par semaine, mais non optimale avec un face à face une fois par semaine. Ainsi, avons nous fait l'hypothèse qu'il pouvait y avoir une différence entre une psychothérapie avec un thérapeute tourné vers la psychanalyse et une psychanalyse avec quelqu'un de même tendance. Nous avons alors décompté notre échantillon de patients en patients en psychothérapie, et en analysants, et comparé les thérapeutes figurant dans les trois nuages. Pour simplifier la présentation, dans la figure suivante j'ai mélangé les deux nuages éclectiques, qui étaient réellement très semblables, à la fois dans leurs attitudes et dans leurs résultats, comme vous pouvez vous en rappeler. Voici ce que nous avons trouvé:

Figure 15 La psychanalyse est à peu près également efficace avec des analystes des deux types, mais la psychothérapie ne l'est pas. Comme vous le voyez, les thérapeutes et les analystes du type éclectique sont presque également efficaces dans les deux modalités, avec une légères supériorité pour les psychanalystes. De même avec les thérapeutes à inclinations psychanalytiques, la psychanalyse est globalement équivalente en terme de résultats. Cependant, la psychothérapie ne l'est pas. Il n'y a pratiquement aucun développement, et les patients en psychothérapie terminent au niveau des personnes ayant dans le groupe normal les 10% plus mauvais scores, ceci en moyenne. Notre interprétation est que le type d'attitude thérapeutique classique psychanalytique ne conduit pas à des changements en psychothérapie - - bien que ce soit le cas en psychanalyse. Ce n'est sûrement pas parce que la valorisation de la neutralité comme un moyen, ou l'insight comme un but, serait mauvaise, car les éclectiques valorisent cela tout autant. La réponse convenable semble être que le point de vue psychanalytique classique --- sous le prétexte de la règle d'abstinence --- semble négliger ou dévaluer les composantes relationnelles positives que sont: être amical, personnel --au moins un peu - - et concerné. Cela ne semble pas avoir autant d'importance dans la situation psychanalytique, mais il semble, par contre, que cela le soit en psychothérapie. Ma conclusion est qu'il y a une différence qualitative ente les deux, que la psychanalyse et la psychothérapie orientée de façon psychanalytique, comme elles l'étaient, en général, sont différentes en nature. Je sais que cette étude n'est pas à 100% parfaite et par conséquent ne peut donner de conclusions à certains égards, et cela nous pourrons le discuter le moment venu. Bien entendu, il n'y a pas jamais d'études parfaitement concluantes. Cependant, je pense que celle-ci est suffisamment bonne pour rendre ces résultats intéressants à discuter. Mais, jusqu'à présent, ils n'ont eu aucun impact sur la discussion - - s’il en existe une - - parmi les formateurs en psychothérapie, parmi les étudiants en psychothérapie, en Suède, ou parmi les psychanalystes qui prennent part â de telles formations ou faisant eux mêmes un travail de psychothérapie parallèlement aux psychanalyses. Et cela conduit à une conclusion importante que je voudrais tirer du travail de recherche sur la psychanalyse en général dans le futur. Comme beaucoup avant moi, Fisher et Greenberg (1996), Masling (1983,1986,1990; Masling & Borstein,1993,1994) et d'autres, ont montré qu'il est bien sûr possible de faire de la recherche en psychanalyse de beaucoup de façons différentes, et qu’il y a un nombre croissant de psychanalystes qui s'intéressent à faire eux mêmes de la recherche. Actuellement il y en a en Suède, Allemagne, et Amérique du Nord, et une conférence récente indique qu'il y en a aussi en Amérique Latine, etje sais qu'il y a eu un grand nombre d'applications intéressantes proposées au Research Advisory Board de IPA, mais nous sommes encore - - et serons toujours, pour différentes raisons - - une minorité dans la communauté psychanalytique. Ayant maintenant commencé à faire de la recherche en psychanalyse, notre prochaine tâche, également importante mais véritablement difficile sera d'amener tous les autres analystes, qui ne font pas eux mêmes de recherche, à s'intéresser à la recherche qui est faite, à prendre en considération les recherches valables, à les discuter, à réfléchir et prendre conseil à partir d'elles, et la laisser influencer leur pratique de telle façon qu'ils fassent du traitement psychanalytique un engagement encore plus valable pour les analysants.


Dernière mise à jour : mercredi 31 janvier 2007
Dr Jean-Michel Thurin