Alcoologie Volume 19, n°4. Décembre 1997



Fatma DELLAGI, Saïda DOUKI

L'Alcoolodépendance en tunisie:Facteurs socio-cultures spécifiques

Jean Morenon, Martine Morenon

L'expression du sujet alcoolodépendant par l'émotion et par le discours

François PLANCHE, Florence HOURCADE , Eliane ALBUISSON, Marie Nadia MEUNIER, Roger PLANCHE, Michel REYNAUD,

Le dosage de la Carbohydrate Deficient Transferrin (C.D.T.) facilite le diagnostic des patients alcooliques dépendants à Gamma Gt Normales

Dr Pascal Menecier . Dr Catherine Simonin . Dr Laure Menecier-Ossia .Dr Daniel Debatty

Ivresses et alcoolopathies a l'hopital, apres 75 ans Etude rétrospective sur trois ans dans un Centre Hospitalier Général

Pr Hillemand Bernard

Les sociétés dites de tempérance au XIXème siècle en milieu anglo-saxon

Dr Vabret François. Dr Morello Rémy. DR Jean Hervé. Dr Desson Jean-François. Dr Davy Annie.

L'alcoolisation pathologique des hospitalisés du CHU de Caen. Estimation de la prévalence. Analyse de la prise en charge.

Pr Dominique Barrucand, Dr Claire Emsellem , Dr Samir Tilikete , Dr Henri-Jean Aubin

ALCOOLISME ET PSORIASIS: Etude préliminaire des relations réciproques.


Fatma DELLAGI, Saïda DOUKI

L'Alcoolodépendance en tunisie:Facteurs socio-cultures spécifiques

Résumé.

Le problème de l'alcool est universel, mais il se manifeste de façon différente selon les cultures. Ce texte porte sur une étude effectuée dans la capitale tunisienne : Tunis, concernant les modalités de consommation dans un pays arabo-musulman. Le but de notre travail était de comparer les formes cliniques de l'alcoolisme telles qu'elles sont décrites dans les pays occidentaux, aux modes de consommation de boissons alcoolisées dans un contexte socio-culturel présumé intolérant. Nous nous sommes basés essentiellement sur une enquête effectuée en population générale auprès de cent trente buveurs acceptant de remplir un questionnaire. Nous présentons également une étude portant sur quelques dossiers de patients alcooliques hospitalisés (l'hospitalisation est rare en Tunisie pour le motif d'alcoolodépendance). Les résultats montrent qu'ils s'agit d'une consommation excessive (en moyenne huit bouteilles de bières ou 1,8 bouteille de vin) et qu'au cours du mois de Ramadan, l'abstinence n'est responsable d'aucune symptomatologie de sevrage. Ce phénomène particulier nous a évoqué un certain nombre d'hypothèses pour expliquer la rareté de l'alcoolodépendance en Tunisie.

Mots-clés : Alcool - Alcoolisme - Culture - Islam - Tunisie .

Jean Morenon, Martine Morenon

L'expression du sujet alcoolodépendant par l'émotion et par le discours

Résumé

Les perturbations du discours sont depuis longtemps au centre de la clinique alcoologique. Les auteurs suivent R. Jakobson qui se refuse considérer le seul aspect cognitif du langage. En clinique alcoologique, la communication émotive vient parfois épauler de façon surprenante les capacités linguistiques du sujet. Les auteurs choisissent d'examiner trois phénomènes observés avec une fréquence inégale dans les consultations d'alcoologie : la plaisanterie, les larmes et la revendication d'urgence. Ils avancent l'hypothèse que la conversion émotive du discours permettant "un autre aménagement du circuit de parole" autorise le contournement de certaines impasses relationnelles. Par substitution de signifiés, la dramatisation introduit, en effet, une autre affectation de la réalité qui devient compatible avec l'énonciation.

Mots-clés : Alcoolisme - Urgence - Linguistique.

François PLANCHE, Florence HOURCADE , Eliane ALBUISSON, Marie Nadia MEUNIER, Roger PLANCHE, Michel REYNAUD,

Le dosage de la Carbohydrate Deficient Transferrin (C.D.T.) facilite le diagnostic des patients alcooliques dépendants à Gamma Gt Normales

Résumé

Le diagnostic biologique de la maladie alcoolique se fait en pratique courante par les mesures de l'activité catalytique de la gamma gutamyl transpeptidase (gamma GT) et du volume globulaire moyen (VGM). Mais ces marqueurs en raison de la faible spécificité de l'un et du manque de sensibilité de l'autre, ont incité différentes équipes de recherche à s'intéresser à d'autres paramètres. Depuis 1988 en France, l'équipe du PR WEILL à Tours, reprenant les travaux de STIBLER, a démontré une augmentation de la transferrine désialylée (T.D.S. en français, carbohydrate deficient transferrin : CDT en anglais) chez les patients malades alcooliques avec une sensibilité variant entre 60 et 91 % et une spécificité de 92 à 100 %. La demi-vie de cette molécule est de 17 jours plus ou moins 4. La valeur normale de la concentration sérique en CDT est inférieure à 60 mg/l, elle témoigne d'une alcoolisation probable entre 60 et 1OO mg/l, et certaine lorsqu'elle est supérieure à 100 mg/l. Cette étude concerne 31 patients alcooliques dépendants selon le DSM IV dont les gamma GT se situent dans l'intervalle des valeurs de références, et elle porte sur l'évaluation et l'évolution de la CDT à J0 et J15. Les résultats donnent une sensibilité de 83,8% et une spécificité de 87,2% (soit 26 patients positifs sur 31) dans cette population particulière, ce qui est tout à fait remarquable. La décroissance du taux de CDT sur 15 jours est de 36 %. Le but de cette étude n'est pas de confirmer une supériorité de la CDT par rapport aux autres marqueurs de la maladie alcoolique, nous proposons seulement d'utiliser la CDT à des fins diagnostiques et de suivi pour des patients alcooliques ayant des gamma GT normales, et ce d'autant plus qu'il s'agit d'un dosage encore manuel, long, coûteux et non inscrit à la nomenclature.

Mots clés : Carbohydrate deficient transferrin - Transferrine désialylée - CDT - Alcooliques abuseurs ou dépendants - Gamma GT normales - Utilité diagnostique.

Dr Pascal Menecier . Dr Catherine Simonin . Dr Laure Menecier-Ossia .Dr Daniel Debatty

Ivresses et alcoolopathies a l'hopital, apres 75 ans Etude rétrospective sur trois ans dans un Centre Hospitalier Général

Résumé :

L'alcoolisme du sujet âgé est peu étudié et de ce fait mal connu. Un moyen pour aborder cette pathologie à l'hôpital est de reconnaître ses complications : ivresses, et alcoolopathies. Cette étude rétrospective sur trois ans a concerné tous les sujets de 75 ans ou plus chez qui l'une de ces complications a été identifiée lors d'un séjour hospitalier. En complément, les sujets de 75 ans ou plus rencontrés à l'hôpital avec une alcoolémie positive ont été étudiés. Cent dix huit séjours pour alcoolopathies sont dénombrés, concernant surtout des hommes. Les alcoolopathies sont essentiellement des ivresses ou des cirrhoses décompensées. Soixante deux épisodes d'ivresses sont trouvés, se manifestant surtout par malaise, chute ou confusion. Les alcoolémies moyennes sont significativement plus basses qu'avant 75 ans. La complication d'une alcoolisation diagnostiquée, le lien avec l'alcool n'est pas toujours clairement reconnu, puis l'abord diagnostic comme thérapeutique de l'alcoolisation en elle-même est presque inexistant. Après une revue de la littérature, les conduites d'alcoolisation du sujet âgé sont abordées. Les moyens de dépistage des alcoolisations pathologiques à l'hôpital sont considérés. Il est utile de promouvoir la reconnaissance de l'alcoolisme et de ses complications chez les sujets âgés, et ainsi de favoriser le traitement des conduites d'alcoolisation pathologiques.

Mots-clés : Sujet âgé - Intoxication alcoolique - Ivresse - Alcoolopathie - Alcoolisme - Hospitalisation

Pr Hillemand Bernard

Les sociétés dites de tempérance au XIXème siècle en milieu anglo-saxon

Résumé :

Dès les XVIIème et XVIIIème siècles les clergymen de l'Angleterre pré et primo industrielle avaient repéré les caractéristiques de l'alcoolodépendance et s'étaient préoccupés des méfaits de l'alcool.: ce qui aboutit en 1769 à la recommandation par John Wesley de l'abstinence des boissons distillées pour les méthodistes. Ainsi le terrain était préparé en culture protestante pour l'éclosion des sociétés d'abstinence. Aux USA elles apparurent les premières en 1808 et 1813 et évoluèrent par trois vagues successives : - les sociétés conseillant la simple modération, - les sociétés prônant l'abstinence des boissons distillées, - les sociétés prônant l'abstinence totale de toute boisson alcoolique. Leur influence fut un des facteurs de l'institution de 1919 à 1930 de la prohibition aux USA. C'est en Angleterre cependant qu'était né à Preston, sous l'influence du Docteur J. Livesey, le concept de l'abstinence totale, le "Teetotalisme" dont le père Mathew en Irlande fut un des principaux propagandistes. Les sociétés de "tempérance" anglosaxonnes très nombreuses et dont les plus importantes sont évoquées réalisaient un fait social majeur groupant des millions de personnes.

Mots-clés : Sociétés de tempérance - Abstinence - "Teetotalisme" - Historique - Alcoolisme.

Dr Vabret François. Dr Morello Rémy. DR Jean Hervé. Dr Desson Jean-François. Dr Davy Annie.

L'alcoolisation pathologique des hospitalisés du CHU de Caen. Estimation de la prévalence. Analyse de la prise en charge.

Résumé

Cette étude épidémiologique transversale effectuée en 1995 avait pour but l'évaluation de la prévalence de l'alcoolisation pathologique dans la population hospitalisée au CHU de CAEN, à partir des données issues de la consultation du dossier médical, de l'interrogatoire des soignants de celui des patients. Nous avons utilisé pour les définitions, celles de la CIM 10 individualisant usage nocif et alcoolodépendance. Le jour de l'enquête 73% des services avaient au moins un patient relevant de ces définitions. La prévalence de l'alcoolisation pathologique est de 15,9 % le jour de l'enquête, la moyenne d'âge varie sensiblement selon le lieu d'hospitalisation, il existe un différentiel moyen de 15 ans entre les patients hospitalisés en unité d'alcoologie et ceux qui séjournent dans les autres services. Les patients ayant une alcoolisation pathologique ainsi individualisés ont été étudiés en fonction de leur lieu d'hospitalisation, à partir des données comme l'âge, le sexe, la profession, le logement, les ressources financières et nous avons comparé les prises en charge. Il y a peu d'échange verbal autour de la consommation d'alcool chez les patients ayant un usage nocif de l'alcool et des soins pour les alcoolodépendants, particulièrement chez ceux de 59 ans de moyenne d'âge pour lesquels très peu d'actions thérapeutiques sont entreprises. Cette étude met en évidence certaines carences de communication autour de l'alcoolisme et de ses symptômes chez les patients hospitalisés. Un échange entre les unités de soins est nécessaire pour améliorer la prise en charge de nos patients relevant de la mise en place d'une alcoologie de liaison, une volonté de réhabilitation des soins relationnels doit l'accompagner.

Mots clés : Alcoolisation - Alcoolisme - Alcoologie de liaison - Hospitalisation - Prévalence - Soins relationnels.

Pr Dominique Barrucand, Dr Claire Emsellem , Dr Samir Tilikete , Dr Henri-Jean Aubin

ALCOOLISME ET PSORIASIS: Etude préliminaire des relations réciproques.

Résumé

L'association alcoolisme et psoriasis a surtout été étudiée, jusqu'ici, sur des populations de patients consultants ou hospitalisés en dermatologie. Les dermatologues ont ainsi montré que l'alcoolisme est particulièrement fréquent chez leurs patients, et que le psoriasis, dans ces cas, a quelques caractéristiques. Notre recherche sur les relations entre alcoolisme et psoriasis a été inverse, partant d'une population hospitalisée pour alcoolisme (360 sujets) et repérant parmi eux les psoriasis : 23 cas, soit 6,4 % de la population (alors que l'incidence du psoriasis dans la population générale est d'environ 2 %). Le bilan, et la comparaison avec une population témoin d'alcooliques non psoriasiques confirment donc la fréquence de l'association, mais montrent que, du moins à ce stade de la recherche, qui sera poursuivie, il n'y a pas de différence statistiquement significative (pour les paramètres alcoologiques, tabacologiques, ou psychopathologiques) entre l'alcoolique qui a un psoriasis et celui qui n'en a pas. Cette étude, seule à notre connaissance à partir d'une population alcoolique, apporte, outre cette donnée négative, quelques indices intéressants, comme la préexistence, le plus souvent, des problèmes d'alcool par rapport à la survenue du psoriasis.

Mots clés : Alcoolisme - Alcoolodépendance - Psoriasis.