Encéphale mars-avril 1997

Indications des nouveaux antidépresseurs à la lecture de la CIM-10 : question farfelue ou avenir de la psychiatrie ? - Indications of the new antidepressive agents after perusal of the ICD-10 : waggish question or psychiatry’s future ?

Y. DE SMET
Résumé. La psychiatrie biologique postule comme trouble neurobiochimique sous-jacent aux troubles dépressifs un déséquilibre entre les systèmes monoaminergiques dopaminergique, noradrénergique et sérotoninergique. La pharmacologie des dépressions s’est récemment enrichie de « nouveaux » antidépresseurs, inhibant sélectivement, soit la seule monoamine-oxydase A de manière réversible (« RIMA »), soit la recapture présynaptique de la sérotonine (« ISRS »). D’autres ont une action spécifiquement noradrénergique ou dopaminergique. La dernière classification internationale des troubles mentaux proposée par l’Organisation Mondiale de la Santé ou ICD-10 propose, elle, un « nouveau » classement des épisodes dépressifs basé sur des critères diagnostiques athéoriques. La « nouvelle » pharmacologie des troubles dépressifs que constituent les « nouveaux » antidépresseurs est-elle aveugle ou corrélable à la « nouvelle » nosologie des dépressions proposée par la CIM-10, telle est la question à laquelle tente de répondre l’auteur en passant en revue les directives pour le diagnostic d’épisode dépressif proposées par la CIM-10, à la lumière de la théorie monoaminergique des dépressions et des structures neuroanatomiques qui la sous-tendent. Certaines indications des « nouveaux » antidépresseurs propres aux différents types de troubles dépressifs définis par la CIM-10 sont ainsi proposées.

- Summary. The biological psychiatry’s postulate is that depression is related to a lack of balance between the dopaminergic, noradrenergic and serotonergic monoaminergic neurotransmettors systems. These systems are related to cortico-striatal-thalamo-cortical circuits, involving the association and limbic prefrontal cortex and the basal ganglia (caudate nucleus, putamen, nucleus accumbens, globus pallidus). The pharmacology of depression recently grows rich from « new » antidepressive agents, having selective monoaminergic activity : Selective Serotonin presynaptic Reuptake Inhibition (« SSRIs »), selective Reversible Inhibition of the Monoamine oxidase A (« RIMAs »), selective dopaminergic or noradrenergic agents. The last International Classification of mental and behavioural Disorders proposed by the World Health Organisation : the ICD-10, proposes a « new » classification of the depressive disorders based on atheoric « practical » diagnostic criteria. These criteria are unrelated to neurobiochemical, neuroanatomical or neurophysiological data. Reviewing the diagnostic criteria of depressive disorders proposed by the ICD-10 in relation to the neuroanatomic structures subtending the monoaminergic theory of the depressions, the author attempts to answer to the question : is the « new » pharmacology of the depressions that constitute the « new » antidepressants blind or correlable to the « new » nosology of the depressive disorders proposed by the ICD-10? Finally, indications in first intention of the « new » antidepressive agents for each depressive disorder defined by the ICD-10 are proposed.

Keywords : Antidepressive agents; Depressions; ICD-10; RIMAs; SSRIs.

L’Encéphale XXIII II Mars-Avril 1997 77 82

Evaluation répétée de l’impulsivité dans une cohorte de 155 patients souffrant d’un trouble obsessionnel-compulsif : suivi prospectif de 12 mois - Repetitive assessment of impulsivity in a cohort of 155 patients with Obsessive-Compulsive Disorders : 12 months prospective follow-up

E.G. HANTOUCHE, S. LANCRENON, M. BOUHASSIRA V. RAVILY, M.L. BOURGEOIS
Résumé. Les rapports entre impulsivité et trouble obsessionnel-compulsif (TOC) ont été récemment soumis à la recherche. Méthode : Dans la phase 3 de l’enquête nationale DRT-TOC (dépistage-reconnaissance-traitement), 155 patients présentant un TOC (critères DSM III-R, score NIMH-OC >= 7) ont été suivis sur une période de 12 mois. L’impulsivité a été évaluée à l’aide de l’échelle de dyscontrôle comportemental (EDC) et d’un questionnaire semi-structuré du spectre des syndromes et des comportements apparentés aux TOC (critères DSM III-R). Résultats : La note globale de l’EDC chez les patients obsessionnels est plus élevée chez le sexe féminin (note moyenne 35,6 vs 31,9, p = 0,06), en cas d’une histoire personnelle de troubles anxieux-dépressifs (36,3 vs 32,3, p = 0,04) et de comportement suicidaire (38,3 vs 33,2, p = 0,06) et d’une histoire d’un TOC familial (37,1 vs 33,0, p = 0,07). Par ailleurs, I’impulsivité ne semble pas être influencée par la typologie des obsessions ou des compulsions. Par contre, la comorbidité avec certains troubles apparentés au TOC s’avère être significativement liée à une impulsivité augmentée, notamment avec le « Syndrome explosif intermittent » (note moyenne = 40,1 vs 30,8, p < 10-4), « Achats compulsifs » (38,5 vs 32,4, p = 0,005), « Hypochondrie » (36,7 vs 32,1, p = 0,02), « Dysmorphophobie » (37,1 vs 32,4, p = 0,02), et « Dépersonnalisation » (37,7 vs 32,9, p = 0,05). Une nette augmentation de l’impulsivité a été paradoxalement observée dans les TOC avec un syndrome de lenteur important (38,3 vs 31,8, p = 0,001). L’association de lenteur et d’impulsivité pourrait être un excellent « témoin » du syndrome de « Dyscontrôle ». Lors du suivi de 12 mois chez 130 patients ayant reçu un traitement pharmacologique anti-TOC, la note d’impulsivité a baissé progressivement de J0 (note moyenne = 34,1) à M6 (24,8 - baisse de 22%) et à M12 (20,1 - baisse de 36%). Une baisse >= 50% de la note totale à l’EDC a été observée à M12 chez 42% des patients traités. Enfin, la réponse du TOC à la pharmacothérapie semble être influencée par les dimensions d’impulsivité et de lenteur dans le sens où le sous-groupe « impulsif avec ou sans lenteur » obtient le meilleur taux de réponse (62-66% de répondeurs à M6) et que le sous-groupe « lent non impulsif » présente un délai de réponse plus long (39% de répondeurs à M 6 et 65 % à M 12).

- Summary. Relationships between OCD and impulsivity are currently under research. Method : In the phase 3 of the national study on OCD, 155 patients suffering from an OCD (DSM IIl-R criteria, score on NIMH-OC >= 7) had entered a naturalistic follow-up of 12 months duration. Impulsivity was assessed by using the BDS (Behavioral Dyscontrol Scale, autoquestionnaire of 24 items) at day 0, 6th and 12th months and a semi-structured interview for Obsessive-Compulsive Related Syndroms and Behaviors Spectrum, as defined by Hollander (DSM III-R criteria). Results : Impulsivity was more intense in females (mean score on BDS 35.6 vs 31.9, p = 0.06), in patients with personal history of anxiety-depression (36.3 vs 32.3, p = 0,04) and suicidal behavior (38.3 vs 33.2, p = 0,06) and familial history of OCD (37.1 vs 33.0, p = 0.07). Moreover, syndromal typology of obsessions or compulsions did not seem to influence impulsivity. In contrast, presence of co-existing OC Related Syndroms was significantly linked to higher impulsivity score, especially with « Intermittent Explosive Syndrom » (mean score = 40.1 vs 30.8, p < 10-4), « Compulsive Buying » (38.5 vs 32.4, p = 0,005), « Hypochondriasis » (36.7 vs 32.1, p = 0,02), « Dysmorphophobia » (37.1 vs 32.4, p = 0.02) and « Depersonnalization » (37.7 vs 32.9, p = 0.05). Paradoxically, impulsivity was augmented in patients with important to severe slowness syndrom (38.3 vs 31.8, p = 0,001). This mixed association between slowness and impulsivity can be an excellent testimony of « Dyscontrol » phenomenon. In 130 patients who had received an anti-obsessional pharmacologic treatment during 12 months follow-up, impulsivity score was gradually reduced from day 0 (mean score = 34.1) at M6 (24.8 - 22% reduction) and at M12 (20.1 - 36% reduction). After one year of follow-up, a decreased by >= 50% of impulsivity score was observed in 42% of obsessionnal patients. Finally, the response rate of OCD to pharmacotherapy seemed to be modulated by the dimensions of impulsivity and slowness. In fact, the best results after 6 months of treatment were observed in the sub-groups presenting high level of « impulsivity » (62-66% were responders) versus 39% in the sub-group with important to severe slowness.

Keywords : Impulsivity ; Obsessive-Compulsive Disorder ; Slowness ; SSRI ; Suicide.

L’Encéphale XXIII II Mars-Avril 1997 83 90

Mise au point et contribution à la validation d’une version française brève de la Geriatric Depression Scale de Yesavage - Development and contribution to the validation of a short French version of the Geriatric Depression Scale

J.P. CLEMENT, R.F. NASSIF, J.M. LEGER, F. MARCHAN
Résumé. La dépression du sujet âgé est sous-diagnostiquée.Pour un meilleur dépistage,Yesavage et al. (1983) ont proposé la Geriatric Depression Scale (GDS) à 30 items, outil fiable et valide, qui a par la suite été réduite dans des formes plus brèves facilitant la passation.Sheikh et al. (1986) ont proposé une version à 15 items et D’Ath et al. (1994) une version à 4 items avec de bonnes qualités métrologiques.Cette étude montre la mise au point et une contribution à la validation d’une version française brève de la GDS.La mini-GDS, qui comporte 4 items, s’est révélée d’une bonne fiabilité, d’une bonne validité et d’une bonne consistance interne.La méthodologie, qui a comporté plusieurs approches statistiques, est discutée et les items retenus dans la mini-GDS sont confrontés aux données de la littérature.

- Summary. Depression in old age is underdiagnosed.In order to help detection, Yesavage et al. (1983) developed the Geriatric Depression Scale in a 30 items original version, with good reliability and validity.To abbreviate duration of examination, a shortened 15 items version was proposed (Sheikh et al., 1986) and a 4 items GDS for primary care attenders was also developed (D’Ath et al., 1994) with satisfactory metrological characteristics.The aim of this study is to develop a short French version and to contribute to its validation.French elderly depressives (181) and controls (66) were asked to complete the 30 items GDS (french version) and an other french self-rating scale, the QD2A (Pichot, 1986).In an attempt to devise the short scale, data were subjected to logistic regression analysis, multiple regression analysis, item-total Spearman’s rank correlation coefficients and finally to mean choice ranks combination method.The generated 4 items version (mini-GDS) was found to be highly correlated with GDS 30 (r = 0,84, p < 0,0001) and with QD2A (r = 0,64, p < 0,0001) and had a high level of internal consistency (KR20 = 0,66).The sensivity and specificity of the GDS 4 were 69% and 80% (cut-off 0/1) and against QD2A were 75% and 75% (cut-off 0/1).Out of the four items, two were common with the D’Ath’s 4 items version.Method with its different statistical developments was discussed and the 4 selected items of the mini-GDS were compared with data from several authors who evaluated, discussed or examined factor structures of the 30 items GDS.Conclusion is that mini-GDS is reliable to easily detect a depressive symptomatology in the elderly, in different circumstances.

Keywords : Assessment; Depression; Elderly; Geriatric Depression Scale; Short version.

L’Encéphale XXIII II Mars-Avril 1997 91 99

Enquête prospective sur les tentatives de suicide - A suicide prospective survey

F. CHASTANG, P. RIOUX, I. DUPONT, V. KOVESS, E. ZARIFIAN
Résumé. Dans le cadre d’une enquête prospective réalisée sur 6 mois aux urgences psychiatriques du CHU de Caen, 1 073 patients (57,2% de femmes; 42,8% d’hommes; âge moyen : 36,6 ± 0,89) furent évalués par un hétéroquestionnaire portant sur les données socio-démographiques, les antécédents personnels et familiaux, et la consommation de soins l’année précédant le passage aux urgences, complété par une évaluation diagnostique selon les critères DSM III-R. 52% des patients étaient des suicidants, significativement plus jeunes (âge moyen : 34,03 ± 1,14) et avec une prédominance féminine nette (61,5%). Leurs antécédents personnels et familiaux étaient marqués par des tentatives de suicide plus fréquentes, et une consommation de soins psychiatriques (hospitalisation, suivi) moindre que celle observée chez les patients admis pour motif psychologique et/ou psychiatrique. 54% des suicidants étaient des récidivistes; leurs antécédents familiaux étaient caractérisés par une fréquence significativement supérieure de gestes suicidaires et de conduites addictives. Cette étude confirme la nécessité de mieux connaître les facteurs favorisant le geste suicidaire et sa répétition afin de mettre en oeuvre une prévention adéquate.

- Summary. The present study involves a prospective review of all patients who visited the Emergency Psychiatric Service during the period from December, 6, 1993 to June, 5, 1994. A questionnaire was proposed to 1 073 subjects (57.2% females; 42.8% males; mean age = 36.6 ± 0.89). Demographic data, familial and personal characteristics, previous contacts with professional health services, and diagnosis (DSM III-R criteria) were collected. 52% of them were self-attempters, significatively younger (mean age 34.03 ± 1.14) and more frequently females (61.5%). The parasuicides were more frequent in their families and in their personal past history. The previous contacts with health services (hospitalizations, consultations) were more frequent among patients who were admitted for psychological and/or psychiatric problems. 54% of self-attempters were repeating suicidal patients. There were more depressive disorders, parasuicides and drug/alcohol abuse in their families. A logistic regression analysis (stepwise) revealed the role of these factors in the repetition of parasuicides. This data supports the significance of a better knowledge of the potential significant factors for parasuicide. Preventive measures are necessary.

Keywords : Epidemiology ; Parasuicide ; Prospective survey ; Psychiatric emergency.

L’Encéphale XXIII II Mars-Avril 1997 100 104

Syndrome des antiphospholipides et psychose - Antiphospholipid Syndrome and Psychosis

P. CLERVOY, O. BONNOT, D. VERROT, E. NICAND, P. DEVILLIERES, O. AMEIL, L. LAUWERIER
Résumé. Les auteurs analysent d’une part la littérature traitant des manifestations psychiatriques de certaines affections auto-immunes comme le lupus et le syndrome des antiphospholipides, et d’autre part celle relative aux troubles immunologiques dans les affections psychiatriques. Ils tentent de dégager la pertinence d’une collaboration entre les médecins internistes et les psychiatres pour coordonner la recherche en immunogénétique sur l’étiopathogénie des psychoses.

- Summary. The authors studies litterature on both psychiatrics manifestations in several auto-immune diseases like systemic lupus erythematosus and the antiphospholipid syndrom, and the impairment of immune functions in psychiatrics diseases. They try to expose the relevance of collaboration between Medical practitionners and psychiatrists to study the immunogenetic hypothesis of psychotic diseases.

Keywords : Antiphospholipid syndrome; Auto-immune disease; Psychosis.

L’Encéphale XXIII II Mars-Avril 1997 105 107

Le déficit de l’attention sélective et son évolution au cours de la dépression - Selective attention deficit in depression

J. THOMAS, N. RAOUX, J. EVERETT, N. DANTCHEV, D. WIDLOCHER
Résumé. Chez des sujets déprimés, l'attention sélective a été mesurée par le test de Stroop dans sa forme informatisée. Cette version permet la manipulation temporelle dite « Présentation désynchronisée des stimuli » (PDS, ou « Stimulus onset asynchronization, SOA) » qui a été utilisée pour explorer l’efficacité de l’inhibition cognitive chez ces patients. Les résultats montrent une différence significative entre le groupe des patients déprimés (34) et le groupe témoin (34), pour toutes les mesures et plus particulièrement pour l’effet « Stroop », ou l’interférence. Même avec un temps « supplémentaire » pour les réponses (PDS) les déprimés se différencient toujours significativement des témoins. Des corrélations positives existent entre l’interférence Stroop et les échelles cliniques. Après 4 semaines de traitement antidépresseur réalisé chez 15 patients, on constate une amélioration clinique se traduisant de manière significative dans les mesures cliniques, Ies paramètres du test Stroop et particulièrement l’interférence. Ces résultats sont discutés en termes d’une hypothèse de ressources cognitives limitées chez le patient déprimé.

- Summary. Selective attention was measured in 34 depressed patients and 34 controls using a computerized version of the Stroop test, that included a manipulation of the stimulus onset asynchrony (SOA) in order to explore the efficacy of cognitive inhibition as a function of depression and of clinical amelioration of degression after therapy. Clinical tests included a measure of psychomotor slowing [Echelle de Ralentissement de Widlöcher (ERD), the Hamilton (Psychiatric Rating Scale for Depression (HAMD), and the Brief Psychiatric Rating Scale (BPRS)]. Selective attention was measured with the Stroop test, which includes four measures : Word, Color, Color-Word, and Color-Word minus Color, or interference. All of these measures were deficient in the depressed patients, particularly Stroop interference. Even when additional time was given to inhibit the Stroop distractor in the SOA condition, depressed subjects still showed significantly inferior performance. After four weeks of antidepressive treatment, fifteen of the patients were retested, and showed significant improvement on all the Stroop measures, particularly on Stroop interference. The improvement in performance on the attentional measures was comparable in magnitude to that seen on the clinical scales, and suggests that the interference measure can be a sensitive indicator of clinical status in depressed patients.

Keywords : Attention; Cognitive inhibition; Depression; Interference; Stroop test.

L’Encéphale XXIII II Mars-Avril 1997 108 112

Apport des modèles attentionnels à la compréhension des schizophrénies - Information processing and clinical approaches of schizophrenia

D. BERNARD, C. LANÇON, T. BOUGEROL
Résumé. Les modèles de traitement de l’information, issus de la psychologie cognitive, ont largement modifié les théories explicatives des schizophrénies au cours des dernières années. L’étude des troubles de l’attention constitue une approche originale des perturbations cognitives des patients schizophrènes. L’articulation de ces troubles avec les manifestations cliniques peut être envisagée, selon le modèle explicatif, à un niveau catégoriel ou plus élémentaire (syndromique et/ou symptomatique). Toutefois, les données de la littérature ne permettent pas de valider un modèle catégoriel des perturbations cognitives chez les patients schizophrènes et les mécanismes mis en jeu dans la production d’un symptôme sont très hétérogènes. Un niveau d’analyse syndromique, en forme positive et négative de la maladie, semble plus pertinent pour rendre compte des perturbations attentionnelles retrouvées. Ainsi, les patients à symptomatologie positive prédominante seraient plus distractibles, alors qu’un trouble précoce du traitement de l’information peut être évoqué chez les patients présentant une symptomatologie négative. Les biais méthodologiques, inhérents à cette approche, font actuellement préférer une redéfinition des syndromes intégrant les données issues de la neurobiologie et de la psychologie cognitive.

- Summary. Models of information processing, a part of cognitive psychology, have influenced theories of schizophrenia in the past few years. Study of attention disorders is an original approach of schizophrenics’ cognitive disturbances. The authors have reviewed the literature of attention disorders in schizophrenia. Disorders of attention are analysed in different points of view. Subtype, syndromic (positive and negative forms) and symptomatic levels of analysis are documented. Subtype approach of attention disorders is not confirmed in the literature. Symptomatic approach of attention disorders in schizophrenia is actually well documented (especially for hallucination and delusion), but very heterogenous. Attention disorders are different in positive and negative syndroms of schizophrenia. Positive patients are more distractible and an early disorder of information processing is a part of cognitive disturbances of negative patients. Some neurobiological and information processing disturbances are discussed in reference of this syndromic approach.

Keywords : Attention; Information processing; Negative symptoms; Positive symptoms; Schizophrenia.

L’Encéphale XXIII II Mars-Avril 1997 113 118

Psychopathologie quantitative des affects et des émotions. Revue des échelles d’évaluation et des méthodes d’induction émotionnelle - Quantitative psychopathology of affects and emotions : review of evaluation scales and methods of emotional inductions

C.GARCIA, J.M. AZORIN, O. BLIN
Résumé. Les « émotions », les « affects » et l’« humeur », ont une place importante dans le domaine de la psychopathologie. La définition de ces différents termes, ainsi que les concepts psychologiques auxquels ils se réfèrent, sont ici revus. Dans le domaine de la psychopathologie quantitative, les échelles d’évaluation des affects ou des émotions disponibles sont destinées à évaluer la composante subjective des émotions, I’humeur dépressive, la recherche de sensations, le plaisir, ou l’anhédonie. Elles ont un objectif commun : évaluer de manière subjective I’état affectif basal d’un individu, à un instant précis de son existence. La réactivité affective du sujet à des stimuli extérieurs de nature émotionnelle peut également être étudiée grâce à différentes méthodes d’induction émotionnelle. Les applications de ces méthodes sont envisagées d’un point de vue psychopathologique et pharmacologique.

- Summary. Emotions, affects and humor play an important part in psychopathology. This study describes the definition of these different termes as well as their psychological concepts. Concerning quantitative psychopathology, the available scales of evaluation of affects or emotions are destinated to evaluate the subjective compound of the emotions, depressive humor, seek for sensations, pleasure or anhedonia. They all have the same aim : the evaluation, in a subjective way, of the basic affectionate state of the subject at a precise moment in his life. The subject’s affectionate reactivity to external emotional stimulations can also be studied using different methods of emotional inductions. These methods can be applied in a psychopathological as well as in a pharmacological point of view.

Keywords : Affects; Emotions; Evaluation; Psychopathology.

L’Encéphale XXIII II Mars-Avril 1997 119 130

Exposition chronique précoce au diazépam, métabolisme cérébral et comportement : conséquences à long terme chez le rat adulte - Early chronic exposure to diazepam, cerebral metabolism and behavior : long-term consequences

H. SCHROEDER, A.-M. TONIOLO, D. DESOR, A. NEHLIG
Résumé. Ce travail concerne les effets à long terme d’une exposition néo-natale au diazépam (DZP) sur le comportement et l’utilisation cérébrale locale de glucose (UCLG). Les rats ont reçu une injection sous-cutanée quotidienne de 10 mg/kg de DZP ou du véhicule de dissolution du deuxième au vingt-et-unième jour postnatal. L’apprentissage et la mémoire ont été testés entre 60 et 70 jours dans un labyrinthe en T ou à 8 branches, l’anxiété a été évaluée dans une boîte à 2 compartiments et le comportement social dans une situation de contrainte d’accès à la nourriture. L’UCLG a été mesurée à 60 jours par la méthode autoradiographique quantitative au 2-désoxyglucose-(14C). Dans le labyrinthe en T, le taux d’alternance est plus faible chez les animaux traités au DZP que chez les témoins les 2 premiers jours de test et identique dans les 2 groupes entre J3 et J5. Dans le labyrinthe à 8 branches, les rats traités au DZP sont plus actifs et visitent davantage de branches par min que les témoins. Dans la boîte à 2 compartiments, les rats traités au DZP passent plus souvent sur la marche basse de l’escalier et davantage de temps que les témoins sur les 2 marches. L’UCLG est diminuée par l’exposition au DZP dans plusieurs régions corticales, les corps mamillaires, le septum et le noyau caudé. En conclusion, un traitement précoce au DZP induit une hyperactivité et une désinhibition des animaux lorsqu’ils sont placés dans un environnement inconnu, avec pour conséquence une réduction transitoire de leurs performances. Ces changements comportementaux plutôt subtils s’accompagnent de modifications métaboliques limitées au niveau cérébral et reflètent probablement un état d’hyperactivité et de vigilance accrues des animaux.

- Summary. The long-term consequences of a neonatal exposure to diazepam (DZP) on behavioral abilities and local cerebral metabolic rates for glucose (LCMRglc) in selected brain regions involved in the control of memory and anxiety were studied in adult rats. Rat pups received a daily subcutaneous injection of 10 mg/kg DZP or of the dissolution vehicle from postnatal day (P) 2 to 21. Learning and memory were tested in P60-P70 rats on 5 consecutive days in a T maze and an eight arm maze while anxiety and reaction to novelty were tested in a 2 compartment box with a 2 step staircase on one side. Social behavior was evaluated in a condition of restricted access to food. LCMRglcs were measured at P60 by the quantitative autoradiographic [14C]deoxyglucose method. In the T maze, when performed without delay between the 2 trials, the rate of alternation was significantly lower in DZP than in vehicle-exposed rats on the first 2 days of testing and similar in both groups on days 3-5. In the procedure with a 30 s intertrial delay, the rate of alternation was similar in DZP and vehicle-treated rats on all days of testing. In the eight arm maze, DZP-treated rats were more active, i.e. entering more arms per min than control animals. The number of arms entered before the first error was lower on day 1 and higher on day 3 in DZP compared to vehicle-exposed rats. In the 2 compartment box, DZP-treated rats crossed more often the lower step of the staircase and spent more time than controls on the 2 steps of the staircase while control rats made more rearings than DZP-exposed rats in the well protected corner of the box. LCMRglcs were decreased by early DZP exposure in several cortical regions, mammillary body, septum and dorsomedian caudate nucleus. In conclusion, an early chronic DZP treatment induces an increase in activity, only a delay but no impairment in learning and leads to a decrease in the level of anxiety and emotionality leading to an active response to novelty. These quite subtle behavioral changes are accompanied by discrete metabolic changes and probably reflect the state of hyperactivity/hyperarousal of these animals which could result from a change in the distribution, the sensitivity and/or function of GABA-BZD receptors.

Keywords : Anxiety; Benzodiazepines; Cerebral glucose utilization; [14C]-Deoxyglucose; Chronic treatment; Diazepam; Learning; Memory; Postnatal exposure.

L’Encéphale XXIII II Mars-Avril 1997 131 141

Aphasie acquise de l’enfant avec épilepsie (syndrome de Landau-Kleffner). Réflexions à propos d’une observation durant un an - Acquired epileptic aphasia in children (Landau-Kleffner syndrome). A case study with one-year follow-up

L. LIGNAC, D. BONNET, H. CHABROL, J.C. HEBERT, U. CALVET, P.OSMOND, O. AUGOT
Résumé. Les auteurs rapportent un cas de syndrome de Landau-Kleffner chez un enfant de 6 ans. Cette affection de l’enfance est caractérisée par une aphasie acquise associée à un EEG de nuit présentant des paroxysmes de pointes-ondes plurifocaux. Le tableau psychiatrique peut aller de troubles modérés du comportement, à une désorganisation psychique d’allure psychotique. Les crises épileptiques sont présentes dans 50 à 80% des cas et disparaissent le plus souvent à la puberté. Le traitement, en l’absence d’étude contrôlée, devrait associer un antiépileptique, une corticothérapie et une rééducation orthophonique. L’évolution du trouble du langage est variable, mais le plus souvent la récupération est incomplète. Dans le cas décrit, après un an et demi de suivi thérapeutique, l’EEG de nuit est redevenu normal, les troubles graves du comportement ont disparu, mais un langage simple et adapté est réapparu.

- Summary. Authors report a case of Landau-Kleffner syndrome in a 6 year old boy. Landau-Kleffner syndrome is a rare disorder characterized by the combination of acquired aphasia and epileptic abnormalities like diffuse spikes-and-waves in sleep EEG. Seizures are associated in 50 to 80 % of cases and generally disappear at puberty. Behavior disorder ranges from minor psychomotor disturbances to psychotic-like features. Onset appears at an age between 3 to 7 years. The relationship between aphasia and epilepsy remains unclear, even if language improvement frequently follows EEG improvement. The hypothesis of an underlying encephalitis could explain the whole syndrome but is not yet validated. Therapy should associate antiepileptic drugs, corticosteroid treatment and speech therapy, but no controlled study is available to confirm this protocol. Aphasia recovery is generally incomplete. The evolution of behavior disorder is not well documented. In the reported case, one year after onset, sleep EEG again became normal, behavior disturbances had disappeared, but spoken language was still absent.

Keywords : Aphasia; Auditory agnosia; Epilepsy; Landau-Kleffner syndrome.

L’Encéphale XXIII II Mars-Avril 1997 142 145