logical with social factors toward the care in AIDS

Résumé. La présente étude de psychologie clinique s'intéresse à l'interaction entre facteurs psychiques et sociaux dans les soins de patients porteurs du virus VIH. La première partie concerne les représentations inconscientes des infirmières et leur souffrance déniée dans le travail. Les représentations au travail se découvrent dans les formations psychiques intermédiaires, créations de représentations du soin particulières à partir des singularités psychiques individuelles de chacune en articulation avec les nécessités organisationnelles. La représentation prépondérante dans le staff est celle d'un soin impossible qui doit être réparé par une relation idéale de type familial telle qu'elles ne la vivent pas elles-mêmes. Leurs relations interpersonnelles familiales apparaissent comme perturbées et semblent compensées dans leur travail. Toutefois, cette représentation idéalisée de la famille leur permet de masquer leur souffrance dans le travail tout en comportant l'inconvénient d'un rejet de certains patients qui pourraient ne pas adhérer à cette représentation.

- Summary. This clinical study of social issues focuses on the interaction of psychological with social factors that affect the behavior toward the care in AIDS. This first part of the research concerns the nurses' representations and the nurses' unconscious suffering inwork. The analysis of twenty interviews and twenty five days of observation in an hospital shows that : the work environment is created, partly based on individual psychological problems and interactions of their representation of care with the organizational necessities ; the principal nurses' representation of care concerns an idealization of a good familial world they have not themselves ; their interpersonal familial disturbances are compensated for their work investment ; however, these familial idealisations of care hide their work suffering and patients have to adapt to the nurses' representation otherwise they will be thrown back.

Mots clés : Etude de psychologie, Virus VIH. ‹ Keywords : Aids, Health attitudes and behavior, Health psychology, Interaction of psychological with social factors.

L'Encéphale, vol XXIV n° VI, Novembre-Décembre 1998, pp 497-502

B. LACHAUX, L. MORASZ, J. CRISON-CURINIER

Le consentement : entre légalité et légitimité, ou du consentement " formel " au consentement " informé " ‹ Consent between legality and legitimity or from formal consent to inform consent

Résumé. L'évolution juridique du consentement introduite par le récent arrêt de la Cour de cassation vient renforcer la pression du légal dans l'information liée à l'acte du consentement en relation de soin. Initialement réservée à des cas particuliers tels que la recherche biomédicale, la nécessité du consentement écrit, en tant que preuve de la réalité de l'information préalable et du consentement, est ainsi étendue aux situations de soins générales. Il va de soi que ce glissement d'un consentement " informé " à un consentement " formel " ne peut être sans conséquences sur la dynamique psychologique soignant-soigné; il est par ailleurs probable que, paradoxalement, cette évolution n'aille pas dans le sens d'une meilleure prise en compte de la subjectivité, tant elle peut contribuer à nous éloigner du champ de l'échange et de la parole. Face à cette pression sociale qu'ils ne peuvent plus ignorer, les soignants ont ainsi à opérer un véritable retour à la clinique pour se réapproprier et adapter ce concept à leur pratique, et le faire ainsi passer dans un registre de légitimité propre à lui rendre sa raison d'être primitive : la reconnaissance humaniste et éthique de l'altérité.

- Summary. As shown by a recent degree of the supreme court, the legal aspect of information given before consent is more and more important. At beginning, the written consent was reserved to particular cases, as biomedical research for example. It concerns now all the fields of care, since it is considered as a proof of the existence of a prior information. The informed consent changes in a formal consent : the consequence is a modification of the relation between the physician and the patient. We may imagine that this evolution paradoxically results in a worse integration of subjectivity. Then, it seems necessary to stress the clinical aspect so as to give to the consent concept its legitimity back : it consists in an ethical and humanistic aknowlegment of alterity.

Mots clés : Consentement, Ethique, Information, Légalité, Légitimité. ‹ Keywords : Consent, Ethic, Information, Legality, Legitimity.

L'Encéphale, vol XXIV n° VI, Novembre-Décembre 1998, pp 503-516

A. GISSELMANN, I. MILLOT, C. LEROUGE, I. FRANÅOIS, I. SIMON, P. TRAPE

Les hospitalisations psychiatriques depuis la loi du 27 1990 dans un département français ‹ Psychiatric hospitalizations after the june 1990's law in a french department

Résumé. La loi du 27 1990 a introduit en France l'hospitalisation dite sans consentement, en remplacement de la loi du 30 juin 1838 qui comportait des internements ou placements psychiatriques. L'un des deux nouveaux modes d'admission sans consentement, l'hospitalisation dite à la demande d'un tiers (HDT) comprenant une procédure normale et une procédure dite d'urgence, nous est apparu dans notre pratique de plus en plus utilisé, en particulier l'HDT d'urgence. Nous avons donc comparé sur trois périodes, l'une avant la loi, les deux autres trois et six ans après, les divers types d'admissions psychiatriques dans la totalité de sept secteurs psychiatriques d'un département français. Toutes les modalités d'hospitalisation augmentent en Côte d'Or avec le temps chronologique. On note aussi dans ce département une croissance particulièrement importante des HDT, mais surtout des HDT d'urgence, et ceci de manière statistiquement significative par rapport aux autres types d'admission. Si ce phénomène n'était pas purement localisé, ce que seules les Commissions Départementales des Hospitalisations Psychiatriques, créées par la loi de 1990, peuvent révéler en procédant à l'évaluation prévue des conséquences de la loi, le législateur devrait tenir le plus grand compte, et rapidement, d'une telle évolution.

- Summary. The law, edicted on the 27th june 1990, has introduced in France the without consent hospitalization, to replace the law of 30th june 1838 which was composed of confinements or psychiatric placings. On of the both new types of a without consent admission, called " by a third person request " hospitalization (HDT) containing a procedure called " usual " and another one called " situation emergency ", appeared to us more and more used in our practice, particulary the " situation emergency " HDT. Therefore we compared on three periods, one before the law, the two others ones 3 and 6 years after it, the different types of psychiatric admissions in all of the seven psychiatric sectors of a french department. All the hospitalization's forms increase with the chronologic time in Côte d'Or. We notice too in this department an important increase of the HDT, but especially in the " situation emergency " ones, and this, with a statistically revealing way compared to the other types of admission. If this phenomena wasn't purely localized, which only the departmental commissions of psychiatric hospitalization, created by the 1990's law, can reveal by proceeding to an expected assessment of the law consequences, the legislator should fastly take this evolution into account.

Mots clés : Hospitalisation dite sans consentement, Hospitalistion psychiatrique, Loi du 27 juin 1990. ‹ Keywords : Psychiatric french law, Psychiatric hospitalization, Without consent hospitalization.

L'Encéphale, vol XXIV n° VI, Novembre-Décembre 1998, pp 517-521

L. STANER, D. MOULART, J. MENDLEWICZ

Essais cliniques multicentriques dans le traitement des états dépressifs : quelques considérations méthodologiques ‹ Multicenter trials in the treatment of depression : some methodological issues

Résumé. Les essais cliniques multicentriques dans le traitement de la dépression permettent de rassembler promptement l'échantillon nécessaire à un traitement statistique satisfaisant des données. Les problèmes méthodologiques soulevés par ce type d'investigation se situent au niveau de la sélection des patients, de l'analyse des données, du design et de la conduite de l'étude. En toute rigueur, les résultats d'une telle étude ne pourront être appliqués qu'aux seuls patients présentant les mêmes caractéristiques que ceux de l'échantillon étudié. De plus, les différences cliniques entre patients enrôlés dans les divers centres seront prises en compte dans l'analyse globale des données. La nouvelle molécule sera comparée à la fois à une molécule de référence et à un placebo. Ceci permet d'attester de la validité méthodologique de l'essai en fonction de la reproduction des différences attendues entre traitement de référence et placebo. La justification éthique du traitement placebo repose sur la nécessité de considérer l'évolution naturelle de la maladie et les effets non spécifiques du traitement. La fidélité interjuges des évaluations sera assurée puis maintenue par l'organisation de sessions de cotation impliquant tous les centres participants. Les statistiques portent en général sur l'échantillon des patients en intention de traitement. En raison de la latence d'action des molécules antidépressives, les études d'efficacité pourraient se restreindre aux seuls patients ayant été traités au moins 15 jours. L'analyse multivariée de la variance convient parfaitement pour l'analyse des données mais peut être invalidée par un excès de sortie d'étude avant terme. Pour pallier ce problème, d'autres types de techniques statistiques ont été proposés, comme l'analyse de survie et les modèles de régression aléatoire. Cette dernière technique semble particulièrement adaptée au traitement des données multicentriques, car elle permet d'envisager à la fois l'effet des traitements et l'influence des centres sur les données.

- Summary. In recent year, multicenter psychopharmacological trials have met an increasing interest since through them it has become easier, in a relatively short time, to collect large samples of patients. Methodological problems common to all psychopharmacological trials may be sharpened in this kind of investigation. Others, that are specifically related to multicenter studies, may also arise. Methodological difficulties addressed in this paper are those related to patients selection procedure, to strategies for data analysis and to issues about design or management of the study. Strictly speaking, the results of a such a trial could only be generalised to patients exhibiting the characteristics of the studied sample. Moreover, before pooling the data obtained at each center, preliminary analyses should demonstrate that centers do not differentiate themselves on the basis of patient characteristics. The new drug has to be compared to both a placebo and a reference compound. In this way, and through the replication of the expected difference between the placebo and the reference drug, the methodological validity of the trial could be ascertained. The treatment with a placebo is warranted by the facts that illness natural course and non specific treatment effects have to be taken into account. Satisfactory levels of inter-rater reliability have to be achieved and maintained through training sessions with the participation of all the centers involved in the trial. Statistical analyses generally focus on the intent to treat sample. However, due to the delayed activity of antidepressant drugs, efficacy analyses could be limited to patients treated at least 14 days. Multivariate analysis of variance is particularly well suited for data analysis but can be invalidated by an excess of dropouts. To overcome this problem, other techniques such as survival analysis and random regression models have been proposed. This latter procedure seems to be particularly promising for analysing data of multicenter trials since it can assess treatment difference while adjusting for inter-center variability.

Mots clés : Antidépresseur, Essais cliniques multicentriques, Etats dépressifs, Méthodes. ‹ Keywords : Antidepressant, Depression, Methodology, Multicenter trials.

L'Encéphale, vol XXIV n° VI, Novembre-Décembre 1998, pp 522-529

G. REINE, D. BERNARD, C. LANCON

Echelle d'évaluation de la dépression dans la schizophrénie : revue critique ‹ Depression scales in schizophrenia : a critical review

Résumé. Le syndrome dépressif est fréquemment observé chez les patients schizophrènes. Son évaluation demeure difficile en raison d'un chevauchement des syndromes dépressif, négatif et extrapyramidaux chez ces patients. Les échelles traditionnelles d'évaluation standardisée de la dépression n'ont en général pas été validées dans la population des patients schizophrènes. Dans ce contexte, des échelles de dépression spécifiquement adaptées aux patients schizophrènes ont été développées au cours des dernières années. Dans ce travail, nous étudions les données de la littérature consacrées aux qualités métrologiques et psychométriques des échelles de Hamilton (HDRS), de Montgomery-Asberg (MADRS) et de Widlöcher (ERD) chez les patients schizophrènes. Nous évoquons ensuite les travaux de validation des deux échelles spécifiques : l'échelle de dépression psychotique (PDS) et l'échelle de dépression de Calgary pour patients schizophrènes (CDSS). Si les échelles non spécifiques sont largement contaminées par la symptomatologie négative et parfois par les symptômes extrapyramidaux, l'ERD se distingue par sa capacité à séparer assez nettement les trois syndromes grâce à ses sous-scores moteur, idéique et subjectif. En ce qui concerne les deux échelles spécifiques, elles permettent une évaluation de la dépression pratiquement indépendante des syndromes négatif et extrapyramidal. L'échelle PDS comporte cependant de nombreux facteurs décrivant d'autres dimensions que celle de la dépression et dont l'intérêt doit être réévalué. La validation de la CDSS est à l'heure actuelle la plus avancée, mettant en évidence une structure unifactorielle, une bonne cohérence interne, une fidélité inter-juges élevée, une validité externe satisfaisante et une très bonne spécificité.

- Summary. Depressive syndromes frequently occur during the evolution of schizophrenia. The evaluation of dépression in schizophrenic patients is difficult because of an overlap between depressive, negative and extrapyramidal symptoms. The scales usually employed to evaluate depression have not been validated in schizophrenic populations, therefore, some authors developed specific depression scales for schizophrenics. In this work, we present the available data about the metrologic and psychometric properties of the Hamilton (HDRS), Montgomery Asberg (MADRS) and Widlöcher's (ERD) depression scales in schizophrenic populations. We further present the validation works of the Psychotic Depression Scale (PDS) and the Calgary Depression Scale (CDSS). Non specific depression scales are unsatisfactory, since negative and extrapyramidal symptoms overlap with depressive symptoms. The ERD allows a distinction of the three symptom groups, when motor, ideic and subjective subscores are used. The two specific scales actually distinguish depression with a minimal level of contamination. Nevertheless, the factorial structure of the PDS comprises several non depressive factors that are of questionable interest. The CDSS is a well documented and validated tool, with an unidimensional structure, a good internal consistency, a high inter-rater reliability, and good external validity and specificity.

Mots clés : Dépression, Echelles d'évaluation, Psychométrie, Schizophrénie. ‹ Keywords : Depression, Psychometrics, Rating scales, Schizophrenia.

L'Encéphale, vol XXIV n° VI, Novembre-Décembre 1998, pp 530-540

G. LELORD, J.-L. ADRIEN, C. BARTHELEMY, N. BRUNEAU, P. DANSART, B. GARREAU, L. HAMEURY, P. LENOIR, J. MARTINEAU, J.-P. MUH, A. PERROT, S. ROUX, D. SAUVAGE

Evaluations cliniques complémentaires suscitées par des explorations biologiques fonctionnelles dans l'autisme de l'enfant ‹ Further clinical evaluations elicited by functional biological investigations in childhood autism

Résumé. L'autisme de l'enfant étant généralement considéré comme un trouble du développement, le bilan complet de chaque patient comporte désormais non seulement un examen clinique, mais des explorations biologiques variées : enregistrement de l'EEG et des potentiels évoqués, dosages biochimiques et, parfois, étude du débit sanguin cérébral et recherches de biologie moléculaire. Il a donc paru nécessaire d'élaborer des instruments complémentaires d'évaluation clinique pour permettre une meilleure confrontation de ces données. Différentes échelles sont décrites : Evaluation du Comportement Autistique (échelle ECA), de l'Association, de l'Imitation, Evaluation Résumée du Comportement Pré-Verbal (échelle ERPV), Evaluation Résumée du Comportement du Nourrisson (ERC-N), Inventaire Comportemental des Fonctions (ICF). Les Facteurs Génétiques sont évalués par une grille qui tient compte à la fois des antécédents et des signes somatiques. L'ensemble des données cliniques et comportementales est regroupé dans une Evaluation Quantifiée Multiaxiale (EQM) qui compte quatre axes : socialisation, communication, cognition et fonctionnement neurologique. Les résultats fournis par ces méthodes d'évaluation amènent cliniciens et biologistes à affiner des profils qui permettent une approche physiopathologique individuelle de l'enfant autiste.

- Summary. As childhood autism is usually considered as a developmental disorder, complete assessment of each patient requires non only clinical examination but various biological investigations : EEG and evoked potentials recordings, biochemical dosages and sometimes, cerebral blood flow measures, molecular biologic explorationsŠ These investigations help to understand neurophysiological dysfunctionings which underly different autistic syndromes. It therefore seems necessary to develop quantified clinical tools which could allow closer matching between clinical evaluations and biological numerical data. These complementary evaluations must be both simple and quick to perform in medical practice, as they are added to an already heavy clinical examination. The main tools used in our bioclinical Department are described here. For each child, psychiatric, pediatric and neurological examination was performed. Different scales were progressively elaborated and validated to complete and precise behavioral parameters. Attention and perception were evaluated by a Behavior Summarized Evaluation (BSE) scale, association and imitation by appropriate scales, langage by the Pre-Verbal Behavior Summarized Evaluation (PV-BSE) scale, early symptoms by the Infant Behavior Summarized Evaluation (t-BSE) scale. The main neurophysiological dysfunctionings were grouped in a Behavioral Functional Inventory (BFI). Clinical genetic data were scored in a summarized assessment carrying both on the antecedents and on the somatic abnormalities. The completed clinical data were gathered in a Quantified Multidimensional Assessment (QMA), with four axes : socialization, communication, cognition and neurological observation. These clinical evaluations provide behavioral details that can be integrated into a bioclinical database and give an objective approach to the heterogeneity of autism. They invite both clinicians and biologists to deepen the description of individual profiles which allow better understanding of physiopathological mechanims in autistic children.

Mots clés : Autisme infantile, Biologie moléculaire, Echelles cliniques, Evaluation du comportement, Facteurs génétiques, Imagerie cérébrale. ‹ Keywords : Behavioural evaluations, Cerebral imagery, Childhood autism, Developmental neurophysiology, Genetic grid, Molecular biology, Quantified multidimensional assessment, Rating scales.

L'Encéphale, vol XXIV n° VI, Novembre-Décembre 1998, pp 541-549

N.FRANCK, E. DAPRATI, F. MICHEL, M. SAOUD, J. DALERY, M. MARIE-CARDINE, N. GEORGIEFF

Etude d'un module cognitif perceptif élémentaire chez les schizophrènes ‹ Eye direction detection in patients with schizophrenia

Résumé. Notre travail porte sur l'étude chez les schizophrènes des mécanismes responsables de la reconnaissance de la direction du regard. Selon Baron-Cohen, la détection de cette direction repose sur un module cognitif spécifique (EDD) qui est impliqué dans la détection des yeux, la détermination de la direction des yeux et l'interprétation du regard de l'autre comme nous voyant. L'hypothèse a été émise qu'il pourrait exister une anomalie de la reconnaissance de la direction du regard dans la schizophrénie, anomalie qui pourrait être à l'origine de certains symptômes paranoïdes. Toutefois, dans l'étude qui avait été effectuée, la détection de la direction du regard n'avait pas été dissociée de l'interprétation que l'on peut donner de ce regard. L'expérience que nous avons réalisée avait pour but de tester les capacités des schizophrènes dans une tâche évaluant seulement la détection de la direction du regard. Une série de photographies de visages regardant dans différentes directions (30° à droite et à gauche, 15° à droite et à gauche et 0°) a été présentée à vingt-deux schizophrènes et à trente-six témoins normaux. Pour chaque photographie, les sujets devaient déterminer si le regard était dirigé vers la droite ou vers la gauche en pressant une touche sur un clavier. Le paradigme utilisé comportait un choix forcé. Le côté de la réponse a été recueilli pour chaque essai. Les nombres moyens de réponses à gauche des sujets schizophrènes ont été comparés à ceux des témoins pour toutes les orientations, grâce à des tests U de Mann et Whitney. Aucune différence n'a été retrouvée entre les deux groupes. Donc, dans le paradigme utilisé, les schizophrènes ne présentent pas d'anomalie spécifique de la reconnaissance de la direction du regard. Les résultats sont discutés en fonction de la notion de processus explicites et implicites. Cette expérience illustre le fait que les fonctions élémentaires les plus automatiques, telles que la détection de la direction du regard, sont préservées chez les schizophrènes, alors que les fonctions cognitives explicites sont plus souvent atteintes.

- Summary. A specific deficit in gaze discrimination has been hypothesized for schizophrenic patients (Rosse et al., 1994). Gaze discrimination is a basic ability for animals as well as for human beeings. It plays an important role in mutual control of social interactions. According to Baron-Cohen (1995), sensitivity to eye gaze relies on a specific cognitive module, the Eye Direction Detector (EDD). The author distinguishes three basic functions of the EDD : first, the EDD is involved in eyes detection; second, the EDD is used in order to establish direction of gaze, and specially to compute whether the eyes one is looking at are directed to the subject or somewhere else; third, the EDD is implied in interpretation of gaze as seeing. Rosse et al. (1994) tested subjective impressions concerning gaze discrimination in a group of schizophrenic patients. Schizophrenics reported the subjective impression of being looked at by the portraits significantly more often than controls. The authors concluded that a specific impairment in gaze detection is present in the patients, and that it may be responsible for the paranoid symptoms often reported in schizophrenia. However, it seems difficult to assert that a response bias in schizophrenics toward perceiving faces as looking at them results from the deficit of an elementary perceptual module responsible for the detection of eye-direction. Rather we suspect such a bias to be the consequence of an impairment of the more complex level of mindreading, responsible for the interpretation of gaze as seeing in terms of mental states. The aim of the present experiment was to test in a more specific way the elementary gaze discrimination system. A series of portraits of models looking at five different directions (­ 30°, ­ 15°, 0°, 15°, 30°). have been presented to 22 schizophrenic patients and 36 normal control subjects. In each trial one portrait was presented. Subjects were asked to determine the direction of its gaze by pressing the " z-key " (left side of the keyboard) if the portrait was looking to the left, and the "/-key " (right side of the keyboard) if the portrait was looking to the right. For each trial, we recorded both the side of the response (left key or right key) and the corresponding reaction time (RT). For the purpose of the analysis, the mean numbers of left responses were computed for each subject. The mean numbers of left responses recorded for each direction of gaze did not significantly differ between patients and controls. That is schizophrenic patients are not impaired in the gaze discrimination task used in the present study. In Rosse's experiment, subjects were required to decide whether the portrait on the screen was looking at them or not. On the contrary, in our task, subjects were simply required to state whether gaze was directed to the right or to the left. No explicit judgment was required as to whom or what gaze was directed. Therefore, we can assume that the present paradigm investigated the functioning of a more basic process than that tested by Rosse et al. Our data are consistent with those reporting that basic cognitive processes are unimpaired in schizophrenia, whereas explicit processes are extensively affected.

Mots clés : Direction du regard, Processus automatique, Processus explicites, Schizophrénie, Symptômes paranoïdes. ‹ Keywords : Automatic processes, Explicit processes, Gaze discrimination, Paranoid symptoms, Schizophrenia.

L'Encéphale, vol XXIV n° VI, Novembre-Décembre 1998, pp 550-556

M. BOUDARENE

Stress et anxiété : de quoi s'agit-il? ‹ Stress, anxiety : what relationships?

Résumé. Stress et anxiété sont souvent confondus par les sujets qui en expriment la plainte, mais aussi par un amalgame abusif dans les discours médical et médico-psychologique. Ces deux notions, sans être exclusives, sont fondamentalement différentes, et si le concept d'anxiété recouvre un aspect psychopathologique bien défini, il n'en est pas de même de celui du stress qui reste peu précis. Le but de ce travail est de montrer par des méthodes objectives (tests psychologiques et potentiels endogènes : P300 et VCN), d'une part le lien qui pourrait exister entre le stress et l'anxiété, et d'autre part les processus par lesquels cette dernière (l'anxiété) jouerait un rôle dans la modulation de la perception des événements et, par conséquent, dans les réponses de stress. Trois groupes de sujets ont été examinés : un groupe de témoins et deux groupes de consultants. Parmi les consultants, les sujets du premier groupe présentaient un " trouble anxiété généralisée " (critères du DSM IV) ; ceux du second groupe consultaient dans le cadre d'une clinique de stress, CITES Prévert (Centre d'information de thérapeutique et d'études sur le stress). Ces derniers ne présentaient aucune affection psychique diagnostiquée et étaient tous encore en activité au moment de l'examen. La demande d'aide était motivée par un sentiment de tension et de " mal être " rapporté à des causes extérieures en général bien identifiées. Dans les deux cas, les sujets ne consommaient aucune thérapeutique psychotrope. Les résultats montrent que la réponse de stress n'est pas univoque. L'approche catégorielle des données permet de distinguer des modèles de fonctionnement différents et de leur conférer un caractère normal ou pathologique. Les corrélations observées entre l'anxiété dans sa dimension trait et les données comportementales et neurophysiologiques semblent s'organiser selon un continuum qui rendrait moins nette la distinction entre le normal et le pathologique. Elles mettent cependant en évidence le rôle du trait anxieux dans les distorsions cognitives et les troubles comportementaux observés, et les processus par lesquels l'anxiété introduirait un biais dans la perception de l'événement et, par conséquent, dans la réponse de stress.

- Summary. Although anxiety and stress were two distinguished concepts, they were used confusely by medical and psychological talks. Whereas anxiety is currently a well-known psychopathological notion, stress remains blurred and unclear. The aim of the study was of course to exhibit the relationships between stress and anxiety, but also to show by which mechanisms anxiety would have a role in the stress-response modulation. Three groups of subjects, paired in age and sex, were compared : 28 paid controls (13 male) aged 37 ± 12 years, 25 subjects (12 male) aged 38 ± 8 who consulted in a framework of CITES Prevert (clinic of stress) but without mental disorders, and 28 subjects (13 male) aged 37 ± 12, out-patients suffering from anxiety disorders (generalized anxiety disorders according to DSM IV). All of subjects were drug free when examinated. They were submitted to auto-evaluation psychological tests : Amiel-Lebigre life events, Spielberger anxiety trait and state, Plutchik and Van Praag depression and finally Chapman anhedonia. After that, two ERPs were recorded, the P300 by using the classical " Oddball experimental paradigm " in auditive modality and the Contingent Negative Variation (CNV) by using a reaction time task with warning stimulus. A close relationships between stress and anxiety could be an evidence as showed by the positive correlations between life events and psychological data (anxiety and depression). In addition, the results displayed correlations between anxiety trait and CNV reaction time (positive correlation) and early P300 (P3a) component amplitude (negative correlation). This could support the hypothesis according to the anxiety would disturb the behavior (slow motor response) and the cognitive processes (attentional changes), and therefore would have a role in the stress-response modulation. Nevertheless, anxiety trait were not correlated to the late P300 component (P3b) amplitude, thus to controlled attention processes. Moreover P3b amplitude were reduced exclusively in subjects who suffered from anxiety disorders. This could mean that anxiety trait would not be solely involved in cognitive changes. Pathological states, as anxiety disorders, could involve another logic of the mental functioning. These results will be discussed according to the cognitive psychology and psychophysiology knowledges.

Mots clés : Adaptation, Anxiété, Distorsions cognitives, Potentiels endogènes, Réponse de stress. ‹ Keywords : Anxiety; Cognitive changes; Coping; ERPs; Stress response.

L'Encéphale, vol XXIV n° VI, Novembre-Décembre 1998, pp 557-568

D. SERVANT, P.L. GRAZIANI, D. MOYSE, P. J. PARQUET

Traitement du trouble de l'adaptation avec anxiété : évaluation de l'efficacité et de la tolérance de l'étifoxine par un essai en double aveugle contre produit de référence ‹ Treatment of adjustment disorder with anxiety : efficacy and safety of etifoxine in a double blind controlled study

Résumé. Le trouble de l'adaptation avec anxiété est défini par une anxiété survenant dans les trois mois suivant un stress psychologique identifiable. Des études récentes montrent que ce trouble est fréquent et devrait être rapidement reconnu et traité. Cependant, très peu d'essais thérapeutiques lui ont été consacrés. Cent soixante-dix patients répondant au diagnostic de trouble de l'adaptation avec anxiété selon le DSM IV ont été inclus dans un essai multicentrique. Ils étaient traités en double aveugle durant quatre semaines soit par l'étifoxine (150-200 mg/j), soit par la buspirone (15-20 mg/j). Dans cette étude, l'étifoxine et la buspirone apparaissent efficaces et bien tolérées. Les traitements ne sont cependant pas équivalents. Les scores de l'amélioration clinique globale et de l'index thérapeutique sont significativement plus améliorés dans le groupe étifoxine. Ces résultats suggèrent l'intérêt de l'étifoxine dans le traitement du TAA et mériteraient d'être confirmés par d'autres études.

- Summary. Adjustment disorder with anxiety is defined as a clinically significant anxiety that occurs within 3 months after the onset of an identifiable psychological stressor. Recent studies indicate that this disorder is not uncommon and must be quickly identified and treated. However, few therapeutic trials have been done in relation with this disorder. According to the criteria set by DSM IV, 170 patients with a primary diagnosis of adjustment disorder with anxiety have been enrolled in a double blind multicenter controlled trial. Patients were treated for 4 weeks with etifoxine (150-200 mg/d), or buspirone (15-20 mg/d). Also both etifoxine and buspirone show clinical efficacy and safety, the two treatments are not equivalent. The global improvement score and the efficacy index are significantly improved in the etifoxine group. These results show the interest of using etifoxine in the treatment of adjustment disorder with anxiety and should be confirmed by further studies.

Mots clés : Anxiété, Buspirone, Etifoxine, Pharmacothérapie, Stress, Trouble de l'adaptation. ‹ Keywords : Adjustment disorder, Anxiety, Buspirone, Etifoxine, Pharmacotherapy, Stress.

L'Encéphale, vol XXIV n° VI, Novembre-Décembre 1998, pp 569-574

P. ROGUE

Approche pharmacologique des échecs aux traitements antidépresseurs ‹ Pharmacological management of non-response to antidepressant treatment

Résumé. La dépression, une maladie chronique qui représente l'une des causes principales d'incapacité dans le monde, va engendrer des besoins croissants en termes de santé publique dans les années à venir. De nombreux antidépresseurs sont aujourd'hui disponibles. Pourtant, ces molécules présentent des limitations et inconvénients réels. Ainsi, les attentes des cliniciens par rapport à de nouveaux produits efficaces et bien tolérés sont vives. Comment satisfaire cette espérance et être innovant aujourd'hui dans ce domaine? Une stratégie originale très prometteuse pour développer de nouveaux antidépresseurs plus efficaces et mieux tolérés consiste à antagoniser à la fois les récepteurs a2-noradrénergiques et les récepteurs sérotoninergiques 5HT2 et 5HT3, sans bloquer les récepteurs sérotoninergiques 5HT1A. Les techniques actuelles de la recherche pharmacologique permettent le développement de telles molécules.

- Summary. Depression, a chronic disease and a leading cause of disability worldwide, will generate increasing needs in terms of public health in the coming years. Many antidepressants are now available. However, these molecules present real limitations and disadvantages. Thus there are great expectations on the part of the clinicians for more efficient drugs that are better tolerated. How can we satisfy such hopes and innovate in this domain today? One original and most promising strategy for developing new antidepressants that are more efficient and better tolerated involves antagonizing both a2-noradrenergic and 5HT2 and 5HT3 serotonergic receptors, without blocking 5HT1A serotonergic receptors. The technology now available in pharmacological research allows the development of such molecules.

Mots clés :Antidépresseurs, Echecs thérapeutiques, Recherche pharmacologique. ‹ Keywords :Antidepressants, Pharmacologic research, Therapeutic failure.

L'Encéphale, vol XXIV n° VI, Novembre-Décembre 1998, pp 575-580

H. FDHIL, M.O. KREBS, F. BAYLE, J.M. VANELLE, J.P. OLIE

Dystonie tardive sous rispéridone : à propos d'un cas de torticolis ‹ Tardive dystonia under risperidone treatment : a case of torticolis

Résumé. Les dystonies tardives sont des complications rares des traitements neuroleptiques classiques. Elles diffèrent des dyskinésies tardives par le terrain sur lequel elles surviennent généralement (homme jeune) et par leur évolution. L'existence de dystonies tardives induites par les nouveaux antipsychotiques restait incertaine. Pour la première fois, nous rapportons ici le cas d'une dystonie tardive typique survenue au huitième mois d'un traitement par rispéridone.

- Summary. Tardive dystonia is one of the most serious adverse events of typical neuroleptic treatments. They differ from tardive dyskinesia by their clinical and evolutive features. The occurrence of tardive dystonia due to new antipsychotics remained unknown. For the first time in the literature, we report a case of typical tardive dystonia occuring in a young male schizophrenic patient treated for 8 months with risperidone. No remission was observed despite several therapeutics including botulinic toxin.

Keywords : Anticholinergic, Atypical neuroleptics, Clozapine, Risperidone, Tardive dystonia.

L'Encéphale, vol XXIV n° VI, Novembre-Décembre 1998, pp 581-583


Dernière mise à jour : mardi 22 décembre 1998

Dr Jean-Michel Thurin