VOLUME 11 NUMERO 1 JANVIER 1996
A. Coppel
Sociologue, Coordinatrice de la Clinique Liberté
Centre de soins pour toxicomanes
92220 Bagneux
Politique de santé publique, la réduction des risques liés à l'usage de drogue a été adoptée en Grande-Bretagne en 1988, puis en Suisse et dans nombre de grandes villes européennes. Cette politique consiste à offrir des services sanitaires et sociaux tout au long de la trajectoire des toxicomanes, soins de santé primaire, aide sociale et seringues stériles pour les toxicomanes actifs, traitements de substitution par voie orale pour ceux qui acceptent de renoncer à l'usage de la seringue, cure de désintoxication enfin, pour ceux qui peuvent affronter une désintoxication immédiate. Cet objectif s'est imposé un peu partout en Europe avec l'épidémie de sida : l'information ne peut être efficace si elle ne touche pas les populations auxquelles elle est destinée. Nous voudrions montrer ici que les différentes réponses des soins somatiques aux traitements de substitution relèvent d'une logique de soin. Loin « d'abandonner le toxicomane à sa toxicomanie », ces services offrent la possibilité effective d'un changement. Ce que nous connaissons aujourd'hui de l'histoire naturelle de la toxicomanie permet de mieux comprendre le rôle qui peut jouer chaque type de mesure et donne une cohérence d'ensemble à des actions, qui, prises séparément, peuvent sembler contradictoires. S'il n'y a pas de trajectoire type, la majorité des usagers de drogue finissent par en abandonner l'usage. Cet abandon se fait le plus souvent au cours d'un long processus. On ne sait pas quel est l'impact du traitement sur les sorties, les différents types de traitements (méthadone, suivi psycho-social ambulatoire, communautés thérapeutiques) obtenant apparemment des résultats comparables. Des sorties sans traitement sont également attestées, ce qui ne signifie pas que les soins soient inutiles, il sont parfois vitaux.
Plus le toxicomane est marginalisé, exclu, malade, plus les services de soins sont indispensables. Le traitement prend un sens différent, selon que le toxicomane cherche d'abord à protéger sa santé, voire sa vie, qu'il cherche à s'éloigner de la galère et de la délinquance, sans vouloir ou pouvoir encore renoncer au produit, ou qu'il s'efforce de (re)conquérir une place dans la société, de reconstruire un système relationnel, une nouvelle identité sociale. Adapter les services au moment de la trajectoire du toxicomane, tel est l'objectif que se fixent les politiques de réduction des risques, politique de santé publique, que l'état de santé de cette population, sa mortalité et sa morbidité, rend indispensable.
The reduction of risks associated with drug abuse was first adopted as a public health policy in Great Britain in 1988. Switzerland and many European capitals soon followed suit. The aim of this policy is to provide health care and social services to injectable drug users. Drug abusers now have access to primary health care, social workers, syringe exchange programs in case of active i.v. drug use, oral substitution treatments in case they are willing to give up syringe use, and finally detoxication in case they are able to undergo withdrawal. The onslaught of the AIDS pandemic progressively imposed a priority throughout Europe : information is ineffective if it does not reach its target population. The authors' aim is to show that various responses - from somatic health care to drug substitution programs - are all part of a health care process. Such services do not " leave the drug abuser alone with his or her drug addiction ". They offer each drug abuser an effective way to make a decisive change. Our current knowledge of the natural history of drug abuse enables us to better understand the potential role of each of these measures and makes these actions coherent, although they may only seem contradictory when examined independently from one another. Even if they do not share a single course, most drug abusers eventually give up drugs after some time. We do not know how available treatments (methadone, ambulatory psycho-social follow-up, therapeutic communities) affect this progressive withdrawal, we only know that each treatment give similar results in terms of outcome. Some patients have even been known to be discharged without requiring treatment. This does not mean that follow-up care is unnecessary. On the contrary, it can sometimes be essential.
The more outcast, excluded and sick the drug abuser is, the more these health care services become indispensable. Treatment may take on various forms, depending on whether the drug abuser is trying first and foremost to protect his or her health, his or her life, whether he or she is attempting to get over his or her difficulties and law breaking habits while being unable or unwilling to give up the substance, whether he or she is striving to regain his or her place in society, to re-establish relationships or his or her social identity. The aim of public health risk reduction policies is to adapt health services to drug abusers' current and ever-evolving needs in view of that population's state of health, mortality and morbidity.
P. Homeyer
Hôpital de la Salpêtrière
75013 Paris
Cognex®(tacrine), inhibiteur central et réversible de l'acétylcholinestérase, a reçu l'AMM en France pour le traitement symptomatique de la maladie d'Alzheimer dans ses formes légères à modérées. Après un an de prescription de Cognex® (tacrine) à l'Hôpital Pitié-Salpêtrière, les effets hépatiques observés semblent moins fréquents que dans les essais cliniques. En revanche, les effets cholinergiques freinent le passage à des posologies efficaces et des troubles du comportement alimentaire sont à prendre en compte pour des traitements de longue durée.
Cognex®(tacrine), a centrally active reversible acetylcholinesterase inhibitor, is the first agent approved for the treatment of Alzheimer's disease. Liver toxicity and cholinergic side effects were reported as reasons for withdrawal for a large number of patients during trials. After one year of Cognex® (tacrine) therapy in Hôpital Salpêtrière, transaminase elevations are less frequent than during clinical studies. Dose related cholinergic side effects are responsible for dose reduction to enhance patient tolerance. Anorexia and weight loss may occur in patients after several months of treatment.
J.-J. Déglon
Médecin-directeur de la Fondation Phénix
1224 Chêne-Bougeries - Genève
L'échec habituel des cures de sevrage des héroïnomanes et l'insuffisance pour eux des prises en charge institutionnelles ont incité les Etats-Unis en 1960 à développer d'autres moyens thérapeutiques, comme les traitements de substitution à la méthadone, à moyen ou long terme.
Les premières évaluations de leurs résultats se révélèrent très encourageantes au point que la Suisse lançât les premiers programmes de méthadone en Suisse au début des années 1970.
Durant 15 ans, un débat passionné pour ou contre la méthadone a ralenti l'expansion de ces traitements. Cette controverse, facilitée par un manque de connaissances objectives, était surtout alimentée par la peur pour les responsables des institutions thérapeutiques traditionnelles d'une concurrence déloyale de la méthadone, par le fantasme d'un contrôle social des intéressés et par quelques abus (marché noir, polytoxicomanie, overdoses, ...)
L'accumulation des rechutes à la suite des traitements visant l'abstinence immédiate et l'arrivée du sida obligèrent à une prise de conscience et modifièrent profondément la politique thérapeutique des toxicomanes : la notion de réduction des risques par un traitement de substitution a primé dès lors tout autre objectif.
En 1989, la Suisse reconnut officiellement la validité scientifique des traitements à la méthadone et les déclara obligatoirement à la charge des caisses-maladie (mutuelles). C'est ainsi qu'en quelques années le nombre des toxicomanes suisses en cure de méthadone a passé de 1500 à plus de 13 000 actuellement, au plus grand bénéfice de leur stabilité médico-psychosociale et de la santé publique.
The regular failure of withdrawal of heroin addicts and inadequacy of institutional treatments have pushed the United States towards a development of other therapeutics, for example the methadone programs.
The first methadone program in Switzerland started in 1970.
During 15 years, a passionate debate for or against methadone has limited the expansion of these treatments. The reasons for this controversy are : fear of disloyal competition, of social control and other abuses (black market, polyaddiction, overdoses,..).
The accumulation of failures after immediate abstinence treatments and the appearance of aids necessitate a major change in drug therapy politics. The reduction of risk using a substitution treatment has become the priority.
In 1989, Switzerland offically recognized the scientific validity of methadone treatments and obliged insurances to assume their cost. Within a few years, the number of swiss addicts treated with methadone has gone from 1500 to more than 13 000 today, with great benefits for their medico-psychosocial stability and for public health in general.
S. Hefez
Responsable de ESPAS (Espace social et psychologique d'aide
aux personnes touchées par le sida).
Responsable du programme méthadone de la Terrasse.
A l'heure actuelle, la prise en charge psychologique des usagers de drogues doit se corréler à une action sur les conditions mêmes d'accès aux soins et sur la garantie d'un suivi global de santé et de prévention de bonne qualité.
Compte tenu du contexte social et médical, attendre une demande de sevrage tient de la non assistance à personne en danger.
Dès lors, le « travail psychique » n'est pas le même si l'objectif d'un entretien psychothérapique est la guérison rapide d'une conduite addictive ou le soutien à ne pas échanger du matériel d'injection et à se prévenir dans les rapports sexuels, à mieux accepter le traitement préventif d'une maladie opportuniste.
La psychothérapie d'un usager de drogues « substitué », par exemple, nous engage avec nos patients dans des échanges où alternent des prises de position sur un contexte politique, des opinions sur la législation, des conseils médicaux, des mises en garde concernant la prévention, des interprétations sur des conflits intrapsychiques...
Today, taking psychological care of drug users must be combined with simplified access to medical care with proper follow-ups and a guarantee of high quality prevention programs.
It is impossible in the present social and medical context to require that addicts stop drug intake before caring for them.
Of course, the "psychological work" is not the same in a therapy session aimed towards stopping addictive behaviour, as in one aimed towards helping addicts to learn not to share equipment, to have safe sex and to get proper medical car for avoiding opportunistic illnesses.
The psychotherapy of a "substitute" drug user will make us confront as various issues as : opinions in political and legal contexts, medical advice, prevention oriented suggestions and interpretations of psychological conflicts...
D. Touzeau
Psychiatre des hôpitaux
Responsable de la Clinique Liberté, Bagneux
Centre hospitalier Paul Guiraud
L'utilisation des traitements de substitution constitue un outil supplémentaire pour le praticien et s'inscrit au-delà de la relation duelle dans une dynamique institutionnelle associant étroitement les clients du centre. Celle-ci permet au soutien psychosocial de prendre toute sa place.
A la Clinique Liberté, dans un lieu de vie, une équipe pluridisciplinaire à développé cette modalité de traitement au sein d'un réseau médico-social. Une évaluation continue de cette expérience permet de dresser une typologie de la clientèle suivie.
The use of substitution treatments provides physicians with an additional therapeutic tool which reaches beyond the doctor-patient relationship. Indeed, it is one of the features of an institutional dynamic which requires the close participation of the center's clients. This dynamic allows psychosocial counseling to play its role to the fullest. At the Clinique Liberté, a multidisciplinary team has developed this treatment method and implemented it in a living space and within the framework of a medico-social network. A continuous evaluation of this experience enables one to establish an accurate profile of the various types of patients-clients.