Sommaire

Summary

VOLUME 11 ­ NUMERO 9 ­ NOVEMBRE 1996

Dépressions et
affections neurologiques cérébrales

Depressions and
cerebral neurological affections


Echelles et critères diagnostiques
de dépression dans
la pathologie cérébrale organique

E. Corruble, R. Gourevitch, J.D. Guelfi

Université Paris XI, Hôpital Paul Brousse
Service de Psychiatrie
12-14, avenue Paul Vaillant Couturier
94804 Villejuif Cedex

Résumé

Dans l'évaluation des dépressions secondaires à des affections organiques cérébrales, certains instruments paraissent plus spécifiques que d'autres. Parmi les critères diagnostiques, nous envisagerons successivement ceux du DSM IV et de la CIM 10, à travers les différentes catégories concernées, notamment les épisodes dépressifs majeurs (DSM IV), les épisodes dépressifs (CIM 10), les troubles de l'humeur dus à une affection médicale générale (DSM IV), les troubles dépressifs organiques (CIM 10), les troubles de l'adaptation avec humeur dépressive (DSM IV), les démences avec humeur dépressive (DSM IV) et les démences avec symptômes dépressifs (CIM 10). Parmi les échelles classiques de dépression, un certain nombre peuvent être utilisées en cas de pathologie cérébrale organique : l'échelle de dépression de Hamilton (HAM D), l'échelle de dépression de Montgomery et Asberg (MADRS), ou l'échelle de ralentissement dépressif de Widlöcher (ERD). Certains questionnaires de dépression peuvent aussi être utilisés (BDI, HAB). Par ailleurs, on dispose d'instruments spécifiques de certains sous-groupes de patients, par exemple les sujets âgés. Enfin, il existe des instruments spécifiques de certaines pathologies comme la démence, qui permettent une approche différente de la symptomatologie dépressive. Les avantages et les inconvénients de ces différents instruments sont discutés à la lumière de quelques résultats expérimentaux.

Summary

For the assessment of depressions which are secondary to cerebral organic affections, some tools appear more specific than others. Among the diagnostic criteria, we will consider successively those from the DSM-IV and the CIM-10 covering the different categories concerned, particularly major depressive episodes (DSM-IV), depressive episodes (CIM-10), mood disorders due to a general medical condition (DSM-IV), organic depressive disorders (CIM-10), adjustment disorders with depressed mood (DSM-IV) and dementia with depressive symptoms (CIM-10). Several of the classic depression rating scales may be used in cases of organic cerebral pathology: Hamilton's depression scale (HAM-D), Montgomery and Asberg's depression scale (MADRS) or Widlöcher's depressive retardation rating scale. Some depression questionnaires may also be used. Moreover, specific tools addressing certain sub-groups of patients are available. Finally, specific tools of some diseases such as dementia give a different approach form depressive symptomatology. The advantages and disadvantages of these different tools are discussed in the light of some experimental results.

Key Words

Depression

Neurological General Medical
Condition Scales
Diagnostic criteria

Mots clés

Dépression
Pathologie organique cérébrale
Echelles
Critères diagnostiques.

Psychopathologie et physiopathologie des troubles de l'humeur lors
d'affections du système nerveux central

L. Schmitt, V. Camus, P. Cadilhac, P. Birmes

Service Universitaire de Psychiatrie
et de Psychologie Médicale de Toulouse
Hôpital Purpan-Casselardit, 31059 Toulouse Cedex

Résumé

La forme, la fonction et la dimension psychosomatique des affections dépressives du système nerveux central doivent être étudiés.

­ La forme : pris isolément les symptômes dépressifs n'ont aucune spécificité. Leur nombre est plus élevé en cas de dépression. Dans certaines affections, leur regroupement définit des dépressions avec émoussement affectif, irritabilité ou opposition. Dans la plupart des cas c'est l'affect qui a une valeur intégrative.

­ La fonction : les lésions corticales ou sous-corticales, polaires ou non, uniques ou multiples donnent des variantes cliniques. On ne peut réduire la dépression à l'intensité du handicap.

­ L'approche psychosomatique s'intéresse à la personnalité ; le moment où survient l'accident et les liens entre la vie du sujet ; son fonctionnement psychique et la lésion cérébrale.

Summary

Form, function and psychosomatic aspects need to be studied in depressive disorders of central nervous system lesions.

­ Form : isolated depressive symptoms are unspecific. Frequency of these symptoms is higher compared to non depressed subjects. In several disease some specificity can be found : depression with blunted affect, opposition or irritability. Integrative value of affect must be considered.

­ Function : cortical or subcortical localisation ; anterior, posterior, single or multiple lesions give different clinical forms. Functional impairment is not the only explanation for severity of depression.

­ Psychosomatic view studies personality, circumstances of life surrounding lesion and links between psychic functioning, life of the subjects and cerebral lesion.

Mots clés

Troubles de l'humeur
Affection du système nerveux central
Dépression organique
Psychosomatique
Sémiologie

Key Words

Affective disorders
Cerebral diseases
Secondary depression
Psychosomatic
Semiology

Traitement des dépressions
des affections cérébrales organiques :
le
cas particulier des dépressions
post-avc
(accident vasculaire cérébral)

Ph. Fossati

Service de Psychiatrie Adulte (Pr Allilaire)
Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière
47, bld de l'Hôpital, 75651 Paris Cedex 13

Résumé

La dépression est une complication fréquente des affections cérébrales organiques et particulièrement des accidents vasculaires cérébraux.

Cette prévalence importante des troubles de l'humeur est à l'origine du concept de dépression post-avc (Post Stroke Depression).

Bien que de nombreux arguments plaident en faveur de l'hypothèse d'une origine « biologique » à la dépression post-avc, les modèles psychopathologiques actuels insistent sur l'origine multifactorielle des troubles affectifs et émotionnels post-avc. Les dépressions ne représenteraient qu'un exemple parmi d'autres d'un ensemble plus vaste de troubles psychiatriques et de difficultés psychologiques rencontrés chez ces patients cérébrolésés ainsi que chez les membres de leur entourage.

Ces troubles psychiatriques influencent la qualité de la récupération neurologique et neuropsychologique et ne sont pas sans conséquence sur le fonctionnement psychosocial et sur la qualité de vie à long terme de ces malades.

Les patients ayant présenté un ou plusieurs accidents ischémique(s) ou hémorragique(s) cérébraux apparaissent donc comme vulnérables et particulièrement sujets à développer des troubles psychopathologiques en réponse à des situations de stress.

L'approche thérapeutique des dépressions post-avc doit tenir compte de cette vulnérabilité ainsi que des besoins spécifiques de ces patients et de leur famille.

Si les chimiothérapies antidépressives ont démontré leur efficacité dans les dépressions post-avc, la prescription médicamenteuse ne peut constituer une réponse univoque.

Summary

Depression is a frequent complication of organic cerebral affections and particularly of cerebral vascular accidents.

The great prevalence of mood disorders is at the origin of the concept of post-stroke depression.

While there are many arguments in favour of the theory of a "biological" origin to post-stroke depression, current pychopathological models emphasise the multifactorial origin of post-stroke affective and emotional disorders. Depressions may be only one example, among others, of a more extensive set of psychiatric disorders and psychological difficulties found in cerebro-lesioned patients as well as in their family and friends.

These psychiatric disorders influence the quality of neurological and neuropsychological recovery and are not without consequence on the psycho-social functioning and long-term quality of life of these patients.

Patients who have presented with one or several cerebral ischemic of haemorrhagic accidents thus seem to be vulnerable and particularly subject to the development of psychopathological disorders in response to stressful situations.

The therapeutic approach to post-stroke depressions should take this vulnerability and the specific needs of these patients and their families into consideration.

If antidepressant chemotherapy has shown its efficacy in post-stroke depressions, the prescription of medicines cannot be a ont-to-one response.

If one takes into consideration the dimension of depressive vulnerability, the treatment given to patients may lead to the development of protection factors which would limit the consequences of this vulnerability by linking and coordinating the effects of drug treatment with psycho-social rehabilitation and reinsertion programmes.

Mots clés

Dépression post-avc
Traitement antidépresseur
Qualité de vie.

Key words

Post stroke depression
Antidepressant therapy
Quality of life.

Démences et dépressions

Ch. Derouesné

Service de neurologie n°3
Hôpital de la Salpêtrière, 75013 Paris

Résumé

Les rapports entre démence et dépression sont complexes (1). Sur le plan diagnostique car une partie de leur sémiologie se recoupe. Toutefois, il est habituellement aisé de faire la différence sur des arguments évolutifs, cliniques et neuropsychologiques. Le traitement antidépresseur ne constitue pas une épreuve thérapeutique et ne doit pas être maintenu sans résultat (2). Sur le plan thérapeutique car une dépression peut être secondaire à une démence, conséquence à la fois des perturbations biologiques cérébrales et des blessures narcissiques infligées par les déficits cognitifs. Beaucoup plus souvent, il ne s'agit pas d'une véritable dépression mais d'une symptomatologie dépressive volontiers associée à une symptomatologie anxieuse. Deux dimensions émotionnelles peuvent être distinguées ; l'émoussement affectif qui s'aggrave avec la sévérité de la démence, l'incontinence émotionnelle (3). Sur le plan étiologique car certains arguments plaident en faveur, soit d'une prédisposition commune, soit de l'influence des facteurs psychosociaux sur le déclenchement ou l'évolution de la démence.

Summary

The relationships between dementia and depression are complex (1). Partial common symptomatology may result in diagnostic errors between the two syndromes. However, anamnestic, clinical and neuropsychological data usually allow to make the distinction easy. Effects of antidepressant therapy can not be considered as a diagnostic test and treatment should be withdrawn if it does not bring about clear results on affective and cognitive symptoms (2). Depression could be associated with dementia, due to cerebral biochemical disturbances or narcissic injury resulting from cognitive deficits. Defined depression is actually rare but high depressive and anxious symptomatology are frequent. In a dimensional approach, two emotional disturbances can be described: emotional deficit, increasing with the progression of the disease, and emotional incontinence (3). Psychosocial factors had been advocated for the etiology and progression of the disease.

Mots-clés

Démences
Maladie d'Alzheimer
Dépression
Troubles émotionnels

Key-words

Dementia
Alzheimer's disease
Depression
Emotional disturbances.