Sommaire Vol. 1 Numéro 1 - Octobre 1995
ÉDITORIAL
Pierre ANGEL et Pierre LAMARCHE
UNE SCENE D'IVRESSE
- Véronique NAHOUM-GRAPPE
Problématique qui concerne l'alcool et l'identité autour d'un exemple. Cet article tente de montrer le lien entre l'expérience de l'ivresse et les différents rôles sociaux des acteurs : l'ivresse menace les hiérarchies et déconstruit les
identités.
DES PRINCIPES ET ALÉAS DE LA SUBSTITUTION
Jean DUGARIN et Patrice NOMINÉ
A propos du recours grandissant aux prescriptions de morphiniques dans le cadre des prises en charge des toxicomanes utilisateurs d'opiacés, les auteurs proposent une série d'interrogations sur la nature et le sens de ces pratiques dites de substitution, à travers l'histoire de leur mise en oeuvre, les principes sur lesquels elles reposent et la complexité des situations auxquelles elles s'adressent.
Mots clés. - Substitution - Prise en charge - Prescription - Histoire - Thérapeutique - Épistémologie - Méthadone.
HISTOIRE(S) DE S'EN SORTIR
Propos de personnes toxicomanes sans abri
Céline MERCIER et Guylaine RACINE
Cet article présente les résultats d'une étude pilote dont les objectifs étaient de documenter le parcours de réinsertion sociale tels que décrits par des personnes alcooliques et/ou toxicomanes sans abri et d'identifier des indicateurs de progression et de stabilisation. Les données présentées ont été recueillies lors d'entretiens individuels en profondeur réalisés auprès de trois personnes dont la situation était considérée comme stable ou en voie de stabilisation. Ces personnes ont été contactées par l'entremise du groupe communautaire l'Itinéraire, voué à la réinsertion de personnes alcooliques et toxicomanes sans abri. Les résultats présentés sont organisés autour des thèmes suivants : la perception que ces personnes ont de leur situation actuelle ; le parcours emprunté jusque-là ; les moyens mis en place pour maintenir les acquis et poursuivre le cheminement amorcé.
Mots clés. - Personnes sans abri - Toxicomanes - Indicateurs de réinsertion sociale - Processus de réinsertion sociale - Perspective des usagers (ou des clients).
LE TOXIQUE, L'AUTRE ET LE NON-SUJET
Janine PAGÈS-BERTHIER
Le concept d'intersubjectivité, emprunté à la phénoménologie, pourrait être utile pour comprendre la fonction du toxique dans l'économie psychique des sujets addictifs.
Ainsi Didier, Simon et Marielle, plutôt que de nous éclairer sur le pourquoi de la drogue, nous disent bien à quoi elle leur sert : le toxique doit jouer un rôle de non-sujet, tout comme cet autre laminé, réduit à un pur objet de besoin, privé de son altérité. La relation duelle étant vécue comme trop menaçante, aucun alter ego ne pourra être reconnu ni investi sur le plan d'une mutualité véritable.
Si l'on veut repenser un cadre thérapeutique qui soit réellement opérant, il ne faudrait pas perdre de vue cet évitement de la relation duelle dans le phénomène de l'addiction.
Mots clés. - Intersubjectivité - Phénoménologie - Relation duelle - Toxique - Altérité - Mutualité - Non-sujet
ADDICTIONS ET ACCULTURATION
dans les communautés hispaniques et indiennes du Nouveau Mexique
Dominique GODRÈCHE
Partant du concept du "Pachuco" tel qu'il est décrit dans le livre d'Octavio Paz, le Labyrinthe des solitudes, cet article se rapporte à une partie d'une recherche en anthropologie dans le cadre d'un doctorat sur le processus d'acculturation chez les Indiens et les Hispaniques de la région de Santa Fe dans l'État du Nouveau Mexique aux États-Unis, et leurs relations avec les différentes formes d'addiction.
L'auteur tente ici d'analyser comment le sens de l'identité, ou la perte de l'estime de soi, interfère avec des modèles d'autodestruction tels l'alcoolisme ou la toxicomanie. Le problème est lié aux valeurs du temps et de l'espace dans les différentes cultures, mais aussi à la notion du vieillissement et à la façon de se faire reconnaître comme un membre de la communauté plutôt qu'à une vision phantasmée d'une famille détruite et de sa propre perte. Le processus de réintégration commence avec le regain de sa propre estime et le retour aux valeurs traditionnelles telles qu'elles ont été pratiquées par les aïeux de la communauté.
ALCOOL, DROGUES ILLICITES ET CRIMINALITÉ
Étude d'une population incarcérée à l'établissement de détention de Trois-Rivières
Pascal SCHNEEBERGER et Serge BROCHU
Depuis quelques décennies, on attribue un rôle majeur aux substances psychoactives lors de la perpétration d'un délit. Les études antérieures indiquent en effet qu'une forte proportion des personnes incarcérées ont déjà fait usage de drogues et, sur un autre plan, qu'un grand pourcentage de la clientèle admise en traitement pour un problème de toxicomanie possède des antécédents judiciaires. La présente étude a été réalisée auprès d'une population incarcérée dans une prison de la province de Québec (n = 81). Les résultats indiquent que 43,2 % des détenus admis dans cet établissement présentent un indice de toxicomanie en rapport avec la drogue et/ou l'alcool. On constate également que ces individus possèdent un profil biopsychosocial plus détérioré que les personnes incarcérées qui ne présentent pas de symptômes de toxicomanie. Les implications concernant le traitement de ces personnes sont également discutées.
Mots clés. - Drogues - Détenus - Québec - Criminalité - Épidémiologie.
Point de vue
DE LA RÉPRESSION POLICIÈRE A LA RÉPRESSION MÉDICALE...
Professeur Claude OLIEVENSTEIN
Le sida marque de plus en plus les politiques de santé publique en matière de toxicomanie. Dès lors, le vieux dilemme "punir ou guérir" apparaît en filigrane derrière tous les dispositifs de prise en charge policière ou médicale. Et plus encore, se met en place une délégation de pouvoir du policier vers le médical.
Il s'agit donc de ne pas nous habituer et de ne pas habituer les toxicomanes à la guerre à la drogue mais à la solution des problèmes posés par la drogue. C'est ainsi que se posera tôt ou tard la question de la légalisation.
NOTES DE LECTURE
- Dépendances ou addictions par Thomas Rouault
- L'évolution des discours sur la toxicomanie : normalisation ou retour de la maladie ? par Marc Valleur