Les établissements de santé formalisent les engagements et reçoivent en contrepartie des agences des assurances sur les moyens dont ils pourront disposer.
Les signataires sont le directeur d'agence et le directeur de l'établissement public ou privé.
Le contrat allie expérimentation et évaluation. Il permet de prendre en compte la qualité des prestations, le coût et la couverture des besoins.
Souple et à géométrie variable, le contrat fixe les voies et les moyens d'actions particulières, financières ou techniques. Il peut porter sur la mise en réseau de l'offre, la participation des établissements aux réseaux de soins et aux communautés d'établissements.
Pour être opérationnel, le contrat doit s'accompagner d'une contractualisation des financements : il est ainsi le point d'articulation entre la logique de planification et l'allocation des ressources.
Le contrat définit des engagements réciproques. Il exige une adaptation des modes de fonctionnement des services chargés du contrôle, des organismes payeurs, des professionnels du secteur hospitalier.
Le partenariat possible des collectivités locales avec les établissements et l'assurance maladie ouvre l'hôpital sur le secteur social et médico-social.
Elle est facultative et ne concerne que les établissements publics de santé. À l'initiative des équipes médicales et para-médicales, des centres de responsabilité, faisant l'objet de délégation de gestion dont les modalités sont fixées par contrat, sont proposés au directeur après avis des instances consultatives. Le même mécanisme opère en sens inverse, le directeur pouvant être à l'initiative de telles créations.
Editorial
UN MOTEUR NOMMÉ "CONTRATS"
Ils sont assimilés par certains à une nouvelle contrainte administrative et vécus par d'autres comme une panacée capable enfin de remédier à l'ensemble des maux dont souffre le système hospitalier : que sont en fait les contrats d'objectifs et de moyens, rendus obligatoires par les ordonnances d'avril 1996 et qui vont s'installer partout en 1998 ?
Ils sont avant tout un outil d'importance stratégique pour tous les établissements. S'agissant ici de la santé mentale, ils méritent d'être mieux connus par l'ensemble des acteurs, soignants et non soignants : il s'agit en effet d'un instrument qui engage un processus quantitativement et qualitativement fort dont il convient d'apprendre le maniement.
C'est pourquoi "Pluriels" a souhaité dans ce numéro présenter à la fois la philosophie inhérente aux "contrats" et apporter les témoignages directs de ceux qui dès à présent se sont investis dans cette action.
Les signataires de ce numéro : E. Beau, P. Mordelet, G. Poutout font encore figure de pionniers, mais un autre, M. Potencier, dispose déjà d'un recul qui lui permet d'évaluer l'efficacité et aussi les défauts du premier contrat d'objectifs (Saint-Venant, 1991-1996) dont les actuels contrats d'objectifs et de moyens sont les fils.
La mise en uvre concrète des projets d'établissements, des schémas d'organisation, des capacités de dialoguer à tous niveaux sur une même base et dans la même perspective passent aussi par l'élaboration et le suivi du nouveau dispositif.
"Pluriels", en ce moment où les expériences de ce nouveau moteur commencent, veut seulement le décrire au plus près : il concerne l'ensemble des professionnels et va s'intégrer dans notre culture. Son mode d'intégration dépend de nous.
Christian Bonal
SAINT-VENANT : 1991-1996
Le Centre hospitalier de Saint-Venant a été le premier en France à signer un contrat d'objectifs pour la période 1991-1996.
Ce contrat liait la Caisse régionale d'assurance maladie, la Direction départementale des Affaires sanitaires et sociales, et le Centre hospitalier.
Ce contrat comprenait cinq grands axes :
Ce contrat prévoyait de maintenir les moyens financiers et de personnels existants protégeant le centre hospitalier contre "la fuite" de ceux-ci vers d'autres structures sanitaires non psychiatriques ou vers le médico-social.
Il était prévu la mise en place de structures nouvelles : hôpital de jour, service d'alcoologie, délocalisation d'un secteur... pour lesquelles des allocations budgétaires supplémentaires étaient inscrites.
Ce contrat d'objectifs nous paraissait présenter plusieurs avantages :
Nous avons regretté qu'aucune clause n'ait prévu la prise en compte de cet ensemble d'observations par une révision automatique du contrat, préalablement à la mise en place de structures de soins : en effet, certains coûts avaient été évalués depuis quatre ans en fin de contrat sur des bases budgétaires qui avaient été modifiées.
En ce qui concerne la rénovation du patrimoine, les engagements n'ont été réciproques parce que si l'établissement était autorisé dès 1992 à transférer ses excédents d'exploitation à l'investissement pour amorcer le financement des opérations, rien n'avait été prévu pour compenser les charges financières nouvelles.
De même, aucun crédit ne nous a été accordé pour le financement des intérêts courus non échus se rapportant aux emprunts que nous avions dû contracter.
Par ailleurs, les charges d'entretien nouvelles du fait d'une multiplication des locaux, des surfaces de soins n'ont pas été l'objet d'un financement nouveau.
En ce qui concerne le personnel, malgré une multiplication des lieux de soins et en particulier d'alternatives à l'hospitalisation, aucune création de postes n'a été autorisée en dehors de quelques postes médicaux.
Malgré ces quelques déceptions sur le plan budgétaire, ce contrat d'objectifs a permis à l'établissement de procéder à sa restructuration dans de bonnes conditions.
Aussi c'est sans hésitation que nous souhaitons passer un nouveau contrat d'objectifs avec l'Agence régionale de l'hospitalisation à partir du projet médical 1997-2002 que nous avons déposé tel que le prévoit les ordonnances du 24 avril 1996 en tirant des leçons de cette première expérience qui, dans l'ensemble, nous paraît avoir été très favorable à notre établissement.
M. Potencier *
Président de la CME
Centre hospitalier, 34, rue de Busnes,
62350 Saint-Venant
Tél. : 03 21 63 66 39 - Fax : 03 21 63 66 54
OBJECTIFS ET MOYENS À PERRAY-VAUCLUSE
Dès son installation le 1er mars 1997, l'Agence régionale de l'hospitalisation de l'Île-de-France s'est trouvée confrontée à un conflit social très dur dans deux des plus importants hôpitaux psychiatriques de la région parisienne. Dans les deux cas, une grève de plusieurs semaines, le refus d'admettre les patients, la séquestration des dirigeants hospitaliers marquaient l'hostilité des personnels non seulement aux importantes réductions budgétaires imposées aux établissements de l'Île-de-France et plus fortement aux établissements psychiatriques de Paris, mais surtout aux transformations majeures prévues dans leur projet d'établissement. En signant dès la fin du mois de février un protocole d'accord avec le directeur et l'une des organisations syndicales engagées dans le conflit, la Dass de Paris a mis un terme au conflit de Maison Blanche.
La situation apparaissait particulièrement difficile pour le Centre hospitalier de Perray-Vaucluse, pris entre un projet d'établissement ambitieux et la résistance de personnels anxieux sur leur avenir professionnel et personnel. L'ARH-IF a souhaité sortir de ce conflit par le haut. Elle aurait pu, comme cela se fait le plus souvent en pareil cas, se contenter de régler le problème social ; elle a choisi, au contraire, de proposer une démarche globale centrée sur la réorganisation en profondeur des activités médicales de l'hôpital et de garantir en contrepartie des moyens adaptés afin que tous, personnel et médecins, s'engagent avec confiance dans le processus de transformation. La formule du contrat d'objectifs et de moyens, prévue dans l'ordonnance du 24 avril 1996, a été retenue pour donner un cadre juridique à cette négociation.
La situation exigeait une négociation rapide, impliquant l'ensemble des partenaires institutionnels et sociaux. La procédure de négociation s'est adaptée à ces deux contraintes : la négociation a duré trois mois (de mars à juin 1997) ; elle a rassemblé, outre la direction de l'établissement et les représentants de l'Agence, trois représentants du corps médical et deux représentants de chaque organisation syndicale, soit au total huit représentants des personnels non médicaux.
La situation géographique de l'établissement, installé dans l'Essonne pour desservir des secteurs parisiens éloignés de 25 kilomètres, et la complexité des questions à traiter, imbriquant organisation sanitaire et besoins médico-sociaux, ont conduit l'administration à sortir de la logique strictement départementale qui avait prévalu jusque-là et à considérer la place de l'établissement d'un point de vue régional. La négociation du contrat d'objectifs et de moyens de Perray-Vaucluse a été pour l'Agence la première occasion de fédérer dans la réflexion et dans l'action les services de l'État et ceux de l'assurance maladie ; elle a également permis de démontrer la force et l'intérêt de l'approche régionale voulue par l'ordonnance sur la réforme hospitalière.
Au terme de trois mois de discussions, l'Agence a fait connaître à l'établissement les bases sur lesquelles elle accepterait de signer un contrat d'objectifs et de moyens. Le directeur du CH de Perray-Vaucluse a rédigé un projet de contrat qui a reçu un avis favorable des assemblées consultatives et délibérantes de l'établissement. Soumis à la commission exécutive de l'Agence au mois de septembre, le projet de contrat a été signé peu de temps après par le directeur de l'ARH et celui de l'établissement.
En choisissant de sortir du conflit par la négociation d'un contrat d'objectifs et de moyens, l'Agence a délibérément lié les garanties demandées par le personnel pour son avenir à l'inscription de l'établissement dans une dynamique nouvelle et dans la réorganisation de ses activités. La discussion a pris de ce fait un caractère professionnel et s'est déroulée dans un climat de grande franchise sans démagogie ni surenchère. Les problèmes ont été abordés au fond, y compris des questions difficiles et longtemps refoulées comme le déséquilibre entre emplois soignants et logistiques ou encore le caractère obsolète du tableau théorique des emplois.
Le projet d'établissement, voté l'année précédente et approuvé par la Dass de Paris, a servi de base à la discussion sur les activités et les missions de l'hôpital. Le contrat d'objectifs est ainsi venu confirmer les principales orientations du projet d'établissement :
Au terme du contrat d'objectifs, la physionomie de l'établissement sera profondément différente. Les 500 lits d'hospitalisation complète installés aujourd'hui sur le site de Perray-Vaucluse auront laissé la place à une organisation diversifiée à la fois par les modalités de prise en charge des patients et par l'implantation géographique des structures.
C'est donc à une transformation rapide et profonde de son fonctionnement que l'établissement s'est engagé. Le contrat d'objectifs et de moyens confirme ce mouvement de rénovation lancé par le projet d'établissement en garantissant pendant la durée du contrat les moyens nécessaires à sa mise en uvre : maintien des effectifs médicaux et soignants et reconduction des crédits affectés aux dépenses médicales et hôtelières.
Mais l'établissement doit réviser la structure de ses effectifs pour tenir compte de la nouvelle orientation de ses activités (en particulier médico-sociales) et surtout supprimer 97 postes excédentaires dans les services logistiques et administratifs. Des mesures d'accompagnement social sont prévues pour faciliter la mobilité des agents appelés à travailler à Paris ou la reconversion professionnelle des personnels logistiques vers les soins. Une enveloppe annuelle de 2,5 MF, attribuée sur les fonds nationaux de restructuration, permettra le financement de cet ensemble de dispositions.
Le contrat d'objectifs de Perray-Vaucluse a fait l'objet de critiques parfois virulentes et radicales : il serait un "pont d'or" accordé à un établissement dépassé ; il encouragerait les personnels à durcir les relations sociales ; en rassemblant sur le même site des activités psychiatriques et médico-sociales, il recréerait les conditions d'une psychiatrie à deux vitesses. En définitive, pour les plus déterminés de ses détracteurs, le contrat d'objectifs de Perray-Vaucluse aurait dû conduire à la fermeture pure et simple de l'établissement et à la redistribution de ses moyens.
L'Agence a considéré que l'enjeu était double : amener dans les faits à la différenciation des prises en charge pour tenir compte de la situation de chaque malade et au redéploiement géographique de l'offre de soins. Ce travail ne peut être réalisé que par les médecins et le personnel de l'établissement qu'il faut donc à la fois persuader du bien-fondé du changement et rassurer en stabilisant les moyens de fonctionnement.
Ceci n'exclut pas la participation de l'établissement au redéploiement des moyens budgétaires de la psychiatrie au sein de la région. Mais cet effort budgétaire n'est plus le résultat d'un taux fixé a priori et appliqué indistinctement à la masse budgétaire. Il peut être programmé dans le temps à partir des opérations de réorganisation décidées par l'hôpital en application du contrat.
La signature du contrat d'objectifs et de moyens n'est qu'une étape dans la transformation de Perray-Vaucluse. Tout se joue en effet maintenant sur la mise en uvre concrète des projets, sur la capacité de dialogue au sein des équipes, sur l'impulsion donnée par la direction, sur le suivi des réalisations et leur cohérence avec le contrat mais aussi sur le soutien actif que l'Agence entend bien apporter à l'établissement tout au long de la réalisation du contrat.
Élisabeth Beau *
Chargée de mission, ARH Île-de-France
Vers de nouveaux modes de relation entre établissements de santé
et agences régionales de l'hospitalisation :
LA CONTRACTUALISATION
"Là où finit le télescope, le microscope commence,
Lequel des deux a la vue la plus grande ?"
(Victor Hugo, 1862)
Jamais sans doute depuis un demi-siècle, la contradiction n'a été aussi forte entre le besoin et la volonté de réformer le fonctionnement du système hospitalier d'une part, et l'inertie du système d'autre part, liée à de multiples raisons institutionnelles, juridiques, économiques, politiques et sociales.
De nouvelles règles du jeu
L'évolution rapide des technologies médicales, les transformations dans les modes de prise en charge des patients, l'évolution de la vision de l'hôpital par ses usagers, tout autant que les théories de "l'État modeste, État moderne" plaident en faveur de nouveaux modes de régulation entre les pouvoirs publics et les établissements de santé.
Les principes fondamentaux qui régissent désormais le fonctionnement des établissements de santé reposent sur les droits du malade, la contractualisation des relations entre les agences régionales de l'hospitalisation et les établissements de santé, l'évaluation interne et externe de l'activité des établissements (Livre VII du Code de la Santé publique).
Le contrat d'objectifs et de moyens est appelé à devenir la pierre angulaire de ces nouveaux modèles de relation et de régulation entre les établissements de santé et l'Agence régionale de l'hospitalisation, ainsi que le définissent les articles L 710-16, L 710-16-1 et L 710-16-2 du Code de la Santé publique.
Le contrat doit se substituer aux relations de tutelle administrative pour les établissements publics et aux relations conventionnelles tarifaires pour les établissements privés commerciaux.
Le procédé contractuel va clarifier les relations traditionnelles entre puissance publique et établissements. Les rôles des uns et des autres évoluent : les pouvoirs publics déterminent la stratégie en fonction des grands principes de santé publique et des dysfonctionnements majeurs du système de santé ; en face, les établissements bénéficient d'une large latitude et de marges de manuvre importantes pour mettre en uvre la stratégie globale dans leur aire d'intervention directe.
Ainsi que le précisait le préambule de la réforme hospitalière, "la visibilité que procurera [aux établissements] ce contrat leur permettra de mener une politique autonome et responsable, afin de s'adapter aux évolutions rendues nécessaires par les besoins de la population". On n'est plus dans une relation unilatérale de puissance publique à exécutant, mais dans une relation duelle où chaque partie doit s'engager de manière contractuelle sur des objectifs et des moyens.
De la théorie à la pratique
Pour autant, les difficultés rencontrées pour restructurer le tissu hospitalier, même de façon marginale, montrent à quel point il y a loin de la philosophie et de la loi à la pratique. À long terme, les choses sont claires : le choix est fait d'un mode de régulation contractuel fondé sur des engagements réciproques entre agences régionales et établissements. À court terme, les choses sont également très nettes : le mode de régulation contractuel n'existe pas encore, ou s'il existe, c'est ponctuellement et à titre exceptionnel. La difficulté réside dans le moyen terme où il est nécessaire de faire basculer les modes de régulation actuels vers de nouveaux modes de régulation, tout en assurant la continuité du fonctionnement et du financement des établissements de santé.
Pour cela, il faut une volonté politique forte. Il faut aussi que les acteurs institutionnels, au sein des ARH, aient le souci d'utiliser et de dynamiser les anciens outils de planification dans une perspective de restructuration contractuelle du tissu hospitalier. Cela passe par la définition d'objectifs d'organisation explicites et peu nombreux, fortement restructurants, privilégiant l'organisation en réseaux de soins. Ils sont accompagnés d'un volet financier fortement incitatif.
La négociation et la signature de contrats d'objectifs et de moyens pourra prendre alors tout son sens. Si les Agences développent une statégie régionale forte et dotée d'un volet financier à la hauteur des ambitions affichées, les établissements pourront alors bâtir leur propre stratégie en fonction des intérêts de santé publique d'une part et de leur propre intérêt économique d'autre part.
Grâce aux contrats, ils engageront la clarification au sein de leurs activités en donnant la priorité aux actions cohérentes avec la stratégie régionale et en mettant à l'inverse en question les autres activités.
Des choix stratégiques régionaux sans ambiguïté, accompagnés de mécanismes de financement et d'évaluation tout aussi précis pousseront les établissements aux choix stratégiques et leur fourniront les éléments politiques et économiques pour opérer les arbitrages nécessaires.
À défaut de volet financier, la crédibilité des contrats d'objectifs et de moyens serait dès l'origine compromise.
Pour les établissements publics, les seuls critères de modulation de l'enveloppe budgétaire se réduiraient rapidement à la valeur du point ISA de chaque établissement et aux francs dépensés par habitant et par secteur sanitaire.
Pour les établissements privés, une des seules possibilités légitimes de modulation serait de jouer sur un rééquilibrage entre enveloppes par discipline médico-tarifaire, ce qui est insatisfaisant et insuffisant pour faire évoluer de manière significative l'activité concrète de ces établissements.
Cette nouvelle approche contractuelle permet d'envisager dans ces conditions un renouveau de la politique de planification : à la contrainte tutellaire sur l'offre peut se substituer progressivement la négociation contractuelle, fondée sur des engagements réciproques en termes d'objectifs à atteindre et de moyens adaptés, tant sur le plan financier que sur le plan des installations et des équipements.
On peut schématiser cette conception de la manière suivante :
Cette dynamique vertueuse ne pourra cependant se réaliser que si au moins deux conditions sont réunies :
* d'un côté, il faut le réaffirmer, les Agences doivent afficher une stratégie resserrée et forte avec un volet financier étayé et détaillé,
* de l'autre côté, il faut aider les établissements à développer leur propre stratégie au sein du cadre stratégique régional.
Vers le renouveau des jeux d'acteurs
Pour mobiliser l'ensemble des acteurs dans une dynamique de progrès, il faut que chaque acteur soit apte à jouer le rôle qui lui est dévolu.
Les établissements doivent traduire la stratégie régionale en s'adaptant au jour le jour à la réalité sanitaire de leur environnement et en adaptant par là-même leur propre organisation en toute autonomie et responsabilité.
Il existe pour cela un outil adapté : le projet d'établissement. Loin de remettre en question la démarche de projet au sein des établissements, les contrats d'objectifs et de moyens renouvellent au contraire l'intérêt de la réflexion stratégique. La vision régionale et la vision locale trouvent matière à se confronter et à s'enrichir grâce aux mécanismes contractuels.
On peut schématiser cette dynamique de la manière suivante, au sein d'un établissement :
Si l'on rapproche ce schéma du schéma précédent, on voit comment les outils mis en place par les différentes réformes hospitalières peuvent trouver leur place dans une dynamique d'ensemble.
Les deux outils permettant la convergence et l'ancrage entre l'Agence régionale de l'hospitalisation et les établissements sont le SROS et le contrat d'objectifs et de moyens. À l'Agence de maîtriser en outre les éléments de la planification et le volet financier régional.
Aux établissements de développer en toute autonomie une stratégie adaptée au sein du projet d'établissement et de prendre toutes les initiatives nécessaires pour réaliser les objectifs internes concourant à la réalisation des objectifs régionaux.
Il s'agit in fine de permettre à chaque acteur de développer ses initiatives là où il a légitimité pour le faire.
La politique de basculement vers de nouveaux modes de régulation permettra alors d'organiser simultanément le dépérissement des anciens modèles.
Il n'est en effet pas possible de basculer d'un bloc et un jour donné, les mécanismes de régulation actuels vers de nouveaux modes de régulation contractuels. Promouvoir et utiliser les expériences contractuelles, notamment autour des projets de mise en réseau d'établissements de santé peut être l'un des outils privilégiés pour expérimenter ces nouveaux modèles. C'est un moyen de donner dans l'action un contenu et un sens partagé au mécanisme de régulation futur.
Gilles Poutout (CRAMIF-DGRH) *
Contrat d'objectifs et restructuration de l'hôpital de Maison Blanche
Signé avec l'État et l'assurance maladie le 18 avril 1996, et confirmé par l'Agence régionale de l'hospitalisation le 3 octobre 1997, le contrat d'objectifs et de moyens de Maison Blanche prévoit la restructuration complète d'un hôpital psychiatrique traditionnel érigé en 1900, éloigné de la population qu'il dessert, vétuste et coûteux en fonctionnement.
Au regard de la circulaire de janvier 1997 sur les contrats d'objectifs, la situation de Maison Blanche correspond exactement à la catégorie d'établissements devant prioritairement signer un tel contrat : cette politique contractuelle s'applique en effet d'abord aux hôpitaux qui nécessitent une forte restructuration et dont les budgets de fonctionnement doivent être strictement encadrés ou réduits. Tel est le cas de Maison Blanche : le schéma départemental d'organisation de la psychiatrie parisienne et le schéma régional d'organisation sanitaire recommandent le rapprochement des lieux d'hospitalisation de la population à desservir (il s'agit donc de supprimer des lits à l'hôpital psychiatrique pour les installer à Paris) et de transférer des moyens financiers du département de Paris (dont dépend l'hôpital) vers certains autres départements de l'Île-de-France.
LA NÉGOCIATION DU CONTRAT
Dans ce contexte particulièrement délicat, l'intérêt de l'établissement n'était donc pas de bénéficier de moyens financiers supplémentaires, mais plutôt de passer un accord avec l'État permettant, dans un esprit de partenariat sincère, de réussir cette difficile et ambitieuse restructuration, avec des ressources budgétaires en diminution.
La négociation d'un tel contrat d'objectifs fut longue et laborieuse : plusieurs mois furent en effet nécessaires pour aboutir au texte définitif.
Le contrat se décline en quatre chapitres : les objectifs (1), les modalités de financement (2), les engagements des contractants (3) et les modalités de suivi et d'évaluation (4).
En préambule sont définis les objectifs généraux partagés par les cocontractants : le premier concerne la rationalisation de l'organisation de l'établissement, ce qui se traduit par l'implantation de services d'hospitalisation dans les secteurs desservis, en dehors de l'hôpital psychiatrique, avec une nette amélioration de la qualité de l'accueil et de la prise en charge de la population hospitalisée.
Les autres objectifs portent sur la coopération avec les hôpitaux généraux de l'assistance publique, la mise en place de réseaux de soins, notamment en matière de prise en charge des adolescents, un partenariat avec les institutions sociales et médico-sociales et, enfin, une orientation spécifique sur des populations cibles (toxicomanes, malades VIH, personnes âgées).
Le point le plus délicat de la négociation du contrat portait, non sur ces objectifs généraux qui étaient unanimement partagés par les cosignataires, mais sur les questions de financement et d'allocation budgétaire. Quelles dispositions contractuelles pouvaient être précisées dans le document, sachant que le budget de fonctionnement alloué serait en baisse d'une année sur l'autre durant plusieurs exercices ?
Après de longues discussions, un accord fut conclu, stipulant que le budget de fonctionnement serait fixé, pour chaque exercice, conformément aux dispositions applicables aux autres établissements du département, ce qui voulait dire une stricte application du droit commun.
Par contre, pour le budget d'investissement, le contrat prévoyait l'octroi "éventuel" de prêts sans intérêt de l'assurance maladie et de subventions de l'État, sur la base d'un "diagnostic financier partagé" entre les cocontractants, arrêté chaque année. Il n'y a donc aucun engagement ferme de l'État, en matière de financement des investissements, mais l'établissement a obtenu, la première année, un prêt sans intérêt de 10 millions de francs et compte bénéficier, en 1998, d'une subvention de l'État au titre des investissements liés aux restructurations.
En matière de fonctionnement, l'hôpital est également bien placé pour obtenir une aide financière au titre du fonds social lié, lui aussi, aux restructurations.
La procédure contractuelle définie par l'ordonnance hospitalière est donc tout à fait cohérente, sur le plan financier, que l'établissement bénéficie d'une augmentation ou d'une baisse de son allocation budgétaire. La situation de Maison Blanche s'apparente à celle d'un hôpital général avec un point ISA à 18 ou 19 F, qui obtiendrait un soutien financier en investissement, mais qui s'engagerait en contrepartie à des économies de fonctionnement importantes pour ramener progressivement son point ISA vers la moyenne.
LE CONTENU DU CONTRAT
Si les représentants de l'État et de l'assurance maladie partageaient sans réserve les objectifs de l'établissement contenus dans le contrat, le fait que ces objectifs soient intégrés dans ce document contractuel lui donnait une force et une dimension inégalables. Et cela était vraiment nécessaire, compte tenu de l'importance et de l'ambition de la restructuration proposée.
Si l'on exclut les autres objectifs généraux (urgences, réseaux de soins, populations cibles) qui ne posent pas de difficulté majeure, la pièce maîtresse du contenu du contrat porte sur l'implantation, dans Paris intra-muros (c'est-à-dire à 20 kilomètres du site de l'hôpital), de quatre services d'hospitalisation représentant 300 lits, dans des hôpitaux généraux ou directement dans la communauté, par l'acquisition d'anciennes cliniques M.C.O.
L'implantation des lits d'hospitalisation dans Paris est organisée selon deux modalités différentes : 100 lits sont implantés dans un hôpital général appartenant aux hôpitaux de Paris (hôpital Bichat), 80 lits dans un hôpital privé participant au service public, et enfin deux autres structures d'hospitalisation sont intégrées directement dans la communauté par l'achat d'anciennes cliniques médico-chirurgicales, avec un partenariat étroit avec les hôpitaux généraux les plus proches (plateau technique et logistique).
La réalisation de ces deux cliniques psychiatriques publiques (dont la première ouvrira ses portes en février 1998) constitue une innovation majeure dans l'organisation psychiatrique française. Largement décentralisée sur le plan médical et administratif, la clinique comprendra un centre de thérapie brève et de l'hospitalisation à plein temps, y compris l'hospitalisation sous contrainte. Un partenariat très étroit avec les médecins libéraux et les services d'accueil des urgences des hôpitaux généraux sera constitué dans le cadre d'un réseau de soins, ce qui permettra un fonctionnement totalement différent des flux de patients et une qualité de la prise en charge et des soins sans précédent.
La clinique sera personnalisée. Elle disposera d'un règlement intérieur propre et d'un livret d'accueil spécifique qui lui confèreront une large autonomie. Admissions et facturation seront réalisées directement dans la clinique qui fonctionnera dans une logique de "filiale", rattaché au "groupe Maison Blanche".
Patrick Mordelet *
Directeur du Centre hospitalier de Maison Blanche
LIBRE OPINION
TROIS RAISONS
En application des ordonnances d'avril 1996, le contrat d'objectifs et de moyens est appelé à devenir l'outil de gestion des restructuratiuons hospitalières pour la prochaine décennie. Avec le prolongement du RDS (remboursement de la dette sociale) qui met à la charge de nos enfants le paiement du déficit chronique de la sécurité sociale, c'est-à-dire de nos erreurs de gestion d'aujourd'hui, on considère, dans les milieux autorisés, qu'un hôpital sur trois fermera ses portes au cours des dix prochaines années, par restructuration, fusion, regroupemenl ou suppression.
Nul doute que les 97 hôpitaux psychiatriques que compte notre pays ne seront pas épargnés par ce raz-de-marée annoncé, et cela pour trois raisons : la première, et la plus importante, est que l'hôpital psychiatrique, dont la conception date du siècle dernier, ne répond plus aux besoins de santé de la population. Face au développement de la psychiatrie communautaire et de la sectorisation, l'organisation et le fonctionnement de ces établissements sont inadaptés à leur mission de soins. La seconde raison est que le champ de compétence de la psychiatrie s'élargit. Comme le précisait F. Caroli dans l'éditorial de "Perspectives psychiatriques"(1) : "l'immense succès du secteur de la psychiatrie le contraint à traiter tout, sans exclusive, depuis le médico-social jusqu'aux questions pharmaco-biologiques les plus complexes, en passant par les addictions, sans oublier l'exclusion et les soins obligatoires", ces activités nouvelles ne se dérouleront pas dans le confort douillet de ces hôpitaux spécialisés, mais au cur de la cité, là où est la détresse psychologique et sociale.
La dernière raison est directment liée à la politique de maîtrise des dépenses de santé : ces hôpitaux sont souvent vétustes, ils coûtent cher en fonctionnement, en infrastructures, en logistique et en gestion administrative.
Pour ces trois raisons, le transfert progressif, à quelques exceptions près, de la totalité des services d'hospitalisation psychiatrique dans les hôpitaux généraux s'avère indispensable.
Patrick Mordelet *
(1) Caroli F., Un colosse aux pieds d'argile, Perspectives psychiatriques, volume 36, n° 2, mars-avril 1997, p. 85-86.