AU SOMMAIRE
  • Editorial : Les résistances médicales au médico-social
  • Le Médico-Social : enjeux et obstacles
  • Propos de vérité
  • La montagne magique
  • Intérêts et enjeux pour le service de soins infirmiers
  • La chronicité dans les services de psychiatrie
  • Droits et protection des malades mentaux
  • LE MÉDICO-SOCIAL :

    ENJEUX ET OBSTACLES

    "La mission des acteurs de santé mentale que sont les établissements de santé spécialisés dans les activités correspondantes va-t-elle jusqu'à organiser et gérer des activités relevant des secteurs médico-social et social ?".

    En posant cette question au début de l'article qu'il nous propose (cf. ci-dessous : "Propos de vérités..."), Paul Lefebvre situe l'importance de l'enjeu pour les CHS, mais à travers eux, pour l'ensemble de la psychiatrie de l'évolution actuelle, et les articulations qu'elle nécessite entre le médical et le social.

    Des obstacles existent à cette évolution et c'est à les situer et à chercher les moyens de les réduire que tente de répondre Paul Lefebvre du point de vue d'un directeur d'institution, tandis que Gérard Massé analyse la nature des "Résistances médicales au médico-social" (cf. Éditorial, page 2) avant de proposer, en page centrale, des "stratégies de réponses à la chronicité dans les services de psychiatrie", chronicité qui justifie exemplairement la mise en œuvre d'articulations entre le sanitaire et le médico-social.

    R. Lepoutre *


    PROPOS DE VÉRITÉS

    La mission des acteurs de santé mentale que sont les établissements de santé spécialisés dans les activités correspondantes va-t-elle jusqu'à organiser et gérer des activités relevant des secteurs médico-social et social ? La réponse à cette question nécessite d'interroger les trois zones de la volonté - désir - de l'institution intéressée, de ses possibilités, et de la nécessité de répondre à des besoins spécifiques. Ces interrogations requièrent à chaque fois une grande exigence de vérité.

    VÉRITÉ, À PROPOS

    DE LA VOLONTÉ !

    L'opérateur en santé mentale s'interrogeant ou interrogé à propos du médico-social et du social doit être dans le vrai par rapport à sa mission, fondatrice de sa légitimité.

    La question est : les actions de santé mentale dont est responsable cet opérateur sont-elles normalement développées, c'est-à-dire conformes aux schémas régional et départemental, au projet d'établissement approuvé, c'est-à-dire encore utilisant des moyens en rapport avec une activité correctement mesurée ?

    Interrogation préalable indispensable et exigeant une réponse de grande qualité, c'est-à-dire argumentée, débattue, partagée. Il faut en effet à ce stade se méfier qu'une volonté excessive d'"investir" dans le médico-social et le social ne serve de déguisement à une vraie absence de volonté de répondre correctement à la mission première de santé mentale afin d'échapper aux difficultés résultant des restructurations qui s'y attachent.

    S'interroger également sur la volonté sincère de s'engager dans ces nouveaux domaines d'activité dans toutes leurs dimensions : contenu des projets, recours à des métiers nouveaux, etc. Répondre à cette autre interrogation avec la même exigence de qualité, se méfiant d'une volonté excessive masquant des craintes parfois contradictoires entre celles d'accepter une évolution des dispositifs de santé mentale et celles de déchoir techniquement en se laissant aller au médico-social et au social. C'est le moment d'affirmer - et les preuves en sont nombreuses - que ce secteur n'est pas un art décadent mais tout aussi noble que la santé mentale. La croyance inverse - pour autant qu'elle ait un objet - est de toute façon mortelle, car suicidaire.

    Une volonté vraie : condition préalable mais pas suffisante.

    VÉRITÉ, À PROPOS DES POSSIBILITÉS !

    La volonté passée à l'épreuve de la vérité ne suffit pas : les possibilités - les moyens - doivent être à ce même rendez-vous. Rien ne sert d'avoir la volonté de créer et gérer des activités médico-sociales et sociales sans la possibilité de les développer correctement, c'est-à-dire, avec le souci de qualité qu'elles exigent. Il faut donc interroger cette zone des moyens avec, là aussi, une grande exigence de vérité dans les réponses. Les moyens disponibles chez l'opérateur en santé mentale concerné par cette question sont-ils suffisants ou non pour lui permettre d'exercer correctement sa mission première ?

    Si oui, encore faudra-t-il prouver qu'il en reste à un niveau déterminant pour développer de nouvelles activités ; se garder de porter atteinte, à terme, à la qualité du dispositif de santé mentale en s'assurant que cette situation est durable, ce qui nécessite une consultation attentive des pyramides des âges et des qualifications ; enfin, se méfier d'un solde excédentaire déterminant qui ne serait que l'expression d'une volonté feinte de s'engager dans le médico-social par peur des évolutions traversant les activités de santé mentale.

    Si non, encore faudra-t-il prouver qu'il n'y a pas "surconsommation" manifeste pour les activités de santé mentale masquant une non-volonté d'aller vers le médico-social de peur d'y déchoir ; et s'assurer d'une stabilité suffisante de l'excédent constaté ce qui requiert également de se reporter à la documentation relative aux âges et qualifications.

    Cette interrogation des moyens concerne principalement les ressources humaines et la réponse - globale - ne préjuge pas à ce stade des contraintes d'adaptation, de mutabilité et de mobilité. Pour essentielle qu'elle soit, elle ne doit pas faire oublier les moyens pour investir en travaux et constructions neuves afin de répondre aux exigences des activités médico-sociales et sociales et s'écarter - si nécessaire - des travers asilaires.

    Des possibilités vraies : condition nécessaire, mais pas plus suffisante.

    VÉRITÉ, À PROPOS DE

    LA NÉCESSITÉ

    Volonté et possibilités réunies n'auront de sens qu'en face d'une nécessité, celle des besoins de la population. La même exigence de vérité s'attachera à la réponse à cette question des besoins.

    Ce qui signifie d'établir l'inventaire de tous les dispositifs médico-sociaux et sociaux préexistants : implantation, zones d'influence, populations prises en charge, modalités de prise en charge, gestionnaires, etc. Ce qui signifie également d'établir un recensement aussi précis des besoins : consultation des différents schémas existants, des instances d'orientation, des dispositifs existants, des associations représentatives en la matière etc.

    Il faut ainsi s'intéresser d'abord aux besoins et aux ressources existant à l'extérieur, les analyser et les recouper. La tentation est en effet grande de privilégier l'interne : reconnaissant
    - enfin ? - que des populations sont inadéquates à la psychiatrie mais légitimes pour des prises en charge relevant du médico-social ou du social, créons et gérons les activités correspondantes ! Or, cette tentation est dangereuse si n'est pas conduite l'analyse des caractéristiques de ces populations : origines géographiques, causes de la dépendance institutionnelle, âge, nature pérenne ou non de ces caractéristiques au regard des nouvelles orientations données aux politiques de soins, etc. Cette analyse préalable peut faire apparaître que les besoins existants sont temporaires ou évolutifs obligeant à penser une réponse adaptée (ex. : foyer occupationnel nécessaire dix ans évoluant ensuite en besoin d'hébergement de personnes âgées ; la population de foyer occupationnel ne se renouvelant pas). Ce double examen, externe et interne, doit être systématique.

    NÉCESSITÉ VRAIE DONC, AUTRE CONDITION INDISPENSABLE

    Le trépied, VOLONTÉ-POSSIBILITÉS-NÉCESSITÉ, ainsi scrupuleusement vérifié (vérifier = verus facere = faire le vrai), il sera possible alors de répondre à la question posée en tout début. Si volonté, possibilités et nécessité sont réunies, la réponse pourra être positive. Si aucun de ces trois éléments n'est présent, la réponse sera négative. S'il y a possibilités et nécessité mais absence de volonté, la réponse pourra varier entre contraintes et redéploiements vers l'extérieur. D'autres combinaisons sont possibles, dont certaines sans objet ici.

    En réalité, bon nombre de nos établissements de santé spécialisés en santé mentale sont encore concernés par cette question vraie. Et il doit être donné une réponse vraie utilisant le contrat entre planificateurs et financeurs d'une part et établissement d'autre part ; contrat avec un dispositif qualitatif fort pour garantir dans la durée une prestation adaptée (= structures pertinentes pour des besoins avérés ; pertinence par la capacité, par la localisation, par la conception architecturale, par le coût, et par le contenu du projet de vie essentiellement) aux bénéficiaires concernés.

    Paul Lefebvre *

    Directeur de l'Institut Camille Miret (Lot)


    EDITORIAL

    LES RÉSISTANCES MÉDICALES AU MÉDICO-SOCIAL : UNE EXPLICATION

    Les difficultés qu'il y a à trancher entre "sanitaire" et "médico-social" sont les fruits de clivages et de dénis d'ordre sociologique. Ces considérations de nature sociale, bien mises en lumière par l'engagement de certains pionniers du secteur, mettent en résonance la maladie mentale et d'autres formes d'exclusion sociale et déterminent ainsi à l'égard des malades des déclarations de principe qui soutiennent, à partir d'une vision idéologique, les pires contradictions entre le discours et la réalité, entre les mots et les faits.

    L'absence de bornes à l'ambition thérapeutique tient largement au statut particulier de la maladie mentale et à son rapport intime à la personne, touchant ainsi à la notion même de son existence. Dès lors en effet, l'abstention thérapeutique s'adresse radicalement au-delà de ses attributs - fonctions et organes - à l'être humain lui-même et situe donc ailleurs qu'en médecine du corps, la question principale.

    Ce phénomène est avant tout vérifiable en psychiatrie de l'adulte. Les enjeux sont moins marqués en psychiatrie infanto-juvénile. En témoigne la nouvelle rédaction des annexes XXIV qui indique des déterminants plus souples et des logiques moins absolues. En témoignent aussi les débats actuels autour de l'autisme, qui invitent à imaginer au-delà du "tout thérapeutique" et du "tout éducatif" des propositions institutionnelles constituées à la fois d'institutions sanitaires, médico-sociales et sociales dans un esprit de complémentarité qui ménage des évolutions à travers le temps.

    Pendant longtemps, la chronicité en tant que phénomène acquis a été assez peu étudiée en psychiatrie. De ce fait, la lutte contre la chronisation n'a connu aucune ampleur : elle aurait en effet porté condamnation de pratiques institutionnelles que ni médecin ni infirmiers n'étaient prêts à entendre. Dans cette surdité, on ne peut exclure la crainte sans doute phantasmée d'une perte de substance liée à la diminution du nombre de journées. Aujourd'hui les termes de "réservoir" et de "gisement" restent dans la mémoire d'acteurs qui craignent toujours que la perte de cette clientèle "fidèle" soit prétexte à une diminution drastique des moyens dévolus à la psychiatrie.

    La volonté de maintenir cette clientèle historique peut symboliser le rejet de mesures jugées déstabilisantes. Dans certaines situations, l'existence de patients chroniques en bon nombre remplit une fonction homéostatique institutionnelle particulière : en représentant d'anciennes pratiques de travail, ces patients sont utilisés comme une marge de manœuvre qui justifie les structures en place.

    En fait, l'expérience clinique montre qu'à l'exclusion d'autres paramètres, la chronicité des patients est liée à des pratiques professionnelles qui avant tout refusent d'inclure la famille dans le travail thérapeutique : l'institutionnalisation apparaît alors comme le principal mécanisme de la régulation.

    Le débat actuel autour de la chronicité est en fait lié au paradigme (1) né au XIXe siècle, de la spécificité de la psychiatrie. L'équilibre qui, depuis, semblait avoir été trouvé entre le social et le médical, s'appuyait en fait sur un divorce entre la psychiatrie et la médecine qui constituait une véritable stratégie professionnelle.

    La prise en charge aujourd'hui de malades stabilisés par des structures médico-sociales avec interventions des équipes psychiatriques en fonction des besoins, est perçue par certains comme une remise en cause de la fonction d'assistance de la psychiatrie et est vécue comme un retour au modèle médical avec "ségrégation" des pathologies. Il s'agit en fait d'offrir des réponses adaptées, en élargissant la palette de réponses et en coordonnant par un véritable réseau.

    Gérard Massé

    >(1) Modèle cohérent dont on ne peut mettre en cause un élément sans en menacer l'ensemble.


    LA MONTAGNE MAGIQUE

    Le CHS "Les Genévriers", à Villers-le-lac, gère un unique secteur de psychiatrie adulte, un des plus vastes du département du Doubs, dont les limites correspondent à celles de l'arrondissement de Pontarlier. Il est situé à plus de 1 000 mètres d'altitude, à l'extrême Nord du secteur. Il draine une population, principalement rurale, de 65 000 habitants, dispersée sur zone géographique de 1 270 km2 dont l'altitude moyenne est proche de 900 mètres. Une distance de 40 kilomètres le sépare de Pontarlier qui est la ville principale et le chef-lieu de l'arrondissement du Haut-Doubs.

    En gestation depuis 25 ans, la fusion juridique des centres hospitaliers de Villers-le-lac et Pontarlier est devenue une réalité depuis le 1er janvier 1997. Il s'agit là du résultat d'une volonté commune, pilotée surtout par le CHS de Villers-le-lac qui a vécu sa création et son installation "provisoires", en 1970, dans les locaux de l'ancien sanatorium médico-chirurgical, comme une frustration mais sans jamais se résigner à la fatalité.

    Si, aujourd'hui, les gestionnaires hospitaliers se gargarisent volontiers de concepts comme réseau de soins, coopération, synergie, partenariat, ces notions étaient déjà inscrites, de longue date, dans les esprits et les comportements des personnels médicaux et soignants du CHS. Aucun audit, ni aucune structure formelle de rapprochement ou de coopération inter-établissement n'ont été nécessaires pour que l'idée d'une fusion totale et définitive soit voulue et promue par les acteurs quotidiens de la santé mentale de service public. Ce sont, assurément, la conviction et la détermination de la "base" qui ont permis l'aboutissement de ce projet au long cours. Il fallait d'abord restaurer et rendre attractive l'image de la psychiatrie dont le bâtiment d'hospitalisation, d'une architecture massive et monolithique, véhiculait un mode de prise en charge de type asilaire et inadapté, de nature à discréditer le travail des équipes et à distendre les relations de confiance tissées avec la population desservie, dans le cadre d'un travail de proximité. Il fallait ensuite recentrer le pôle hospitalier sur le noyau démographique du secteur, représenté par la ville de Pontarlier. Il fallait également déployer les structures du dispositif de soins et de prises en charge extra-hospitalière, telles que prévues au projet d'établissement. Il fallait enfin valoriser le travail des équipes médicales et soignantes, dans un secteur rural et de montagne où les risques de précarité et de disqualification sont permanents. Tous ces projets devaient être menés simultanément afin de conserver sa cohésion au réseau sectoriel.

    Le CHG de Pontarlier n'avait, certes, pas les mêmes priorités et ses projets de restructuration étaient focalisés sur la volonté de construire un nouveau plateau technique médico-chirurgical dont l'émergence était laborieuse. En outre, l'intégration de la psychiatrie, sans être une idée nouvelle, suscitait cependant des réactions de crainte et de méfiance. Il est vrai que la psychiatrie est parfois auréolée d'un opprobre qui la rend suspecte de vouloir contaminer ou polluer son environnement.

    La circonstance qui favorisa la mise en commun des projets et leur articulation fut l'implication d'un attaché de direction du CHG de Pontarlier qui était également investi des fonctions de directeur par intérim du CHS et qui s'est vu confier l'élaboration et la gestion du projet de fusion, avec le soutien des autorités de tutelle et des caisses d'assurance maladie qui ont pris une part active dans les négociations et dans la "politique de la salive". Dès lors, tous les ingrédients étaient réunis pour rendre possible le rattachement des activités de santé mentale au centre hospitalier de Pontarlier.

    La programmation stratégique et chronologique de la réalisation des projets a placé la restructuration du plateau technique du CHG en priorité, ce qui a favorisé la consolidation de l'acceptation de la psychiatrie. De plus, la psychiatrie ne devait pas se révéler comme un cheval de Troie et devait donc démontrer sa capacité à se gérer sur ses propres ressources budgétaires, y compris en ce qui concerne les moyens nécessaires à la construction et au fonctionnement du nouvel établissement d'hospitalisation psychiatrique sur le site de Pontarlier. Les excédents d'exploration constatés chaque année ont été affectés en totalité aux mesures d'investissement, pour parvenir à constituer une dotation d'autofinancement de plus de 40 % du montant requis par cette opération d'investissement.

    Malgré la fusion réalisée au 1er janvier 1997, au sein de l'entité juridique du CH de Pontarlier, le site de Villers-le-lac demeurera en exploitation jusqu'à l'achèvement des travaux, prévu à l'automne 1997 et jusqu'au transfert des activités et moyens sur le site de Pontarlier. Cette intégration des entités a été voulue à partir du 1er janvier, pour des raisons évidentes d'ordre budgétaire et comptable et pour préparer l'harmonisation et l'uniformisation des modes de gestion. En outre, les élections générales du 24 octobre 1996, pour le renouvellement des commissions administratives paritaires et des comités techniques d'établissement ont été organisées en commun, afin de disposer d'instances où la représentation des personnels des deux établissements soit assurée. Ces instances joueront, en particulier, un rôle d'intégrateur culturel.

    Si l'union a été célébrée, elle n'a cependant pas encore été consommée et, là aussi, ce seront la motivation et le professionnalisme des individus qui seront déterminants dans la construction des partenariats internes, dans le respect et la reconnaissance du rôle de chacun. Il convient de souligner que l'ensemble de cette opération s'est organisé et programmé sans frilosité et dans une optique gagnant / gagnant : éviter que la psychiatrie publique ne s'isole ni se paupérise et permettre au CH de Pontarlier de s'inscrire en tant qu'établissement sanitaire de référence et en tant que verrou d'activité incontestable dans ses disciplines d'excellence.

    Il reste maintenant à orchestrer ce nouveau schéma organisationnel, en progressant dans le développement du réseau sectoriel et inter-sectoriel et de la psychiatrie de liaison, avec lucidité et réalisme, sachant que la pierre d'achoppement est celle de la faiblesse structurelle des effectifs médicaux et de la moindre attractivité des emplois médicaux en zone rurale. De ce fait, toute évolution doit être consolidée par étapes successives et par effets de cliquet.

    Et n'oublions pas que la santé mentale se décline aussi dans le domaine du soutien social. Ce champ d'action est encore, en grande partie, en friche, notamment pour ce qui est de la coordination avec les circuits sociaux et les institutions médico-sociales.

    La perspicacité et l'opiniâtreté sont les "qualités" dont on affuble traditionnellement les francs-comtois, ce qui n'empêche pas de croire qu'au pays de la Fée Verte et de la Vouivre les montagnes peuvent être magiques.

    Jean-Claude Kneib*

    Directeur du CHS de Villers-le-lac

    *Titre d'un roman de Thomas Mann dont l'action se déroule au sanatorium de Davos, en Suisse.


    UNE ARTICULATION CHS/CHG DANS LE DOUBS

    INTÉRETS ET ENJEUX POUR LE SERVICE DE SOINS INFIRMIERS

    La fusion des centres hospitaliers de Villers-le-lac et Pontarlier met en présence au sein d'une nouvelle entité deux structures aux capacités et effectifs en personnel d'importance différente.

    Pour réussir la fusion, en particulier en terme d'amélioration de la qualité des prises en charges, il est important de ne pas laisser s'instaurer un scénario classique Dominant/Dominé, au regard de l'importance de chaque structure.

    Aussi, un moyen de réaliser cette intégration, en relation avec les autres commissions représentatives de l'établissement, est-il, pour les personnels soignants, la Commission du Service de Soins Infirmiers.

    Renouvelée dans sa composition, favorisant la représentation des personnels des Unités de Psychiatrie, elle doit permettre la participation et l'implication de ceux-ci, avec leurs collègues soignants, dans le cadre de ses missions fixées réglementairement.

    En particulier, le Projet de Soins Infirmiers pour le transformer en projet de l'ensemble des Acteurs Soignants des Unités de soins et Médico-techniques, aux origines diverses, mobilisant connaissances et compétences pour des soins globaux dans le cadre de prise en charge réellement complémentaire.

    Sous l'impulsion de sa Directrice, l'Institut de Formation en Soins Infirmiers de Pontarlier, dans le cadre de la Réforme du cursus de formation des Etudiants en Soins Infirmiers, coopérait déjà avant la fusion avec convention de mise à disposition par le CHS, d'une Infirmière Enseignante pour les Modules de Psychiatrie. De même que la participation des Cadres Infirmiers du CHS aux différents jurys concourt à cette dynamique d'intégration et de travail en commun des Cadres Infirmiers Pédagogiques et d'Unités de Soins des deux structures hospitalières.

    ÉVALUATION DES FONCTIONNEMENTS ET NOUVEAUX PROCESSUS ORGANISATIONNELS

    La fusion de deux Etablissements de Soins aux organisations et fonctionnements différents doit être considérée par l'ensemble des Directions Fonctionnelles en liaison avec le Service de Soins Infirmiers comme l'opportunité unique de réussir l'évaluation des pratiques et fonctionnements actuels.

    La redéfinition des missions et objectifs de chacun doit permettre la mise en place de nouveaux processus organisationnels et ainsi éviter, soit l'addition de fonctionnements divers et variés, soit l'alignement sur une organisation antérieure et ancienne.

    Le positionnement des Unités d'hospitalisation de Psychiatrie éloignées du site hospitalier principal oblige aussi à redéfinir l'ensemble des liaisons internes de l'Etablissement.

    Ces différents impératifs nécessitent une participation et une implication de l'ensemble de l'encadrement tant administratif, logistique et technique, en liaison avec les Cadres Soignants au sein du Service de Soins Infirmiers pour élaborer et valider en commun une organisation et des moyens et supports de fonctionnement en tenant compte des spécificités des Unités de Soins mais aussi des nécessités des services Administratifs, Logistiques et Techniques.

    Dans un environnement hospitalier en mutation, où Evaluation de la Qualité des Soins et Procédure d'accréditation s'inscrivent dans notre quotidien, la nouvelle entité hospitalière née de la fusion d'un Centre Hospitalier Général et d'un Centre Hospitalier Spécialisé en Psychiatrie a les moyens pour réussir cet enjeu de qualité et de compétence dans un cadre d'implication et participation de l'ensemble des personnels hospitaliers et du Service de Soins Infirmiers.

    La Conférence Régionale de Santé de Franche-Comté ayant déterminé comme priorité de santé une thématique globale "Suicide et Dépression", le Nouvel Etablissement Public de Santé de Pontarlier et ses personnels médicaux et soignants peuvent, en offrant dans l'avenir prises en charge globale, somatique et psychique, participer à cet objectif régional prioritaire de santé publique.

    Bruno Legourd *

    Directeur du Service de Soins Infirmiers du Centre Hospitalier de Pontarlier


    STRATÉGIES DE RÉPONSES À LA CHRONICITÉ
    DANS LES SERVICES DE PSYCHIATRIE

    Les patients demeurant hospitalisés en service de psychiatrie mais ne relevant plus d'une hospitalisation plein temps ne concernent que quelques cadres nosographiques :

    - psychoses chroniques (schizophrénie, délires chroniques) stabilisées, mais aussi nouvelles pathologies également chroniques (états limites, structures abandonniques, etc.) demeurant dépen- dantes de l'institution, en attente de structure alternative non disponible ou existante, ou retournées à l'hôpital après de multiples tentatives de sortie ;

    - personnes âgées présentant des éléments de détérioration psychique et physique, en attente de placement dans un service de long séjour ou une maison de retraite ;

    - psychoses infantiles et arriérations parvenues à l'âge adulte le plus souvent transférées, il y a fort longtemps des services de pédopsychiatrie ou plus récemment de structures médico-sociales qui ne les ont pas reprises ;

    - polyhandicapés et adultes jeunes dépendant du fait d'une atteinte neurologique à évolution lente avec désocialisation.

    La prise en compte de l'autonomie et en miroir de la dépendance de ces patients auxquelles concourent une dimension psycho- pathologique et les circuits en place (offres de soins, réseaux, trajectoires de vie, politique sociale) doit permettre de dégager les points communs aux soins et au médico-social sans exclure l'un ou l'autre (1).

    Certains services ou établissements ont fait le choix de spécifier en séparant leurs unités d'hospitalisation en pavillons ou unités d'admission et de "suite ou de réinsertion" (bien d'autres dénominations peuvent être relevées : "chroniques", "long cours", "long séjour", "polyhandicapés", etc.).

    D'autres établissements ont maintenu des unités ou pavillons non spécifiés où les entrants côtoient tous les types de pathologie, certains patients résidant depuis de nombreuses années. Cette situation, lorsqu'elle existe, apparaît généralement rationalisée par les médecins dans un esprit proche de la psychothérapie institutionnelle telle qu'elle a été développée à partir des années 50. D'autres distinguent les unités "assoupies" (faible taux de rotation et peu de premières admissions "porte tournante" (fort taux de rotation mais peu de premières admissions), "actives" (fort taux de rotation et de nombreuses premières admissions) (2).

    Dans les deux cas de figure, l'intersectorialité n'est pas ou peu envisagée, en dehors de certains registres d'activité tels les problèmes addictifs (alcoologie, toxicomanie) ou les personnes âgées.

    PROPOSITION D'UNE STRATÉGIE

    La situation rencontrée représente un moment historique, particulier, d'hôpitaux marqués par le regroupement à certaines périodes, de certains types de patients ou de pathologies. Actuellement, le recrutement cesse pour les polyhandicaps, diminue fortement pour les psychoses infantiles, se poursuit pour les psychoses chroniques dans ce dernier cas bien moins marqué si des structures extra-hospitalières existent (2).

    En règle générale, la situation demeure figée, chaque patient ayant fait l'objet d'une demande d'orientation par la COTOREP, d'acceptation par une maison de retraite ou par une autre institution pour personnes âgées, d'un foyer de vie etc. (ce qu'indiquent les coupes transversales à un jour donné, initiées par la Mission Nationale d'Appui en Santé mentale, pour chaque patient, chaque projet étant précisé par le praticien hospitalier et le cadre infirmier responsables de l'unité).

    Le fait d'être hospitalisé en psychiatrie entraîne des réticences majeures, facteur de refus, d'autant que les demandes sont nombreuses auprès des structures médico-sociales existantes. Ce processus s'affirme avec d'autant plus d'acuité lorsque le travail en réseau avec le champ médico-social est peu développé.

    Est-il nécessaire de rappeler que les centres hospitaliers sont des lieux de soins dont la vocation sanitaire doit être clairement réaffirmée ?

    Une démarche horizontale au sein de l'établissement, donc intersectorielle

    La prise en compte de la chronicité aboutit à la prise de conscience de l'obligation de résoudre le problème, de l'insuffisance notoire de moyens de résolution extérieurs des établissements et donc de créer les outils nécessaires.

    La population concernée a le plus souvent perdu ses repères familiaux et environnementaux (facteur par ailleurs considérable de chronicité). L'hôpital, le pavillon sont devenus son cadre habituel de vie et la notion de secteur apparaît peu ou plus pertinente du fait de la rupture avec la communauté et/ou un quelconque contexte géographique. Chaque service, en fonction de son histoire, accueille une diversité de situations (en proportion variable en fonction du passé de l'institution).

    Il apparaît cohérent de faire bénéficier ces patients d'une démarche spécifique intersectorielle capable d'induire une cinétique propre.

    La première étape doit aboutir à la requalification des unités de court séjour demeurant dans un cadre unisectoriel et à la spécification d'unités de long séjour par la mise en commun de moyens et de compétences, entrant dans une dynamique marquée par "une autre manière de faire" ne devant, sous aucun prétexte, être dévalorisée comme trop souvent auparavant. Les patients seront regroupés selon leur situation clinique et leur état de dépendance, en fonction de chaque projet thérapeutique réévalué, dans ces unités particulières dont la mission sera centrée sur une population homogène quant à ses modes évolutifs et ses problèmes de prise en charge, seul objet de l'attention des soignants.

    * Les psychotiques stabilisés

    La population des psychoses chroniques stabilisées dans les institutions hospitalières (dont la plupart bénéficie d'une AAH et est sous tutelle) comporte plusieurs sous-groupes :

    - patients présentant une potentialité persistante d'auto ou d'hétéroagressivité, ou une incapacité à maintenir une hygiène corporelle minimale, ou une altération massive de la communication. Ces situations ne sont pas sans rappeler ce que Jacques Azoulay appelle les "insortables" de l'hôpital psychiatrique qui ont suscité un investissement considérable depuis de nombreuses années mais n'ont pu bénéficier durablement d'une prise en charge extra-hospitalière. Ils présentent, de fait, une dépendance spécifique vis-à-vis de l'hôpital dans une dimension "d'inséparabilité". La question demeure pour ces patients de l'intérêt d'une unité particulière définie à la fois comme lieu de vie et de soins pour un temps qui se donnerait provisoirement, avant bilan, comme indéfini. Le repérage et le traitement des phénomènes d'emprise doit permettre de prévenir voire d'aménager de telles dépendances (3)

    - patients pouvant bénéficier d'une structure alternative demeurant au niveau du soin ;

    - patients dont la dépendance ne permet pas de bénéficier d'une structure alternative extra-hospitalière de petit volume d'où l'intérêt de formules type "hôtel thérapeutique" ou "maison communautaire" d'une vingtaine de places.

    Une évaluation clinique doit pour chaque cas permettre de discuter les avantages et les inconvénients d'une réponse de proximité ou sur le site hospitalier, que ce soit sur le plan de l'hospitalisation plein temps, des alternatives à l'hospitalisation ou d'autres solutions.

    Une ou plusieurs unités de préparation à la sortie (UPS), ne dépassant pas 18 places, permettront de densifier le travail de réinsertion et les habitudes de travail en réseau pour les patients psychotiques chroniques dépendant de l'institution.

    Un certain nombre d'entre eux pourront bénéficier assez rapidement de solutions d'hébergement, à créer si elles sont inexistantes (appartements thérapeutiques et/ou associatifs, placement familial thérapeutique) sur une base intersectorielle et selon un axe de travail spécifique, articulant fortement les démarches intra-hospitalières des UPS avec les structures alternatives par une même équipe, ce qui ne peut qu'induire de nombreux avantages, notamment pour ce qui concerne la continuité des soins. Il s'agit de proposer un réseau articulé, souple, et gradué de réponses.

    Lors de décompensation (épisode psychotique aigu ou thymique par exemple), les patients seront réhospitalisés dans l'unité d'hospitalisation plein-temps de leur service d'origine.

    * Les patients présentant une psychose infantile ou une arriération parvenue à l'âge adulte

    Ils seront regroupés dans des unités où ils pourront bénéficier de projets éducatifs et de modalités d'existence appropriées à leur état, en refusant de maintenir ou de créer des lieux de relégation et des options de gardiennage. La meilleure formule semble être une réponse éducative avec soutien soignant.

    Ces unités développeront une démarche en réseau de complémentarité par voie conventionnelle avec l'ensemble des structures médico-sociales de la zone d'attraction de l'établissement hospitalier, pouvant être d'emblée départementale si définie en tant que telle, ou aménagée dans ce sens lorsque les autres rattachements des services de psychiatrie générale du département sont au niveau de centres hospitaliers généraux. Souvent d'ailleurs, dans ce second type de situation, marquée par une implantation multi-hospitalière, l'absence de sectorisation en concordance avec les bassins de population, la concentration fréquente des hospitalisations sous contrainte sur le site du Centre Hospitalier Spécialisé font que ce dernier est contraint de fonctionner sur le mode d'une psychiatrie à deux vitesses, en recevant les échecs ou les patients non assumés par les autres structures de soins : polyhandicapés, patients déficitaires, cas sociaux et exclus avec ou non pathologie associée (comme l'indiquent les coupes transversales).

    Les obstacles les plus courants à l'évolutivité des psychoses infantiles parvenues à l'âge adulte sont "le passage du cap de l'adolescence" qui correspond souvent à une aggravation symptomatologique ou, au moins à un arrêt des évolutions antérieures, les remaniements psychopathologiques plus particuliers de l'âge adulte (activités délirantes, hallucinations, dissociation, épisodes catatoniques...), les complications d'une éventuelle encéphalopathie (4).

    Les unités d'accueil des patients arriérés ou présentant une psychose infantile avancée en âge pourront constituer un département, organisant une unité de court séjour chargée du bilan, du diagnostic, de l'orientation mais aussi du traitement séquentiel, sur une base contractuelle, avec les structures médico-sociales d'origine des patients adressés.

    * Les polyhandicapés

    Les textes relatifs à l'accueil des enfants et adolescents présentant des handicaps associés fournissent une définition précise du polyhandicap applicable à l'âge adulte : "handicap grave à expression multiple, associant déficience motrice et déficience mentale sévère ou profonde, entraînant une restriction extrême de l'autonomie et des possibilités de perception, d'expression et de relation".

    Qu'il s'agisse de patients dits "handicapés graves", "lourds" ou "polyhandicapés" un certain nombre d'entre eux, difficile à préciser globalement, est accueilli en psychiatrie générale, surtout lors de handicap mental important, le plus souvent en relais, depuis une longue période, de services de pédopsychiatrie ou du fait de l'absence de solution en structure médico-sociale adaptée. Les arriérés mentaux sont en fait souvent des polyhandicapés du fait de l'association de divers troubles psychiatriques et neurologiques en sachant que le risque d'une association de handicaps apparaît d'autant plus élevé que la déficience mentale est profonde. Certains auteurs estiment que le nombre des adultes polyhandicapés se situe, dans notre pays, entre 30 et 40 000, en partant des effectifs d'enfants polyhandicapés et en tenant compte d'une hypothèse de surmortalité (5).

    La particularité des prises en charge nécessite des unités capables d'offrir un nursing prévalent et divers modèles d'interventions selon la nature des handicaps associés facteurs d'autonomie restreinte, voire très restreinte, sous une responsabilité médicale de type médecine fonctionnelle.

    Les principes communs à la mise en place de ces unités

    * Des unités reconnues

    Chaque unité doit être placée sous la responsabilité d'un médecin et d'un cadre infirmier responsables des nouvelles missions définies, impliquant des objectifs précis.

    Cette mutation des services de soins apparaît bien évidemment tant sur le plan chronologique que dans l'ordre des priorités un élément essentiel. Seule l'option de la mise en œuvre au profit de chaque patient hospitalisé d'un projet thérapeutique individuel, faisant appel aux compétences nécessaires, y compris extérieures au champ de la psychiatrie, dans l'état actuel de nos connaissances, satisfait aux exigences éthiques.

    Elle évite de créer deux niveaux d'hospitalisation, en exigeant une réponse au cas par cas et non sur un plan général. Une démarche volontariste du corps médical, maintenant un intérêt et une capacité d'intervention pour tous les malades hospitalisés, adaptée à leur état, implique une spécialisation des unités dans un souci d'efficacité et de cohérence, sans aucune connotation négative puisqu'il s'agit de reconnaître et d'investir des réalités cliniques nécessitant un abord adapté à chaque patient.

    Il s'agit de raisonner en terme d'insertion pour des malades souffrant de troubles à évolution longue, l'insertion étant alors définie comme une place reconnue à un patient au maximum de ses possibilités. Aborder franchement le problème de la dépendance et du déficit comme une mission reconnue répond, pour un établissement, aux principes de solidarité et de responsabilité.

    * De nouvelles compétences

    Le développement de modalités d'articulation soins et médico-social dont la prestation est assurée dans un premier temps par un hôpital est une démarche innovante.

    Cette mise en place de projets, en fonction de diverses dépendances, nécessite de nouvelles compétences qui peuvent être acquises par la formation continue des professionnels de l'établissement et le recrutement de certains acteurs du sanitaire ou du médico-social, tout en sachant préserver un certain "savoir-faire" permettant des temps institutionnels pour "travailler la clinique, mais aussi les médiateurs de la prise en charge, le repère du désir du malade, l'analyse des réponses apportées" (6). Il ne s'agit en aucune façon de préserver des activités pavillonnaires.

    * Dans un second temps

    Les unités seront amenées à voir évoluer la population prise en charge pouvant les amener à se transformer pour assumer de nouvelles missions sanitaires ou médico-sociales.

    Les unités créées notamment pour ce qui concerne les psychoses infantiles et les arriérations ou les polyhandicapés, pour ne pas risquer de redevenir rapidement des lieux d'abandon demeurant définis comme sanitaires devront évoluer vers des lieux de vie en maintenant des liens contractuels avec les secteurs d'origine. L'évolution vers un statut médico-social de ces unités préservera un cadre institutionnel. La notion de groupes de vie, s'inspirant des pratiques de la psychothérapie institutionnelle permettra, au mieux, la mise en place de moyens de mise en activité au niveau de la vie quotidienne, pédagogiques et culturels, de socialisation et de désagrégation (6). Les soins spécifiques de façon ponctuelle lors de crise ou centrées sur l'abord corporel à visée rééducative et/ou psychothérapie (psychomotricité, kinésithérapie, ergothérapie, etc.) pourront être assumées par les équipes de secteur dans un cadre contractuel (comme au Centre Hospitalier de Redon par exemple).

    On ne peut qu'être frappé par les similitudes de fonctionnement entre les unités mises en place ou prévues dans les centres hospitaliers selon les modalités venant d'être proposées (4, 7, 8) et les structures médico-sociales (9, 10, 11). Les deux démarches se définissent à l'identique comme un lieu de vie et de soins, générateur de projets de vie variés et ouverts.

    CONCLUSION

    Si la psychiatrie a rempli historiquement une fonction d'hébergement pour des patients sans autre solution d'accueil, leur prise en charge manque actuellement cruellement de structures adaptées. Ces problèmes, spécifiques ne peuvent qu'être abordés par une articulation forte entre le sanitaire et le médico-social.

    Dans un premier temps, une démarche intersectorielle centrée sur des populations évaluées en fonction de leur dépendance, peut s'inscrire au sein d'un réseau associant sanitaire et médico-social. Une telle articulation aboutira à une mutation de certaines unités définies comme sanitaires dans un premier temps vers des structures médico-sociales adaptées aux troubles mentaux chroniques et dépendants, ces unités demeurant en relations contractualisées avec les secteurs.

    La délimitation entre ce qui relève du sanitaire prépondérant et du médico-social prépondérant ne peut s'appuyer que sur des arguments techniques (qu'ils soient sanitaires ou médico-sociaux), en sachant que des options théoriques diverses doivent s'incliner devant une politique de santé mentale clairement définie dans notre pays.

    Il importe de distinguer le champ clinique des psychoses infantiles, arriérations et polyhandicapés de celui des psychoses chroniques de l'adulte, marquées par une évolution pseudodéficitaire.

    Les problèmes de prise en charge sont radicalement différents et doivent être abordés de façon distincte pour ne pas continuer à obscurcir un débat ne demandant spontanément qu'à l'être, du fait des arrière-pensées des acteurs en présence.

    Si le registre de réponse paraît devoir être à dominante médico-sociale pour le premier champ, celui des psychoses chroniques relève de réponses sanitaires prépondérantes écartant toute tentation totalitaire, catastrophique actuellement. La grande majorité des équipes de secteur uniquement pour ce groupe de malades "déplore le manque de structures semi-collectives offrant un habitat différent du logement individuel; structures ayant ce caractère de domicile privatif, dans lesquelles certains de leurs patients, incapables de vivre seuls et autonomes dans un appartement, pourraient s'installer à long terme" (13) (concept proche de la notion d'"hôtellerie thérapeutique" ou de "foyer de vie"). Dès lors, une question s'impose : le logement et l'hébergement doivent-ils rester dans le sanitaire ou "passer dans le social" ? La meilleure réponse technique demeure sanitaire, mais s'articulant avec le champ social, en redéployant les moyens sur les soins extra-hospitaliers, tout en sachant que les trajectoires d'insertion ne sont pas linéaires, autant du fait d'une exclusion sociale structurelle dépassant la dépendance par maladie que de l'abandon d'une vision simpliste des filières (14).

    Gérard Massé *

  • BIBLIOGRAPHIE

    1. Projet d'établissement du Centre hospitalier de Perray- Vaucluse.

    2. Rapports de la Mission Nationale d'Appui en Santé Mentale, notamment sur les départements de la Meuse, de la Creuse, de la Marne, du Var et de la Martinique.

    3. AZOULAY J., Les inséparables, Colloque du 13e arrondissement, octobre 1993.

    LIERMER C., De la dépendance hospitalière, A propos des "insortables" de l'hôpital psychiatrique L'Eau Vive, Revue pratique de psychologie, 1995, 3, 23-25.

    4. GOUFFINHAL Y., GABBAI P., Psychoses infantiles et dysharmonies psychotiques parvenues à l'âge adulte, Expériences de prises en charge en institution, L'information psychiatrique, 1988, 64, 1, 25-37.

    5. ZRIBI G., Handicapés mentaux graves et polyhandicapés en France, Éditions ENSP, 1993.

    6. TOMKIEWICZ S., Pédagogie et thérapie : à propos de l'annexe XXIV, Handicaps et inadaptations, Les Cahiers du CTNERHI, 1990, 51-52, 103-107.

    7. Synthèse des travaux du groupe transversal "Réponses vauclusiennes à la chronicité" dans le cadre de la préparation du programme médical d'établissement du centre hospitalier de Perrey-Vaucluse.

    8. PAPANICOLAOU G., L'ESPAGNOL D., CORNEC A., Spécificité de la pathologie et des soins pour déficients mentaux adultes, Revue pratique de psychologie, 1995, 3, 5-9.

    9. Dossier "Dépendance et polyhandicap", Le centre de La Haye Berou, Soins psychiatrie, 1991, 132, 6-20.

    10. Esquisse et orientations du projet de vie de la MAS Saint-Jean Bonnefonds, 1995.

    11. BARGOING B., Maison d'accueil spécialisée "MAS" de Revolat, Association du Rhône pour l'hygiène mentale, Revue pratique de psychologie, 1995, 3, 11-14.

    12. FORESTIER - LE BORGNE R., Vivre au village vert MAS de Callac rattachée au CH de Plouguernevel, Mémoire, École des cadres infirmiers en santé mentale, CHS de Rennes, 1995.

    13. Collectif rhodanien d'associations concourant à l'insertion des personnes en difficulté psychologique (CRACIP), Le logement et l'hébergement des personnes en difficultés psychiques, Polycopie, novembre 1994.

    14. PERRET J., Sanitaire et social, entre cloisonnement belliqueux et dilution consensuelle : une articulation cohérente des compétences, L'information psychiatrique, 1995, 71, 8, 757-763.


    DROITS ET PROTECTION DES MALADES MENTAUX

    Le Psycom Ile-de-France organise le 14 mai 1997 une journée nationale sur l'évaluation de la loi de 1990 qui se tiendra à la Mutualité et où on escompte la venue de 1 000 à 2 000 professionnels.
    Nous publions ci-dessous les principales conclusions du Groupe national d'évaluation de la loi qui seront exposées et discutées lors de cette journée.

    L'hospitalisation sans l'accord du malade ne devrait avoir lieu que pour des motifs sanitaires et l'hôpital psychiatrique ne peut plus servir et avoir l'image du lieu où l'on enferme les personnes qui troublent l'ordre public ou social. C'est pourquoi le groupe propose de limiter les indications d'hospitalisation sans l'accord du malade à : un état de santé qui empêche le consentement et qui provoque un comportement qui constitue un danger pour autrui ou qui, sans traitement approprié, risquerait de se détériorer gravement.

    ADAPTER L'OFFRE DE SOINS

    La nécessité d'hospitaliser un malade sans son accord s'inscrit dans une des spécificités de la maladie mentale, qui évolue par crises et rémissions, le malade apprenant peu à peu, avec l'aide d'une offre de soins diversifiée, ambulatoire et hospitalière, à "gérer sa maladie". C'est pourquoi, il faut adapter l'offre de soins, même quand il est nécessaire de contraindre le malade. Toute hospitalisation sans l'accord du malade, quelle qu'en soit l'indication, danger pour soi ou pour autrui, doit être précédée par un accueil en urgence, dans un hôpital général ou spécialisé, pour une période de 72 heures d'observation et d'orientation. Sur certificat d'un médecin extérieur à l'établissement d'accueil et sur décision du directeur de l'établissement, le malade peut être retenu jusqu'à 72 heures, pendant lesquelles le diagnostic doit être posé, et les modalités de soins les plus adaptées à l'évolution de l'état proposées. Si l'état de non consentement persiste, une procédure d'hospitalisation sans l'accord du malade prend la suite de cette première période de contention. L'objectif est d'offrir une procédure légère, non stigmatisante, sans fichage du malade, pour tenter de prévenir des hospitalisations sans consentement. Cette proposition repose sur une amélioration de la prise en charge de l'urgence psychiatrique, dans l'accueil, mais aussi dans le transport médicalisé.

    DES ALTERNATIVES AMBULATOIRES

    De même, pour les malades à lourde pathologie, qui subissent des hospitalisations sans leur accord récurrentes, il doit être possible d'organiser des alternatives ambulatoires à celles-ci, avec les mêmes indications et garanties que les hospitalisations sans consentement.

    LE STATUT DU MALADE

    Le statut de malade doit prévaloir, en ce qui concerne les soins, sur tout autre statut. L'hospitalisation des malades, qu'elle soit libre ou sans leur accord, qu'il s'agisse de malades ordinaires ou de détenus, de malades déclarés irresponsables pénalement (L 122 du NCP), voire de mineurs placés par le juge des enfants, doit obéir aux mêmes règles de soins. Les garanties apportées à l'hospitalisation sans l'accord du malade doivent être identiques dans tous les cas.

    LES DROITS DES CITOYENS

    Les malades hospitalisés sans leur accord doivent exercer leurs droits de citoyens au même titre que tous les malades. Néanmoins, là encore la spécificité de la maladie mentale, qui parfois ôte leur capacité de discernement aux malades, ne doit pas être occultée. Il est des états pathologiques dans lesquels l'exercice de leurs libertés par les malades les met en danger eux, ou autrui. Alors, et sur avis médical motivé et porté au dossier du malade, il peut être apporté une restriction explicite à cette liberté, dans le cadre d'un protocole défini. Il en est ainsi de l'hospitalisation en unité fermée (la règle générale de l'ouverture des services doit être réaffirmée législativement), de l'utilisation des méthodes de contention, des restrictions aux libertés fondamentales de communication avec l'extérieur (sauf avec les autorités de recours, toujours accessibles) et en général du traitement administré au malade, après information et explication, contre son accord.

    LE LIBRE CHOIX THÉRAPEUTIQUE

    Le libre choix par le malade et sa famille de son équipe thérapeutique, à l'intérieur de l'offre sectorisée et éventuellement, à certaines conditions à l'intérieur d'une offre complémentaire privée, doit devenir une possibilité réelle.

    Pour cela, les moyens alloués aux secteurs doivent tenir compte de l'activité réelle, évaluée selon différents paramètres.

    Pour veiller à la bonne application de la loi, notamment quant à l'hospitalisation sans l'accord du malade, les moyens humains et matériels de la CDHP doivent être renforcés, en y adjoignant au moins un médecin généraliste et un représentant des usagers.

    Hélène Strohl - M. Clémente *

    Groupe national d'évaluation de la loi du 27 juin1990

  • Pluriels

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