Fédération Française de Psychiatrie


Problématique de la démographie des psychiatres hospitaliers.
Etat actuel, évolution.

 

  Exemple des psychiatres temps plein :

Données chiffrées de base, références :

Analyse qualitative à partir d'une enquête réalisée durant 1998 sur 200 psychiatres (concours 1993 et 1994).

 

Premier constat

Les chiffres donnés de 1996 font valoir un différentiel de 384 postes entre les postes budgétés et les postes pourvus par des titulaires ou probatoires. Pourquoi ?

En avril 1999, nous avons dénombré avec les deux listes publiées de postes : 583 postes vacants soit un différentiel de 200 postes entre 1996 et 1999.

Ce premier point est de lui même parlant, nous pouvons en conclure qu'en trois ans il y a eu une perte de 200 praticiens hospitaliers. C'est à dire que quelques soient les créations de postes ils n'ont pas été pourvus et ont provoqué un mouvement des praticiens hospitaliers, enfin le nombre de jeunes formés choisissant le public n'a pu compenser les créations et les départs à la retraite.

 

Deuxième constat

Nombre d'internes dans la spécialité :

Sur 176, 53 internes choisissent le public (un peu moins de 30 %).

Soit globalement en 3 ans : 160 à 170 internes entrés dans la carrière, or il y a eu vacance totale de 200 postes

Quand 53 jeunes psychiatres entrent dans la carrière, 67 postes seraient abandonnés totalement ? Nous ne sommes pourtant pas dans le maximum des départs à la retraite. En étudiant les départs à la retraite, il devrait y avoir équilibre actuellement entre les entrées et les sorties. Pour expliquer cette chute des chiffres en trois ans, seule une sous-évaluation en 1996 peut être évoquée. Ou alors la situation est encore plus dramatique qu'elle n'est dite. Les analyses réalisées à partir des données de 1996, sur lesquelles le ministère s'appuie, sont donc à reprendre et à corriger.

 

Troisième constat

Le nombre de praticiens hospitaliers temps plein décomptés aux élections paritaires de juin 1998 est de 3 238.

Nous comptons 11 ans de l'entrée en PCEM2 (réussite au concours fin PCEM1) à l'acquisition du statut de psychiatre des hôpitaux.

En ne comptant aucune création de postes de psychiatres des hôpitaux, le nombre de départs à la retraite par an sera de 42 en 2001 soit un équilibre, mais dès 2002 nous entrons dans un processus négatif, 56 départs à la retraite, 53 entrées potentielles.

En 2005 le différentiel est négatif pour 10 postes.

De 2013 à 2025, les psychiatres du baby-boom (1948 à 1956) partent à la retraite.

Pour exemple en 2014, date du départ de ceux nés en 1950, nous aurons un déficit cumulé de 620 postes (plus les 583 déjà vacants en 1999, sans compter les nouveaux postes soit 1 203 postes vacants).

En 2020, déficit de 1 310 + 583 = 1 893 postes vacants.

En 2024, 1 545 + 583 = 2 128

A partir de 2024, les entrées et les sorties s'équilibrent.

ð De 3 238 en 1998 nous serons

2 600 en 2014

1 700 en 2024.

ð De 583 postes vacants en 1998 nous en aurons

1 203 en 2014

2 128 en 2024.

 

 

Quatrième constat

La démographie est inégale.

La formation des internes ne se fait plus que dans les grandes métropoles : villes universitaires et principalement dans les services universitaires.

Les internes s'installent et veulent exercer là où ils ont été formés (c'est à dire la métropole), là où ils ont vécu, là où les équipes sont étoffées (confort de vie, liens amicaux, habitudes culturelles, échanges plus nombreux...).

Les internes ne sont pratiquement plus formés par les psychiatres des Centre Hospitaliers. Spécialisés : ils ne connaissent plus ce métier, ils ne s'identifient pas de fait à ces collègues. Leur formation est plus tournée sur la psychiatrie à l'hôpital général.

Selon l'enquête réalisée, pour qu'un interne choisisse la carrière hospitalière il faut qu'un praticien hospitalier lui en ait donné le goût.

Dans les services universitaires, la carrière royale est l'agrégation, les internes qui ne pourront y accéder préfèrent se tourner vers le privé. Ceux qui souhaitent y parvenir restent dans cette constellation (P.H. en service universitaire ou secteur autour de l'université).

La formation pour le métier en C.H. Spécialisé ne se réalise guère que lors de l'assistanat. Les quelques futurs psychiatres des hôpitaux se recrutent durant cette période.

Les psychiatres qui passent le concours et qui l'obtiennent veulent rester dans les grandes villes (comme les cadres supérieurs).

Toute création de postes dans ces villes diminuera d'autant le nombre de praticiens hospitaliers dans les C.H. satellites.

Des nominations avec avis locaux et régionaux renforceront ce processus.

Seule une nomination nationale, sans avis locaux, permettra un minimum de répartition. En effet, les jeunes qui arriveront dans la carrière n'auront que l'embarras du choix. Pourquoi iraient-ils là où ils ne connaissent personne, là où ils seront isolés, peu nombreux pour de lourdes charges auxquelles ils n'auront jamais été préparés ?

Dans cette étude nous n'avons pas pris en compte les maladies, les départs anticipés à la retraite et enfin le taux de féminisation qui s'inverse dans les jeunes générations.

 

Conclusion

La formation des internes, le lieu (grandes villes, en services universitaires), les orientations sur une psychiatrie scientifique, pharmacologique, évaluative et aux prises en charge brèves (urgence, liaison, victimologie, psychosomatique, crise..) au détriment d'une formation sur la psychopathologie, la prise en charge pluridisciplinaire en réseau, au long cours, avec des données institutionnelles, dans des centres hospitaliers spécialisés a pour conséquence une réduction du choix pour la carrière publique et une orientation sur les secteurs au centre des grandes villes (pourcentage faible d'internes choisissant le public et parmi ceux là choix des villes attractives dans des régions attractives pour une qualité de vie meilleure).

La réduction du nombre d'internes en psychiatrie ne permet pas la compensation des départs.

La faible attractivité du statut, la lourdeur de l'organisation hospitalière, le peu de valorisation de la place du psychiatre à l'hôpital, la politique valorisant la psychiatrie à l'hôpital général ou universitaire ne peuvent que produire ce résultat.

La réalité est celle énoncée par monsieur J. Ménard, directeur de la Direction Générale de la Santé, lorsqu'il dit que 70 % des effectifs des psychiatres en 2024, est un chiffre suffisant. Il sait pertinemment que rien n'étant fait ce sera 50 % en 2024.

Le rapport de l'association des établissements gérant des secteurs de santé mentale, l'éditorial de la revue Pluriel (voix de la D.G.S.), la position du ministère vont dans le sens d'une substitution des psychiatres :

Les psychiatres seront localisés dans des fonctions d'experts et de prescripteurs essentiellement dans les grandes villes, au sein des centres hospitaliers universitaires ou généraux.

De fait le retour à l'asile d'une partie de la population sous la rubrique médico-sociale ne peut être que l'effet attendu d'une telle politique. Tout le mouvement, depuis l'après-guerre, de sortie des patients des hôpitaux, de prise en charge individualisée, de traitements spécifiques, complexes et pluridisciplinaires, de haute-qualification, d'accès au soin auprès du domicile seront réduits à néant.

Les efforts pour un accès égalitaire aux soins en matière de santé mentale par le processus de sectorisation seront ainsi anéantis.

 

 

Dr N. GARRET-GLOANEC

Secrétaire Général SPH

Membre du Bureau de la FFP





BIBLIOGRAPHIE

 

  1. Conférence des présidents de Commission médicale d'établissement de C.H.S. Notes des docteurs Ch.ALEZRAH, mai 1996 et N.BART, janvier 1997.
  2. Rapport: "étude sur la pénurie de psychiatres praticiens hospitaliers", Association des directeurs d'établissements de santé mentale (A.D.E.S.M.), mars 1998 à partir de chiffres des années 95 et 96
  3. Diplôme Inter-Universitaire et professionnel de pédagogie et communications médicales, "La formation des psychiatres à la pratique hospitalière en Pays de Loire, Bretagne, -Nicole Garret-Gloanec — 1998
  4. Chiffres donnés par la direction des hôpitaux, années 95 et 96
  5. Rapport sur la démographie hospitalière du professeur NICOLAS, (février 1998)

 

ANNEXES