Psychothérapies : éliminer les charlatans / Congrès AFP
qdm Journal N°6678 du 31-Mar-2000 , page11-1

Psychothérapies : éliminer les charlatans

A l'automne prochain, le Parlement pourrait limiter la pratique des psychothérapies aux seuls psychiatres et psychologues cliniciens. Des instances universitaires et professionnelles seraient habilitées à autoriser cet exercice aux généralistes, psychomotriciens et psychanalystes rompus à la psychopathologie.

ACTUELLEMENT, quiconque le souhaite peut visser sa plaque de « psychothérapeute » et prétendre « soigner ». Ce vide juridique « constitue un réel danger pour la santé mentale, la santé publique et la sécurité sanitaire, ainsi qu'une atteinte aux droits des malades », affirment des spécialistes qui se sont réunis à l'Assemblée nationale, dans le cadre d'un colloque sur « Les psychothérapies et la loi » (1), organisé par les Drs Bernard Accoyer, député RPR, et Christian Vasseur, secrétaire général de l'Association française de psychiatrie (AFP).

Le parlementaire savoyard s'est préoccupé, à plusieurs reprises, de la question. Il a déposé, le 13 octobre 1999, une proposition de loi visant à associer l'usage du titre de psychothérapeute à des titulaires de diplômes universitaires. Jugé incomplet, ce texte a été enrichi des réflexions des congressistes du 23 mars.
« Je m'apprête à rédiger un nouvelle proposition », dit au « Quotidien » le député-maire d'Annecy-le-Vieux. « Il convient, non pas de créer un nouveau titre, poursuit-il, mais de réserver la prescription et la conduite des psychothérapies à des médecins psychiatres et à des psychologues cliniciens. » Les premiers sont, à ce jour, environ 14 000, dont 6 500 libéraux, le nombre des seconds dépasserait les 30 000.

Des généralistes aussi

Le Dr Accoyer entend ne pas écarter ceux qui, tout en n'ayant pas de qualification en psychiatrie ou de diplôme de 3e cycle en psychologie, présentent une solide connaissance et expérience (une dizaine d'années) de la pathologie mentale et du fonctionnement psychique, « base même de la psychopathologie ». « La psychothérapie, c'est un traitement psychique. Aussi, souligne le Dr Christian Vasseur, il est indispensable de lui mettre un "vertex" qu'elle n'a pas ». Concrètement, les généralistes, psychomotriciens, psychanalystes, voire assistants sociaux, qui ont assumé les frais d'une formation valable à la psychothérapie, à travers notamment un travail psychanalytique important, ne sont en aucune façon mis au banc des suspects. Ils représentent entre 10 à 15 % des membres des sociétés scientifiques de type analytique, estime le responsable de l'AFP (2). « Il ne s'agit pas de soignants auto-proclamés, mais de membres à part entière de la chaîne thérapeutique. »

En revanche, il est indispensable que l'exercice de personnes soit reconnu et validé. A cet effet, une Commission professionnelle d'évaluation, composée d'universitaires, de psychiatres et de psychologues cliniciens, définie par décret ministériel, serait mise en place. « Il faut, en la circonstance, commente le Dr Accoyer, faire montre de souplesse et de rigueur. » D'autant que les psychothérapies connaissent une vogue de plus en plus justifiée. C'est le cas en cancérologie, « où elles deviennent des outils codifiés dans un schéma thérapeutique », observe-t-il, et le vieillissement de la population devrait élargir leur champ d'intervention.
Il est clair qu'un tel débat trouvera naturellement toute sa place, espère le député de l'opposition, qui peaufine sa proposition de loi, dans le prochain projet législatif sur la modernisation du système de santé, qui sera présenté en Conseil des ministres d'ici à l'été. Le cabinet du ministre de l'Emploi et de la Solidarité y pense, puisqu'il réfléchit à l'« encadrement à apporter à certaines pratiques thérapeutiques », mais la future proposition Accoyer, utilisée, éventuellement, à l'automne comme amendement au texte de Martine Aubry, touchant aux droits des malades et à la sécurité, ne sera pas de trop.

Philippe ROY

(1) En présence du Dr Daniel Grunwald, secrétaire général adjoint de l'Ordre national.
(2) L'AFP revendique 2 500 adhérents.

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