CONSEQUENCES A LONG TERME
DES TRAUMATISMES DE LENFANCE PRECOCE
par
le Docteur Maurice GREEN, psychiatre, NYC, USA
Traduction : Docteur Isabelle BOUGUENNEC, psychiatre - psychanalyste,
Paris, France
RESUME
Une brève revue de la littérature sur la relation du traumatisme et de ses effets associés et des aspects cognitifs, de la conduite et de lestime de soi et des relations inter-personnelles vous est présentée là. Le travail de Dan STERN et des autres sur linteraction mère-nourrisson sera parcouru en mettant laccent sur la durée relative de limpact des différentes sortes de traumatismes sur ces processus inter-personnels du développement. La notion de dissociation sera interrogée ; et ensuite sera discutée dans son rapport avec la formation du symptôme et de la personnalité multiple.
La vulnérabilité biologique à la suggestion, à lhypnose, à la dissociation et au phénomène hystérique sera discutée en relation aux théories du tempérament. On conclura par une discussion du syndrome post-traumatique et des séquelles à long terme dans une perspective de dynamique du développement.
CONSEQUENCES A LONG TERME
DES TRAUMATISMES PRECOCES DE LENFANCE
Docteur Maurice GREEN, psychiatre, NYC, USA
Les conséquences à long terme des traumatismes précoces de lenfance sont très difficiles à prédire et dépendent dun grand nombre de variables. Ces variables comprennent la nature, la durée, lintensité et la signification dun traumatisme donné ; le nombre de fois et la fréquence à laquelle les traumatismes surviennent ; et lâge, létat de santé préexistant, le tempérament et la constitution de la victime. Cela inclura aussi le degré de bénignité, de guérison, dévénement indifférents ou nuisibles, les maladies, les accidents ou les pertes qui ont précédé ou suivi le ou les traumatismes.
Des traumatismes sévères et répétés peuvent conduire à une anxiété dordre phobique et à des attaques de panique. Cela peut être si invalidant que des personnes de ce genre peuvent être empêchées de travailler, de poursuivre leurs études, ou même de quitter leur domicile.
Voici ce que Stella CHESS-STATES (1992) nous dit de la contribution que le traumatisme précoce de lenfance apporte au conflit adulte : " Les différences de style de réactivité à lâge adulte sont souvent une cause plus puissante de dissonances inter-personnelles que ne létaient les traumatismes infantiles ".
Elle et son mari, Alex THOMAS, ont suivi le même groupe denfants pendant vingt-cinq ans. Ils ont trouvé que les enfants qui montraient une conduite " difficile " dans laprès-coup et indépendante du traumatisme, étaient les plus menacés.
Pour HERTZIG (1983) " Lenfant difficile ... est simultanément irrégulier dans le fonctionnement biologique, se replie devant des situations nouvelles, a tendance à des expressions dhumeur négatives et intenses et nest pas adaptable, ou lentement adaptable. Cet enfant est à haut risque pour le développement futur dune maladie psychiatrique. Par ailleurs, les études sur les enfants atteints de blessures cérébrales ne montrent pas de corrélation dans laprès-coup entre les données neurologiques et les problèmes psychiatriques dans les années qui précèdent. Lenfant " difficile " encourt statistiquement les mêmes risques avec ou sans problèmes neurologiques. Cependant, il y a plus denfants " difficiles " dans le groupe des enfants à problèmes neurologiques.
Il est possible que lenfant " difficile " présente plus fréquemment des traumatismes crâniens.
" La désinhibition sociale est le seul facteur spécifique de la blessure cérébrale. Tous les autres problèmes psychiatriques varient beaucoup selon le tempérament et les variables psycho-sociales " (RUTTER, CHADWICK ET SHAFFER, 1983).
De tels facteurs constitutionnels faisant dun enfant " un enfant difficile " et des infirmités et des incapacités dans lapprentissage peuvent prédisposer à un traumatisme précoce dans lenfance.
RANGER, thérapeute pour enfants victimes dabus, constate que ces enfants handicapés sont particulièrement menacés par la dépression, les troubles du comportement et par labus sexuel. De tels abus, il constate (quils) " ... peuvent affecter lidentité sexuelle à long terme, les relations amoureuses dun adolescent, lindépendance de sujets dune vingtaine dannées et le choix dun partenaire pour se marier ".
Un abus sexuel de la part dun parent implique une trahison par celui-ci et sa perte, aussi bien que labus sexuel lui-même. Cette perte est moins traumatisante que le traumatisme physique lui-même. Même sil sagit dune catastrophe comme un tremblement de terre, des individus examinés à plus ou moins grande fréquence (tous les mois, ou tous les six mois) montraient des symptômes persistant à la mort de leurs proches, mais pas quand ils perdaient des biens matériels.
Il y a des conditions qui sont associées avec un très forte incidence de symptômes de longue durée chez des individus exposés. Par exemple, les prisonniers de la IIème guerre mondiale qui ont connu la faim, lisolement et ont été victimes de sévices durant leur réclusion, ont montré des symptômes sévères de stress post-traumatique quarante ans après dans 5 % des cas. Les enfants du Cambodge après quatre ans de pertes dobjet, de tortures, dabus et de négligeance, ont montré des symptômes accentués de stress post-traumatique cinq ans après dans cinquante pour cent des cas (KINZIE, 1990).
Il ny a pas de statistiques sur lincidence de la personnalité multiple à propos de ces victimes, mais ils montraient certainement une grande propension à la panique et aux anxiétés diffuses. On a aussi retrouvé que les personnes ayant un score élevé de stress post-traumatique présentaient le plus souvent un score élevé dans la faculté dêtre hypnotisées et un score élevé au niveau de limagerie, les deux pouvant prédisposer ces sujets à des perturbations dordre dissociatif ou alors à des conversions (UHDE, NEMIAH, 1990).
Il est utile à présent de se pencher sur la dialectique traumatisme / dissociation dans une perspective historique. Par exemple, il y a eu ce célèbre héros de tragédie, Oedipe (son nom signifie aux pieds enflés, OId Ip OU ) qui a été appelé ainsi parce que son père lui ait transpercé les pieds avec des liens destinés à limmobiliser. De cette façon, il avait toutes les chances dêtre mangé par des bêtes sauvages.
Le mot traumatisme vient du mot grec qui signifie " blessure " ou " plaie qui sest violemment produite " (WEBSTER, Nouveau Dictionnaire Universel, deuxième édition). Lautre signification pour ce mot en Psychiatrie est une expérience émotionnelle ou un choc qui a un effet psychique persistant. Depuis les temps anciens, les événements traumatiques ont été considérés comme des contributions malheureuses ou comme les causes de maladies mentales ou comme des changements douloureux dans les différents états dun sujet.
Un précis de médecine typique, publié en 1871, cite les causes suivantes de la folie : " Elles sont nombreuses ; les principales sont des prédispositions héréditaires, les blessures à la tête, les excès, les rêves de fortune et les ennuis domestiques " (HARTSHORN). Bien sûr, les évènements traumatiques sont particulièrement manifestes en temps de guerre et aussi loin que lon peut remonter. Déjà dans lIliade de Homère on avait remarqué que le stress et lexpérience traumatique dun combat pouvaient suffire à changer une personnalité. A cette époque là, on attribuait aux Dieux laction du q UµO (lâme), localisée approximativement à la place où on localise aujourdhui le thymus (DODDS, 1957).
Durant la guerre civile américaine, il y avait un physicien qui sappelait Silas WEIR MITCHELL qui prenait en charge les blessures nerveuses et les maladies neuro-psychiques à Turners Lane Hospital, à Philadelphie. A la fin de la guerre il devint un spécialiste en ce qui concerne les maladies nerveuses. MITCHELL était, comme chacun sait, associé avec lintroduction de la " cure de repos " des maladies nerveuses, associées avec les évènements traumatiques des combats durant la guerre civile. Cela fut, ultérieurement, utilisé pour le traitement de létat hystérique. La " cure de repos " consistait à ce que le patient soit confiné au lit et mis à la diète stricte, puis à prescrire lisolement et des massages durant une période bien délimitée du repos. Cette technique était pratiquée par mon professeur de Neurologie, Louis POLLACK, jusquen 1945 à Northwestern. Ceci eut beaucoup dinfluence en Europe et participa à lintroduction dun traitement appelé " thérapie du sommeil profond ". Cette technique est toujours utilisée en Russie lorsque jai visité Léningrad et Moscou récemment. Si cela nest pas populaire aujourdhui, il y a encore des indications pour cette technique dans ce pays. Un repos de la sorte, profond et soutenu, a été conçu pour encourager les pouvoirs naturels de guérison et les pouvoirs du patient à intégrer son propre corps.
Pierre JANET (1925) fait référence à limportance de la mémoire du traumatisme dans la genèse et le développement des maladies émotionnelles et il cite plusieurs auteurs : MOREAU-DE-TOURS, BAILLARGER et BRIQUET comme conduisant aux physiciens français qui insistaient sur limportance du chagrin et des émotions traumatiques similaires dans la genèse des maladies mentales. Pierre JANET a apporté sa propre contribution à cette façon de voir les choses et a écrit à ce sujet, en 1886 et 1892. Il a ultérieurement trouvé une notion comme quoi il ny a pas eu dévènements traumatiques en tant quévénement isolé, mais quil y avait davantage un sorte de mémoire importante, ou signifiante, qui se produisait à partir du conflit et se rapportait aux symptômes de la maladie. Il décrivit un certain nombre de cas dans son livre " Lautomatisme psychologique " en 1889. JANET montre que les patients ont fait lexpérience dans leur enfance de certaines impressions qui revenaient en mémoire et quand la mémoire leur était ravivée par quelques évènements, cest là que les symptômes réapparaissaient et que la personne souffrait de troubles mentaux dus à linfluence de ces remémorations.
Les écrits les plus récents de Sigmund FREUD sur le sujet publiés en 1899 et 1895 reconnaissaient ces études précoces et saccordaient à dire que ces remémorations pouvaient causer les symptômes de la névrose. Il a développé ce point de vue dans les études sur lhystérie en collaboration avec BREUER.
Pierre JANET décrivait lexemple dune patiente qui, à lâge de 9 ans, avait dû dormir dans le même lit quun enfant dont la moitié gauche du visage était couverte de croûtes dimpétigo. Plus tard, dans sa vie dadulte, à lâge de 19 ans (dix ans plus tard, donc) elle présentera une anesthésie du côté gauche du visage, directement en relation avec cette remémoration précoce. En rapportant la remémoration à lattention de lenfant (devenu adulte), il fut possible de faire des changements thérapeutiques.
De toute manière, JANET sest donné beaucoup de mal pour pointer que bien des désordres émotionnels ne sont pas rattachés à la mémoire traumatique et quil fallait se garder de ne pas " découvrir " les souvenirs traumatiques qui nexistent pas réellement.
Lélaboration et létude de lhistoire des patients doivent être menées très prudemment de façon à ce que lon ne puisse pas introduire dans lesprit du patient des souvenirs qui ny étaient pas.
Il continue à décrire ses difficultés en retrouvant ce genre de remémorations, avec une sorte détat particulier dans lequel il pourrait trouver quelquefois ces patients, un état somnambulique.
Cela sest vu dans lécriture automatique, dans les rêves et dans lévocation des expériences durant le sommeil lorsque la personne était réveillée brutalement. Cela se retrouve également dans les états de relaxation quand on demande simplement à quelquun de dire ce qui lui passe par la tête (" somnambulique " sous-entend " hypnotique ").
Pour expliquer le pouvoir de ces remémorations dengendrer des symptômes, JANET alla plus loin que le mécanisme de la suggestion dans la notion de perte de pouvoir (sentiment que personne ne peut vous aider) que lon fait au cours des expériences individuelles.
Lorsquune personne expérimente cette sorte de désarroi sans lavoir voulu, cette personne devient beaucoup plus vulnérable à la formation du symptôme, JANET montra une grande familiarité avec la littérature américaine et fait référence en particulier au travail de MORTON-PRINCE (mai 1891, in " Le Journal des Maladies Mentales et Nerveuses ") au niveau des associations de type névrotique, à travers lesquelles il a montré (que) " les névroses consistent bien souvent en lévocation malheureuse de symptômes psychologiques associés ".
MORTON-PRINCE, qui était associé avec Boris GIDIS, a été influencé par le travail de PAVLOV, sur le conditionnement. Il a écrit sur limportance de la peur et de lanxiété en relation avec les remémorations traumatiques et les symptômes qui en découlent.
Les contributions dADLER, de JUNG et de bien dautres dans la littérature psychanalytique sont trop connues pour être citées ici et pourraient transformer ce travail en un travail dencyclopédie. Or, nous devons continuer à considérer les effets du traumatisme.
JANET (il y a une centaine dannées) et JACOBSON en 1975, ont également fait référence à limportance de la dépression dans la vulnérabilité de ces expériences de traumatismes. Cela dépend souvent de la manière dont la conservation de la perte de lestime de soi est expérimentée. La dépression préexistante, ou lhistoire de la dépression, augmente la vulnérabilité au syndrome du stress post-traumatique.
Les remémorations traumatiques pourraient varier dans leurs conséquences selon la précédente expérience du traumatisme, la précédente expérience de lestime de soi et le degré jusquauquel lexpérience du traumatisme courant va miner lestime de soi et aggrave le sentiment que personne ne peut nous aider et touche à des expériences passées, non résolues, des précédents traumatismes.
Tant que limplication des sciences cognitives est dapprendre et dapprendre encore, quelle est autant influencée par lanxiété, ces expériences traumatiques peuvent aller jusqu'à un plus grand ou un plus faible degré dinterférence avec lapprentissage.
Quoi quil en soit, les traumatismes physiques, les accidents, les brûlures et les fractures ne sont pas nécessairement un signe de perte destime de soi. On sait maintenant parfaitement que des meurtrissures fréquentes, des lacérations, des brûlures et des fractures qui arrivent à tous les enfants durant les premières années de leur vie sont relativement minimes au niveau du retentissement psychologique si elles sont dorigine accidentelle.
Si la blessure est infligée par une personne de qui lenfant doit attendre une protection, cest bien plus traumatisant.
Par conséquent, il faut faire une nette distinction claire entre le traumatisme avec abus qui sape lestime de soi de lenfant, de la part de la personne censée en prendre soin et dans une confiance mutuelle et le traumatisme sans abus qui peut réellement impliquer laffirmation de lestime dans lacte de prendre soin de lenfant, de la part des personnes qui en prennent soin qui sont responsables et aimantes.
Arthur GREEN qui a passé de longues années à travailler avec les enfants dont on a abusé et leurs parents a observé (GREEN A.H., 1982) que les expériences accablantes des enfants dont on a abusé résultaient souvent dune paralysie de leurs fonctions cognitives. Ils font également lexpérience des différents états de panique et danxiété.
Lexposition soutenue et pénétrante au rejet parental, lattaque et la privation ont aussi des effets destructeurs sur le développement des relations qui vont suivre dans lesquelles ils anticipent la violence et le rejet comme étant les éléments majeurs des rencontres humaines. Ces enfants dont on a abusé qui étaient très primaires dans leurs mécanismes de défense, apparaissaient aussi découragés.
Ils se dépréciaient eux-mêmes. Ils devenaient auto-destructeurs. Ils montraient des difficultés croissantes dans les séparations davec leurs parents. Ils avaient des difficultés avec les professeurs et leurs camarades à lécole.
Dans les programmes de soins de jour on retrouvait que les tout-petits qui avaient subi un abus ignoraient les ouvertures amicales et les approches soignantes de la part des adultes qui en avaient la charge. Ils y répondaient négativement. Ils montraient également des actions plus agressives envers leurs camarades et les adultes qui en avaient la charge (GEORGE et MAIN, 1979).
DAN STERN (1985) a fait une étude rigoureuse de lémergence du sens du self dans les deux premières années et demi de vie, avec une attention particulière aux évènements des douze premiers mois. STERN et ses collègues utilisèrent le fractionnement des images de la caméra vidéo de manière à obtenir des observations très pointues et très précises des changements survenus dune minute à lautre dans linteraction entre lenfant et la mère et dans la manière dont lenfant utilise cette expérience dinteraction pour organiser son propre fonctionnement.
Dans le rapport de sa recherche, STERN nous présente un groupe de notions originales et théoriques qui ne nous était pas familier, notions des " affects vitaux ".
Ces affects vitaux se rapportent à des études de changement et dexpériences émotionnelles telles que se lever, tomber, diminuer, augmenter, senfuir, chercher, intensifier, se calmer, éclater, etc... Le terme peut être appliqué à nimporte quel changement dans les états de motivations ou à tout changement dans les intentions. Ce sont les formes des sentiments qui contrastent avec des termes descriptifs tels que le bonheur, la tristesse, la peur, la colère, le dégoût, la surprise, etc...
Lenfant a une capacité innée à expérimenter limportance du changement, ou les urgences et les allusions de lexpérience, et de les résumer dune façon qui transcende lautorité, dans des modes visuels et tactiles. Par conséquent, lenfant peut distinguer ces expériences les unes des autres, à un âge très précoce, incluant ces modes dexpériences dans lémergence du self du petit enfant. Tandis que les bébés grandissent et se développent, ils construisent ces expériences au sein dune organisation qui devient ce que STERN appelle " le domaine fondamental de la subjectivité humaine " (STERN, 1985).
STERN décrit ce quil appelle le noyau du self qui est fait dun ensemble spécifique dexpériences
1°) Lagencement du self
2°) La cohérence du self
3°) Laffectivité du self (la conscience du modèle des qualités internes, du ressenti, de la perception, des états affectifs des personnes significatives pour lui)
4°) Lhistoire du self (sens de la continuité au cours du temps ; le sentiment dun enfant envers ceux avec qui il continue à être) (STERN, 1985)
Il suggère que des évènements inter-personnels récurrents comme lacte de nourrir laisse une trace mnésique et que ce modèle invite affectivement de la succession dévènements similaires serait appelé une représentation dinteractions qui ont été généralisées.
Cest presque exactement ce que Harry STACK SULLIVAN a utilisé pour son appellation " PERATAXIC EXPERIENCE ".
Les données scientifiques de STERN, selon ce que jen ai compris, excluent certaines conclusions de HEINZ HARTMAN et MARGARET MALHER, en particulier leur notion de moi archaïque, ou de symbiose primaire. Quoi quil en soit, au fur et à mesure que lenfant grandit et développe un sens de la fusion avec quelquun dautre ou une empathie avec une autre personne, cela devient possible sous la forme de relations intersubjectives continues ; parce que lindividu est maintenant capable de savoir quil a un esprit et que les autres personnes ont également des esprits.
Puis les expériences subjectives peuvent être partagées jusquà un certain point à travers les gestes et les vocalisations. Durant la deuxième année de vie lenfant développe le langage et est désormais capable dexpérimenter le fait dêtre ensemble comme la séparation-individuation du soi et de la mère. Elle est capable de donner les mots que le petit enfant peut lier à des expériences, et alors les mots peuvent devenir un phénomène transitionnel, en empruntant le langage de WINNICOTT. W.R.D. FAIRBAIRN et HARRY STACK SULLIVAN postulent tous les deux pour la similitude dune certaine séquence du développement de lenfant émergeant comme un soi séparé dans le processus dinteraction avec la mère, au début de sa vie, (bien quil y ait de nombreuses différences entre leur langage et leur énergie).
Un évènement traumatique isolé de courte durée peut ne pas avoir une grande signification dans le long parcours de la vie du petit enfant, en fonction de ses conséquences. Mais les expériences répétées dabus traumatiques ou dabus soutenus, ou de négligence soutenue, dabandon et de séparations peuvent produire un parcours de développement gravement perturbé. De nombreux auteurs ont abordé ce sujet en proposant un modèle écologique dabus dans la petite enfance qui tente de prendre en compte les histoires du développement des parents, les valeurs culturelles et les stress qui existent dans lenvironnement familial, et le lieu de vie des familles.
Donc les actes dabus sont perçus comme le résultat final des interactions familiales qui interagissent également avec des stress sociaux et situationnels et par là ont un impact sur les points de fragilité du développement de lenfant.
En fonction du degré et de la durée du traumatisme on peut imaginer quelle étendue de linterférence ou de linterruption cela peut entraîner dans le processus du développement conduisant à de graves retards du développement ou à un parcours de développement irrégulier.
Les traumatismes peuvent amener à des stress, même si le mot stress est parfois mal employé, comme sil était interchangeable avec traumatisme ou même avec anxiété.
Il est utile de réviser les effets du stress sur le développement, dans le contexte BERLIN, 1990 : " à travers toute vie antérieure à lâge adulte, le plus puissant stress, que lon peut rencontrer, est la perte totale ou la séparation prolongée du parent nourrissier ".
Le divorce a des conséquences particulièrement sévères sur les enfants dâge pré-scolaire ou scolaire. Cela peut-être perturbant au niveau du développement de la petite enfance ou de ladolescence comme la souligné récemment WALLERSTEIN, cela peut être gravement perturbant, même, vers la fin de ladolescence.
La dépression sévère de la mère comporte son aspect le plus nuisible sur le nourrisson et le jeune enfant à tout âge, comportant une détresse empathique, une séparation, et parfois une négligence.
Labus, aussi bien violent que sexuel, agit également comme une source majeure de stress.
Dans la petite enfance, une maladie aigüe qui conduit à lhospitalisation et à la séparation est un stress majeur. Cette circonstance a des conséquences graves dans ladolescence tout aussi bien. Tout au long de la vie le cycle de la maladie chronique et/ou de linvalidité mentale peut engendrer le stress. Des problèmes structuraux du développement héréditaire ou congénital, de nature orthopédique, comme un pied-bot ; la spina bifida qui nécessite une chirurgie douloureuse de manière itérative ; dautres défauts congénitaux tels que des anomalies cardiaques, nécessitent également des procédés chirurgicaux inconfortables. De telles conditions peuvent être menaçantes pour la vie, et très douloureuses. De tels stress peuvent navoir aucune conséquence traumatique si le support thérapeutique est adéquat.
Des maladies aigües graves des parents, y compris des maladies mentales, provoquent des séparations et interfèrent avec la capacité des parents dêtre préparés aux besoins du développement et aux demandes relationnelles de lenfant, petit ou adolescent. Dans la nature des choses, une maladie mentale dun parent peut être un facteur de stress puissant et traumatique. Même les changements de lieux géographiques en tant que déplacement de la famille, qui séparent le jeune adolescent dun groupe de ses semblables, peut proposer au développement du jeune un grave défi.
Avant lacquisition de laptitude au langage les nourissons peuvent montrer leurs réactions au traumatisme, comme le stress, ou comme des expressions telles les coliques,le fait de ne pas cesser de bouger, des problèmes de sommeil et des pleurs ou des vagissements constants. Dans les cas sévères, il y a des interférences avec la prise de poids, la croissance du corps, et la maturation sensori-motrice. Sils ne sont pas corrigés ces problèmes de la petite enfance peuvent conduire à des interférences avec les fonctions du développement telles la marche, la parole, et lhabileté dans la coordination entre loeil et la main.
La dépression persistante, les troubles de la personnalité borderline et la personnalité multiple sont quelques conséquences à long terme des stress traumatiques répétés et soutenus dans la petite enfance.
Un des objectifs principaux de notre étude des traumatismes est la question de ceux qui sont plus vulnérables à la dissociation que les autres.
Quest-ce qui rend des personnes capables de survivre dans un camp de concentration, en ayant expérimenté toutes les horreurs dun camp comme Auschwitz, et en étant encore capable de vivre pratiquement sans symptôme, tandis que bien dautres personnes qui ont souffert dun semblable traumatisme et de la torture ont développé une maladie chronique dun genre ou dun autre ?
Récemment des études ont mis en évidence le concept délasticité : la capacité pour un individu de souffrir dexpériences traumatisantes sans les conséquences de maladies graves. Raymond SOBEL, psychiatre à Dartmouth, qui est maintenant à la retraite, étudiait un groupe de jeunes enfants qui avaient survécu au fait davoir grandi dans une famille traumatisante et psychotique et avaient trouvé leur réponse dans leurs capacités à se détacher de la personne psychotique et dans leur propension à nouer des relations qui soient satisfaisantes et gratifiantes. Ils se sont émotionnellement détachés de leurs familles traumatiques et ils sont partis de la maison vers les voisins et les autres personnes qui devenaient des éléments critiques dans leur élasticité de leurs expériences traumatiques.
Cest une certitude quil y ait une tendance génétique à la suggestibilité mise en évidence par les différents stades des mouvements du globe oculaire décrits par Herbert SPIEGEL. Cette vulnérabilité génétique à la suggestion est aussi une capacité génétique à la dissociation.
Après des siècles de négligence et dabus envers les enfants en Occident, le 19ème siècle a vu un changement qui sest amorcé au siècle des Lumières, avec linfluence des écrivains tels que ROUSSEAU au 18ème siècle et DIKENS au 19ème siècle. Après la guerre civile américaine, la société pour la prévention de la cruauté envers les enfants fut fondée en 1871.
Puis nous eûmes la première conférence à la Maison Blanche sous Théodore ROOSEVELT, qui a suivi. Mais en dépit des lois contre les abus et lexploitation des enfants, la prostitution, lexploitation des enfants et le travail desclave des enfants continuent encore, à un degré plus ou moins fort ; et subit une inspection plus ou moins appuyée.
En 1962, KEMPE et ses collègues commencèrent à publier au sujet des enfants battus. Ces publications, durant les trente dernières années, sont devenues des considérations très importantes dans le domaine du soin des enfants, en pédiatrie et dans le domaine public. Quoi quil en soit, les parents ont encore le pouvoir, de par le système traditionnel confirmé par les tribunaux, dinfliger des châtiments corporels à leurs enfants, en accord avec leur conscience morale et leurs traditions. Cela peut être difficile, mais des efforts ont été faits pour étudier les conséquences à long terme des différents degrés et des différentes durées des abus commis sur lenfant, physiques et sexuels, sur le développement de lenfant.
Certainement, nous savons quavec des conditions sévères et prolongées, les enfants échouent et ne réussissent pas. Les enfants dont on a abusé présentent des pleurs et sont irritables ; ils présentent des difficultés alimentaires et des retards dans le développement moteur et social.
Dans la deuxième moitié de la première année de vie, lensemble de leurs réponses sociales devient manifestement déficient, et il y a davantage de retraits affectifs, et ils montrent un manque de plaisir dans leurs interactions sociales. Ils présentent une humeur préférentiellement irritable, ou malheureuse et quelquefois un échec de lattachement à leurs mères, avec une absence de peur de létranger et une absence dangoisse de séparation.
Les petits enfants et les enfants dâge préscolaire montreront également des retards dans le langage et dans le développement social, et dans les compétences motrices.
Ils apparaîtront apeurés, hyper-vigilants et anxieux. Ils montreront des émotions brutales et un manque de spontanéité dans leurs jeux. Ils seront incapables dimaginer quelque chose autour dun jouet. Ils montreront des thèmes de punition qui illustreront le mécanisme de défense psychodynamique didentification à lagresseur.
En cela, ils seront plus durs et plus punitifs avec les personnes du jeu et avec les autres enfants.
De nombreux enfants dâge préscolaire, en particulier des filles, si elles quelquun en a abusé, seront soumises, passives et excessivement compliantes. Mais ces enfants dont on a abusé ne sont pas toujours aussi passifs et aussi compliants. Environ 25 % dentre eux ont tendance à être négatifs, hostiles et agressifs envers leurs camarades et envers les adultes, aussi bien quhyperactifs avec agressivité et hostilité.
Certains de ces enfants vont alterner entre un retrait dans la soumission et une conduite hostile et opposante.
Dans la période juvénile du développement (entre 7 et 12 ans), ces enfants dont on a abusé sont solitaires, retirés du monde, méfiants et sans joie.
Ils vont quelques fois montrer des conduites qui apparaissent comme très matures, mais qui sont seulement un faux-semblant qui recouvre la peur sous-jacente, labsence démotions et la personnalité infantile, pseudo-maturité, donc.
Quelquefois, ils sont très compulsifs, quelquefois, ils présentent un contrôle très pauvre de limpulsivité, avec une faible tolérance au retard dans laddition des conduites agressives et destructrices décrites plus haut. Tous ces enfants montrent un manque total destime de soi. Ils semblent se regarder avec le contentement et le déplaisir que leurs parents ont montrés envers eux. Cela est très souvent observé dans lattitude des enfants par rapport à eux-mêmes ou par rapport aux autres, en celà ils expriment lattitude de parents, hostiles et critiques et qui comporte de la dépréciation, attitude quils reprennent comme une partie de leur propre système du soi et comme une orientation envers leurs camarades et envers les adultes.
Il y a aussi une incidence importante de conduites masochistes et auto-destructrices qui peuvent prendre la forme de véritables tentatives de suicide ou de gestes suicidaires, ou de prédispositions aux accidents et aux auto-mutilations.
Arthur GREEN (1982) a trouvé un record de telles attaques du soi dans 40 % dun grand échantillon denfants dont on a abusé.
La conduite auto-destructrice est souvent précipitée non seulement par labus physique des parents, mais aussi par une séparation réelle ou par une menace de séparation de ces mêmes parents. Ces affects peuvent durer très longtemps. Des enfants dâge scolaire dont on a abusé, maintiennent souvent des images contradictoires des parents qui ne peuvent pas être réconciliés.
Nombreux sont les enfants qui ne racontent pas les abus dont ils ont souffert, non seulement à cause de la peur, mais parce quils doivent maintenir une image de leurs parents, celle de bonnes personnes quelle que soit la façon dont ils ont été maltraités. Ils se voient plutôt comme mauvais et essaient de justifier les punitions des parents. Ceci, bien sûr, met en place le terrain pour une prédisposition dépressive. Finalement, et peut-être de façon plus importante, limage interne dun bon parent, sans se soucier du caractère inexact que la représentation peut avoir, apporte de lespoir à lenfant. Limprévisibilité des parents qui abusent entraîne un type anxieux dattachement. La présence et lapprobation dun parent deviennent désespérément importantes et provoquent lanxiété. Des attitudes isolées et méfiantes dans ces familles découragent un enfant de développer des relations meilleures en dehors de la maison.
Certains de ces enfants sorganisent de manière à se protéger en tissant de très bonnes relations en dehors de leur maison, malgré les efforts de leurs parents pour empêcher cela.
Beaucoup denfants dont on a abusé ont montré des signes de lésions neurologiques, probablement dues à un processus de sélection, à la malnutrition, à des soins trop pauvres, ou à une déprivation dans les relations maternelles, ou encore à une déprivation sensorielle et cognitive des stimulations.
En comparant des groupes égaux denfants dont on a abusé et qui ont été négligés, avec des groupes témoins denfants normaux, GREEN et ses collègues, en 1982, ont trouvé des différences insignifiantes à propos du délabrement neurologique qui existait entre les enfants dont on a abusé et ceux qui ont été négligés, qui nont pas souffert dabus physiques. Cela ne doit pas être une surprise de trouver que ladaptation scolaire de la plupart des enfants victimes dabus est très pauvre.
Leurs déficits neurologiques cognitifs, leurs déficits dans lattention, les projettent dans un handicap intellectuel. Leur contrôle des impulsions, qui est pauvre, leur hostilité, leurs pauvres relations de collaboration avec les professeurs et les camarades, tout cela compose leur problème.
Un certain degré de développement est nécessaire pour lapplication assidue du travail scolaire ou même des hobbies et des activités récréatives.
Chez ces enfants, alors que le niveau mental nest pas atteint, les compétences nécessaires ne peuvent pas émerger à cause des troubles émotionnels extrêmes internes et externes qui interfèrent avec la consolidation des défenses et des compétences.
Toutes ces difficultés persistent dans ladolescence. NOSHPITZ (1990) décrit comment lagressivité et les conduites auto-agressives peuvent devenir plus inquiétantes, avec des développements graves de la délinquance ; et à ce moment là, des conduites violentes et des tentatives de suicide surviennent.
Dans les populations de patients psychiatriques adolescents et de délinquants juvéniles des histoires dabus ont été retrouvées fréquemment. Les délinquants juvéniles dont on a physiquement abusé sont plus aptes que les délinquants qui nont pas été victimes dabus à commettre des violences et à avoir des parents criminels ou alcooliques. Ils abusent fréquemment de la drogue et de lalcool pour sidentifier à travers la substance à leurs parents, tout autant que pour lutter avec leur manque destime de soi, et avec les problèmes accablants quils ont avec tout un chacun dans leur entourage : la famille, les camarades et lécole.
Quand lenfant arrive à lâge de la puberté, le traumatisme ajouté de lacte sexuel peut saccroître et contribuer au fardeau déjà existant de labus physique. Les réactions de lenfant à labus sexuel apparaissent souvent comme une des formes dun syndrome de stress post-traumatique très proche de ce quon observe chez les survivants de guerres, de crime ou de catastrophe.
Les caractéristiques principales du syndrome post-traumatique comprend lanxiété, la culpabilité, les perturbations du sommeil, les troubles de lhumeur, de la concentration et de la mémoire. La victime peut ou non revivre un traumatisme brusquement et de façon intrusive, comme dans les cauchemars, ou dans les souvenirs de ces évènements, ou comme dans des ressentis brutaux ou des reviviscences soudaines des évènements.
Labus sexuel peut être considéré comme appartenant à la même catégorie, des évènements traumatiques avec une mémoire traumatique, comme tout aussi bien les abus physiques. Quoiquil en soit, quelquefois lenfant peut ne pas être au courant du caractère nuisible de lactivité sexuelle à laquelle il a participé ; comme on la expérimenté avec les abus physiques chez lenfant.
Lenfant dont on a abusé sexuellement trouve le plus souvent difficile de relater ce qui lui est arrivé. Les conduites véritables qui ont constitué labus ou lexploitation recouvrent une grande variété dévènements, y compris lexhibitionnisme, les caresses génitales ou les maltraitances génitales, les relations sexuelles orales, anales ou génitales.
Lâge des victimes séchelonne depuis la petite enfance (1 ou 2 ans) jusquà lâge légal du consentement. Labus peut avoir lieu une seule fois, ou quelques fois, ou avoir été répété fréquemment, ou même régulièrement durant des mois, ou même parfois des années.
Dans les deux cas, abus physique ou abus sexuel, il y a des définitions culturelles qui produisent des variations dans lâge auquel telle ou telle activité sexuelle est considérée comme appropriée, ou dans le type dactivité sexuelle permise dans les différentes sociétés. Le degré de consanguinité selon lequel des relations sont permises ou interdites varie beaucoup.
Des formes de punitions, parfois même par le fouet, peuvent appartenir à un code religieux auquel une culture particulière adhère et qui peut être soutenu par une instance légale. Par exemple, lexcision du clitoris faisait partie dune culture particulière en Afrique jusquà une époque très récente. Elle était recommandée en tant que traitement de la nervosité dans le célèbre traité de pédiatrie de HOLT et MACINTOSH jusquaux années 1940 aux USA.
A tout âge, les enfants dont on a abusé sexuellement peuvent présenter des signes dirritation génitale, de suppuration, ou de saignement vaginal et certains développent des maladies vénériennes. Ils peuvent également présenter des infections du tractus urinaire et des déchirures, ou une inflammation du rectum. Lincidence des gonorrhées diagnostiquées chez les enfants âgés de moins de 10 ans a augmenté de manière dramatique durant la dernière décennie. Ces enfants montrent parfois une masturbation compulsive qui peut refléter une stimulation sexuelle excessive, avec ou sans symptômes dinflammation des organes génitaux.
Cependant, la majorité des victimes ne montrent pas de signes physiques de labus dont elles ont souffert.
Sur le plan psychique, cependant, ils peuvent présenter des changements abrupts dans leurs conduites. Ils présenteront des peurs, des phobies scolaires, des frayeurs nocturnes, une attitude de retrait et des terreurs soudaines en présence dadultes qui ne leur sont pas familiers. Des enfants qui allaient bien jusque là peuvent développer soudain des difficultés à lécole, des problèmes avec leurs camarades et une humeur changeante. Ils peuvent également présenter une énurésie et une encoprésie. Ils peuvent commencer à sattacher, ou bien montrer de soudaines explosions quils navaient pas montrées auparavant. Ils peuvent aussi présenter des conversions hystériques décrites par JANET, FREUD et par dautres.
Aucun de ces symptômes par eux-mêmes ne sont nettement des évidences de lexistence dun abus. Ils surviennent également dans de nombreuses conditions. Il ny a aucun signe ou symptôme qui survient uniquement chez des enfants dont on a abusé sexuellement. Donc, on doit prendre la peine de collecter des données exactes et de construire un tableau avec une histoire et des informations provenant dautres personnes aussi bien que de lenfant et sa famille.
Les aspects du développement de lenfant dans les réponses au fait davoir été abusé sexuellement, sont variables : une victime dâge préscolaire peut régresser dans son expression verbale, dans sa toilette et dans un fonctionnement indépendant en devenant collant ou en se retirant.
Quelquefois, ils remettent en scène des fragments de lexpérience traumatique en montrant des conduites sexuelles inappropriées ou des jeux stéréotypés. En contraste avec cela, les enfants plus grands deviennent plus préoccupés par les résultats de la mauvaiseté de la culpabilité, les auto-accusations, ces enfants craignent le châtiment et également dêtre blâmés pour avoir fait exploser la famille. Donc ils peuvent rechercher les punitions externes par des conduites provocatrices suscitant la punition qui augmente encore leur sentiment de culpabilité interne. Les filles, parfois, deviennent davantage passives et bien plus dociles quauparavant, perdant leur curiosité et le degré dinitiative dont elles faisaient preuve auparavant.
A lâge scolaire, lidentification à lagresseur peut prendre la forme de conduite sexuelle agressive, avec dautres enfants, soit de leur âge, soit plus jeunes.
Le resserrement du moi dont ils souffrent provient de lanxiété et le traumatisme peut entraîner des problèmes dattention et de concentration qui peuvent être provoqués par des sujets qui se heurtent à des évènements traumatiques, biologiques, par exemple. Ils peuvent aussi montrer un pseudo-retard, un mutisme électif ou des symptômes de conversion.
A ladolescence, les efforts pour sindividuer par rapport à la famille peuvent devenir très compliqués de par la déception prématurée et le dégoût envers les parents, tout aussi bien que par la sensation dêtre empêtré dans un lien ambivalent avec les parents abusifs.
Des filles dont on a abusé sexuellement seront très angoissées vis-à-vis des garçons qui pourraient vouloir être familiers avec elles ; et elle peuvent souffrir de souvenirs intensifs de lexpérience de labus avec peur, terreur et rage.
Des conduites dacting out, telles que la promiscuité, les abus toxiques, et les tentatives de suicide sont retrouvées plus fréquemment avec linceste parce que lélément de trahison est très puissant chez les parents incestueux.
Les familles de ces victimes de linceste sont souvent défaillantes de manière dominante dans le fait de poser des limites. La structure de ces familles est souvent atteinte dun profond dysfonctionnement à bien des égards. Il a été très difficile détudier les conséquences à long terme de lexploitation sexuelle et de labus dans les différents stades de la petite enfance et de lenfance, indépendamment de la violence, de la contrainte, ou du traumatisme physique qui sont survenus. Il semble, que lon soit très bien documentés sur le fait, que parmi les conséquences à long terme pour nombre de ces enfants, même ceux qui sont fortement attachés à ceux quils ont explosés, vont souffrir dun intérêt croissant ou de capacités croissantes pour léveil de la sexualité. Mais il présentent aussi une inhibition sexuelle, des préoccupations sexuelles, une tendance à la promiscuité, des grossesses non désirées, des conduites de prostitution, une homosexualité et, bien sûr, un moi très endommagé et une vulnérabilité accrue à devenir eux-mêmes des personnes qui maltraitent leurs enfants. Un manque destime de soi au point de vue sexuel apparaît comme une conséquence très commune.
Le degré de la force et de lagression utilisées pour obtenir la soumission de lenfant à labus sexuel est probablement un important déterminant des stress post-traumatiques dont lenfant souffre.
En conclusion, nous ne sommes pas clairs sur la nature des différences entre les enfants dont on a abusé, qui ont grandi et sont devenus des adultes, qui présentent uniquement un délabrement subtil ou ténu à lâge adulte et les enfants dont on a abusé qui vont développer une pathologie déficitaire sévère. Cela va maintenant être exploré dans la littérature au rythme des rebondissements.
Des études neuro-endocriniennes de cas dexpériences traumatiques émotionnelles ont été décrites. Quand un animal ressent quil doit tenir tête à une provocation, il se met en colère et combat.
Le niveau de la "norépinéphrine" sélève.
Lorsque des joueurs de hockey se préparent à un match très compétitif, on trouve là encore une prise de noradrénaline dans les urines.
Dans les conditions anxiogènes de performance de lanxiété, comme celles que les étudiants en Médecine expérimentent avant un examen important, il y a une augmentation de ladrénaline. Lorsque la peur et lanxiété dominent, ladrénaline semble augmenter considérablement. Lorsque lorganisme semble ne pas pouvoir aider, lorsquil y a une anxiété avec idée quil ny a pas daide, alors il y a une augmentation du cortisol.
Lhippocampe est très important dans lorganisation de la mémoire et dans sa réparation. Ceci est parfaitement vrai pour la mémoire récente et recouvre une superficie importante du cerveau pour le bon fonctionnement de la mémoire qui joue dans une proportion importante de la modulation de la réponse du stress.
En 1941, Abraham KARDINER et Herbert SPIEGEL ont écrit un livre qui sappelle " Le stress de la guerre et les maladies névrotiques ". Ils comparent la névrose traumatique qui suit le stress de la guerre, les accidents ou les victimisations dune catégorie ou dune autre, à des pathologies médicales. Ils disent " Dans certaines conditions, par exemple, lépilepsie, lhyperthyroïdie et le diabète, les incidences du traumatisme ou du choc émotionnel qui font référence à la maladie sont très communes... la seule façon de trouver la réponse est détudier ladaptation de ces sujets avec leur maladie, avec une grande précision et en détail, dans lespoir que les ruptures dans ladaptation et les inhibitions qui en résultent puissent être précisément localisées ". Ils ont décrit le cas dun enfant de deux ans et demi qui a été heurté par une auto et qui souffrait de symptômes neurologiques et de symptômes tels un nystagmus, des paralysies oculomotrices, des paralysies faciales et des blessures à la tête. Cet enfant avait aussi été inconscient durant quelques minutes et stuporeux durant un certain nombre dheures. Par la suite, ils ont décrit une série complète de troubles du comportement qui sensuivit au fur et à mesure que les autres symptômes de lenfant disparaissaient. Des troubles du comportement tels lirritabilité, le retrait, la dépendance, le cramponnement, les conduites agressives et lattaque (ce qui était complètement en dehors du personnage et de ses conduites initiales). En plus du reste, il souffrit dallergie et dune diminution de la résistance aux infections. Un an après le traumatisme, il allait beaucoup mieux, les allergies diminuaient et il traitait mieux sa petite soeur. Par contre, il resta un peu plus irritable et instable quil navait lhabitude dêtre.
Donc, nous pouvons voir, daprès lexemple de KARDINER et daprès la littérature, que les conséquences à long terme dun traumatisme purement physique (sans la notion de trahison, ni celle dabus) peut avoir des conséquences résiduelles durant un an et parfois plus dans certains cas.
KARDINER et SPIEGEL (1941) se sont concentrés sur le système nerveux autonome et ses changements, sur le tractus intestinal, sur le système vasculaire, la peau, les poumons, les reins, le système endocrinien, le système immunitaire et ont produit de nombreuses questions pour la recherche future.
Bessel A. VAN DER KOLC (1988) prit la suite du travail de KARDINER et SPIEGEL en mettant laccent sur les évènements somatiques qui ont été associés avec lexpérience des stress traumatiques.
VAN DER KOLC (1988) fait référence à un gros travail qui a été effectué entre lépoque de KARDINER et SPIEGEL en 1941 et son époque dans les années 1980, avec KOLB et dautres. Il cite des études de HOLAND de survivants à un an ou à cinq ans dune catastrophe pétrolière dans la Mer du Nord et cite le sentiment de HOLAND à propos de la sévérité dans ce qui est hyperesthésique et du phénomène dissocié, lensemble étant les pires prédictions des conséquences à long terme. Il cite les changements physiologiques suivants quil croit voir survenir et qui correspondent aux symptômes post-traumatiques.
1) La tendance à réagir à des stimuli relativement mineurs comme sil y avait une récurrence du traumatisme ; réactions de sursaut et irritabilité, qui interfèrent avec lévaluation cognitive dévènements courants et de leurs résultats en tant que réaction de vol, de combat, de refroidissement.
2) Des expériences visuelles revécues : cauchemars, remémorations et scènes rejouées précédés par une résurgence physiologique qui active les potentialités à long terme des chemins de la mémoire.
3) Une hyperesthésie persistante peut également tenir compte de lévitement et du fait déchapper à des conduites caractéristiques de personnes avec un syndrome post-traumatique, psychologiquement comme une défense, physiologiquement comme une régulation basse des récepteurs en réponse à des stimulations intenses.
4) De nouvelles expositions compulsives aux circonstances rappelant le traumatisme peuvent être rapportées aussi bien à des animaux traumatisés quà des humains traumatisés, avec des néophobies.
La combinaison de labandon en face du danger accablant ou la menace dune expérience sur les humains peut être redoublée et étendue en plaçant des animaux dans une situation où ils expérimentent des chocs et dans le même temps sont immobilisés. Cela crée un modèle animal pour la recherche. Ce modèle montre une série de changements biochimiques dans lesquels il y a dabord une sécrétion massive de neuro-transmetteurs ; et puis un épuisement qui affecte la noradrénaline, les endorphines et la sérotonine. Cela peut, par la suite, stimuler un récepteur qui conduit à une hypersensibilité et à une réponse excessive au moment du stress, associées avec des attaques de panique et à des troubles anxieux généralisés. Lépuisement des catécholamines dû à lépuisement de la noradrénaline et de la dopamine, est associée avec la figure cachée, une rigidité des rouages, un tremblement, une démarche traînante et ralentie, provenant dun retard psychomoteur qui accentue la tension musculaire.
Les autres symptômes, cest-à-dire lhyperactivité, des réponses alarmistes, des déchaînements explosifs, des cauchemars et des pensées intrusives sont associés avec létablissement dune hypersensibilité chronique à la noradrénaline qui suit lépuisement en catécholamines. Lévidence directe de ces phénomènes dhypersensibilité à la noradrénaline dans les stress post-traumatiques a été découverte par KRYSTAL et ses collègues. On pense que la sérotonine est le neuro-transmetteur le plus impliqué dans la modulation des actions des autres neuro-transmetteurs, et impliqué dans lajustement des réactions émotionnelles.
Un manque de sérotonine est considéré comme responsable pour une réponse au stress qui est nécessairement noradrénergique.
Un taux bas de sérotonine dans la maladie maniaco-dépressive est suspecté dêtre en jeu dans les mouvements des fluides cérébro-spinaux et dans les désordres de la noradrénaline. Les primates qui ont expérimenté la séparation précoce ont des pics de noradrénaline en réponse à leurs stress cérébro-spinaux. La stimulation noradrénergique du locus ceruleus, les voies hippocampiques, peut au moment du traumatisme, emprunter des voies dont les potentiels sont augmentés, qui sont réactivés au moment du réveil, particulièrement durant les périodes dinhibition corticale, telles que lintoxication alcoolique ou le sommeil.
VAN DER KOLC nous fait remarquer que laugmentation des réponses endogènes peut correspondre à une fréquence élevée des conduites auto-destructrices telles que se frapper la tête contre les murs, se mordre soi-même, se brûler soi-même et se couper. Dautres travaux ont trouvé que des taux élevés dendomorphines et de " malaxone " pouvaient diminuer après ce genre de mutilation.
VAN DER KOLC suggère que des recherches futures pourraient être faites sur les relations entre dissociation, auto-mutilation et endogénicité.
Le traumatisme le plus sévère et le plus profond pour les petits-enfants est la perte dune mère, ou dun substitut matériel, qui peut être mortelle sil ny a aucun substitut. Dans les cas les plus extrêmes, où il y a un parent, ou un substitut, inadéquat, on peut trouver des maladies telles un marasme, ou une défaillance du développement. Les séparations, même lorsquelles sont relavitement brèves, peuvent causer un changement psychologique profond comme un taux de cortisol plasmatique élevé et une augmentation de la tryptophane-hydroxylase qui engendre une baisse de la sérotonine. Il peut y avoir une réponse cérébro-spinale marquée dadrénaline au stress important et aux changements de la sérotonine hyperthalamique, dans les variations de ladrénaline et dans les diminutions des enzymes de synthèse des catécholamines et dans la diminution dela réponse du système immunitaire. VAN DER KOLC a souligné que, comme lhippocampe nest pas mature avant lâge de trois ou quatre ans, la mémoire des traumatismes ne peut être replacée dans son contexte. Des enfants plus jeunes peuvent seulement se souvenir dévènements comme des figures tachitoscopiques en dehors du contexte. Il nous a dit que " Un stress sévère ou prolongé, avec son augmentation concomittante de corticostéroïdes, peut consister en une suppression du fonctionnement hippocampique et donc en une amnésie des expériences traumatiques ". Manquant de localisation dans lespace et le temps, ces évènements sont codés en langage sensivo-moteur et par conséquent ne peuvent être facilement traduits en langage symbolique nécessaire pour une réparation linguistique. Lexpérience clinique montre que de nombreux traumatisés adultes sont informés de fragments de ce traumatisme, mais sont incapables de se rappeler plus en détail et de les placer dans un contexte autobiographique.
VAN DER KOLC souligne la relation entre les variations neuro-endocriniennes et la tendance de ces personnes traumatisées à la dépression, la dépendance, la passivité et le sentiment de désespoir. Il dit " Une perturbation dans les hormones nécessaire pour préparer au stress, comme une hypersensibilité chronique à la noradrénaline, une baisse chronique de la sérotonine, une montée du cortisol, peut contribuer à diminuer les capacités de bien des personnes traumatisées à contrôler leur vie ".
Les personnes traumatisées continuent généralement davoir une pauvre tolérance à la stimulation. Elles ont une tendance à répondre aux stress en tout ou rien. Elles sont enclines à réagir avec une anxiété modulée, qui est souvent accompagnée par une décharge motrice, ou par un retrait social et émotionnel.
La capacité décroissante de moduler la stimulation physiologique combinée avec la stabilité réduite dutiliser les symboles et les fantasmes pour venir à bout du stress laissent les individus traumatisés vulnérables à lexpérience du stress à des stades somatiques, plutôt que comme de discrets évènements historiques qui nécessitent des solutions spéciales.
Les études dautres espèces de mammifères ont montré des réponses similaires à une séparation stressante davec les parents. Elles ont démontré des perturbations biochimiques sévères qui sont impliquées dans linterruption du sein nourricier par un évènement traumatique.
1) Il y a une réduction de lactivité, de lornithine-décarboxylase, de lindex de la croissance cellulaire et de la différenciation cellulaire.
2) Une réduction de lhormone de croissance.
3) Une augmentation de la sécrétion de la corticostérone ; et
4) Une suppression de la réponse tissulaire dornithine décarboxylase à ladministration dhormone de croissance.
Lornithine-décarboxylase est très importante dans la synthèse des polyamines ; la " putrescine ", la " spermine " et la " spermidine ", qui sont les premières à contrôler la différenciation et la croissance des cellules à travers le monde animal, et peut-être le monde des insectes :
Les polyamines sont particulièrement importantes non seulement dans la croissance, mais aussi dans la réparation des tissus et dans le processus de cicatrisation impliqué dans toute blessure et manipulation, comme pour, par exemple, le massage, les coups, etc... sont utilisées très évidemment dans lEst, dans les soins des petits-enfants, et dans le traitement des maladies. Ces attouchements et ces massages ont pour but daugmenter lornithine décarboxylase et daugmenter les hormones de croissance et les cicatrisants.
Dans les expériences sur lanimal, il est démontré que le massage, la manipulation et les coups augmentent la capacité des récepteurs de lhippocampe aux glucocorticoïdes. Cette capacité accrue des récepteurs apparaît aussi dans lactivation de laxe hypothalamo-pituitaro-thyroïdien (GUNZENHAUSER, 1990).
En accord avec Herbert SPIEGEL qui cite plusieurs études de recherche capitales, la capacité de dissociation est donnée biologiquement et est plus marquée dans les émotions de celui qui est en bonne santé, relâché, qui peut soutenir une attention sélective, focalisée et une approche réconfortante, naïve et confiante des autres.
Cela ne ressemble pas à notre population déprimée, blessée, en colère, de victimes dont on a abusé qui développe une personnalité multiple. Quoiquil en soit, le traumatisme, comme JANET la fait remarquer, provoque une attention appuyée sur lévènement traumatique et une restriction marquée du champ de la conscience dans lespace et le temps.
La dissociation, comme lont écrit BERNHEIM, JANET, William FAMES, SPIEGEL et dautres, la dissociation est une partie absolument normale, saine et nécessaire du fonctionnement humain. La dissociation pathologique, tout comme dautres évènements de désordre mental, peut être causée par une défaillance des défenses qui protègent lunité et lintégrité du self, ou par des évènements biologiques qui interrompent les processus mentaux normaux, telle une secousse provoquant une amnésie rétrograde.
Les diagnostics différentiels fréquents avec la personnalité multiple sont celui de dépression, dattaque de panique, de troubles alimentaires, et de personnalité border-line.
COLIN ROSS (1989) a suggéré de faire de la personnalité multiple un sous-ordre de la maladie chronique traumatique, avec soit la personnalité multiple partielle, soit la personnalité multiple totale. Ensemble, avec plusieurs collègues des laboratoires de New-York, University Milhauser, nous avons étudié cinq cas de personnalité multiple (COOK, etc..., 1988).
La neuro-physiologie et le fonctionnement neuro-physiologique varient pour chaque individu et selon chaque cas.
Le modèle établi par rapport au repère de labus physique et sexuel correspond à lélaboration de la stratégie adaptative dissociative en tant que défense.
Des contrôles à âge égal nont pas montré de ralentissement frontal gauche, ni de ralentissement pariétal qui vont de subtil à marqué chez les individus ayant une personnalité multiple.
Une variété dinterférences peut être dessinée, mais nous hésitons car il faudrait davantage de données.
Herbert SPIEGEL a discuté des découvertes similaires en comparant des données électroencéphalographiques de sujets sous hypnose avec électroencéphalogrammes contrôlés (SPIEGEL et SPIEGEL, 1978).
En conclusion, les considérations sur les effets à long terme des traumatismes précoces balaient toute lhistoire de la psychiatrie moderne. Lexploration des résultats impliqués là va dans le sens des fondations véritables de la compréhension de lesprit et du cerveau. Notre vulnérabilité à être blessé et exploité est une partie de notre humanité commune. La compréhension de la complexité de cette humanité à tous les niveaux, neuro-physiologique, neuro-chimique, biologiques, psychologique et social, enrichit notre expérience humaine de la joie et de la tragédie de la vie.
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