L'homme et son oeuvre


  • Né à Banyuls dels Aspres, dans les Pyrénées orientales le 10 aout 1900, il a fait ses études médicales à Toulouse et surtout à Paris, en même temps que poursuivi des études philosophiques à la Sorbonne.

    Interne des HP de la Seine (élève de P. Guiraud, A. Marie, Capgras et H. Claude). Chef de clinique des maladies mentales et de l'encéphale à laFaculté de Paris de 1931 à 1933.

    Médecin chef de l'Hopital psychiatrique de Bonneval dans l'Eure et Loir,de 1933 à 1970, siège de colloques historiques, devenu depuis "HopitalHenri Ey" .

    Il a dirigé la Société de l'Evolution psychiatrique, le Syndicat des psychiatres des hopitaux , l'Association mondiale de psychiatrie, la Bibliothèque Neuro-psychiatrique de langue française des Editions Desclée de Brouwer, mais aussi l'Amicale des catalans de Paris et le Club taurin de la capitale.

    Engagé volontaire en 1944. Croix de guerre. Docteur Honoris causa des Universités de Montréal, Zurich, Homburg, Lima, Barcelone.

  • Importance de H. EY :

  • "Henri EY a incarné, au delà des différences d'Ecole, la Psychiatrie française pendant une bonne cinquantaine d'années, pour les psychiatres français mais aussi pour nos collègues étrangers, en particulier hispaniques et allemands. Il l'a incarnée et promue aussi biendans sa portée scientifique que dans son originalité institutionnelle. C'est lui qui l'a en quelque sorte tenue sur les fonds baptismaux au moment de son individualisation par rapport à la neurologie, il y a presque trente ans" (Pr Arthur Tatossian,1995).

  • "Modèle d'identification, certes peu accessible mais absolument ouvert, tolérant, induisant même la contradiction à condition qu'elle soit cohérente...chacun savait que toute réflexion approfondie passait par la confrontation avec lui. Si l'on redoutait parfois son jugement, c'est qu'il signifiait prise de conscience d'une insuffisance objective...tous savaient qu'en matière de ce qui lui importait le plus, à savoir la psychiatrie, la rencontre avec Ey était inévitable" (G.Daumezon, 1978).

  • "...peut-être le plus grand psychiatre de son temps" (André Green, 1977)

    Quelques uns de ses thèmes et combats privilégiés :

  • Il s'est intéressé à presque tous les secteurs de la pathologie mentale, à toutes les formes de traitement ; n'étant l'esclave d'aucune et ne se voulant qu'au service de l'homme souffrant, de l'homme privé de sa liberté (conception de la psychiatrie, comme "pathologie de la liberté").

  • Ey pensait, à tort ou à raison, qu'il est possible de définir la normalité, que la psychiatrie doit avoir un objet, qu'elle doit se fixer des limites. Il se pose en naturaliste de la médecine mentale (il y a des"espèces" naturelles), revendique son statut de thérapeute, veut réintégrer la psychanalyse dans la psychiatrie et la psychiatrie dans la médecine (thème de son dernier grand chantier, inachevé).

    Mais il lui a fallu d'abord lutter pour la séparation de la psychiatrie et de la neurologie : simple crise de croissance a posteriori, mais combat syndical redoutable sur le moment .

  • A partir des années 7O, ce résultat étant acquis, le combat contre l'Antipsychiatrie divise ses troupes et trouble ses disciples. L'Organo-dynamisme est moins pertinent. En résumé : Pionnier d'une "psychiatrie dynamique", mais adversaire d'une psychanalyse trop démédicalisée, trop "anencéphale". La grande oeuvre du psychiatre catalan Henri Ey, c'est "l'unification de la psychiatrie et de la psychanalyse" (R.Sarro,1978).

    L'oeuvre écrite d'Henri Ey :

  • Ey a écrit plus de 43O textes, dont une vingtaine d'ouvrages importants parmi lesquels : Hallucinations et Délire (1934), Essai d'application des principes de Jackson à une conception dynamique de la neuro-psychiatrie (1938 et 1975), Les Etudes psychiatriques (1948 à1954), leTraité de Psychiatrie de l'EMC (1955...), le Manuel (1960), le Traité des hallucinations (1973), Naissance de la Médecine (1981) .

    Il a manifesté précocement des dispositions à la théorisation. Sa théorie, c'est l'Organo-dynamisme. Elle soutient, entre autre, que le corps est toujours impliqué dans la maladie mentale, mais qu'on ne saurait faire dépendre directement et mécaniquement les symptomes des lésions organiques (notion d'"écart organo-clinique"). Qu'il faut accorder un rôle considérable à la dynamique des forces psychiques dans la "structure" : celles qui lui préexistent et celles qui, prenant appui sur ladésorganisation morbide, se coulent dans ce qu'il en restera de laréorganisation de l'être à un niveau inférieur.

    Théorie toujours réfutable selon les principes Poppériens (et selon Ey lui-même), synthèse ambitieuse mais discutable, cadre de travail bien utile et selon certains de plus en plus indispensable dans le désarroi épistémique actuel, le morcellement des théories et des pratiques en médecine psychiatrique.

    Son oeuvre scientifique et philosophique est immense. Il est devenu un grand classique, l'auteur du "trésor clinique" des Etudes psychiatriques (publiées chez Desclée de Brouwer entre 1948 et 1954) et du monumental Traité des hallucinations (Masson, 1973), peut-être bien "l'ouvrage psychiatrique du siècle".

    Il fut le "maître visionnaire de la psychiatrie du XXèmesiècle"(C.J. Blanc). Moment de l'histoire des idées, mais déja patrimoine :ce patrimoine que veut conserver l'Association pour la Fondation H.EY.

    Doit-on relire EY ? s'engager sur ses traces ? Y a-t-il à nouveauune actualité de l'oeuvre et de la pensée de H. Ey ?

  • Si la rivalité entre psychanalystes et nouveaux venus des neurosciences est "un vieux débat dont l'issue n'est pas urgente, si tant est qu'on la trouve un jour" (Et.Trillat 1997), la pratique médico-psychiatrique, en revanche, qui fait quotidiennement usage des deux selon d'infinies variations, se satisfait beaucoup moins des clivages et appelle, à tout le moins, une dialectique de circonstance et un cadre detravail et de coexistence. Précisément, l'Organo-dynamisme a été créé pour ça.

    Pour tous ces problèmes d'exercice, de coexistence, de cohérence, d'efficacité... Ey nous a fourni, moins une théorie ou pire un système, que des instruments de réflexion, des clés, une signalisation et des garde-fous. Il a pointé des directions, balisé des parcours. Il n'a obligé personne à le suivre, laissant à tous la plus entière liberté d'utiliser les instruments qu'il avait fourbis, les voies qu'il avait défrichées. Ennemi de tous les dogmatismes, il n'avait par ailleurs aucune propension pour le terrorisme du langage.

    Le point de ralliement, c'est l'éthique : une manière d'appréhender le sujet malade dans son histoire (globalité, unité. Faire de la psychiatrie, être psychiatre... c'est se placer de ce point de vue "qui permet de saisir l'unité de cette diversité") et un devoir de se mettre à son service "en mettant en oeuvre le maximum de procédés thérapeutiques rationnels".