Cest à la demande du docteur SEMION GLUZMAN et avec le concours de lAmbassade de France à Kiev qua été organisée récemment une mission psychiatrique en Ukraine. Rappelons que le Dr SEMION GLUZMAN psychiatre a été arrêté en 1972 pour activités antisoviétiques, après avoir protesté contre les internements politiques pratiqués en URSS. Il a passé 7 ans de sa vie en camps sibérien. Depuis 1988, il mène un combat contre lutilisation de la psychiatrie à des fins politiques. Il est Président de lUnion des Psychiatres Ukrainiens et du bureau Ukrainien pour la protection des droits de lhomme.
Nous étions trois psychiatres, le docteur B. JOLIVET psychiatre, fondateur de la société psychiatrique daide à la santé mentale, le docteur D. SABATIER, praticien hospitalier travaillant en toxicomanie, et moi à avoir fait ce voyage.
République indépendante depuis 5 ans, lUkraine est un pays de 52 millions dhabitants et de 600000 km2 qui connaît comme toutes les ex-républiques dU.R.S.S., de nombreuses difficultés dans les multiples transformations du pays nécessaires pour ouvrir la voie à la démocratisation. Nous avons rencontré lors de notre séjour des responsables du Ministère de la Santé à Kiev. Le psychiatre en chef au Ministère , ainsi que le responsable de la santé mentale .Ceux-ci ont évoqués la mise en place des réformes dans le domaine de la Psychiatrie. En Ukraine .Les lois régissant la Psychiatrie sont héritières de lex-U.R.S.S. Cest actuellement le seul pays de la C.E.I. où les lois de lex-U.R.S.S. sont encore en vigueur.
Les réformes engagées visent à réduire le nombre de lits, à mettre en place des aides à domicile. On trouve officiellement le même désir que dans le monde de lOuest de faire évoluer la psychiatrie vers le "système médical.". Les politiques qui nous reçoivent usent dun langage très officiel pour évoquer le passage en psychiatrie dune approche paternaliste à une approche démocratique. Une loi élaborée récemment na pu être adoptée à cause de la pression des associations de familles. Cette loi définissait les aspects essentiels de la protection des droits des malades mentaux, la procédure dhospitalisation sous contrainte et la garantie sociale des malades mentaux.
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Il y a en Ukraine 4 000 psychiatres et plusieurs dizaines dhôpitaux psychiatriques dont la capacité moyenne est de 1000 lits. Ces institutions sont reliées à des dispensaires couvrant la prise en charge ambulatoire, ainsi que des institutions recevant des malades dits chroniques . Depuis lindépendance, de nombreuses institutions connaissent des difficultés économiques considérables et sont contraintes souvent de solliciter des aides privées, dassociations religieuses entre autres, car lEtat ne règle plus les budgets de certains hôpitaux. Le docteur SEMION GLUZMAN nous a fait visiter deux hôpitaux, un plutôt classique, représentatif de létat sanitaire de lhôpital psychiatrique moyen en Ukraine, lautre dont les moyens sont plus importants grâce à une direction médicale plus dynamique pour recouvrir des fonds extérieurs (ainsi lorganisation dune loterie a permis au directeur de recueillir 15000 dollars, par ailleurs le Consulat de Grande-Bretagne et la Hollande, ont aidé lhôpital à séquiper ou à humaniser les pavillons.
Les locaux de lhôpital de TCHERNIGUIV (à 150 km au Nord de KIEV) sont assez vétustes, les malades par chambres de 18 ne disposent pas deffets personnels, les lits sont côte à côte dans des pièces réduites. Pas de meubles pour les objets personnels, peu de traitement (lhôpital dispose de 50 Kopecs pour les médicaments (par patient et par jour soit le prix d'une baguette de pain ). Les moyens thérapeutiques sont réduits, physiothérapie par instillations de minidoses de médicaments, balnéothérapie avec "plantes aromatiques" . Ce qui nous frappe lors de cette visite, cest que malgré le dénuement les gens ont lair bien traités, le personnel soucieux de sa fonction. Lors de la discussion, le médecin chef, directeur de létablissement, évoque sa révocation pour sêtre plaint dans la presse de la situation de son hôpital. il a été depuis réinstallé à son poste. Alors que nous lui demandions ces attentes, il insistera beaucoup sur les obstacles politiques au niveau du ministère qui empêche la prise en compte de cette situation, son hôpital est quasi contraint à lautofinancement. Dans la discussion avec les médecins et psychologues de lhôpital alors que nous étions là plus pour écouter, ils étaient plus avides de savoir notre réalité professionnelle, signe dune longue habitude de silence et dune méfiance à légard doccidentaux . La discussion sur la pratiques de soins et les présupposés théoriques fut brève. Les concepts en vigueur sont kraepeliniens et il sont de plus en plus en rapport avec la classification internationale comme la CIM 10 ou le DSM 4, mais aucun travail dévaluation se fait faute de moyens.
Lhôpital de JITOMIR à 120 km à lOuest est plus cossu . Plus habitué aussi à recevoir des visiteurs, anglais et hollandais pour la plupart. Notre conférence sur les pratiques en France souleva beaucoup dintérêt de la part de nos collègues qui après un long moment où les questions étaient écrites et présentés au directeur, nous interpellèrent de vive voix cette fois plus sur les pratiques de soins à la fois hospitalières et ambulatoires, les règles dhospitalisations, les conduites à tenir, le rôle des Associations de familles. Dans cet hôpital, nous retrouvions des réalités psychiatriques que nous partageons au sein de nos secteurs. Nous avons visité plusieurs services : enfants, adultes, ergothérapies, de malades placés sous contrainte. Les locaux sont assez attractifs, les chambres plus spacieuses. les traitements sont à la fois médicamenteux et psychothérapeutiques. En particulier de nombreuses techniques de groupes sont utilisés. les soins librement consentis par les malades sont variés. Un médecin nous déclare sur un ton convaincant que ses malades navaient pas de besoins sexuels dans lunité mixte dont elle avait la responsabilité.
Quand à la visite de lunité sous contrainte nous eûmes même droit à linterview de malades dont un qui nous déclare être soigné par un médicament français (en fait il sagissait du LEPONEX qui lors de larrêt de sa commercialisation dans le monde occidental a été utilisé massivement dans tous les pays de lEst). Là encore notre impression était davoir à faire à des soignants "soucieux" du respect dû aux malades et ce malgré des difficultés qui quoique moins criantes que dans le premier hôpital existait tout de même. Les collègues rencontrés à JITOMIR et avec qui nous avions discuté de toutes ces approches en psychiatrie de secteur ont été très attentifs à ce qui caractérise à la fois les aspects positifs - voire moins positif - de nos dispositifs : que ce soit en matière dévaluation, de continuité de soins, deffectifs. Ces questions ne sont pas déplacées dans le contexte ukrainien. Certes de graves difficultés sont rencontrées surtout dans le, domaine financier mais ce quil souhaite avant tout développer avec la France, cest rencontrer des interlocuteurs dans le champs psychiatrique soucieux dabord clinique, de soins psychiques et méfiants à légard des réponses types fastpsychiatrie que leur propose la psychiatrie Américaine.
Il est difficile de faire un bilan de ce court voyage mais soulignons quand mêmes plusieurs choses.
Le travail entrepris par le Dr SEMION GLUZMAN, Président de lAssociation Ukrainienne de psychiatrie, vise à mettre en place une coopération avec différents courant de la psychiatrie Européenne dont la France.
Les contacts établis avec des psychiatres français il y a quelques années se sont quelques peu ralenties. Actuellement beaucoup de littérature psychiatrique américaine est traduite et éditée en Ukraine. Le Dr SEMION GLUZMAN se dépense sans compter afin de soutenir ses collègues à travers le pays mais il samuse à dire quil a plus de soutien des ex-représentants du KGB que du ministère de la santé en Ukraine. Il nous demande de le soutenir à plus haut niveau afin qu'à la suite de lemprise bureaucratique liée à lexercice de la psychiatrie dans le contexte soviétique , les dirigeants politiques ne puissent continuer à défendre leurs propres intérêts privés ou personnels au dépend des intérêts de santé publique et ce malgré un discours officiel très ouvert qui nous évoque la fameuse langue de bois des années communistes.
Le contenu humaniste de la psychiatrie française peut peut-être aider nos collègues à rompre lisolement dans lequel ils sont. Nous envisageons de proposer plusieurs actions, la traduction du manuel de psychiatrie dHenri EY est déjà engagée. On peut envisager des échanges de stagiaires et des partenariats inter-hospitaliers. Plusieurs responsables auprès de lAmbassade de France rencontrés à Kiev et au ministère de la santé à Paris se disent prêts à aider à mettre en place cette collaboration.