Santé mentale et Société de l'information
Helsinki 23.08.2002

Introduction

Président, M. Raoul MILLE, attaché scientifique, Ambassade de France, Helsinki

– Société de l’information et espace mental
Mme Vappu TAIPALE, Directrice générale, STAKES, Finlande

La Finlande est un pays intéressant. Je veux parler de l’enfance, de l’apprentissage et de la santé mentale des enfants.
La Finlande est un petit pays (5 Millions d’habitants) on dit que nous sommes mélancoliques et avons tendance à abuser de l’alcool. En même temps, nous sommes un des pays les plus innovants, le niveau de connaissance de nos enfants est le plus élevé du monde. Tout cela grâce à l’état providence. Nous avons besoin de la capacité et de l’enthousiasme de tous nos participants. Nous allons ver la mondialisation. La technologie fait partie des moyens de surmonter les obstacles entre jeunes et vieux, handicapés, habitants de la ville et de la campagne. Les problèmes de sont pas résolus. L’exclusion augmente.
Il y a dix ans, projet européen, l’enfance en tant que phénomène social. L’histoire de l’enfance est assez courte. Le 20ème siècle fut nommé siècle de ‘enfance. L’objectif a été d’endiguer une criminalité enfantine. Les enfants handicapés . La scolarité a été introduite. L’objectif a été aussi d’améliorer la santé des enfants. Troisième objectif : ramener les enfants dans le giron familial. Ces objectifs sont devenus réalité. Or que s’est il produit ? Les enfants fréquentent l’école ... les familles se sont détériorées. On parle de retour durable à la famille.

Quels pourraient être les nouveaux objectifs ? La santé implique la santé mentale. Je pense que nous vivons toujours dans une société qui a structuré les différentes âges : enfance, adolescence, age adulte, retraite.
L’âge mur ne faisait pas partie des éléments reconnus par la société industrielle. Si on examine les statistiques récentes, la pauvreté des enfants reste une réalité. Une partie infime du PIB permettrait de réduire cette pauvreté.
Le défi de la société de l’information sera la compétence. Il faut pouvoir apprendre à rechercher des informations et considérer comment tout le monde pourra accéder à l’information. La société de l’information doit pouvoir régler le problème des connaissances. Peu à peu se dessinent les structures de la société de l’information. Il est important de comprendre comment l’exclusion se produit très tôt. Elle est liée à l’apprentissage. Toutes les sociétés ont voulu introduire un apprentissage très dirigé. Aujourd’hui, les bébés les plus petits font l’objet d’une observation intensive. Un bébé de 4 jours reconnaît l’odeur du lait de sa mère, de 1 semaine les voix de ses parents. Toutes les capacités se produisent bien plus tôt qu’on le pensait auparavant. Heureusement, les enfants sont résistants et coriaces. Toujours est-il que la question de l’apprentissage est posée. Nous avons besoin de stratégie commune pour la société de l’information. La société de l’information a besoin d’une politique. Les bébés portent des habits souvent mal adaptés. La société de l’information ignore aujourd’hui ce qu’elle devrait faire de l’enfance. Elle n’a pas encore abordé, la question de la protection des personnes âgées et les besoins de l’enfance. La société de l’information manque de temps. La grossesse durera toujours 9 mois. La société de l’information ignore surtout quel doit être l’espace mental de l’enfance qui est nécessaire, comment ils peuvent apprendre. Mais nous n’avons pas encore de politique de l’enfance, si nous voulons que la société de l’information réussisse. On peut se marginaliser par rapport à sa propre vie. L’exclusion morale mène hors des valeurs et des normes du collectif. La marginalisation du savoir est terrible. Nous devons participer à la création

– Société de l’information : nouvelles dynamiques d’inclusion et d’exclusion sociales
Michel MAFFESOLI, Professeur, Université de Paris V, France


Sociologue, de sociologie rêveuse plutôt que rationnelle.
Réticences vis à vis du terme de santé. Dans les sociétés où il y a l’obsession de la santé, nous vivons une maladie mentale collective. Avoir le bien comme seul idéal peut être le symptôme d’un grave problème de fond. Ce qui fut notre imaginaire, notre irréel, que nous sommes peut-être en train de payer très cher, c’est le mythe du progrès. Cela s’appuie sur une religion du salut. Un salut et un sauveur pour accéder à la vraie vie qui est ailleurs. Le mot de Saint Just : le bonheur est une idée nouvelle pour l’Europe La technique va être l’instrument de ce progrès. Technique et progrès vont permettre de parfaire ce projet. Dans l’éthique protestante, une dés idéalisation liée à la rationalisation de l’existence. Idée de La société, qui repose sur la grande idée de l’universalisme. Remettre en question l’universalisme apparaît aujourd’hui comme scandaleux. Un ensemble de valeurs par lequel le monde est intelligible. Cela repose sur la théorie de l’émancipation. La société devient rationnelle, prédictible où l’on ne meurt plus de faim, mais d’ennui.
Il y a une saturation de ce schéma. Quelque chose peut cesser d’être, et en même temps, recomposition. Ce n’est pas la fin du monde, mais quelque chose qui fonctionnait ne marche plus. Il y a saturation de ce linéarisme progressif. Le mot de crise. Il y a un moment où il n’y a plus conscience d’où l’on en est et confiance de ce que l’on fait.
C’est à la base d’un extraordinaire divorce entre les propriétaires de la société et le reste, qui continue à fonctionner sur l’imaginaire de la perfection et quelque chose d’autre qui ne se reconnaît pas dans cette injonction au bien. Le tribalisme : multiplicité des tribus qui ne se reconnaissent plus dans une perspective du bien. A certains moments, à l’encontre d’un processus linéaire, il existe des périodes de régrédience, de retour à quelque chose d’autre. Heidegger a proposé un concept de Verwindung, qui renvoie à l’idée de reprise, de distorsion et de guérison. J’essaie d’appliquer cela à nos sociétés, quelque chose qui vient après nos schémas modernes.
Il me semble qu’il y a quelque chose qui est de l’ordre de l’inversion. La technique : une société se donnant un but, rentre dans un cycle d’inversion qui va être corrélatif de l’éclosion des tribus.
Il n’est pas inutile de constater qu’il y a une curieuse synergie entre l’archaïsme et le développement de la technologie. Ici archaïsme renvoie à ce qui est fondamental et premier.
Il y avait coupure entre nature et culture et apparaît une synergie. Ce serait la dynamique de l’information.
Soyons attentifs à cette structure verticale du pouvoir : état providence donnant protection, mais aussi soumission. Plutôt, la toile, qui est une structure horizontale qui remet en question celui qui a le sens et sait où il faut aller. Non plus une seule valeur, mais un polythéisme des valeurs. Le ré enchantement du monde, à partir d’une multitude de petits dieux. Comment se crée une multitude de petits groupes autour de petits dieux parleurs. Chacun de ces goûts constituant un totem autour duquel on s’agrège. On ne peut plus gérer une multitude des dieux.
Notre instrumentation reposait sur une logique dialectique. L’idée est que l’on va dépasser l’antithèse.
Il existe une logique mineure, « contradictorienne » : un contraire qui ne se dépasse pas en synthèse. En même temps, le propre de l’inclusion est le propre de l’exclusion. Vouloir supprimer l’exclusion ne tient pas compte de ce fait. Il n’est pas scandaleux de parler de relativisme. Etymologiquement, le relativisme est la mise en relation des valeurs. Goethe disait que chaque civilisation, en son moment naissant est paradoxale. C’est ce qui est actuellement en jeu. Il paraît important de repérer ce paradoxe. Quelque chose qui n’est plus de l’ordre de l’unité mais de l’unicité. L’unicité, il y a de la cohérence en pointillé, une harmonie conflictuelle. Ne plus chercher une santé publique surplombante. Quelque chose qui “énerve“. On peut penser un corps social sans défense, parce qu’il y a hétérogénéité du monde et des cultures. Faire confiance au chaos, ce qui permet de vivre sa mort de tous les jours plutôt que de la dénier.

Discussion

- Psychologue : A propos de la jeunesse : évocation de l’ignarisme et le fait que l’on est arrivé à un point de saturation lié à une absence d’imaginaire. Comment trouver une motivation dans la compétition et la concurrence de la productivité ? Apprentissage ignare et possibilité de s’exprimer ? Nous assistons à un appauvrissement de cette formation.
Réponses
Taipale : je conçois l’apprentissage comme un domaine très vaste qui doit se faire dans une interaction « amoureuse ».
Maffesoli : il n’y a plus d’espace de projet chez les jeunes. En langue romane, le sens implique la notion de but. Est-ce que l’on peut penser qu’il y ait une signification sans finalité ? Il n’y a plus de projection. On ne considère qu’il n’y a vie que s’il y a vie future. Les grands rassemblements musicaux sont une subversion du futur, dans la mesure où l’intensité de l’existence se pose dans le moment.
Faut-il encore parler d’éducation ? Je dis non. L’Emile de Rousseau devient autonome et entre dans le contrat social. Cela a fait son temps. N’est pas étonné que la pédagogie aboutisse en pédophilie. Une forme qui n’est plus pertinente se termine en eau de boudin. Il y a eu le processus d’éducation. Cela a marché à d’autres époques. C’est plutôt l’idée d’initiation qu’il devrait être question. Accompagner, faire ressortir. Si le désir d’autorité peut conduire aux différents gourous, mais l’autorité est aussi ce qui fait croître. Un retour à l’initiatique avec corrélé l’autorité.
Question
Velea : l’exemple que les jeunes ont de la société, c’est la saturation de travail, le stress. Est-ce que les jeunes où tout est sécurisé ne sont pas conduits vers des conduites à risques (courses poursuites en motos, rapports sexuels non protégés, consommation de produits psychotropes) ?
Maffesoli : chaque société qui a voulu aboutir au risque 0, cela lui pète à la gueule. Avec le technocrate, tout est en ordre. Les femmes vont chercher Dionysos (également Pan), un métèque. Un meurtre, celui du sage gestionnaire. Intégration de quelque chose qui permet de revivifier. Il n’y a rien de pire que l’idéologie du risque 0. Si on ne sait pas intégrer du désordre, on risque de se trouver dans la pire des situations. Donnez nous du mal. Permettez que le mal soit là. Le souci de la santé, le travail est une drogue. Chaque société a besoin de lutter contre l’angoisse du temps qui passe. L’important est le bon usage.


Dernière mise à jour : jeudi 29 août 2002 18:31:57

Dr Jean-Michel Thurin