Santé mentale et Société de l'information
Helsinki 23.08.2002

TABLE RONDE

Président M. Ville LETHINEN, Professeur de recherche, STAKES

A propos de la relation entre société de l’information et santé mentale. Nous n’avons pas de raison de rater cette évolution. Il s’agit de la réussir. Qu’en pensent les intervenants et la salle ?

M. Eero LAHTINEN, Conseiller, Ministère des Affaires sociales et de la Santé (Finlande)

Se préoccuper de la fracture numérique entre les pays industriels et les pays en voie de développement. A la veille de Johannesburg. Mesures concrètes pour venir à bout de la pauvreté. Beaucoup reste à faire. Peut–être introduire des perspectives de santé. Société de l’information : facteur déterminant de la santé. Question d’une interaction globale. Suivre les évolutions, pouvoir trouver des réponses. Il faut avoir à l’esprit que nous ne savons pas encore quels sont les effets de la technologie sur nos organismes. Applications pour les soins ? De nouvelles applications sont à l’étude. Problème de la protection des données. Il existe de nombreuses situations que nous considérons comme une échange réel. Avec la télématique, il n’y a pas de raison de renoncer à l’intervention réelle. -- S’il faut conclure, je pense que les choses penchent plutôt du côté de l’intérêt de la société de l’information.

M. Bernard BASSET, Sous-directeur, direction générale de la santé, Ministère de la Santé, de la Famille et des personnes handicapées (France)

Dangers et opportunités de la société de l’information en relation avec la santé mentale. C’est un sujet difficile, mais il y a des précédents. Celui de toutes les introductions de l’innovation. Il n’est pas sur que la question se pose de façon aussi rationnelle. Souvent, la technologie a précédé la réflexion. On a saisi les opportunités avant de s’interroger sur les dangers. Nous avons soutenu un site Internet de santé mentale [Psydoc-France]. Risque extrêmement mesuré qui implique de s’entourer de précautions. Le sérieux des promoteurs était une garantie. On a saisi aussi cette opportunité pour faire connaître ses possibilités. Nous suivons aussi avec un grand intérêt tout ce qui concerne la FMC . Le pire aurait été pour nous d’être frileux. A l’heure actuelle, on est moins sur les dangers que sur la précision que l’on peut avoir sur les interrogations en santé mentale. Après les interventions de ce matin, quelques questions : quelle est la qualité des sites ? Qualité de l’outil de l’information, mais aussi des réponses qui sont fournies aux usagers. Est-ce que ce nouvel outil préfigure le paysage de demain, ou est-ce seulement un outils supplémentaire ? Va-t-on répondre à des expériences particulières ? Quelles peuvent être les bonnes pratiques en télé médecine et en télé psychiatrie ? Cette question doit se poser au niveau des professionnels. Quels effets et quelle modification des effets observe-ton sur la relation entre le thérapeute et le malade grâce à cet outil. Une question qui préoccupe beaucoup les responsables de la santé : quels sont les effets que l’on peut attendre au niveau de l’organisation du système ? Il y a aussi les questions de déontologie et d’éthique. En ce qui concerne le défi et les enjeux actuels, il convient bien entendu de ne pas entraver ce développement, mais il faut apprécier l’évaluation.

M. André CHASSORT, ASFR, éthique médicale

Généraliste de terrain et ayant participé au sein du Conseil national de l’ordre des médecins au développement des nouvelles technologies, il est apparu que l’utilisation des nouvelles technologies en médecine a pris de l’avance sur l’éthique. Il ne faudrait pas que cette éthique prenne de retard. Un groupe Ethique et santé doit donner lieu à une association. La pratique de psychiatrie et sa transformation par la e-santé gère un paradoxe : c’est probablement la spécialité où il y a le plus de demande. Il y a une certaine forme de confidentialité, sur des problèmes qui ne seraient pas abordés. Il y a aussi un facteur temps, la demande que se prolonge le temps passé de la consultation. Il y a énormément de demandes qui concernent des données médicales très sensibles à gérer qui doivent impliquer la sécurité : les professionnels de santé doivent veiller à assurer la protection du secret médical. On doit connaître le professionnel, savoir qui est le patient. Il est important qu’entre les deux le message soit au maximum crypté. Le deuxième point concerne la responsabilité des professionnels. La responsabilité est totale. Les échanges par e-mail mettent en jeu la responsabilité du professionnel. La qualité de l’information donnée doit être irréprochable. Risque des sectes qui profitent de la fragilité des personnes. Données scientifiquement qualifiées. Différence entre l’avis et la consultation. L’utilisation des nouvelles technologies ne peut que s’intégrer à l’acte médical et pas d’en prendre la place dans sa totalité. -- Il n’est pas rare que des personnes âgées n’aient pas accès à Internet, mais que le petit-fils ait fait la recherche ouvre des possibilités. Dans une famille ou un groupe d’amis, un seul internaute peut faire circuler l’information.

Eero RIIKONEN, Coopérative Toivo, solutions innovantes

Je parle essentiellement du bien être au travail et des liens entre société de l’information et vie au travail. C’est la première fois cette année que j’ai pris des vacances et joué aux cartes avec mon enfant. Ce qui se passait dans ma vie est qu’il y a beaucoup de choses qui peuvent disparaître ou être abandonnées. Il y a un livre qui vient de paraître où il est question de l’épuisement au travail. En ce moment, je dirige un projet de recherche qui se pose la question de la participation active à la société et de son impact sur le bien-être. Pourquoi ces questions sont elles reléguées ? Est-ce que la société de l’information appuie ou réduit ce phénomène de réduction de la réflexion ? Référence à une rhétorique où l’on se situe surtout par rapport à l’utilitaire. Productivisme avec risque de réification. Le productivisme a induit des guerres quotidiennes économiques qui sont si généralisées que l’on ne les remarque plus. Menace pour le bien-être. Tout doit être au service du productivisme. Une situation de guerre n’est pas la meilleure pour le bien être de la personne. La logique productiviste fait la différence entre l’objet et le sujet. Mentalité d’utilitaire qui transforme tout en produit. Les choses n’ont une valeur que si elles sont réifiables. Maladie du travail fou plutôt que de la vache folle, les deux étant conséquences d’une certaine conception productiviste du travail.

M. Dan VELEA, psychiatre, Internet Addictions

Le concept des addictions . donner son âme (addictere). On voit de plus en plus apparaître des cas, des familles. Faire très attention au respect de la personne sur Internet. Possibilité de créer un besoin pour en faire un commerce. Deux types de populations : les jeunes et les informaticiens. Les gens qui s’ennuient énormément. Recherche de sensation. Des personnes qui ne font que parler sur Internet. Enormément de gens qui sont incapables de résister à la communication. Des gens qui sont frustrés, immatures, dans une dépendance affective et qui trouvent dans ces discussions un monde virtuel. Les jeux, sont vendus avec pour publicité qu’ils sont ceux qui rendent le plus dépendants. Des gens qui ne font que cela : jeux de rôle, trouver des amis de manière virtuelle. On voit de plus en plus des jeux de plus en plus évolués. Cas d’un avocat qui a tout laissé tomber et veut devenir gérant de café de jeux. Jeux dont l’objet est de s’enrichir sur façon virtuelle. Jeux aussi criminels. « On ne l’a pas tué, on a pris sa vie ». Les jeunes s’identifient comme dans le jeu. On constate aussi les achats compulsifs. Addictions sexuelles et cybersexualité. Beaucoup de personnes. Travailleurs pathologiques. Les gens sont complètement épuisés. Comparaison de la cyberaddiction avec celle d’Internet. Il y a des gens qui commencent à avoir des signes physiques. Beaucoup de pathologies avec comorbidité. Trois niveaux : addictif, récréatif, d’addiction.

Mme Marjo HUUSKO, AFFINITY, Fédération de la Santé Mentale : point de vue des patients

J’ai eu la possibilité de participer à des réunions de réhabilitation. Nombre de patients m’ont dit que c’était très agréable d’être soi-même. Je me suis sentie à l’aise dans ce milieu et depuis je suis très heureuse de prendre la parole au nom des patients. Depuis 1998, j’ai travaillé comme chercheur dans différents projets concernant la société de l’information. Le dernier projet concernait la télévision numérique. Notre fédération participe au portail « aide ». S’aider soi même ou être aidé par ses pairs. Automédication et gestion de sa propre vie. L’idée est que les gens qui ont souffert peuvent être très utiles, sans remplacer le soin conventionnel. Au niveau d’Internet, qu’en est-il des personnes âgées et des malades mentaux ? Il y a de nombreux collectifs en réseaux qui existent déjà pour les alcooliques, les personnes souffrant d’obésité, les jeunes mères. Tous les matins, on faisait l’appel pour savoir qui participe, si l’on organisait une réunion café. Beaucoup de personnes pensaient qu’elles étaient vraiment dépendantes de ce réseau. Si l’on est lié à ce réseau, est-ce que cela peut remplacer une présence réelle ? Ce qui est important, c’est qu’il y a toujours quelqu’un de présent sur le Web. N’importe qui peut répondre et cela peut poser un risque. Si l’on veut le faire sans risque, il faut se demander si la personne peut avoir une attitude critique. Souvent, tous ces forums sont des laboratoires qui tendent à tester le système. La question qui se pose est de savoir si l’on peut répondre. La question aussi se pose des gens qui ne participent pas facilement à un débat.

Mme Marja Liisa VIHERA, SONERA, recherche et développement

Le flux de l’information est de plus en plus international. La vie locale est de plus en plus pauvre. Il y a un besoin fondamental de la relation humaine. Importance du milieu rapproché en Finlande et en France. Cela pour dire que dans le milieu rapproché, il y a des français et finlandais. Construire cette traduction [des transparents que nous présentons] a été quelque chose de très enrichissant. Nous avons de la difficulté à comprendre le monde. Les gens tombent dans le recours aux stupéfiants. Le travail devient de plus en plus appauvri. Il y a un manque du contact rapproché, mais on a très peu parlé de la compatibilité des contacts et de l’interaction. Utilisation de la caméra numérique et envoi des photos. Simultanément on a vécu le plaisir de voir ces photos et cela a renforcé le capital social qui est le notre. C’est ce système qui doit permettre de construire des systèmes basés sur la confiance. Il pourrait y avoir un secrétaire de réseau auquel on pourrait demander conseil. Des ateliers de communication, des fora mobiles, peut-on parler du cercle téléphonique pour des personnes âgées comme d’une technique obsolète ? En prenant le café, approcher le téléphone. Il y a beaucoup de formes qui les unes ajoutées aux autres pourrait permettre de préserver notre capital essentiel qui est notre santé mentale. Une forme de communication est un capital. - Par rapport aux aspects positifs, question de la qualité de la réponse. L’accueil local, devrait être pris en compte, que l’on n’aura pas seulement des amis à l’autre bout du monde, mais à côté M. MILLE Insiste sur la prise de conscience des limites.


Dernière mise à jour : jeudi 29 août 2002 18:23:16

Dr Jean-Michel Thurin