STRESS ET IMMUNITÉ De la physiologie (intégrée) à la pathologie. Nouvelles voies de recherche

Apports de l’épidémiologie

L’exemple de l’épidémiologie des risques professionnels

Isabelle Niedhammer

Inserm U 88, Saint-Maurice

L’épidémiologie des risques professionnels a intégré depuis environ deux décennies une thématique sur le stress au travail. Les études de qualité y sont cependant relativement récentes. Cette présentation se centre sur les apports de l’épidémiologie des risques professionnels, elle se limitera donc à un angle thématique, mais on peut penser qu’il existe de nombreux points de jonction entre les différentes branches de l’épidémiologie qui traite du stress de par les approches, outils et méthodes qu’elles ont en commun.

L’épidémiologie des risques professionnels qui aborde la notion de stress étudie les facteurs de stress, comme des facteurs de risque potentiels, et cherche à identifier leurs effets sur la santé. C’est pour cette raison que la thématique du stress au travail en épidémiologie est aussi appelée ‘facteurs psychosociaux au travail’, en référence aux facteurs de risque classiques de l’épidémiologie des risques professionnels, c’est-à-dire les facteurs physico-chimiques de l’environnement de travail.

Les facteurs de stress du travail, ou facteurs psychosociaux au travail, se définissent par l’ensemble des contraintes psychologique, mentales, relationnelles liées au travail. De nombreuses listes ont été développées pour identifier les facteurs potentiels de stress. Il semble cependant nécessaire de faire des choix dans les protocoles épidémiologiques, soit à partir d’hypothèses préalables, soit à l’aide de modèles conceptuels. Deux principales méthodes d’évaluation existent pour l’étude des facteurs psychosociaux au travail : l’approche par questionnaire et l’approche basée sur un observateur. A cause de difficultés méthodologiques et pratiques liées à la méthode par observateur, l’épidémiologie privilégie l’approche par questionnaire, qui permet d’évaluer les facteurs psychosociaux au travail tels qu’ils sont perçus par les salariés eux-mêmes. Deux outils dominent la littérature : le modèle de Karasek (1985) et le modèle de Siegrist (1996), qui sont des instruments validés existant en plusieurs langues dont le français.

Les résultats obtenus à ce jour par l’épidémiologie des risques psychosociaux au travail mettent en évidence des associations entre les facteurs de stress au travail et divers indicateurs de santé : indicateurs globaux de mortalité et de morbidité (qualité de vie, santé perçue, absentéisme pour raison de santé...) et des pathologies, essentiellement les pathologies et facteurs de risque cardio-vasculaires, les affections musculo-squelettiques, et les pathologies mentales. Les recherches futures devront privilégier les études prospectives sur de larges échantillons, tenter de développer d’autres méthodes pour évaluer les facteurs psychosociaux au travail, qui se soient pas dépendantes du salarié, diversifier le recueil de données (psychosociales, psychologiques, physiologiques...) de manière à mieux comprendre les mécanismes sous-jacents, et enfin entreprendre des études d’intervention et évaluer des actions de prévention. Il semble donc indispensable à l’épidémiologie de poursuivre ses collaborations avec d’autres disciplines, aussi bien les sciences sociales que les autres sciences biologiques et médicales.


Dernière mise à jour :

Dr Jean-Michel Thurin