Programme CEDRATE - 6 - 8 mars 1997, Paris
quand les thérapeutes deviennent les passeurs d'ombres
Carine PLASCH et Antoinette CORREA
Il nous incombait " d'entendre " ce récit dans sa valeur pour " l'enfant lui-même " et de le lui renvoyer dans tout son sens d'ancrage et d'amorce d'une évolution, et non de ficeler ce récit pour en faire " une chose finie ".
A partir d'un support épistolaire ayant comme but les réunifications familiales (" tracing "), ce sont des évocations brèves, des images éparses, des mots, des bribes de récit qui affleurent, en fait des " prémisses " de récit, puisqu'il s'agissait de retrouver pour plusieurs de ces enfants les noms mêmes des parents, frères et soeurs dont ils avaient perdu leur souvenir ! Il y a eu véritablement une mise en route de mécanismes de filiation. Ce travail sur la mémoire a permis de commencer à relier l'individu à une frange de son histoire interrompue par le génocide, à lui permettre de se réapproprier son histoire et rendre son futur pensable.
C'est là " la conviction pour pouvoir une jour transmettre " cette histoire aux générations suivantes et contribuer à maintenir vigilante la " mémoire collective ".
C'est là toute la mesure de " l'effet thérapeutique " du récit de l'enfant qui se réapproprie son histoire : pouvoir investir son futur et transmettre le passé.
C'est entre ce passé porteur du traumatisme qui se répète quotidiennement et ce futur encore impensable que nous avons installé nos repères dans une urgence psychique alarmante. Les thérapeutes ont joué un rôle de passeur (dans le temps, dans l'espace, dans l'imaginaire, dans la référence culturelle et dans la réalité) : réinscrire dans une filiation symbolique permet d'entamer un travail de deuil et transmettre. Rôle décodeur, dédoubleur, transmetteur.