PREVENTION DE LA TRANSMISSION SEXUELLE DU VIH

EN MILIEU PSYCHIATRIQUE

 

 

Au fil des années les préoccupations et les questions concernant la prévention de la transmission du VIH parmi les patients suivis en psychiatrie se sont confirmées. Dès 1987, une enquête (1) menée sur l’ensemble des CHS (Centre Hospitalier Spécialisé mettait en évidence l’embarras (2) dans lequel se trouvaient médecins et soignants des équipes de secteur face aux personnes infectées par le VIH. Qu’il s’agisse des soins ou de la prévention, le gêne prédominait. Les premiers comités sida d’établissements (3) se mettaient en place, la réflexion cheminait, au gré des investissements personnels que d’aucuns taxaient de militantisme… mais aussi de la prise de conscience des responsabilités et des devoirs qu’imposait ce sujet en termes de santé publique.

 

Une recherche action sur « La prévention de la transmission du VIH parmi les patients suivis en psychiatrie » (7) confirme aujourd’hui les difficultés de mise en œuvre de la prévention. Mais au-delà de la gestion des risques, le véritable enjeu est celui  posé par la capacité des soignants à changer leur regard sur la sexualité des patients.

 

Les soignants sont de fait placés au contact des malades et il entre dans leur mission de participer à la prévention de toute affection. Cette étude met en évidence le fait que les soignants ont des représentations du sida qui les distinguent peu de celles de la population générale, faites entre autres d’emprunts au sens commun, et qu’ils filtrent les informations scientifiques et techniques auxquelles ils sont exposés. Il apparaît que leur rôle est extrêmement complexe et qu’ils devraient être formés, pas seulement au plan technique, si, comme ils l’expriment à près de 90 %, leur rôle à l’égard des patients intègre une mission  de prévention. Cette enquête est intéressante dans la mesure où elle renseigne sur les dispositions du personnel, et nous confirme les difficultés de la mise en oeuvre de la prévention par les équipes, placées entre une reconnaissance et un déni des risques encourus par les malades. Cependant dans leur très grande majorité, les soignants se considèrent comme des acteurs de prévention, avec une mention particulière pour les infirmiers. Ils pensent que leurs interventions peuvent conduire à des modifications des comportements à risque des patients, tout en constant que l’institution psychiatrique est bouleversée par la nécessité d’intégrer, dans le fonctionnement de la relation soignant-soigné, la dimension de la sexualité. Le sida aura donc joué, ici aussi, le rôle d’un facteur de transformation des pratiques et des conceptions des personnels de l’institution, en les amenant à s’intéresser plus ouvertement aux actes de la vie quotidienne des patients et à la sphère de leur vie privée. Mais l’ambivalence règne en majesté lorsque nous mettons aussi en évidence leur réticence, le déni de la réalité des relations sexuelles en institution, une prévention très limitée et leur très modeste formation ; le bilan est alors mitigé « l’interdit » reste percutant et le tabou présent. Ils sont illustrés par la rédaction des « règlements intérieurs » dans lesquelles chacun exprime avec sa sensibilité personnelle l’injonction protectrice… allant du strict interdit des « relations sexuelles » à la délicate interdiction des « relations intimes ».

 

Alors où en est-on de la mobilisation des psychiatres sur la prévention des risques liés à la sexualité après des patients qu’ils prennent en charge en milieu hospitalier ou en ambulatoire ?

 

La circulaire du 5 août 1996 précisait très clairement les obligations qui sont désormais les nôtres et nous invitait fermement à modifier nos pratiques.

Cette mobilisation risque de s’effriter, comme pour d’autres sujets, subissant effet de modes  et de médiatisation puis désaffection, car « ce n’est plus une priorité »… Il convient donc de trouver des pistes de travail s’appuyant sur l’amélioration  des méthodologies et la mise en commun des savoirs et des savoirs-faire acquis. C’est ce qui permet la novelle étape dans le cadre d’une mission d’étude à la demande de la DHOS (Di ) pour promouvoir une prévention liée aux « risques sexuels » pour les personnes suivies en santé mentale. Son but est de donner aux établissements de psychiatrie des outils pour leur permettre d’élaborer des programmes de prévention des risques sexuels, afin que cet axe de prévention fasse partie intégrante des soins dispensés aux patients. Débutée à titre expérimental sur les cinq EPS (Etablissement Public de Santé) de Paris, elle se propose de repérer les problèmes liés aux pratiques sexuelles, d’améliorer ou de  créer une prévention des risques sexuels dans ces établissements et de faire en sorte que le patient puisse mieux gérer les risques liés à la sexualité, lors de sa sortie.

 

C’est un enjeu conséquent. Il permet d’ajuster avec respect le regard porté sur les personnes malade mentale dans son intégralité et dans le champ de sa vie quotidienne.

 

Depuis trois ans, un groupe de travail réunissant les représentants de la DASS de Paris, des directions et des présidents de CME des cinq EPS en psychiatrie de la Paris, ainsi que les associations d’usagers (UNAFAM et FNAP-PSY) a permis de re dynamiser la prévention en l’élargissant aux risques liés aux pratiques sexuelles en psychiatrie. Il est ainsi apparu nécessaire de proposer un programme d’action à mener sur trois thèmes :

 

Pour chacun de ces thèmes, des protocoles ont été réalisés, afin d’harmoniser les pratiques, concernant la prévention, la conduite à tenir en cas d’urgence et le suivi des personnes.

 

Un message fort du ministère constituerait une incitation essentielle à la mise en œuvre des recommandations élaborés par le groupe de travail dont la concrétisation pourrait se traduire par l’intégration e la question de la réduction des risques liés aux pratiques sexuelles en psychiatrie dans :

 

 

On peu rappeler aussi qu’il serait souhaitable que ce sujet soit inscrit dans les modules de formation initiale et continue des études médicales et paramédicales.

 

 

1 – « VIH et CHS : premiers résultats de l’enquête de l’association D. Seux », Marie-Annick Levêque, in « l’Information psychiatrique » vol 64, n°5, mai 1988

 

2 – « Une bien embarassante affaire : réflexions à partir des réactions paradoxales du corps médical face au sida et à la séropositivité », Nicole Horassius-Jarrie, in « l’information psychiatrique », vol. 63, n° 2, février 1987, p. 205-213

 

3 – Pour des comités sida dans les centres hospitaliers spécialisés », Christiane Charmasson, in, « Perspectives psychiatriques » n° 31, 1992, p. 13-16.

 

4 – « Parlez sexe en psy ? » Christiane Charmasson, in « Pratiques en santé mentale » n° 4, 2000, P. 16-18.

 

5 – Circulaire DGS/DH du 5 août 1996 n° 96-494 relative à l’amélioration des liaisons entre les services de médecine et établissements psychiatriques et au développement de la prévention de la transmission du VIH parmi les patients en milieu psychiatrique.