(Dr
Michaël Bonnière)
1°)TAUX
DE RECIDIVE
Le
problème posé par l’appréciation du taux de
récidive des délinquants sexuels est multiple.
Premièrement il faut rappeler que seules les récidives
découvertes sont inclues dans
les statistiques et que bien entendu un certain nombre échappe à
la justice.
Deuxièmement , la
définition de la récidive doit être précise :
récidives de crimes sexuels, récidives de délits sexuels,
récidives criminelles, récidives violentes non sexuelles,
récidives à 1 an, 5 ans ou 20 ans et enfin récidives en
fonction de tel ou tel facteur de risque.
Nous avons donc sélectionné les articles qui
tout en apportant leurs informations sur les taux de récidives des
délinquants sexuels illustrent les difficultés citées.
Troisièmement , quand on parle de récidive
«criminelle », ce n’est bien sûr pas à
partir des dossiers médicaux mais à partir de sources
judiciaires. D’ou l’idée de C. Friendship [1] de proposer
une étude qui compare les deux principales sources d’informations sur
les récidives criminelles en Angleterre. Dans son article (Reconviction :
a critique and comparison of two main data sources in England and Wales), l’auteur arrive à la
conclusion que sur 134 dossiers les informations fournies par The Offenders
Index et par The National Identification System n’étaient pas
corrélées de manière systématique ;
l’auteur préconisant une consultation des deux types de
documentation pour un résultat se rapprochant plus de la
réalité.
Une vaste revue de la littérature (Sexual recidivism in sex
offenders) a
été réalisée par D. Greenberg [2] rassemblant les
principales études et méta-analyses sur le sujet de la
récidive des délinquants sexuels.
Dans une étude centrée sur les
violeurs (Assessment of risk for criminal recidivism among rapists : a
comparaison of four different measures ), G.Sjöstedt [8] retrouve des taux respectifs de
récidives de 20% , 25% et 39% pour des crimes sexuels, des actes de
violence et des actes criminels en général , ce à 92 mois.
Des chiffres de 16% pour les récidives sexuelles à 12
années sont obtenus par P. Firestone [9] à partir d’une
population de 85 sujets violeurs,
de 26% pour les actes de violence et de 53% pour les récidives
criminelles.
P .Firestone [10] (prediction of recidivism in extrafamilial
child molesters based on court assessments) avançe des chiffres de récidive
à 15,1% pour les crimes sexuels, 20,3% pour des agressions violentes et
41,6% pour les crimes généraux à partir d’une
population de 192 pédophiles extra-familiaux sur 12 années de suivi.
Le
même auteur avançe dans une étude similaire centrée
sur les pédophiles intra-familiaux (prediction of recidivism in
incest offenders) [11]
des taux de 6,4% de récidive pour les crimes sexuels , 12,4% pour les
actes de violence non sexuels et de 26,7% pour les récidives criminelles
en général.
Une
étude s’est concentrée sur les récidives des jeunes
agresseurs sexuels (risk for criminal recidivism among young sex offenders) [12]. Dans cette étude, les chiffres de 65% de
récidive criminelle et de 20% de récidive sexuelle, bien
qu’en accord avec les résultats précédents, restent
à discuter pour deux
raisons : petit échantillon (n = 46) et la tranche
d’âge voisine des précédentes (sujets entre 15 et 18
ans, le code pénal suédois fixant l’âge de
responsabilité à 15 ans) .
Si
une certaine homogénéïté se dégage de ces
chiffres, elle reste parfois contestée essentiellement pour des problèmes de
méthodologie. Ainsi D. Doren [13] dans une revue de la littérature
(Recidivism base rates, prediction of sex offender recidivism, and
the « sexual predator» commitment laws) reprenait comme les chiffres les
plus exacts ceux donnés par Prentky : 52%de récidive
sexuelle pour les pédophiles extra-familaux à 25 ans et de 39%
pour les violeurs. A noter que cet article avait été contredit
par notamment R.Wollert [14] (an analysis of the argument that clinicians
under-predict sexual violence in civil commitments cases), là encore pour des raisons
méthodologiques.
2° FACTEURS LIES AUX RISQUES DE RECIDIVE
Parler de récidive de manière isolée ne suffit pas
à caractériser pleinement les notions de dangerosité des
agresseurs sexuels. On a donc cherché à mettre en évidence
les éléments associés à ces récidives qui
seraient donc des facteurs de risque qu’un patient soit potentiellement
plus dangereux qu’un autre.
L’étude la plus
exhaustive que l’on puisse citer sur ce sujet est la méta-analyse
de R. Hanson et M. Bussière [15] (Predicting relapse : a
meta-analysis of sexual offender recidivism studies). Ce travail rassemble 61 études soit une
population de 28 972 délinquants sexuels. La récidive au sens
large est étudiée et ce sur une période de 5
années. Plusieurs facteurs prédictifs de récidive de
crimes sexuels sont identifiés :
·
le
célibat et le jeune âge des agresseurs sont dans tous les cas,
bien que de manière faiblement significative, reliés au risque de
récidive
·
les
antécédents criminels, le caractère inconnu de la victime
pour l’agresseur, la première agression à un âge
jeune, des victimes de sexe masculin, des antécédents
d’autres agressions sexuelles et une grande variété de
crimes sexuels sont identifiés comme des facteurs de risque
·
une
mauvaise relation à la mère
apparaît dans trois études comme un facteur de risque à la
différence des
antécédents d’abus sexuels qui ne sont pas retenus dans ces
études
·
un
trouble de la personnalité ,surtout le caractère asocial
·
le
meilleur facteur prédictif est la pléthysmographie
Ces résultats sont à rapprocher de ceux retrouvés
dans l’étude rétrospective de R. Hanson et A. Harris [16] (Les
prédicteurs dynamiques de la récidive sexuelle) dans laquelle 208
délinquants sexuels mâles récidivistes sont appariés
à 201 délinquants sexuels non récidivistes.
Plusieurs différences significatives distinguent les
récidivistes des non-récidivistes pour les variables statiques :
Pour les variables
dynamiques, on remarque que les récidivistes étaient plus
souvent sans emploi, qu’ils présentaient plus souvent une ou
plusieurs dépendance à un toxique et qu’un certain nombre
(plus que chez les non récidivistes) prenaient des
anti-androgènes (ce dernier résultat concerne un petit
échantillon).
a) Age comme facteur de risque
Une étude importante a été réalisée
par R. Hanson [17] (L’âge et la récidive sexuelle. Une comparaison des violeurs et
des agresseurs d’enfants) sous la forme d’une méta-analyse qui
rassemble 4673 sujets en 10 études. Elle s’intéresse
à la relation entre l’âge et la récidive. Les auteurs
voulaient vérifier que l’idée selon laquelle le comportement
criminel diminuait avec l’âge, était applicable aux
délinquants sexuels. Les taux de récidives étaient
respectivement de 8,4%, 17,1% et 19,5% pour les pédophiles
intra-familiaux, les violeurs et les pédophiles extra-familiaux. Ils
diminuent progressivement avec l’âge à plusieurs nuances
près : diminution régulière de ce taux pour les
violeurs, diminution beaucoup plus faible pour les pédophiles
extra-familiaux jusqu’à 50 ans et risque bien inférieur
pour les pédophiles intra-familiaux. Pour les pédophiles
extra-familiaux, la tranche d’âge à risque serait celle de
25 à 35 ans.
b) Relation à la victime comme facteur de risque
C’est une étude rassemblant 400 délinquants
sexuels qui peut le mieux
illustrer cette notion (Recidivism of child molesters : a study of
victim relationship with the perpetrator). Après 7 années de suivi, les auteurs (D.
Greenberg et J. Bradford) [18] arrivent à un classement des groupes en
fonction de leur récidive et de leur relation à leur victime. Le
groupe à plus haut risque est celui des agresseurs qui avaient leur
victime parmi leur connaissance mais sans lien familial (récidive
à 16,2%).Les groupes de meilleur pronostic sont les pères
biologiques de leur victime (4,8%) et les beaux pères de leur victime
(5,1%). Deux groupes se situent de manière intermédiaire :
les agresseurs étrangers à leur victime (9,7%) et les agresseurs
dont les victimes étaient des membres éloignés de leur
famille (10,8%).
c) Caractéristiques des crimes comme facteur de
risque
J.
Warren [19] propose une étude originale (Crime scene analysis and the
escalation of violence in serial rape) qui analyse les circonstances de certains viols pour y
repérer des facteurs de risque de récidive et d’escalade
dans la violence. Sur les 108 violeurs en série étudiés,
79% de ceux qui « progressent » dans la violence
appartiennent à la race blanche et d’une manière
générale ces « increasers » ont plusieurs
caractéristiques : histoire criminelle moins chargée, plus
grande violence avec leurs victimes dès les premières agressions,
agression plus longues et utilisation fréquente d’instruments de
pénétration.
d) Traitement comme facteur présentant un impact
sur le risque de récidive
En introduction, deux articles peuvent être
cités :
Là où Furby ne voyait aucun impact des traitements sur les
récidives , les nouveaux auteurs répondent que toutes les
études parues avant 1978 ne peuvent présenter de traitements
« récents » plus adaptés à la
problématique des délinquants sexuels, que la plupart des
études citées par Furby ne présentaient qu’un
traitement , remplacé aujourd’hui par une prise en charge
pluriaxiale. Les mêmes critiques sont formulées envers The Reports
by the Penetanguishene group qui parlait d’inefficacité des
traitements , les auteurs reformulent les précédentes conclusions
en parlant d’études « non informatives » sur
l’efficacité des traitements.
La plupart des études récentes publiées mesurant
l’impact d’un traitement sur la dangerosité des
délinquants sexuels mettent en avant une efficacité du traitement
mais ont toute en commun des faibles échantillons .
Deux études se sont concentrées sur les
pédophiles :
L’efficacité d’un programme de soins similaire avait
été testée sur une population de violeurs par S. Clelland
[23] (Follow-up of rapists treated in a forensic psychiatric hospital). Les taux de récidives de
crimes sexuels étaient de 17% pour les sujets traités et de 29%
pour les sujets témoins et encore plus spectaculaire pour les crimes
violents non sexuels :17% contre 40% et pour les autres récidives
criminelles : 36% contre 58% ; mais il s’agissait là
encore d’un petit échantillon (36 sujets traités et 38
ayant abandonné le programme avant son terme).
Pour les jeunes agresseurs sexuels, on retiendra l’étude de
J.Worling [24] (Adolescent sexual offender recidivism : success of
specialised treatment and implications of risk prediction) qui compare un groupe de 90
adolescents agresseurs sexuels sans prise en charge à 58 adolescents
bénéficiant d’un programme de soins par the Sexual Abuse ,
Family Education and Treatment. Les taux de récidive de crimes sexuels
étaient 5,17% pour les
sujets traités contre 17,8% pour les non-traités.
Une étude (A ten year longitudinal study of adolescent rapists
upon return to
the community) de
M.Hagan [25] était difficilement exploitable car dépourvue de
groupe de comparaison.
Deux études viennent mettre des limites aux
programmes de soins étudiés :
-The fallacy of reducing rape and violent recidivism by treating anger
de W. Loza [26] qui montre sur 271 agresseurs incarcérés
qu’il existe un certain flou quant à la répartition des
programmes de soins et notamment ceux axés sur la colère (programmes
« réservés » aux sujets violents ou violeurs).
De plus il n’existerait pas de différence entre les sujets sur
leur degré de colère ( colère qui se retrouvait de la
même manière chez des sujets « non violents non
violeurs ».
-
The stiching ambulante preventie projecten method : a comparative study
recidivism in first offenders in a dutch outpatient setting de F. Ruddijs [27]
qui à partir de deux fois 56 sujets agresseurs sexuels pour la
première fois condamnés montre que le taux de récidive de
crimes sexuels est plus important pour les sujets qui avaient été
intégrés dans un programme de soins obligatoires.
Enfin, dans une revue de la littérature (The untreatable
family), D. Jones
[28] passait en revue les critères qui faisaient qu’une cellule
familiale confrontée à l’inceste serait une famille
réfractaire aux soins : une histoire familiale marquée par
les abus sexuels, le peu d’investissement de l’enfant avec
l’incapacité à différencier les besoins de
l’enfant de ses propres besoin, la gravité des actes, des actes
ayant mis en danger la vie de l’enfant, des troubles graves de la
personnalité, le manque d’aveux et le refus d’une aide
extérieure.
Il
existe un certains nombre d’instruments utilisés pour
apprécier les risques de récidive des criminels et un plus petit
nombre pour évaluer les risques de récidives des criminels
sexuels.
On distingue les méthodes cliniques qui correspondent
à des entretiens structurés ou semi-structurés de la
pléthysmographie qui aurait en plus des capacités discriminatives
pour distinguer les différents types de délinquants sexuels.
1°) ECHELLES CLINIQUES
Nous avons rassemblé plusieurs études comparatives pour
présentant des instruments
qui reflèteront les modèles américains et canadiens
, l’exemple européen étant décrit à partir du
travail de D. Giovannangeli [29] ( étude comparative dans 15 pays
d’Europe : les méthodes et les techniques
d’évaluation de la dangerosité et du risque de
récidive des personnes présumées ou avérées
délinquants sexuels)
a) Description des méthodes d’évaluation
du risque de récidive sexuelle
Sexual Violence Risk (SVR-20)
Publié pour la première fois en 1997 par Boer, Hart, Kropp
et Webster cet outil rassemble des items portants sur des facteurs
d’adaptation sociale, des facteurs concernant les
antécédents du sujet en matière d’infraction
sexuelle et des facteurs relatifs à la projection dans l’avenir de
l’individu. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une
échelle mais elle reste applicable aux notions de violences sexuelles,
G. Sjöstedt l’ayant relié significativement au risque de
récidive d’acte de violence sur une population de 51 violeurs [8]
( Assessment of risk for criminal recidivism among rapists : a comparaison
of four different measures).
Rapid Risk
Assessment for Sexual Offense Recidivism (RRASOR)
Conçue par R. Hanson en 1997, cette échelle aurait un
degré d’exactitude de prévision modéré
essentiellement par l’absence de prise en compte des préférences
sexuelles déviantes .Dans la même étude citée
précédemment, G.Sjöstedt [8] trouvait que sur plusieurs
instruments : PCL-R, SVR-20 ,VRAG et RRASOR seul ce dernier outil offrait
une corrélation (non significative) avec le risque de récidive
sexuelle .
Stuctured
Anchored Clinical Judgement-Minimum (SAJC-Min)
Instrument
créé par Grubin en 1998 et testé sur 500
délinquants sexuels incarcérés dans des prisons anglaises.
Static-99
A
été mis au point par R.Hanson à partir des deux
instruments précédents (RRASOR et SAJC-Min) et est
constitué comme son nom l’indique de variables statiques. Cet
outil serait plus efficace qu’un jugement clinique non structuré
et que le SORAG mais resterait moins efficace que le VRAG tout en étant
plus simple d’utilisation.
Sex
Offender Risk Appraisal (SORAG)
SORAG est un outil créé par Quinsey, Lalumière et
Harris en 1995 à partir de
recherches rétrospectives menées sur des délinquants
sexuels. L’efficacité de cet instrument reste limitée car
construit selon les auteurs à partir de relations linéaires entre
des variables sans tenir compte d’éventuelles interactions
multiples.
Irish Sex
Offender Risk Tool ( ISORT)
Outil mis au point sur des délinquants sexuels irlandais
resterait en fait peu utilisé.
Sex
Offender Need Assessment Rating (SONAR)
Outil présenté par R.Hanson [30]
prenant en compte des facteurs stables et des facteurs aigus .Sur une
étude de 137 violeurs, 122 pédophiles extra-familiaux agresseurs de
garçons, 150 pédophiles extra-familiaux agresseurs de petites
filles et 208 récidivistes, le SONAR a montré une
uniformité satisfaisante et tous ces éléments ont
montré une distinction entre les deux groupes : récidivistes
et non récidivistes.
Evaluation Rapide du Risque Sexuelle (ERRRS)
Mis
au point par K. Hanson [31] à partir de critères retenus sur la
méta-analyse de 1996 par Hanson et Bussière, cet outil pourrait
être un moyen de filtrage ne devant pas être utilisé seul
mais plutôt en complément d’autres méthodes comme la
pléthysmographie.
b) Description des méthodes
d’évaluation de la psychopathie
Psychopathy Checklist-Revised (PCL-R)
Reste le principal instrument dans cette catégorie ,
déjà de nombreuses fois testé sur des délinquants
“classiques” comme par exemple par R. Hare [32] dans Psychopathy
and the perpective validity of the PCL-R: an international perspective, cette
échelle est effectivement capable de prédire les risques de
récidive d’actes de violence.
Plusieurs études prouvent que cette notion reste
applicable aux délinquants sexuels : Prediction of recidivism in
extrafamilial child molesters based on court assessments, Prediction of
recidivism in incest offenders, 2 études de P. Firestone [10, 11] et
Assessment of risk for criminal recidivism among rapists : a comparaison
of four different measures, par G.Sjösted [8] montrent une
corrélation certaine entre les récidives d’actes de
violence non sexuelle des délinquants sexuels et leur résultats
aux questionnaires.
La version française de la PCL-R comprend 20
items :
c) Description des méthodes
d’évaluation de la violence
Violence Risk Appraisal Guide ( VRAG)
Le
VRAG a été élaboré par Harris, Rice et Quinsey en
1993 pour évaluer le risque de récidive violente à partir
de 12 items, facteurs historiques et statiques. Cette échelle a
plusieurs fois été testée sur des délinquants
« classiques », donnant des résultats
satisfaisants à la nuance près que le VRAG ne permet en rien de
prédire le moment de la récidive.
Pour les délinquants sexuels nous avons
retrouvé dans l’étude de G. Sjöstedt [8] et
N.Langström une corrélation entre des scores de VRAG
élevés et des récidives criminelles violentes
(échantillon de 51 violeurs).
A
noter qu’il existe depuis 1994 un nouvel instrument dérivé
du VRAG.Le Violence Prediction Scheme (VPS) a été
élaboré par Webster, Harris, Rice, Cornier et Quinsey en associant
au VRAG des facteurs dynamiques.
d°) Description des méthodes
d’évaluation de l’hostilité et de
l’agressivité
Buss-Durkee
Hostility Inventory ( BDHI)
Le
BDHI est un test qui a comme fonction d’investiguer non seulement la
présence d’agressivité chez l’individu mais aussi la
manière dont elle se manifeste. Cet outil élaboré par Buss
et Durkee en 1957 permet une approche de huit domaines de
l’hostilité en général.
Le BDHI a montré dans quatre études de P.
Firestone [9, 10, 11, 33] sur les violeurs, les pédophiles
extra-familiaux, les pédophiles intra-familiaux et les exhibitionnistes
une relation entre leurs scores de BDHI élevés et leur
récidives d’actes criminels violents.
Une étude de 1976 de Rada a mis en évidence
des scores élevés pour ce test chez des délinquants
sexuels dont l’agression était marquée par une violence
importante. Un score total de 38 et plus révèle une
hostilité importante chez le sujet.
Buss and Perry Agression Questionnaire (AQ)
2°) LA PLETHYSMOGRAPHIE
Cette méthode est apparemment très utilisée
Outre-Atlantique dans les recherches menées sur les délinquants
sexuels. Elle enregistre les variations de taille du pénis d’un
individu soumis à un certain nombre et à un certain type de
stimuli.
Pourtant c ‘est une technique qui reste controversée.
Dans une revue de la littérature ,Gilles Launay [34] (The
phallometric assessment of sex offenders : an update) rappelle l’absence de
standardisation quant à son utilisation .Il cite 48 laboratoires qui
auraient chacun leur matériel et leur protocole sans qu’il
n’y est de consensus sur une « érection minimale »
.
Martin Lalumière [35] avait déjà apporté des
éléments de réponses quant à l’emploi de la
pléthysmographie dans une autre revue de la littérature (Common
questions regarding the use of phallometric testing with sexual offenders). Il préconise l’emploi
d’un grand nombre de stimuli par catégorie, rappelant que les résultats doivent toutes
être interprétés afin d’obtenir des réponses
significatives ; il préconise un intervalle de 30secondes
post-stimulation et un enregistrement de 30 secondes et rappelle que
l’érection complète n’est pas nécessaire pour
la validité de l’épreuve.
Néanmoins tous les auteurs reconnaissent deux
intérêts fondamentaux à l’emploi des mesures
phallométriques sur les délinquants sexuels : une capacité
de prédiction des récidives et une capacité de distinction
des délinquants sexuels.
1°)Capacité prédictive de la
pléthysmographie
Les
mesures phallométriques semblent s’être imposées
comme le principal prédicteur des récidives de crimes sexuels,
permettant d’évaluer la « déviance »
sexuelle et dans certains cas de mesurer les indices pédophiles.
R.
Hanson présentait déjà dans sa méta-analyse de 28
972 sujets les mesures phallométriques comme l’outil le plus
fiable même si il reconnait qu’elle reste plus fiable pour les
pédophiles que pour les violeurs.
Sur un effectif plus réduit, R. Serin [36] présente les
mesures phallométriques
identifiant la déviance sexuelle, comme un outil permettant de
prévoir les récidives de crimes sexuels (Psychopathy, deviant
sexual arousal, and recidivism among sexual offenders).
Ces résultats ont été confirmés par
P.Firestone sur une population de 192 pédophiles extra-familiaux [10] (Prediction
of recidivism in extrafamilial child molesters based on court assessments) mais mis en défaut par deux
autres études du même auteur : les mesures
phallométriques auraient en effet des limites dans leur capacité prédictives sur certaines
populations :
-les pédophiles intra-familiaux
[11] ( Prediction of recidivism in incest offenders)
-les exhibitionnistes [33]
Mais d’une manière général la
pléthysmographie reste l’instrument le plus sûr
précisant le degré de risque d’un délinquant sexuel.
M.Seto [37] propose ainsi dans son étude : A brief
screening scale to identify pedophilic interests among child molesters de mettre au point un test clinique
directement derivé des mesures phallométriques.
Le Sceening Scale to Identify Pedophilic Interests (SSPI)
rassemble les variables de l’intérêt pédophile :
Ce test a été comparé à la
pléthysmographie sur 1113 pédophiles ,92 violeurs et 112
non-agresseurs. Les résultats du SSPI ont été
significativement reliés aux résultats des mesures
phallométriques qui gardent tout de même une certaine avance.
2°) Capacité discriminative de la
pléthysmographie
Plusieurs études de premier niveau selon les critères de
l’ANAES peuvent illustrer cette qualité :
Cette étude est à rapprocher de celle de J.Bernat [40] (Sexually
agressive and nonagressive men : sexual arousal and judgments in response
to acquaintance rape
and consensual analogues) qui distingue des sujets non agressifs des sujets agressifs par la
réponse plus importante de ces derniers au scénario mettant en
scène des rapports sexuels forcés.
Dans une étude de niveau 2 (The differentiation of
intrafamilial and extrafamilial heterosexual child molesters), M Lalumière [41] teste
l’idée selon laquelle les pères incestueux ou
pédophiles intra-familiaux sont attirés sexuellement par les
enfants uniquement par défaut, compensant un mauvais fonctionnement de
couple. En fait, les 19 pédophiles intra-familiaux et les 20
pédophiles extra-familiaux ont des réponses similaires aux
mesures phallométiques témoignant d’un réel
intérêt sexuel vers les enfants.
Pourtant au moins une étude pose des limites aux capacités
discriminatives des mesures phallométriques :
celle de MC. Seto [42] (The discriminative validity of a
phallometric test for pedophilic interests among adolescent sex offenders against
children) qui ne
permet pas de distinguer les sujets violeurs (n=23) des sujets
témoins(n=16).De plus dans cette étude si tous les groupes
d’agresseurs sexuels ont des indices pédophiles plus
élevés que les groupes témoins, les adolescents agresseurs
sexuels de petites filles ne se distinguent pas du groupe témoin.
On notera que cet article s’intéresse aux
jeunes agresseurs sexuels.
Une autre étude (The relationship between phallometrically
measured deviant sexual arousal and clinical characteristics in juvenile sexual
offenders) a
montré son incapacité à raccorder des informations
relatives aux déviances sexuelles de l’adulte à celles du
jeune agresseur. En effet, l’auteur, J. Hunter [43] ne montre pas
l’intérêt d’un indexe de déviance chez le jeune
agresseur, avançant l’hypothèse que leurs choix sexuels ne
soient pas définitivement déterminés.
Par ailleurs une étude comportant sans doute un trop
petit échantillon de sujets avait mis en lumière une probable
limite de cet examen complémentaire : le temps d’exposition
du stimulus. Dans son étude (Voluntary control of penile responses as
a function of
stimulus duration and instructions) ML.Lumière [44] soulignait que si le temps
d’exposition d’un stimulus était
« long » la réponse risquait d’être
importante mais le sujet aurait l’opportunité de mettre en place
des mécanismes simulant une excitation pour un stimulus non satisfaisant
initialement.
Enfin ,la pléthysmographie pourrait contribuer à
l’élaboration de nouveaux instruments. M Seto et M.
Lalumière [37] proposent dans leur étude (A brief screening scale to indentify pedophilic
interests among child molesters) un instrument (SSPI) rassemblant 4 variables liées
à l’intérêt pédophile : au moins une
victime mâle, plus d’une victime, des victimes jeunes et des
victimes n’appartenant pas à la famille des agresseurs.
Ainsi 1113 pédophiles ont été
comparés à 94 violeurs et 112 sujets témoins et les
réponses du SSPI ont été significativement reliées
aux réponses obtenues par les mesures phallométriques.
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