Quels sont actuellement les moyens et les modalités spécifiques d’organisation recommandés dans le traitement des auteurs d’agression sexuelle

 

Dr Jocelyn Aubut, md

 

 

1. INTRODUCTION

 

            “If its not data, it does not exist” disait Gene Abel, un auteur américain réputé dans le champs de l’agression sexuelle, lors d’un atelier au Congrès de l’Association Américaine de Psychiatrie en 1986. Traduit librement de notre part, cette affirmation de Gene Abel pourrait se lire comme suit: “Si cela n’est pas une donnée statistique, cela n’existe pas”. Ce positivisme excessif n’a certainement pas sa place en médecine car rien n’avancerait, surtout dans des domaines de maladies nouvelles ou émergentes. Ceci étant dit, bien des psychiatres ont péché dans l’excès contraire, à savoir pratiquer et affirmer des convictions basées purement sur des éléments subjectifs ou non documentés. La présente conférence de consensus sur la psychopathologie et le traitement des agresseurs sexuels est largement la bienvenue car elle permettra de faire le tri dans nos connaissances actuelles. Cela est d’autant plus important que politiciens et magistrats se tournent de plus en plus vers les psychiatres et autres professionnels de la santé pour élaborer leurs lois de contrôle social ou pour faire appliquer leurs peines. Il est donc impérieux que les psychiatres qui oeuvrent dans ce domaine soient au clair quant au degré de certitude de ce qu’ils affirment ou proposent à l’État et à leurs patients.

 

Bien évidemment, dans un domaine aussi large et complexe que l’agression sexuelle, tout ne peut être affirmé de manière égale. Un certain nombre d’affirmations peuvent être faites avec un degré de certitude élevé parce qu’appuyées sur des études systématiques, randomisées, à double insu et assorties de critères d’évaluation objectifs. Ou encore, on peut s’appuyer sur des méta-analyses rigoureuses, nombreuses et s’orientant vers des conclusions similaires. D’autres affirmations seront faites avec un degré de certitude moyen compte tenu d’une méthodologie présentant trop de limitations ou lorsque plusieurs d’études donnent des résultats contradictoires. Enfin, certaines affirmations seront faites avec un degré de certitude faible, lorsqu’il n’y a pas d’études ou que celles-ci sont peu nombreuses et s’appuient sur une méthodologie nettement déficitaire (rapport de cas unique, absence de groupe contrôle, absence de critères objectifs d’évaluation des résultats, etc.).

 

Les préoccupations sociales et scientifiques en rapport avec l’agressions sexuelle ont connu une expansion faramineuse au cours des 20 dernières années, et plus particulièrement au cours des 10 dernières années. Les publications à caractère scientifique ont augmenté de manière exponentielle, de sorte qu’on y retrouvera le meilleur comme le pire. Pour bien comprendre cette vaste littérature dite scientifique, il faut tenir compte d’un certain nombre de facteurs contingents.

 Premièrement, les attitudes sociales vis-à-vis de la criminalité en général ont largement évolué au cours des derniers 30 ans. Nous sommes passé de “Everything works” à “Nothing works” et plus récemment à “What works”. Dans les années 1960-70, le simple fait d’être psychiatre et de proposer un traitement suffisait. Le simple statut professionnel garantissait le résultat. Il n’y avait aucune imputabilité et nul besoin de démontrer l’efficacité des traitements. C’était l’ère du “Everything works” (Tout marche).  Dans les années 1970-90, il y eu changement des politiques sociales, assorties d’un virage à droite donc d’une diminution des attitudes libérales et d’une approche plus répressive. Un scepticisme, voire un nihilisme marqué vis-à-vis des approches de réhabilitation en général s’est imposé non seulement chez les politiciens mais aussi dans la population générale et chez nombre d’académiciens qui s’orientaient de plus en plus vers des explications sociologiques de la criminalité délaissant ainsi le champ des interventions individuelles. C’était l’ère de “Nothing works” (Rien  ne fonctionne). Enfin, depuis les années 1990, on assiste à une remontée prudente de la croyance aux interventions de traitement et de réhabilitation auprès des criminels en général. La question n’est plus tant de savoir si le traitement est efficace en soi, mais quel type de traitement fonctionne auprès de quelle sous-population en particulier. C’est l’ère de “What works” (Qu’est-ce qui marche).

 

Deuxièmement, la recherche dans le domaine de l’agression se fait “in vivo” auprès de personnes plus ou moins consentantes il faut bien le dire. Le consentement à la recherche et la participation au traitement ne sont certainement pas aussi libre et volontaire chez une personne incarcérée ou en attente de sentence que chez un citoyen ordinaire. En conséquence, la méthodologie de recherche sera affectée d’autant plus que le risque d’erreur aura des répercussions non seulement chez l’agresseur lui-même mais aussi sur des victimes éventuelles. Concrètement, cela veut dire que l’utilisation de placebos lors d’essais pharmacologiques est à peu près nulle et que la constitution de groupes contrôle par rapport aux groupes de traitement nécessite des prouesses d’inventivité, comme dans l’étude d’Atascadero par exemple. L’ensemble de ces facteurs fait que les méta-analyses occupent une place prépondérante dans le domaine de l’agression sexuelle.

 

 

2. ASPECTS PSYCHOPATHOLOGIQUES

 

            Nous aborderons les aspects psychopathologiques selon trois perspectives, soit le diagnostic, les besoins des agresseurs et la méthodologie d’évaluation.

 

            2.1 DIAGNOSTIC.  Même si les classifications diagnostiques diffèrent d’un continent à l’autre (DSM-IV en Amérique vs CIM-10 en Europe ou nosologie française), il n’en demeure pas moins que les problèmes diagnostics concernant les agresseurs sexuels sont les mêmes de part et d’autre. En fait, ce n’est pas tant le diagnostic psychiatrique à proprement parler qui pose problème. La majorité des auteurs s’entendent sur les points suivant:

 

-       tous les agresseurs sexuels ne sont pas nécessairement des paraphiles ou pervers

-       la majorité des agresseurs sexuels présentent une co-morbidité psychopathologique associée à leur problématique de base

-       les psychopathologies les plus fréquemment associés sont: abus et dépendance aux substances, troubles de personnalité, retard mental, atteinte cérébrale organique, etc.

-       les psychopathologies associées peuvent avoir un effet direct sur la commission des délits sexuels (ex: abus d’alcool qui précipite un passage à l’acte) ou un effet indirect (ex: trouble de personnalité schizoide qui limite les capacités de socialisation et de partenaires sexuels)

-       la plupart des agresseurs sexuels qui se retrouvent incarcérés présentent des dysfonctionnements ou mésadaptations sociales qui jouent un rôle indirect dans la commission des délits ou qui limitent sensiblement leur qualité de vie (ex: instabilité relationnelle et professionnelle)

 

La difficulté n’est donc pas la caractérisation psychiatrique des agresseurs sexuels mais leur caractérisation en tant qu’agresseurs. En effet, le diagnostic psychiatrique de pédophilie par exemple, est loin d’être représentatif de cette entité. Même si on qualifie le type de pédophilie par les termes hétérosexuel, homosexuel ou bisexuel selon le cas, l’expérience démontre qu’il y bien d’autres paramètres essentiels à la compréhension de cette problématique. Pour n’en nommer que quelques uns concernant la pédophilie, citons le fait de déterminer s’il s’agit d’un mode sexuel unique ou préférentiel, le niveau de compétence sociale dans le monde des adultes, l’adaptation sociale générale, la criminalité associée ou non, etc. En clair, la nosologie psychiatrique traditionnelle ne recouvre pas la totalité du champs des agresseurs sexuels et il n’y a pas encore de langage commun au sein de la communauté scientifique pour s’assurer que lorsqu’on discute d’un pédophile entre intervenants qu’on sache bien de quel type de pédophile il s’agit. Cette situation est encore plus problématique en recherche où l’on doit s’assurer que les sujets de telle recherche sont comparables en tout point aux sujets de telle autre recherche.

 

Des auteurs tels que Knight et Prentky ont proposé des classifications multidimensionnelles fondées sur des études empiriques intéressantes avec une bonne méthodologie scientifique. Leur classification regroupe des éléments non seulement de comportement mais aussi de psychopathologie et de compétence sociale. Malheureusement, leurs classifications sont limitées aux pédophiles et aux violeurs et n’ont pas encore été adoptées par l’ensemble de la communauté scientifique nord-américaine, encore moins européenne.

 

 

RECOMMANDATION NO 1: METTRE SUR PIED UN GROUPE DE TRAVAIL VISANT À RÉVISER LES TYPOLOGIES EXISTANTES D’AGRESSEURS SEXUELS ET POUR PROPOSER UNE MÉTHODOLOGIE VISANT À FAIRE ADOPTER UNE TYPOLOGIE COMMUNE AU MOINS POUR LA FRANCOPHONIE ET MÊME POUR L’ENSEMBLE DE LA COMMUNAUTÉ SCIENTIFIQUE INTERNATIONALE

 

 

2.2 BESOINS DES AGRESSEURS SEXUELS. Le traitement des agresseurs sexuels doit répondre à l’ensemble de leurs besoins. Certains de ces besoins sont en lien direct avec les agressions sexuelles qu’ils ont commises (ex: fantaisies sexuelles déviantes, distorsions cognitives à l’égard des victimes, incapacité d’établir ou de maintenir des relations interpersonnelles satisfaisantes avec les adultes, abus de substances, utilisation inappropriée d’internet, etc.). D’autres besoins sont très indirectement liés ou même pas du tout aux délits (ex: pauvreté, mésadaptation professionnelle, etc.).

 

 

RECOMMANDATION NO 2: TOUT PROGAMME DE TRAITEMENT DEVRAIT ÉVALUER SYSTÉMATIQUEMENT L’ENSEMBLE DES BESOINS DES AGRESSEURS SEXUELS, DISTINGUER CLAIREMENT LES BESOINS EN LIEN DIRECT AVEC LA COMMISSION D’AGRESSIONS SEXUELLES ET OFFRIR DES OBJECTIFS DE TRAITEMENT QUI VISENT NON SEULEMENT LA PRÉVENTION DE LA RÉCIDIVE MAIS AUSSI UNE AMÉLIORATION DE LA QUALIT DE VIE DES AGRESSEURS.

 

 

 

            2.3 MÉTHODOLOGIE D’ÉVALUATION.  La majorité des auteurs s’entendent sur la nécessité d’une évaluation la plus exhaustive possible. Quels que soient les modèles théoriques sous-jacents, l’évaluation doit comporter les éléments suivant:

 

-       une histoire longitudinale de la personne avec une attention particulière au développement sexuel et aux modes relationnels usuels avec les adultes

-       un historique des faits allégués le plus objectif possible

-       l’utilisation d’informations collatérales (ex: version de la victime, rencontres avec la conjointe ou les parents, etc.)

-       l’évaluation des fantasmes sexuels

-       bref, il s’agit de faire un historique détaillé de la problématique sexuelle et non sexuelle

 

Si la plupart des auteurs s’entendent sur le contenu de ce qui doit être évalué, il existe plusieurs différences quant au processus d’évaluation comme tel. À ce titre, il faut bien indiquer que les différences sont plus marquées entre l’Europe et l’Amérique qu’à l’intérieur de l’Amérique comme tel où un consensus a été établi autour des points suivants concernant l’utilisation des tests psychologiques et des mesures psychophysiologiques telle l’évaluation pléthysmographique. Le consensus américain pourrait être résumé de la manière suivante:

 

-       l’utilisation de tests psychologiques est un complément à l’évaluation clinique en soi et ne saurait être utilisé comme une évaluation spécifique en soi

-       les tests psychologiques dits objectifs tels le MMPI ou projectifs tels le Rorschach n’ont pas été développés comme des tests spécifiques à la problématique d’agression sexuelle mais plutôt comme des indicateurs de psychopathologie générale

-       les tests psychologiques dits objectifs et projectifs ne sauraient être utilisés pour déterminer de la culpabilité ou de l’innocence des agresseurs sexuels

-        les tests psychologiques dits objectifs ou projectifs sont des indicateurs utiles pour évaluer certains aspects de la psychopathologie associée (co-morbidité) à la problématique de base des agresseurs sexuels

 

L’évaluation des préférences sexuelles mérite une discussion spécifique compte tenu de sa large utilisation en Amérique et de la réticence des collègues français à son utilisation, encore faut-il noter que les collègues belges sont plus ouverts à utiliser cet outil. La littérature scientifique est solide et claire quant aux avantages et limites de la pléthysmographie pénienne dans l’évaluation des agresseurs sexuels. Cette littérature peut être résumée de la manière suivante:

 

-       la pléthysmographie pénienne permet d’évaluer les préférences sexuelles déviantes et non-déviantes des agresseurs sexuels adultes

-       son utilisation chez les moins de 14 ans n’est pas recommandée

-       son utilisation chez les 14-18 ans doit être faite avec une extrême prudence

-       la pléthysmographie pénienne est un complément à l’évaluation clinique qui doit toujours primer (même principe que l’utilisation des tests de laboratoire en médecine)

-       la pléthysmographie pénienne ne peut en aucun cas servir à déterminer si un individu est coupable ou non d’une agression sexuelle spécifique

-       la pléthysmographie pénienne est utile pour déterminer si un agresseur sexuel répond à un traitement spécifique ou à un programme de traitement

 

Les réserves d’ordre éthique évoquées par certains collègues français ne se sont pas avérées vraies à l’usage courant en Amérique du Nord. À titre d’exemple, on pourrait se demander si le fait de questionner systématiquement en entrevue clinique un agresseur sur ses fantasmes déviants est moins intrusif que le fait de subir une évaluation pléthysmographique. On pourrait également évoqquer que le fait de refuser certaines données scientifiques (ex: la pertinence de l’évaluation pléthysmographique) est en soi non-éthique pour un médecin.

 

 

RECOMMANDATION NO 3: COMPTE TENU DU FAIT QU’IL EXISTE ENCORE EN FRANCE UNE RÉSERVE IMPORTANTE DE LA COMMUNAUTÉ PSYCHIATRIQUE VIS-ÀVIS DE LA PLÉTHYSMOGRAPHIE PÉNIENNE ET CE MALGRÉ DES ÉVIDENCES SCIENTIFIQUES DÉMONTRANT CLAIREMENT LES AVANTAGES ET LIMITES DE SON UTLILISATION, IL SERAIT OPPORTUN DE DÉSIGNER CERTAINS CENTRES VISANT À ADAPTER, DÉVELOPPER ET TESTER CETTE MÉTHODOLOGIE.

 

 

 

3. TRAITEMENTS

 

            En rapport avec le traitement, il faut bien distinguer ce qui relève de l’adhésion des psychiatres à un modèle théorique particulier par rapport à ce qui relève de données scientifiques probantes. Ainsi, il est de notoriété que les psychiatres français adhèrent au modèle psychanalytique alors que les psychiatres américains adhèrent au modèle cognitivo-comportemental. L’objectif du présent texte est d’aller au-delà des caricatures réciproques. En outre, il faut distinguer des aspects généraux par rapport aux aspects spécifiques.

 

            3.1 ASPECTS GÉNÉRAUX.  Les aspects généraux du traitement sont en relation avec deux enjeux principaux. Premièrement, le traitement est-il efficace? Deuxièmement, quel est le modèle de traitement le plus efficace?

 

En rapport avec la première question, à savoir si le traitement est efficace, la littérature scientifique, à partir des méta-analyses est assez claire: la réponse est oui, le traitement est efficace. Bien qu’il y ait quelques tergiversations à ce niveau, il n’en demeure pas moins que dans l’ensemble, les études démontrent une réduction de la récidive dans l’ordre de 10 à 30%. Les données sont cependant moins claires quant à l’efficacité du traitement pour améliorer la qualité de vie des agresseurs sexuels en termes de stabilité relationnelle, de satisfaction relationnelle, de stabilité professionnelle ou d’amélioration du niveau socio-économique par exemple.

 

En rapport avec la deuxième question, à savoir quel est le modèle de traitement le plus efficace, les données de la littérature scientifique sont assez claires à première vue mais doivent être interprétées à la lumière de l’expérience clinique d’autant plus que les résultats risquent de heurter les collègues français. Ainsi, les données probantes sont à l’effet que l’approche cognitivo-comportementale est supérieure à l’approche humaniste ou psychodynamique. Ces résultats doivent être interprétés à la lumière de deux ordres de facteurs. D’abord, il existe une sous-représentativité des approches psychodynamiques dans la littérature scientifique compte tenu du peu d’études systématiques sur cette approche. Les études faites à partir du modèle psychanalytique sont soit anecdotiques ou théoriques. Il existe peu ou pas d’études systématiques avec des groupes contrôle par exemple. Ensuite, une lecture fine des données de la littérature démontre que ce n’est pas tellement l’approche psychodynamique qui est en cause mais l’absence de focus thérapeutique précis en regard de l’agression sexuelle comme objet spécifique de traitement. C’est comme si l’approche psychodynamique visait un traitement général sans se soucier des particularités liées à l’agression sexuelle.

 

Les composantes générales du traitement qui ont été démontrées efficaces par les études méta-analytiques ont été fort bien résumées par Hollin (1999):

 

-       les programmes de traitement doivent s’adresser prioritairement aux agresseurs qui ont un niveau moyen à élevé de récidive

-       les programmes de traitement doivent viser d’abord les facteurs criminogènes

-       les programmes cognitivo-comportementaux, structurés et intégrant plusieurs modalités thérapeutiques semblent plus efficaces

-       les programmes les plus efficaces incluent une approche cognitive centrée sur les croyances et les attitudes vis-à-vis des agressions sexuelles

-       les programmes de traitement efficaces sont soucieux de la réceptivité des modalités thérapeutiques par les agresseurs (i.e. traitement adapté aux capacités des agresseurs de les intégrer et de les généraliser)

-       les programmes dans la communauté ont un impact plus important que les programmes institutionnels (à l’hôpital ou en prison)

-       le niveau de formation du personnel soignant et l’implication des soignants dans toutes les phases opérationnelles du traitement sont essentiels

 

 

RECOMMANDATION NO 4: TOUT TRAITEMENT, QUELLE QU’EN SOIT L’ORIENTATION THÉORIQUE, DEVRAIT RENDRE EXPLICITE NON SEULEMENT À LA COMMUNAUTÉ SCIENTIFIQUE MAIS AUSSI AUX POURVOYEURS DE FONDS ET AUX AGRESSEURS EUX-MÊMES, LES OBJECTIFS ET MODALITÉS VISANT À RÉDUIRE SPÉCIFIQUEMENT LA RÉCIDIVE

 

 

RECOMMANDATION NO 5: TOUT PROGRAMME DE TRAITEMENT DEVRAIT TENIR COMPTE EXPLICITEMENT DE LA CAPACITÉ DE L’AGRESSEUR À COMPRENDRE, INTÉGRER ET GÉNÉRALISER DANS SA VIE COURANTE LES MODALITÉS THÉRAPEUTIQUES QUI LUI SONT PROPOSÉES

RECOMMANDATION NO 6: TOUT PROGRAMME DE TRAITEMENT INSTITUTIONNEL (PRISON OU HÔPITAL) DEVRAIT ÊTRE ASSORTI D’UN PENDANT AMBULATOIRE POUR ASSURER UNE CONTINUITÉ DES SOINS

 

 

RECOMMANDATION NO 7: LES CRITÈRES D’EMBAUCHE DU PERSONNEL SOIGNANT LES AGRESSEURS SEXUELS DEVRAIENT PRÉVOIR UNE FORMATION MINIMALE DANS CE DOMAINE. DES NORMES DE MAINTIEN DE LA COMPÉTENCE DANS LE DOMAINE DE L’AGRESSION SEXUELLE DEVRAIENT ÊTRE DÉFINIeS PAR LE PROGRAMME DE TRAITEMENT POUR CHACUNE DES PERSONNES Y OEUVRANT

 

 

RECOMMANDATION NO 8: TOUT PROGRAMME DE TRAITEMENT DEVRAIT AVOIR À LA BASE UNE MÉTHODOLOGIE D’ÉVALUATION DES RÉSULTATS PERMETTANT D’ÉVALUER LE PROGRÈS EN TRAITEMENT DE CHACUN DES PARTICIPANTS AU PROGRAMME DE MÊME QUE D’ÉVALUER L’EFFICACITÉ DU PROGRAMME DANS SON ENSEMBLE

 

 

            3.2 ASPECTS SPÉCIFIQUES. Bien que l’approche multimodale (i.e. la combinaison de plusieurs modalités thérapeutiques) soit privilégiée dans la plupart des programmes, il n’en demeure pas moins que deux composantes apparaissent essentielles, à savoir les techniques de prévention de la récidive et le développement de meilleurs relations interpersonnelles. La prévention de la récidive est une approche psycho-éducative faite le plus souvent en groupe et visant à fournir à l’agresseur une meilleure connaissance de son cycle d’agression. Le développement de meilleures relations interpersonnelles se fait généralement au travers de thérapies de groupe en Amérique et en thérapie individuelle en Europe, particulièrement en France. À ce jour, il n’y a pas d’évidence que l’approche de groupe est supérieure à l’approche individuelle et vice-verca.

 

 

RECOMMANDATION 9: CERTAINS AGRESSEURS DEVRAIENT ÊTRE ASSIGNÉS DE MANIÈRE RANDOMISÉE À DES THÉRAPIES INDIVIDUELLES ET À DES THÉRAPIES DE GROUPE POUR ÉVALUER DE MANIÈRE SYSTÉMATIQUE LEUR CAPACITÉ DE MIEUX COMPRENDRE LEUR CYCLE D’AGRESSION ET LEUR CAPACITÉ D’ÉTABLIR DES RELATIONS INTERPERSONNELLES. DES ERCHERCHES VISANT À DÉTERMINER LES AVANTAGES D’UNE APPROCHE PAR RAPPORT À L’AUTRE DEVRAIENT ÊTRE ENTREPRISES

 

 

Il existe des évidences relativement certaines quant à l’efficacité des anti-androgènes (acétate de cyprotérone et de médroyprogestérone) pour réduire les fantasmes sexuels déviants et diminuer le risque de passage à l’acte. De telles évidences existent aussi mais à un degré moindre pour les agonistes LH-RH (Triptorelin). Enfin, bien que leur usage soit fréquent dans le traitement des agresseurs sexuels, l’utilisation des anti-dépresseurs et anti-obsessifs tels les ISRS (Inhibiteurs Sélectifs de la Recaptation de la Sérotonine) est loin d’être soutenue par une littérature probante.            Les indications d’utilisation de la pharmacothérapie demeurent largement empiriques mais en général le consensus est à l’effet que la médication devrait être utilisée surtout chez les agresseurs à haut niveau de risque de récidive et qui avouent être aux prises avec des fantasmes déviants récurrents et envahissants.

 

 

RECOMMANDATION 10: DES ESSAIS SYSTÉMATIQUES RESPECTANT LES RÈGLES DE L’ART EN MÉTHODOLOGIE ET EN ÉTHIQUE DEVRAIENT ÊTRE ENTREPRISES AUPRÈS DE CERTAINES POPULATIONS CIBLEÉS D’AGRESSEURS SEXUELS EN FONCTION DU RISQUE OU DE LA GRAVITÉ POSSIBLE DE LA RÉCIDIVE. LE TRAITEMENT PHARMACOLOGIQUE EMPIRIQUE NON ASSOCIÉ À UNE MÉTHODOLOGIE ÉVALUATIVE RIGOUREUSE DEVRAIT ÊTRE DÉCONSEILLÉ

 

 

Les traitements comportementaux (satiation, reconditionnement fantasmatique, aversion) sont des adjuvants utilisés dans la plupart des programmes américains. Leur efficacité a été démontrée comme ayant des impacts à court terme. Leur effet diminue voire disparaît en général assez rapidement de sorte que des séances de rappel sont nécessaires. Les approches comportementales sont utiles en ce sens qu’elles peuvent fournir à l’agresseur des moyens de contrôle concrets lorsqu’il se sent à risque de passage à l’acte.

 

 

RECOMMANDATION NO 11: LA RÉSERVE DES PSYCHIATRES FRANÇAIS VIS-À-VIS DES TECHNIQUES COMPORTEMENTALES N’EST PAS FONDÉE SUR LES DONNÉES DE LA LITTÉRATURE MAIS SUR DES À PRIORI TOUCHANT LEUR SYSTÈME DE VALEURS. UNE OU DES CONFÉRENCES DE CONSENSUS TOUCHANT LES NOMBREUX ASPECTS ÉTHIQUES INTERVENANT DANS LE TRAITEMENT DES AGRESSEURS SEXUELS ET RÉUNISSANT DES CLINICIENS ET DES ÉTHICIENS AMÉRICAINS ET EUROPÉENS DEVRAIENT ÊTRE ORGANISÉES DANS LES DEUX PROCHAINES ANNÉES AVEC UNE LARGE DIFFUSION DE LEURS RÉFLEXIONS AUPRÈS DES INTERVENANTS EN AGRESSION SEXUELLE

 

 

Enfin, notons qu’il existe des populations spéciales d’agresseurs sexuels de même que des situations particulières qui mériteraient une attention spéciale qui dépasse largement les objectifs de cette publication. Parmi les populations spéciales, il faudrait considérer les adolescents auteurs d’agressions sexuelles qui sont responsables de 35 à 45 % de l’ensemble des agressions sexuelles commises autant sur les femmes que les enfants. Il y aussi les femmes qui commettent qu moins 10% des agressions sexuelles sur les enfants. Les déficients mentaux et les personnes souffrant d’atteintes cérébrales organiques ont des besoins particuliers qui mériteraient d’être mieux définis.

 

Les dernières années ont vu éclore nombre de pratique sociales non fondées sur des évidences scientifiques mais qui reflètent l’angoisse et le grand besoin de contrôle social du phénomène de l’agression sexuelle. Parmi ces pratiques rappelons la castration chirurgicale, la notification, les bracelets avec gps, l’affichage de l’identité d’agresseurs sexuels sur la place publique ou sur internet et les registres publics d’agresseurs. Nombre de psychiatres sont appelés à se prononcer sur ces pratiques sans nécessairement connaître la littérature sous-jacente.

 

 

4. CONCLUSION

 

            Les agresseurs sexuels sont constitué d’une population hétérogène à tout point de vue que ce soit par rapport au type d’agression qu’ils commettent, au lien avec la victime, aux dimensions psychopathologiques sous-jacentes et aux besoins de traitement spécifiques et non-spécifiques. Bien que le phénomène de l’agression sexuelle ait été étudié de manière beaucoup plus systématique au cours des dernières années, il faut avoir la modestie et l’humilité de reconnaître que nos connaissances demeurent limitées. En outre, l’angoisse collective face à ce phénomène est telle que les psychiatres sont fréquemment sollicités par les politiciens et décideurs publics pour participer à l’élaboration de réponses sociales qui dépassent souvent le strict cadre du traitement. Compte tenu des enjeux sous-jacents importants, il importe que les psychiatres fassent preuve de la plus grande rigueur dans leurs opinions et recommandations.