La Fédération Française de Psychiatrie a jugé utile dorganiser cette conférence de consensus sur le thème « Psychopathologie et traitements actuels des auteurs dagression sexuelle » avec la méthodologie de lANAES et le soutien de la Direction Générale de la Santé pour plusieurs raisons.
Reprenant à son compte lintérêt majeur de cette question, le jury voudrait souligner un certain nombre de ces motifs
- Lurgence de se saisir de cette question qui doit faire lobjet dun véritable travail darpentage afin déviter dans le contexte actuel de dramatisation médiatique le développement dune sur répression et dune sur judiciarisation sécuritaires, alors que le domaine des infractions sexuelles pose de façon évidente la question de la pathologie et des soins ;
- Ne pas perdre de temps pour donner un essor à une question fondamentale qui confronte des professionnels encore trop peu concernés avec des auteurs dagressions généralement peu enclins à demander des soins et, par voie de conséquence, surexposés aux sanctions ou à une dangereuse clandestinité ;
- Redonner à la clinique et au soin toute leur place sur une question pour laquelle les pouvoirs publics et le législateur ont pris linitiative et devancé la réflexion des partenaires professionnels (depuis le rapport BALIER de 1995, le rapport LEMPERIERE de 1996 jusquà la loi du 17 juin 1998) ;
- Préciser, réactualiser et développer les principes déjà anciens mis au point entre justice et psychiatrie qui ont su faire alliance et dialoguer depuis 150 ans avec la loi du 30 juin 1838, mais aussi la loi du 15 avril 1954, celle du 31 décembre 1970, celle du 27 juin 1990. Ces principes sont à nouveau en débat et de façon encore plus aiguë depuis la loi du 17 juin 1998 pour proposer une articulation entre sanction, contrôle et soin, sans les confondre dans une combinaison des rôles des différents partenaires judiciaires, sociaux et médicaux ;
- Prendre la mesure de la prudence nécessaire en face de la complexité du domaine, des concepts qui y ont cours, du vocabulaire quon emploie pour en parler et avoir à la fois la modestie et laudace de remettre en question les idées et typologies actuelles pour procéder à une recherche volontariste de nouveaux paradigmes théoriques, conceptuels et thérapeutiques ;
- Débloquer une situation objectivement préoccupante dans laquelle se trouvent actuellement les partenaires de la mise en oeuvre de la loi du 17 juin 1998, avec la tentation de « la politique du parapluie » alors quil est à coup sûr possible den faire une application intelligente et concertée ;
- Dégager les voies davenir pour une meilleure prise en compte par la santé publique de ce grave problème de société par une meilleure évaluation des structures, de leur coordination et des résultats obtenus par les actions de soin qui sont actuellement jugées peu efficaces alors quelles sont pourtant investies dun rôle majeur dans la réduction de la sanction ;
- Proposer une clarification globale du champ et des recommandations sur les besoins en moyens et en organisation nécessaires pour mieux connaître et mieux traiter les populations concernées.
Lhistoire nous montre que les relations entre justice, société et dispositifs de soin ont fait lobjet dune réflexion approfondie. Celle-ci a permis depuis près de deux siècles dévoluer de la problématique où il sagissait de juger et de sanctionner des actes pour accéder à la problématique actuelle où il sagit de juger des personnes afin détablir une graduation des réponses, une hiérarchisation des peines et un ajustement des soins respectueux des différents niveaux judiciaire, éducatif, pédagogique et thérapeutique.
Les constatations issues de la conférence de consensus et les recommandations ici proposées par le jury sont donc délibérément centrées sur le soin des auteurs dagressions sexuelles. Elles visent à provoquer des retombées en termes doffre, daccès et dorganisation des soins, et de prévention. En outre, il est nécessaire de développer une formation de tous les professionnels concernés ainsi que, de développer les ressources, les outils de connaissance et les moyens dévaluation en termes de santé publique.
Les données statistiques issues des institutions policières ou judiciaires ne permettent pas de connaître le phénomène des agressions sexuelles dans son ensemble, car nombre dactes restent inconnus faute de plaintes. Elle permettent tout de même de disposer dun ordre de grandeur en terme de prises en charge potentielles ou effectives sur le plan pénal comme sur le plan médical.
En 1998, 7828 viols et 12809 autres agressions sexuelles (y compris harcèlement) ont été enregistrés (« faits constatés ») par la police et la gendarmerie. Les taux délucidation sont respectivement de 85% et 79%, le nombre de personnes mises en cause étant de 6054 pour les viols et de 7010 pour les autres agressions.
Naturellement, à ce niveau du processus, il ne sagit pas de qualification juridique.
Les faits constatés sont en forte hausse depuis le début des années 1980 : multiplication par 5 des viols, doublement des autres agressions. De nombreux indices permettent de penser que cette augmentation correspond à une facilitation du dépôt de plainte, à une meilleure prise en considération des victimes par lensemble du système police-justice, à lattention portée à la maltraitance des mineurs, au rôle des mouvements féministes, au développement de la victimologie, à la médiatisation de la question, à la création des numéros verts, au développement des associations daide aux victimes, à la féminisation et à la formation de la police. Par ailleurs des signes ont été donnés par le législateur et linstitution judiciaire qui manifestent la prise en compte par la société de la gravité des faits : aggravation des peines encourues, des peines prononcées et appliquées, report de la prescription en matière dagressions sexuelles sur mineur, amélioration des procédures dindemnisation des victimes (commission dindemnisation).
Toutefois on ne peut pas exclure quune part de cette croissance soit réelle.
En 1998, 10563 condamnations ont été prononcées pour agression sexuelle dont 1636 pour viols. La même année, 4881 incarcérations (flux dentrée) étaient motivées par la poursuite ou la sanction en matière dinfraction sexuelle dont 2707 pour viols.
Le 1er janvier 2001, 7101 détenus exécutaient une peine pour viol ou autres agressions sexuelles (exhibition exclue). Ils étaient un millier il y a 20 ans.
Cette population représente actuellement environ 20 % des détenus condamnés.
Les délinquants sexuels participent à linflation du nombre de détenus et au vieillissement de la population carcérale du fait de lâge élevé au moment de lincarcération et de lallongement des peines.
Pour les viols, le quantum de peine moyen prononcé en 1984 est de 70 mois contre 113 mois en 1998 (données casier judiciaire).
Pour les abus sexuels sur enfants, lObservatoire National de lEnfance en Danger (ODAS) a recensé 4800 signalements pour lannée 1999.
Lenquête sur les violences envers les femmes en France (ENVEFF) réalisée lannée 2000 sur un échantillon de 6970 femmes, représentatives de la population des 20-59 ans, indiquent que 11% ont subi au moins une agression sexuelle au cours de leur vie. Les agressions sexuelles les plus souvent déclarées sont les tentatives de rapport forcé (5,7%), les attouchements (5,4%), les rapports forcés (2,7%). Lâge auquel est survenu la première agression sexuelle est inférieur à 15 ans pour 59,9% de celles ayant subi des attouchements, 15,9% pour celles ayant subi une tentative de rapport forcé, 16,7% pour celles ayant subit un rapport forcé. Environ la moitié des femmes qui ont été victimes dagression sexuelle au cours de leur vie nen ont pas parlé avant lenquête.
Il ny a pas denquête similaire en France pour la population masculine. Les enquêtes menées dans dautres pays indiquent un taux assez concordant dagression sexuelle pour la population masculine (4 à 5 %) alors que les taux pour la population féminine sont très dispersés.
- auteurs adultes : les personnes mises en cause par la police sont principalement des hommes. La part des femmes dans les affaires de viols est en 1998 de 2,4% soit 133 sujets. Cette part augmente légèrement quand il sagit de victimes mineures (2,6%)
- auteurs mineurs : les mineurs représentent 20,5% des auteurs de viols quand la victime est un adulte et 29% quand cest un mineur. Les auteurs sont là encore principalement des sujets masculins.
Ainsi, la part prise par les mineurs dans les personnes mises en cause pour viol est passée de 21% en 1995 à 28,9% en 1999. Cette élévation semble en partie due au phénomène des « viols en réunion» qui rendent les auteurs malaisés à identifier.
La France fait partie des pays les plus répressifs en Europe en matière dinfraction sexuelle (Conseil de lEurope, Source-book).
Avec la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi quà la protection des mineurs, et sappuyant sur la nouvelle classification du code pénal, le législateur a créé une nouvelle catégorie dinfraction : les infractions sexuelles. Cet ensemble de crimes et délits est composé dinfractions qui relèvent de deux sous-ensembles distincts : celui des agressions sexuelles et celui de la mise en péril des mineurs, le proxénétisme ayant été exclu de ce regroupement.
Elles ont en commun dêtre constituées par un acte (une pénétration, un attouchement, une exposition, la réalisation dune image...) comportant un motif essentiellement sexuel, imposé à une personne qui ne dispose pas de moyens physiques ou moraux suffisants pour le repousser alors quelle ny consent pas. Comme tout crime et délit, elles sont constituées de trois éléments : la matérialité des faits, lélément intentionnel et lélément légal (incrimination et sanction). Cest la réunion de ces trois éléments qui conditionne la sanction pénale.
Ils comportent les infractions suivantes :
- Le viol (tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature quil soit, commis sur la personne dautrui par violence, menace, contrainte ou surprise)
- Lagression sexuelle stricto sensu (toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise)
- Lexhibition sexuelle (imposée à la vue dautrui dans un lieu accessible aux regards du public)
- Le harcèlement sexuel (ne rentre pas dans le cadre de la loi de 1998)
- Atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans (le fait, pour un majeur, dexercer sans violence, contrainte, menace, ni surprise une atteinte sexuelle )
- Atteinte sexuelle sur mineur de plus de quinze ans non marié (atteinte sexuelle sans violence, contrainte, menace, ni surprise, lorsquelles sont commises par un ascendant ... ou toute personne ayant autorité sur la victime ...).
- Qualité de la victime : mineur de quinze ans [jeune dont lâge est inférieur à 15 ans], personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, dune déficience physique, psychique...
- Qualité de lauteur : ascendant légitime, naturel, adoptif... personne abusant dune autorité que lui confère ses fonctions - Modalité de commission de linfraction : précédée, accompagnée de torture, acte de barbarie ; en groupe ; sous menace ou usage dune arme ; quand la victime a été mise en contact avec lauteur par un réseau de télécommunication ; accompagnée dune rémunération
- Résultat des violences : mort de la victime ; mutilation ou infirmité permanente ; blessure ou lésion
- agressions sexuelles :
- viol,
- agression sexuelle stricto sensu,
- exhibition sexuelle- atteintes volontaires à la vie, aggravées par un viol :
- meurtre avec viol, assassinat avec viol
- mise en péril des mineurs :
- atteintes sexuelles sur mineur de quinze ans
- atteintes sexuelles sur mineur de plus de quinze ans et non marié (commises par un ascendant ou une personne ayant autorité)
- corruption de mineur
- exploitation de limage dun mineur (quand elle présente un caractère pornographique)
- atteinte à la moralité dun mineur
Les classifications des maladies mentales actuellement utilisées sont celles de lOMS (CIM 10) et celle de lAmerican Psychiatric Association (DSM IV).
Leurs catégories diagnostiques coïncident peu avec les catégories pénales dans la mesure même où la dimension de lagression sexuelle ny constitue pas un axe classificatoire.
Les termes de « perversions sexuelles » ou de « personnalités perverses » ne sont pas utilisés dans ces classifications.
La notion de « constitution perverse », héritée de la vieille théorie de la dégénérescence, est tombée en désuétude.
On identifie sous le terme de « troubles de la préférence sexuelle » dans la CIM 10 et sous celui de « paraphilie » dans le DSM IV des catégories telles que : le fétichisme, le transvestisme, le voyeurisme, la pédophilie, lexhibitionnisme, le sadisme, le masochisme, les troubles multiples de la préférence sexuelle et autres troubles.
La pédophilie est définie, au sens des catégories psychiatriques, comme : « préférence sexuelle pour les enfants, généralement dâge pré pubère ou au début de la puberté ». Pour le DSM IV, il faut au moins une répétition de lacte ou « des fantaisies imaginatives sexuellement existantes » pendant 6 mois ainsi que la notion « de souffrance personnelle ou daltération du fonctionnement social, professionnel ou dans dautre domaine important ». Le DSM exclut de ce diagnostic un sujet en fin dadolescence qui entretient des relations sexuelles avec un enfant de 12-13 ans. De plus, il spécifie sil sagit dune attirance pour les garçons, les filles ou les deux ; sil est limité à linceste ; si cest un type exclusif (attiré uniquement par les enfants) ou non exclusif.
Lexhibitionnisme est défini par la CIM 10 comme « tendance récurrente ou persistante à exposer ses organes génitaux à des étrangers (en général du sexe opposé) ou à des gens dans des endroits publics, sans désirer ou solliciter un contact plus étroit ». Le DSM IV ajoute là aussi la notion nécessaire de temps (comportement répétitif pendant une période dau moins 6 mois), de souffrance personnelle ou de retentissement social.
Les classifications psychiatriques tiennent compte du sujet dans sa diachronie (la récurrence ou la persistance du trouble) alors que les catégories pénales ne se fondent que sur la commission et lintention de lacte.
Les classifications psychiatriques nont pas pour finalité létude des infractions sexuelles mais elles gardent leur utilité, lors de lexpertise psychiatrique pénale, pour lidentification dune maladie mentale dont pourraient dépendre des comportements sexuels transgressifs (schizophrénie, état démentiel, trouble bipolaire, déficience mentale). Elles permettent également le repérage dune comorbidité (alcoolisme, toxicomanie) ou de troubles de la personnalité répertoriés.
Très peu dauteurs dinfractions sexuelles sont reconnus pénalement irresponsables au sens de larticle 122-1 alinéa 1 du Code pénal en raison de leurs troubles psychiques.
Sans un nombre suffisant dexperts bien formés, la loi du 17 juin 1998 concernant les auteurs dagression sexuelle ne pourra sappliquer.
Les attentes de la justice vis-à-vis de lexpert psychiatre et de lexpert psychologue nont cessé dévoluer en peu de temps. Certes, la mission pré-sentencielle de base persiste, à la recherche dune maladie mentale susceptible davoir aboli le discernement et le contrôle des actes, et donc à lorigine dun non-lieu judiciaire pour irresponsabilité pénale.
Mais, dune part cette mission de base sest diversifiée par ladjonction de questions supplémentaires concernant lopportunité dune injonction de soin, et, dautre part, elle sest trouvée complétée par dautres missions ordonnées, en post-sentenciel, durant la peine demprisonnement. Ces missions peuvent à nouveau interroger lexpert sur lopportunité dune injonction de soins si celle-ci na pas été prononcée lors du jugement. Elles peuvent aussi prendre la forme dune expertise dite de pré-libération conditionnelle qui vise à une évaluation longitudinale du sujet condamné, tant sur le plan clinique, psychodynamique et criminologique.
Parallèlement à cette complexité croissante de la mission expertale, on a assisté en quelques années à deux évolutions contradictoires : laugmentation quantitative du nombre des missions demandées par la justice et la diminution du nombre de psychiatres inscrits sur les listes dexperts.
En conséquence de cette évolution regrettable, on constate :
- que la très grande majorité des psychiatres na aucune activité expertale pénale (supprimer 93%)
- que la minorité des psychiatres inscrits sur les listes dexperts, trop souvent sollicités par la justice, peuvent être amenés à consacrer une trop grande partie de leur temps aux activités expertales, avec le risque de les couper de la réalité clinique et dinduire la dérive vers un « corps dexperts professionnels ».
Nos recommandations seront donc de deux ordres :
- les unes concernent les conditions pratiques de lexpertise,
- les autres sintéressent au fond, cest-à-dire à la place que prendront les réponses de lexpert dans larticulation médico-judiciaire qui se propose damener certains auteurs dagression sexuelle vers un dispositif de soin.
Ces recommandations visent explicitement à encourager le plus grand nombre de psychiatres ou de psychologues à solliciter leur inscription sur des listes dexperts.
1 - Il importe que les services du ministère de la justice puissent recenser dans chaque juridiction le nombre de missions dexpertises ordonnées chaque année afin dadapter le nombre dexperts inscrits sur les listes, en fonction du nombre dexpertises à accomplir.
2 - Il est indispensable de développer des dispositifs de formation pour les futurs experts.
- Lenseignement de psychiatrie médico-légale doit être renforcé au cours du DES de psychiatrie.
- Des enseignements spécialisés sous la forme de Diplômes Universitaires appliqués à lexpertise mentale doivent être développés.
- Enfin des modalités de formation pratique au bénéfice dexperts en formation désignés comme tels au sein dun collège comprenant un expert expérimenté permettraient aux praticiens de se familiariser avec la pratique de lexpertise avant de solliciter leur inscription sur les listes de la cour dappel
3 - Les conditions pratiques de la réalisation de lexpertise doivent impérativement être améliorées.
Les conditions actuelles sont à ce point médiocres quelles apparaissent dissuasives pour de nouveaux experts et décourageantes pour les experts actuels.
Les améliorations nécessaires concernent :
- La diminution des temps dattente, au sein des établissements pénitentiaires, avant de pouvoir rencontrer le détenu qui doit faire lobjet dune expertise
- Lassouplissement des jours et tranches horaires dans lesquelles les examens des expertises peuvent être réalisés
- La mise à disposition de locaux appropriés
- La communication à lexpert des pièces du dossier pénal nécessaires notamment aux missions post sentencielles (réquisitoire, expertises antérieures...)
- La revalorisation conséquente de la rémunération financière au regard de la charge de travail et de la responsabilité engagée
- 1. Les examens psychiatriques demandés en urgence, dans le temps de la garde à vue dun sujet, sur le mode de la réquisition dun psychiatre expert ou non :
- doivent se borner à la recherche déventuels troubles psychiatriques nécessitant des soins psychiatriques urgents et contre-indiquant la garde à vue.
- cette réquisition ne doit pas remplacer lexpertise pré-sentencielle dans sa forme classique.
- comme toute expertise, elle ne doit jamais dégager des traits de personnalité qui seraient utilisés comme argument à charge pour un sujet qui nierait les faits à lorigine de sa garde à vue.- 2. lors de lexpertise pré-sentencielle, qui pose à lexpert la question de lopportunité dune injonction ou obligation de soins,
- le jury recommande que la négation des faits poursuivis soit considérée comme une contre-indication absolue à toute injonction ou obligation de soins.
- Pour conseiller lopportunité dune injonction de soins, lexpert devra évaluer chez le sujet :
- son degré dadhésion à un éventuel processus de soin, - sa capacité à se reconnaître inscrit dans un mode de réalisation sexuelle déviante.
- Lorsque ces conditions ne sont pas réunies, il y a lieu de différer cette injonction de soin puisque la décision pourra être prise après le jugement, durant la peine demprisonnement ou dans la période qui précède la sortie de prison, en fonction de lévolution du condamné.
- Si linjonction de soin est proposée par lexpert, celui-ci ne doit pas être le prescripteur des modalités du soin (hormono-thérapie, psychothérapie, ...)- 3. lexpertise post-sentencielle, durant la détention
- va apprécier lopportunité dune injonction de soin selon les mêmes conditions quen pré-sentenciel
- Il est recommandé, autant que possible, que lexpert qui a déjà examiné le sujet avant le jugement soit préférentiellement désigné en post-sentenciel afin de réaliser une expertise diachronique et évaluer le plus fidèlement possible lévolution du condamné. Toutefois, le condamné peut demander une contre-expertise sil souhaite être examiné par un nouveau praticien.
- Cette expertise sattachera avant tout à repérer une éventuelle évolution positive du condamné dans différents registres, et en particulier :- sa position subjective vis-à-vis de la victime (regret de façade ou sentiment de culpabilité authentique) - sa reconnaissance du préjudice subi par la victime - son regard sur lacte pour lequel il a été condamné - son appréciation dun éventuel risque de récidive - son éventuelle adhésion à une démarche de soin spécifique.
Bien entendu les résultats de ces investigations expertales seront à comparer aux précédentes expertises du même sujet.
- 4. Pour toute expertise, la mission ne devra pas enjoindre à lexpert de prendre connaissance du dossier médical sans que soit recueilli le consentement express de la personne examinée. En cas de refus et de nécessité de consultation du dossier, seule la saisie dans les règles légales pourra être envisagée.
La question dune spécificité psychopathologique relative aux différentes conduites de déviance sexuelle a été posée au cours de la conférence. En fait, il apparaît, tant dun point de vue clinique quen ce qui concerne les facteurs contextuels, que les points communs entre ces différentes formes de déviance sont plus nombreux que ce qui les différencie entre eux et quil nest pas possible disoler des groupes cliniques spécifiques et de distinguer, par exemple, les pédophiles intra et extra familiaux, les auteurs de viol, etc.
De façon générale, les études sont peu informatives et non explicites, les avis dexperts nombreux, et, quil sagisse détudes cliniques ou déchelles dévaluation psychologique, les données et les résultats sont difficilement interprétables.
Il existe dans notre pays une tendance à rapporter automatiquement un agir sexuel dallure perverse à un fonctionnement psychique globalement pervers. De plus, la médiatisation des agressions sexuelles denfants les plus effarantes répand dans le grand public une représentation univoque du pédophile au singulier, comme pervers monstrueux inhumain, sadique et obligatoirement violent. Confrontée à l'expérience clinique, cette représentation simpliste est pourtant rapidement battue en brèche.
Malgré le polymorphisme clinique des conduites déviantes et linfinie diversité des configurations psychopathologiques au sein desquelles ces conduites peuvent apparaître, un point semble faire laccord des experts : cest le constat que ces troubles du comportement sexuel correspondent bien moins à des troubles de la sexualité proprement dits quà des tentatives de solution défensive par rapport à des angoisses majeures concernant le sentiment identitaire, elles-mêmes consécutives à des carences fondamentales de lenvironnement primaire au cours de la petite enfance.
Les hypothèses étiopathogéniques des auteurs qui se réfèrent aux théories psychodynamiques sont les suivantes : dans tous les cas, on trouve au premier plan des troubles graves du narcissisme, une fragilité du sentiment de continuité identitaire, et une menace deffondrement dépressif, liés à des angoisses majeures d'altération voire de disparition de la représentation de soi.
Le recours à la sexualité déviante n'est pas systématiquement issu d'une aberration pulsionnelle, encore moins dun excès de la pulsion sexuelle (souvent en réalité peu active), mais d'une tentative de "solution de recours" par rapport au déficit narcissique consécutif à l'absence d'images parentales suffisamment bonnes dans le monde psychique interne.
Le vécu de rejet massif par le couple parental, avec le sentiment d'avoir été pour les parents un enfant en trop, un poids ou une gêne, perturbe l'intégration d'une représentation positive de la sexualité adulte et paralyse l'élaboration du sens de la différence des sexes et des générations.
Les experts dorientation psychodynamique font référence au concept de champ pervers . Ils font une différence entre les conduites dominées par une composante dimmaturité et une dimension névrotique (qui représente la majorité des cas) et celles qui prennent une place centrale dans léconomie psychique globale. Cette dernière correspond alors à la dénomination classique de la perversion sexuelle. A lextrême, on évoque les perversités narcissiques pour rendre compte dune organisation défensive fondée sur le déni, lexpulsion et la projection immédiate sur autrui de toute blessure susceptible daltérer une représentation de soi invulnérable et sans faille. Pour résumer, ces auteurs proposent que dans la perversité, la représentation de soi apparaisse fondée sur la destruction physique ou psychique de lautre, alors que dans les perversions sexuelles, lérotisation et lidéalisation du scénario englobent simultanément la personne propre et celle du partenaire.
On a tenté de différencier différentes classes de conduites pédophiliques à partir de critères comme le cadre intra ou extrafamilial, lexistence de traits psychopathologiques, la présence ou labsence dune autre violence associée, le degré de fixation sur les enfants. Néanmoins, les typologies dauteurs dagressions sexuelles qui peuvent être heuristiques en matière de recherche, nexpliquent jamais la singularité dune situation et laissent la porte ouverte à toutes les dérives et raccourcis dangereux. Il nen reste pas moins que la dimension des interactions intra familiales doit être prise en considération dans les conduites incestueuses et que cela peut justifier la possibilité de commettre un même expert pour lauteur de lagression et pour la victime.
La pédophilie féminine est souvent passée sous silence et na donné lieu quà de rares études. (Ici, il y avait une phrase qui est à supprimer)
Bien que le viol ne fasse pas partie des catégories des troubles mentaux, on a tenté de cerner les caractéristiques des auteurs de viol sur majeurs. Il apparaît là aussi simpliste et réducteur de classifier de façon définitive les auteurs dagression sexuelle, quels que soient les critères retenus, même si la conduite de viol est parfois sous tendue par une pathologie comme les paraphilies et notamment le sadisme sexuel, ou par une composante antisociale de la personnalité.
La connaissance de lexhibitionnisme na guère progressé par rapport aux descriptions classiques et les traits de personnalité (timidité, passivité, manque dassurance dans les relations sociales) auparavant admis chez les exhibitionnistes exclusifs, nont pas été retrouvés dans les rares études ayant utilisé des tests tels que le MMPI. En fait, les formes symptomatiques des conduites exhibitionnistes sont plus variées que limage traditionnelle (les appels téléphoniques obscènes par exemple) et dune manière plus générale ces conduites exhibitionnistes peuvent être associées à dautres conduites sexuelles perturbées.
Les agressions sexuelles initiées par des adolescents semblent en progression, encore que les études canadiennes et américaines ne soient pas convaincantes et quil nexiste pratiquement pas de données exploitables dans notre pays. Il semblerait néanmoins que là aussi la tolérance sociale ait changé et que le taux de révélation soit de ce fait plus important.
Parmi celles-ci, il faut faire une place particulière aux viols en réunion, qui bien que de plus en plus fréquents et banalisés par un certain nombre de jeunes, ne doivent pas être considérés pour autant comme spécifiques de la vie des banlieues. Ces conduites, dont les victimes se retrouvent souvent dans lenvironnement très proche dau moins lun des auteurs dagression sexuelle, posent la question des phénomènes identitaires de groupe ; elles ne semblent pas relever de troubles spécifiques des conduites sexuelles et nécessitent des réponses appropriées sur le plan pénal et éducatif.
La population des enfants et adolescents, auteurs dagression sexuelle, est hétérogène, à la fois sur le plan psychopathologique et celui des caractéristiques de la conduite sexuelle. Ces agressions sexuelles se caractérisent le plus souvent soit par lusage de la force ou de la menace, soit par le choix dun partenaire dâge inapproprié. Ce comportement sexuel déviant peut nêtre quun accident de parcours dans le développement psychosexuel, tout comme il peut être la première manifestation dune conduite récurrente à lâge adulte. Face à cette hétérogénéité, on tente détablir des typologies des abuseurs adolescents en fonction des caractéristiques cliniques des auteurs, des caractéristiques de lagression elle-même et des données anamnestiques et biographiques, afin de mieux évaluer les possibilités de changements et de mieux discriminer les risques de récidive ; aucune de ces typologies na cependant encore été validée par une étude prospective suffisamment prolongée.
Limportance des facteurs biographiques, des antécédents de maltraitance et de dysfonctionnements familiaux, qui sont fortement intriqués, font quil est difficile disoler les effets de chacun dentre eux dans une perspective causaliste.
En conclusion, il apparaît que les connaissances étiopathogéniques actuelles concernant les auteurs dagression sexuelle présentent un degré de certitude très faible. Cette catégorie de population nest réductible ni au seul champ psychiatrique, ni au seul champ criminologique, ni au seul champ social. Elle implique une perspective anthropologique qui exige dengager des recherches multidisciplinaires.
Recommandations
1 - Mettre en oeuvre des études visant à mieux caractériser les auteurs dagression sexuelle par une évaluation exhaustive à la fois synchronique et diachronique, à la fois clinique, paraclinique et psychologique (tests psychologiques), à la fois factuelle et fantasmatique.
2 - Les études doivent harmoniser les méthodologies, le vocabulaire et les concepts quelles que soient les références théorico-cliniques des auteurs.
3 - Il apparaît justifié de faire la recommandation suivante aux magistrats ordonnateurs dexpertises : parmi les experts désignés pour examiner lauteur(s) et la victime(s), il apparaît intéressant que lun deux puisse être désigné pour examiner à la fois auteur(s) et victime(s), chaque fois que lauteur est connu de la victime, afin de mesurer les interactions, notamment lorsquelles se situent dans le champ intrafamilial.
4 - Il faut attirer lattention sur un certain nombre de situations rencontrées en particulier dans les collectivités éducatives où lévaluation de la dimension transgressive de la conduite sexuelle dun enfant et/ou dun adolescent met en difficulté les adultes. Certains signalements semblent en effet répondre davantage à un principe de précaution quà une nécessité judiciaire. Ces signalements montrent quen mettant au second plan la compréhension des manifestations de type maturatif, on risque de générer une autre forme de traumatisme, faute dune réponse de type éducatif.
Lidée quun abuseur sexuel ait été lui-même victime dune agression sexuelle dans son enfance est devenue un quasi-lieu commun qui mérite cependant dêtre ré interrogé. En effet, les données statistiques sur ce point se contredisent et les écarts sont tels quils permettent de récuser actuellement le caractère inéluctable de la répétition et tout lien de causalité direct entre lagression en tant que victime et celle en tant quauteur dagression.
Cela dit, un traumatisme sexuel subi pendant lenfance sera dautant plus désorganisant que lenvironnement proche, et plus particulièrement familial, sera défaillant, mais il ne faut pas ignorer malgré tout, les facteurs de protection que recouvre la notion de résilience. Cest ainsi que lon peut opposer des facteurs de risque et des facteurs de protection.
Parmi les premiers, il faut citer à côté des antécédents dagression sexuelle dans lenfance, les carences affectives par négligence ou abandon, responsables de perturbations des liens dattachement, les maltraitances qui pourraient expliquer la faible capacité des liens dempathie développés par les agresseurs sexuels pour leur victime ainsi que les dysfonctionnements de la famille. Un enfant élevé dans un environnement vulnérable et qui ne reçoit pas daide de ses proches aura plus de mal à développer des capacités dattention et de soins vis à vis dautrui. Les dimensions dabsence ou de non-implication dun parent, ainsi que les lacunes observées face à la discipline et à léducation semblent bien situer les problèmes rencontrés dans les familles de délinquants sexuels qui sont aussi des caractéristiques retrouvées dans de nombreuses autres formes de pathologies. Si une histoire particulière peut être individualisée parmi les auteurs dagression sexuelle, elle napparaît pas spécifique à cette population.
Abus et dépendance à lalcool, de même quà dautres substances, sont une comorbidité fréquemment associée avec les aspects psychopathologiques relevés.
Ils peuvent avoir un effet direct sur la commission des délits sexuels (par exemple une précipitation du passage à lacte), ou un effet indirect du fait par exemple de laltération de linsertion professionnelle et sociale et de la détérioration des capacités de socialisation quils peuvent générer.
Le passage à lacte que constitue lagression sexuelle se situe toujours au carrefour de lorganisation sociale et familiale, du déterminisme individuel et de la représentation de la loi. Aussi, les approches théoriques permettant de comprendre et dexpliquer ces comportements doivent prendre en compte cette complexité et ne peuvent se satisfaire dun point de vue univoque. De fait, celles-ci sont aujourdhui en pleine mutation et sinscrivent dans un modèle bio-psycho-social.
Lévolution de la criminalité, notamment sexuelle, est tributaire de lévolution de la société comme de la famille. De nombreux facteurs sont mis en avant chez les spécialistes comme dans les médias, pour expliquer la majoration de la délinquance interpersonnelle et des violences intrafamiliales. Mais quil sagisse de la démission parentale, de la dislocation de la famille ou de laugmentation de lintervention de létat avec une sur-assistance des parents et des enfants, tous ces éléments doivent être discutés et critiqués avec la prudence quimpliquent leurs éventuelles conséquences sur le plan socio-politique. Il faut noter que si, pour défendre leurs clients, auteurs dagression sexuelle, les avocats dassises ont mis régulièrement en avant les carences affectives subies par leur client au sein de leur famille, celles-ci sont devenues paradoxalement des facteurs de sur-pénalisation depuis une décennie, dans la mesure où elles sont assimilées à un risque accru de récidive.
Pour lessentiel, les modes dapproche de la criminologie du 19ème siècle ont disparu au profit dune recherche interdisciplinaire qui ne parle plus que dhypothèses criminologiques.
Quatre questions ont été soulevées au cours de la conférence.
- Le lien entre la pathologie mentale et le délit. Il est essentiel en effet que lon ne fasse pas damalgame entre délit sexuel et maladie mentale et que lon infère à partir de celui-ci des troubles psychiques et/ou de la personnalité pour justifier secondairement un traitement de ce délit.
- La pertinence des liens entre maltraitance antérieure et agressions sexuelles. Bien que les données statistiques doivent être analysées avec prudence, on constate, dans la plupart des pays industrialisés, une augmentation du nombre de signalements pour maltraitance.
- La différenciation entre viol, inceste et pédophilie. La prise en charge pendant la durée de la peine des auteurs dinfractions sexuelles dans les pays anglo-saxons a conduit à tenter de mieux différencier ces différents types de conduites.
- La sur pénalisation française. Le fait que notre pays soit lun des plus répressifs dans le domaine des infractions sexuelles en Europe et lallongement des peines prononcées pour les crimes sexuels, en particulier intra-familiaux depuis 20 ans, conduisent à sinterroger sur cette particularité française ainsi que sur le problème des modalités du consentement aux soins.
Plusieurs substrats sont habituellement retenus comme jouant un rôle sur le plan endocrinien et de la neurotransmission dans les agressions sexuelles : androgènes, sérotonine, amines biogènes, en même temps que lon sinterroge sur le rôle éventuel de facteurs génétiques.
Ces hypothèses et les bases théoriques qui les soutiennent doivent être abordées avec prudence si lon en juge par les biais nombreux constatés dans la littérature. Ainsi par exemple, il nest pas possible dextrapoler les données de la neurobiologie de la violence aux agressions sexuelles, ni de transposer à lhomme les résultats des études réalisées chez lanimal.
Les hypothèses neurobiologiques doivent être traitées avec la plus grande prudence et il est essentiel de ne pas utiliser sommairement ces recherches pour légitimer, au détriment des considérations éthiques et déontologiques, des traitements médicamenteux ou hormonaux qui sont toujours expérimentaux. Cette prudence doit être dautant plus soulignée que notre société pourrait se satisfaire facilement dune action possible de médicaments pour éviter les récidives des agresseurs sexuels et se rassurer face à ce problème de société.
Lengagement de cliniciens sappuyant sur des références psychanalytiques dans le champ pénitentiaire et la prise en charge post-carcérale en ambulatoire dagresseurs sexuels caractérise notre pays et constitue un apport essentiel et original à la connaissance de la clinique des agresseurs sexuels. Les recherches en cours ont fait le constat quil était possible de contourner labsence apparent de demande des auteurs dagression sexuelle et de favoriser chez eux une nouvelle aptitude à se penser auteur dagression sexuelle, ouvrant alors la porte à la thérapeutique. Au delà des tentatives de validation en cours des concepts théorico-cliniques développés, les théories psychanalytiques sont surtout utiles dans la régulation et la supervision des soignants travaillant auprès des auteurs dagressions sexuelles.
Elles ont été surtout le fait des pays anglo-saxons et se sont appuyées à la fois sur une prise en charge intracarcérale et sur des suivis longitudinaux à la sortie de la détention avec pour objectif de prévenir les récidives. Ces modèles théoriques ont beaucoup évolué depuis une vingtaine dannées : alors quinitialement le motif du passage à lacte était considéré comme dorigine exclusivement sexuelle et que, de ce fait, le traitement visait à modifier les préférences sexuelles déviantes, la dimension plurifactorielle sest imposée et a conduit à un travail socio-éducatif plus global de prévention de la récidive. Les modèles cognitivo-comportementaux actuels se veulent plus pragmatiques et ajoutent des dimensions non sexuelles (habiletés sociales, capacités relationnelles, aptitudes professionnelles) qui permettent au sujet daméliorer ses capacités à faire face à ses difficultés et de laider à identifier les moments où il est en danger de récidiver. Ces approches ont aussi lavantage de proposer des critères dévaluation mesurables dans une démarche dexplicitation dobjectifs concrets.
La question du devenir des personnes et de la réitération d'agressions, qu'elles soient sexuelles, multiples, autres associées ou non, peut être abordée de plusieurs façons : la rechute au sens médical qui suppose qu'un processus thérapeutique soit engagé, la récidive judiciaire qui nécessite qu'une nouvelle infraction ait été sanctionnée, et enfin la réalité des faits, c'est-à-dire la fréquence réelle des agressions dans la population. L'accent mis sur la lutte contre la rechute ne doit pas faire oublier la dimension déontologique et éthique de la pratique médicale qui a aussi d'autres objectifs, notamment la qualité des soins et le bien être de la personne et de ses proches.
Les recherches menées en France sur la récidive, fondées sur lanalyse de suivi de cohortes de détenus libérés, nabordent que de façon marginale la question des agressions sexuelles : les effectifs des échantillons sont faibles et ne permettent pas danalyses différentielles des taux de récidives selon telle ou telle variable.
Des analyses ont été menées plus récemment par les services du Ministère de la Justice (1997) en utilisant exclusivement le casier judiciaire. On cherche à savoir si telle condamnation, inscrite sur le casier pour viol, est suivie dune autre inscription pour viol sur une période donnée. Les taux sont fortement biaisés par l'absence de prise en compte des périodes dincarcération qui suivent nécessairement la première condamnation.
L'essentiel des recherches et des méta-analyses ont été menées à létranger. Les recherches les plus récentes étudient des petits échantillons, et portent sur des méthodes thérapeutiques ciblées sur les symptômes. Dun point de vue général, les experts ont tous souligné que les études ont leurs limites sur le plan de la méthodologie et de la validation, ce qui rend difficile la comparaison et la généralisation des résultats, encore compliquées par des contextes socioprofessionnels, institutionnels et culturels différents.
Les facteurs associés au risque de récidive dagression sexuelle ou d'autres infractions ont été repérés et évalués par les chercheurs avec des résultats parfois divergents. La plupart des facteurs de risque identifiés à ce jour sont des facteurs statiques, c'est-à-dire sur lesquels on ne peut pas agir. La recherche sur les facteurs de risque dynamiques, permettant de concevoir une intervention efficace, est beaucoup moins avancée.
Dans les études faites à l'étranger, les facteurs de risque les plus fréquemment associés à la récidive non sexuelle sont les mêmes que pour le délinquant non-sexuel : les antécédents criminels, la délinquance juvénile, la personnalité antisociale, le jeune âge et la toxicomanie. Les facteurs de risque les plus reconnus dans la récidive sexuelle sont : la déviance sexuelle, les antécédents d'infraction sexuelle, la précocité de ces infractions, ainsi que l'existence d'une enfance douloureuse. Les données disponibles font apparaître une diminution du risque de récidive quand l'âge augmente. Il diminue également quand l'agresseur est le père ou le beau-père de la victime.
De façon surprenante, certaines caractéristiques habituellement considérées comme des éléments favorisant ladhésion aux soins (reconnaissance des faits, empathie pour la victime, motivation pour les soins) ne constitueraient pas des facteurs qui préservent de la récidive dans létat actuel de la recherche.
Il nest pas possible détablir aujourdhui avec certitude que les traitements des auteurs dagression sexuelle réduisent de façon significative le risque de récidive. Cependant, plusieurs études font état dune diminution des récidives quand les personnes ont bénéficié de psychothérapies (comportementales et cognitives, systémiques) ou de thérapeutiques biologiques. Cette diminution paraît plus marquée pour ces dernières. Si le bénéfice des psychothérapies individuelles ou de groupe dinspiration psychodynamique na pas été démontré, les cliniciens qui les pratiquent en défendent lintérêt, tout en précisant que leur évaluation scientifique pose des problèmes méthodologiques.
Dune manière générale, les traitements qui semblent montrer une certaine efficacité sont plutôt ceux qui visent de manière explicite des thèmes ciblés. Certains auteurs qui pratiquent des thérapeutiques médicamenteuses ont relevé la difficulté de les interrompre. Parmi les facteurs de risque de récidive en relation avec les soins, certains auteurs rapportent linterruption volontaire du traitement. Paradoxalement, une étude récente a relevé que le taux de récidive de crime sexuel était supérieur dans un groupe de personnes intégrées dans un programme de soins obligatoires par rapport à un groupe témoin.
Il n'existe pas d'outil permettant de prédire la réitération d'une agression. Il s'agit plutôt d'investigations dont les résultats, utilisés dans le cadre de la recherche scientifique, peuvent être l'indicateur d'un risque de passage à l'acte.
Les mesures phallométriques (pléthysmographie) sont loutil le plus reconnu au plan international pour mesurer le risque de récidive chez l'adulte, notamment pour les pédophiles extra-familiaux. Il reste néanmoins controversé du fait de labsence de standardisation. Il sagit dune mesure de lérection lors de stimuli visuels, destiné à évaluer la « déviance » sexuelle et la réponse à un traitement. Il ne peut pas être utilisé pour déterminer la culpabilité d'un individu. Son utilisation en France semble être inexistante bien quil sagisse dun des rares acquis scientifiques dans ce domaine.
Plusieurs échelles ont également été élaborées, dans lobjectif de prédire le risque de récidive, sexuelle ou non. Aucune dentre-elles ne sest réellement imposée. Il existe une version française dune échelle mesurant les tendances antisociales de la personne. Elle semble pouvoir prédire le risque de survenue dactes de violence non-sexuels chez les auteurs d'agression sexuelle.
Recommandations
1 - Le jury recommande la mise en oeuvre dun programme de recherche national comprenant développement, la validation et lutilisation d'instruments :
- destinés à étudier le devenir des personnes à partir d'indicateurs qui débordent largement le problème de la rechute (qualité de vie, fonctionnement individuel, familial et social)
- susceptibles daffiner les « indications » des réponses
- permettant dévaluer lefficacité de la réponse proposée, tant pour la personne que pour son entourage.
2 - Le jury recommande la création dun groupe permanent chargé de susciter la mise en oeuvre dun programme de recherche national (cf. supra).
Il sera également chargé de réunir les données nécessaires à une meilleure connaissance :
- des agressions sexuelles, de leurs auteurs et du contexte des passages à lacte
- des moyens dintervention de la police et de la gendarmerie, de la justice et du système de santé
- des opinions et des représentations sociales dans la population générale et chez les professionnels impliqués.
Ce groupe devra de réaliser des analyses secondes de ces données, de les comparer aux données produites chez nos partenaires européens (Union européenne, et Conseil de lEurope) et dans dautres pays et de tenir à jour ces différentes informations, de soutenir le développement de recherches multicentriques cohérentes dun point de vue méthodologique.
Des outils déjà existants pourraient être mobilisés, à moindre coût. Il en est ainsi du Fichier national des détenus (FND) géré par ladministration pénitentiaire qui pourrait servir de base de sondage (après autorisation de la CNIL), du système dexploitation statistique du casier judiciaire, lui aussi sous-utilisé dans ce domaine, des enquêtes de victimation qui se sont développées en France depuis quelques années (INSEE-IHESI).
Les données ainsi rassemblées pourraient être diffusées sur le net et apporter des renseignements aux personnes concernées.
Une telle structure devra bénéficier du soutien logistique dune entité administrative déjà existante (unité de lINSERM, par exemple), fonctionnera grâce à la participation de chercheurs des différentes disciplines concernées, de statisticiens, de praticiens du système de santé et de représentants des départements ministériels concernés (Santé, Justice, Intérieur, Défense) et délus. Il pourra prendre linitiative de mener - ou de faire réaliser - un certain nombre denquêtes exploratoires permettant daméliorer les sources déjà existantes ou de les développer.
Des pôles d'excellence régionaux ou départementaux regroupant formation, recherche, accréditation, semblent une formule intéressante
Les rapports dexperts et la littérature font apparaître quà peu près toutes les différentes modalités thérapeutiques existant dans le champ de la psychiatrie et de la santé mentale ont été proposées dans la prise en charge des auteurs dagression sexuelle. En France, certaines pratiques semblent actuellement plus répandues que dautres, en particulier celles dinspiration psychodynamique.
A lexception des traitements biologiques et des thérapies cognitivo-comportementales, les différentes modalités thérapeutiques proposées nont pas fait lobjet dévaluation ciblée de leurs résultats.
Lefficacité des approches thérapeutiques psychodynamiques devra également faire lobjet dune évaluation.
Six types dapproches ont été présentés : psychodynamique, cognitivo-comportementale, groupale, familiale, systémique et chimiothérapique.
1 - Les approches psychodynamiques ont une conception des troubles en terme de processus, plus que de structure ou détats et cherchent à sortir du champ nosographique à priori de la perversion. Elles ont pour point de départ les théories et la pratique de la psychanalyse, le cadre de la cure a été aménagé dans ces indications.
Elles cherchent à instituer un cadre thérapeutique et à offrir à la fois les mots et les modes par lesquels une souffrance psychique peut être entendue et représentée. Pour certains, le travail psychodynamique est un travail de réappropriation dune figure angoissante, dévastatrice et archaïque, figure productrice dorganisations défensives, dont le passage à lacte est le fait délinquant. Ce cadre thérapeutique prend en charge cette figure et ses effets, donne une forme à ces processus et offre une pluralité découte (groupale, entretien...). Ces modes ont comme fonction détayer et de développer, dexplorer et de clarifier les relations mentales liées à la fantasmatique en rapport avec la sexualité, daider le patient à gérer sa sexualité, à réinvestir la vie sociale et à repérer les situations vulnérabilisantes.
Les limites tiennent pour une large part à la capacité du thérapeute de contenir les affects désorganisateurs. Les autres limites habituellement évoquées sont : la capacité délaboration mentale, la durée incertaine, le coût de la formation, le traitement de la confidentialité, la supervision constante, les effets des contre-transferts négatifs, lépuisement des thérapeutes. Les indications ne sont pas spécifiques. Il est pour une large part admis que dautres prises en charge peuvent co-exister, sans autre précision de contre-indications.
Il sagit dassocier ou de rendre synergiques, des lectures et des approches plurielles des conduites. Le but est de permettre au patient de choisir, et par conséquent de sinvestir dans la forme thérapeutique qui lui convient le mieux et au thérapeute de rester en cohérence avec ses références de base, tout en maintenant un regard clinique global sur les manifestations et les expressions du patient, au delà de lacte dagression sexuelle.
Cest alors la capacité du thérapeute (dépendante de la qualité de ses supervisions), à se mouvoir dans le contexte contre-transférentiel et à analyser les positions psychiques du patient, qui lui permettront de définir les indications de thérapies de groupe, de couple, en face à face ou dassociation à une thérapeutique biologique et de prendre en compte les réticences du patient à sengager trop rapidement dans lune ou lautre des prises en charge thérapeutiques.
Dans tous les cas une réflexion critique simpose sur laccessibilité au suivi et à lenjeu quil constitue. On constate que dans les thérapies psychodynamiques, lobjectif nest pas de se focaliser principalement sur la prévention de la récidive mais de travailler sur le risque de récidive par la clarification dynamique des situations à risque.
2 - Les thérapies cognitivo comportementales actuellement préconisées constituent une approche de seconde génération des thérapies comportementales. Lintégration des avancées cognitives a complexifié le schéma initial vers une conception multi-factorielle axée sur la prévention de la récidive.
La démarche rationnelle adoptée suppose une conception schématique et linéaire de la mise en acte délinquentielle avec des étapes sur lesquelles vont se greffer des stratégies opératoire. Celles-ci sont progressives et visent 5 objectifs pour le patient :
Ces approches sont particulièrement adaptées à lévaluation de leurs résultats. Différents facteurs déterminants ont été étudiés concernant la rechute : liaison avec larrêt du traitement ou labsence de traitement, le score à léchelle psychopathie de Hare. On sétonnera de labsence de corrélation positive avec la motivation, ou la non reconnaissance des faits.- se sentir davantage concerné
- apprendre à refuser lévidence de certaines affirmations ou croyances concernant la victime
- prendre conscience de son excitation sexuelle
- renforcer la capacité à être sensible à autrui
- sinformer sur la sexualité abusive et renforcer ses compétences sociales plus ou moins générales.
De nombreux biais méthodologiques par ailleurs soulignés viennent considérablement nuancer les résultats de ces traitements. La rigueur apparente des conditions détude est mise en question. Pour y pallier, le recours à des méta-analyses est préconisé même si leur résultat a une portée limitée.
On notera en outre que les résultats attendus le sont sur la base de la totalité de programmes cumulés et non sur lun ou lautre. Peu détudes sont présentées sur la base dune considération globale de la santé psychique.
Des recherches sur les indications sorientent vers une distinction des populations selon lâge, les troubles de personnalité (globale), les troubles du comportement, limpulsivité, les relations familiales. Les résultats les moins bons concernent les auteurs de viols ayant un score psychopathique élevé à léchelle Hare, les meilleurs avec les patients motivés et peut-être les exhibitionnistes.
Les limites sont dordre éthique (renforcement des conduites, exhibitionnisme, simulation), clinique (comorbidité dépressive, états dinhibition), psychopathologique (personnalité sensitive, paranoïaque).
3 - Les psychothérapies de groupe
Elles peuvent être une approche thérapeutique intéressante dans le traitement des auteurs dagressions sexuelles.
Selon les experts, elles peuvent se dérouler en groupes ouverts, semi-ouverts ou fermés. Le groupe servira alors de tiers, de médiation à la relation et pourra, dans certains cas, aider à préparer un travail individuel.
Elles auront pour buts de favoriser la prise de conscience de lacte et déviter les passages à lacte.
Lorsquelles sont utilisées en milieu carcéral, la mobilité de la population pénale et une proclamation fréquente de linnocence ou le déni exprimé par lauteur posent inévitablement des difficultés.
Les psychothérapies de groupe ne peuvent se suffire à elles-mêmes comme thérapies.
Elles sont également limitées par labsence de suivi postérieur au travail de groupe et par labsence de retour pour les détenus ayant de longues peines et ayant été suivis successivement par plusieurs soignants. Dans ce cas de figure, il paraît difficile de juger des effets de la thérapie de groupe.
Ces données demandent à être confirmées par une évaluation.
4. Les psychothérapies familiales et systémiques
Dans de nombreuses situations, une perspective systémique dans le cadre dun travail familial ou de couple peut savérer pertinente.
Elles seront indiquées lorsquil sagira de mettre en place une phase de préparation à des entretiens individuels ou dans le cas dune famille dépressive repliée ou fusionnelle. Elles le seront également lorsque les auteurs dagressions sexuelles seront identifiés comme autoritaires ou tyranniques au sein du groupe.
Les objectifs seront alors daider lauteur dagression à mieux comprendre le sens de son agression et ses répercussions familiales, à lutter contre les dysfonctionnements familiaux centrés sur « lemprise » et le « secret ». Ils seront également de permettre la reconnaissance sociale des faits et de favoriser lalliance de la famille dans laccompagnement thérapeutique.
Le thérapeute familial devra être différent du thérapeute individuel. Des rencontres individuelles préparatoires seront nécessaires. Pourront être également envisagées des rencontres progressivement élargies à lensemble du groupe familial, si chacun des participants laccepte. Ces différentes rencontres pourront être successives ou conjointes. Leur préparation devra être minutieuse. La réactivation de la souffrance de la victime par sa participation à de telles rencontres peut entraîner une contre indication à sa présence et constituer une limite à cette modalité thérapeutique.
Les thérapeutes pourront se trouver confrontés également à des difficultés telles que lhostilité ou langoisse dun ou plusieurs membres de la famille, lambivalence de la victime ou encore une manifestation rapide et bruyante de lauteur, de repentir et de demande de pitié ou damour adressée à la famille. Ces manifestations deviennent alors culpabilisantes pour la famille et provoquent un désinvestissement rapide de la thérapie. Une autre difficulté consistera à éviter lérosion du travail entrepris.
Le thérapeute devra sabstenir de vouloir réunir à tout prix la famille et de parvenir a un contrôle social préservant de la récidive.
Enfin, les experts considèrent quil ny a pas de contre-indications spécifiques aux thérapies familiales car linvestissement des auteurs dans cette dynamique thérapeutique se réalise de façon variable et individualisée.
Cette approche est présentée comme favorisant aussi une compréhension plus riche des faits et des personnes impliquées.
5. Chimiothérapie hormonale et psychotrope des auteurs dagression sexuelle
5 .a Traitement antiandrogènes
Les traitements antiandrogènes ont été développés à partir du rôle de la testostérone dans lactivité sexuelle. Ce rôle est complexe : si une imprégnation adéquate par les stéroïdes sexuels est un pré requis à lobtention dune activité sexuelle optimale chez lhomme, il ny a pas de corrélation entre le taux de testostérone et dautre part le contenu des fantasmes. La testostérone a également un rôle supposé dans lagressivité.
Pour les experts, les antiandrogènes sont particulièrement indiqués chez les hommes pédophiles multirécidivistes (en particulier homosexuels) et chez les hommes pédophiles profondément immatures ou déficients intellectuels. La littérature rappelle quils ne changent pas lorientation sexuelle.
- lacetate de cyprotérone possède une double action d ;inhibition des effets de la testostérone au niveau périphérique et de réduction de sa production. Son efficacité dans les paraphilies est évoquée depuis 1967, soutenue par de nombreuses études non contrôlées (plusieurs centaines de cas) avec des reculs parfois assez longs (8 ans), et par quelques études contrôlées versus placebo (où le sujet est son propre témoin). Lobjectif est la réduction du comportement sexuel paraphile qui intervient généralement en un à deux mois, de façon très significative dans la plupart des études (environ 80%). Ceci est mesuré par auto évaluation. Parallèlement, le traitement diminue également lactivité sexuelle non paraphile et la spermatogenèse. Tous ces effets sont réversibles à larrêt du traitement. Ce traitement est contre indiqué chez les personnes souffrant de psychose ou dépilepsie et lorsque la puberté nest pas achevée. Ils comportent des effets secondaires généralement rares (gynécomastie, cytolyse hépatique) ou peu gênants, le principal effet à dépister et à prévenir est la déminéralisation osseuse. Ce traitement nexiste en France quen forme per os.
- Les analogues de la Gonadotrophin Releasing Hormone (GnRH) (triptoréline, leuproréline) induisent une inhibition réversible de la sécrétion gonadique de testostérone qui intervient au bout dune dizaine de jours, après une phase de stimulation initiale imposant une prescription conjointe dacetate de cyprotérone en début de traitement. Leur efficacité sur les comportements sexuels déviants paraît comparable à celle de lacetate de cyprotérone mais nest soutenue que par des études en ouvert sur des séries beaucoup plus réduites et avec moins de recul, une efficacité dans des cas résistant à lacetate de cyprotérone est rapportée. Les contre indications sont superposables à celles de lacetate de cyprotérone. Ces traitements sont généralement mieux tolérés, le principal inconvénient est le risque de déminéralisation. Une forme galénique par injection retard est disponible en France (3 à 6 mois).
- Difficultés et limites des antiandrogènes.
- Il faut avant tout préciser quen létat actuel des connaissances, lobjectif de ces traitements nest pas de corriger une anomalie biologique, ni même de traiter un symptôme spécifique, puisque leur effet est une réduction de lactivité sexuelle en général qui nest en rien un symptôme. Ces médicaments nont dailleurs aucune autorisation de mise sur le marché (AMM) en France dans les indications ici proposées, ce dont le patient doit être informé. Leur prescription est donc réservée à des sujets volontaires, pleinement consentants et clairement informés des risques et des objectifs, lorsquils pensent ne pas pouvoir maîtriser leurs pulsions ou quils souffrent dune fantasmatique pédophilique obsédante. Elle doit se doubler dune action psychologique passant par le médecin prescripteur, et peut créer une situation favorable à la mise en place des prises en charge psychothérapiques. La durée de prescription à recommander nest pas précisée, il sagit dun traitement suspensif faisant craindre des rechutes à larrêt du traitement. Un suivi régulier et spécialisé est indispensable. Des études méthodologiquement plus fiables sont nécessaires pour pouvoir continuer à développer ces traitements, mais leur mise en place se heurte à des problèmes techniques (absence de critères standardisés et reproductibles de mesure de lactivité sexuelle) et éthiques (difficulté à mettre en place des études randomisées en double aveugle chez ce type de patient).5. b Traitements psychotropes
- Des psychotropes appartenant à diverses classes thérapeutiques ont été utilisés dans le contrôle des troubles du comportement sexuel avec une efficacité discutée. Ils nont pas dindication en dehors des cas où ces troubles sont associés à une pathologie psychiatrique avérée (neuroleptiques chez les patients psychotiques présentant des troubles du comportement sexuel secondaires à une activité délirante, thymorégulateurs dans les troubles de lhumeur associés à des désordres sexuels.)
- les Inhibiteurs de la Recapture de la Sérotonine (IRS) semblent avoir une certaine efficacité dans les paraphilies telles quexhibitionnisme ou pédophilie. Ils nont pas dAMM dans cette indication. Elle est soutenue par des études en ouvert et une étude comparative sur 200 cas dans laquelle les IRS se montrent supérieurs à la TCC. Le mode daction est peu clair, le meilleur contrôle de limpulsivité est évoqué, dans ces études, une forte comorbidité avec les troubles obsessionnels compulsifs et la dépression est rapportée, ce qui pourrait constituer des indications préférentielles. Leur bonne tolérance est reconnue. On ne dispose pas à lheure actuelle détude contrôlée les comparant aux traitements hormonaux, mais leur prescription pourrait être une alternative intéressante, notamment chez les adolescents durant la puberté pour lesquels les antiandrogènes sont contre indiqués.
Il y a lieu de distinguer la notion juridique du consentement aux soins et ladhésion aux soins telles que le conçoivent clinicien et thérapeute.
Dans le consentement juridique à linjonction de soin, telle que définie dans le cadre de la loi de 1998 entre une part de contrainte en raison du caractère alternatif à une peine privative de liberté. Ceci peut donc être à lorigine dune dimension opportuniste du consentement initial.
La notion juridique de consentement éclairé aux soins implique un partage dinformation entre patient et thérapeute, hiérarchisée, synthétique et claire, compréhensible et sappuyant sur des données validées.
Ladhésion aux soins suppose la construction progressive dune volonté de changement du patient, soutenue par lengagement des deux parties dans une relation thérapeutique.
Le caractère opportuniste du consentement nest pas obligatoirement une contre-indication à lengagement dune relation thérapeutique.
Il existe des périodes fécondes favorables à lengagement de la relation thérapeutique. La dimension dobligation juridique peut, pour certains experts, être une condition favorable.
La contention propre à lincarcération peut créer des conditions psychiques et matérielles favorables à la mise en oeuvre dun processus thérapeutique.
Il y a lieu de distinguer au sein des différentes modalités thérapeutiques des approches globales (ex : visant lorganisation de la personnalité, la souffrance familiale) et les approches ciblées sur la problématique ayant entraîné la judiciarisation. Pour certains experts, il y a lieu de privilégier les approches ciblées pour réduire les troubles objectifs du comportement.
Il existe des catégories empiriques servant à lidentification des auteurs dagression sexuelle.
Larticulation entre les différentes catégories et les indications des différentes modalités thérapeutiques apparaît diversement travaillée.
Les thérapies biologiques semblent avoir développé plus que dautres la question des indications thérapeutiques en fonction de ces catégories. Sauf cas tout à fait particulier, une thérapeutique ne saurait être utilisée de façon exclusive. Il est nécessaire de donner au patient les moyens de choisir. Les données empiriques ne permettant pas de recommander une thérapeutique exclusive, les synergies conjointes ou séquentielles doivent être recherchées.
Toute pratique clinique et thérapeutique doit sétayer et se développer sur une analyse critique de ses résultats.
Il apparaît que trop peu des modalités thérapeutiques, proposées à lheure actuelle, font lobjet dune évaluation.
Pour les autres, les évaluations disponibles nont pas un caractère véritablement probant du fait du caractère insatisfaisant des méthodologies utilisées et du caractère non significatif des résultats positifs obtenus, sauf pour certaines études médicamenteuses.
Dans lensemble, les évaluations de ces différentes modalités thérapeutiques restent actuellement trop peu fréquentes et trop peu articulées les unes avec les autres.
Il ny a pas à lheure actuelle suffisamment de continuité entre, dune part les soins en milieu carcéral tout au long du parcours carcéral, et dautre part les soins en milieu carcéral et en post-carcéral.
Cette absence de continuité est considérée par les experts comme pénalisante pour lefficacité de la prise en charge.
Il existe différentes modalités de groupe sous-tendues par des références théoriques diverses et des fonctionnements différents.
On identifie ainsi des groupes à visée thérapeutique explicite selon des références psychanalytiques, systémiques, de soutien, de relaxation, etc., et des groupes à visée socio-éducative (éducation sexuelle, sociothérapie, groupe de parole).
Un certain nombre de modalités de groupe sont assorties dobjectifs explicites.
Au niveau du fonctionnement, on repère des groupes ouverts, semi-ouverts, fermés. Les groupes fermés semblent plus appropriés aux personnes ayant accepté leur implication personnelle dans les faits pour lesquels ils sont poursuivis.
Les règles de fonctionnement habituelles, en particulier la confidentialité, sont applicables à ce type de groupe. Lentrée dans le groupe se fait après des entretiens préliminaires.
Certains experts insistent sur lintérêt particulier chez les adolescents dune synergie entre la prise en charge thérapeutique, en particulier familiale, et la prise en charge socio-éducative. Ils insistent aussi sur lutilité de mesures concrètes telles que par exemple « dédommagements matériels significatifs » dans une logique de réparation en cas dagression sexuelle sur un membre dune même fratrie. Par ailleurs, il est rappelé que la chimiothérapie hormonale est contre indiquée avant la fin de la puberté.
Pour les déficients mentaux profonds, auteurs dagression sexuelle en institution, lexpert recommande une grande prudence dans la définition de lagression sexuelle. Pour lui, lapproche féconde est plus à concevoir en terme de régulation institutionnelle sur la qualité de lintimité et de l expression de la sexualité, quen terme dapproche thérapeutique individuelle.
Il rappelle cependant que les déficients mentaux, sont des sujets de droit. La prise en charge des déficients mentaux, auteurs dagression sexuelle, hors institution pose des problèmes thérapeutiques et éthiques complexes sur lesquels il est indispensable dapprofondir la réflexion et de développer des projets de recherche.
Les agressions sexuelles sont à replacer et à comprendre dans un contexte plus global, notamment en terme de comorbidités somatique et psychique, voire psychiatrique, ainsi que de contexte social général. Des traitements et prises en charge spécifiques de ces éléments contextuels sont donc nécessaires et peuvent contribuer à laccompagnement thérapeutique.
Recommandations
1 - Répertorier les différentes pratiques et expériences actuelles tant dans les Services Pénitentiaires dInsertion et de Probation (SPIP) que les lieux de soins carcéraux, hospitaliers et ambulatoires publics, privés et associatifs, dans un but didactique et dans une finalité de recherche plus large sur les thérapeutiques.
2 - Rassembler ces informations afin de les diffuser auprès des professionnels concernés tant au niveau national quinternational. Un des outils à valoriser devrait être Internet.
3 - Le caractère rigoureux de la méthodologie des recherches à mener en terme dévaluation des résultats des différentes thérapeutiques ainsi que lampleur nécessaire de ces recherches impose la mise en oeuvre de collaborations étroites entre professionnels et chercheurs. Les réseaux de recherche doivent être développés et pouvoir sappuyer sur une agence de moyens, méthodologique et logistique.
4 - En lattente de conclusions plus probantes de ces évaluations, la diversité des approches thérapeutiques doit être maintenue. Des modalités thérapeutiques diversifiées doivent pouvoir être disponibles dans des lieux suffisamment proches afin de mettre en oeuvre les possibilités de synergie entre les différentes thérapeutiques.
5 - Il y a lieu davoir dans chaque cas une évaluation régulière de la pertinence des approches thérapeutiques adoptées.
6 - Lorganisation du dispositif de soin doit veiller à garantir la continuité des thérapeutiques engagées. Lorganisation du système judiciaire et pénitentiaire doit tenir compte de ce principe.
` 7 - Les chimiothérapies devraient pouvoir sortir du stade expérimental et bénéficier du cadre légal de lAMM.
La progression du nombre de personnes appréhendées et incarcérées pour des délits et des crimes à caractère sexuel, lhorreur de certaines affaires, lintérêt croissant porté aux victimes, à leur souffrance, à celle de leurs familles, la volonté politique de prévenir les récidives dagressions sexuelles... bref lémoi collectif, ont amené les pouvoirs publics à légiférer pour rendre les soins obligatoires avant de les rendre possibles partout en France. Lévolution actuelle sappuie sur les recommandations de trois commissions (CARTIER, BALIER, LEMPERIERE) et sur les points forts de lorganisation des soins en milieu carcéral, sur les avancées de la réflexion clinique et éthique, sur les expériences pratiques de certaines équipes, sur les progrès de la pensée criminologique et de lesprit de concertation pluridisciplinaire.
En milieu ouvert, la prise en charge des auteurs dagression sexuelle déborde le champ dapplication de la loi du 17 juin 1998. En effet la grande majorité des auteurs dagression sexuelle suivis en milieu ouvert le sont dans le cadre de lobligation de soins qui assortit les autres mesures préexistantes à cette loi : sursis avec mise à lépreuve, libération conditionnelle, sursis avec obligation deffectuer un travail dintérêt général, ajournement avec mise à lépreuve, et contrôle judiciaire. De plus, bon nombre de condamnés pour ces infractions nont aucune obligation de soin après leur peine de prison, mais formulent des demandes spontanées de soin, notamment au titre de la continuité des soins postcarcérale.
Il devient important de rendre concrètement possible ce que la loi implique, en tenant compte de ce quelle prévoit des dispositions concernant le milieu ouvert. Jusquici ce sont surtout les praticiens exerçant en milieu carcéral qui ont développé des propositions. Il convient désormais de développer la réflexion au sein des praticiens du milieu ouvert, afin que sorganise une offre compétente de soins et que soit assurée une cohérence et leur continuité. Cela est dautant plus urgent que les agresseurs sexuels sont lobjet dune double stigmatisation (du fait quils ont affaire à la justice, et en raison du rejet que suscite cette modalité spécifique de violence). Cette stigmatisation a entraîné une réticence à les prendre en charge que les professionnels se doivent de dépasser en développant des dispositifs et des stratégies de prise en charge aussi compétentes que possible.
Les réflexions éthiques concernant larticulation justice-santé, le respect du secret professionnel, et le cadre thérapeutique, présentent un intérêt majeur. Elles ne doivent ni prendre la place des élaborations et recherches cliniques, ni amener à des interruptions prématurées de prise en charge. Elles inspirent une dynamique, orientent des choix, évitent des dérives, garantissent lefficacité des démarches de soins et le maintien de la relation thérapeutique.
Quelques principes éthiques et déontologiques sont ici à rappeler :
- La prise en charge thérapeutique des auteurs dagression sexuelle, si elle participe à une prévention de la récidive pénale, nest pas pour autant une clinique de lacte. Elle sadresse à la personne qui ne doit jamais être réduite ni à ses actes ni à ses symptômes.
- Secret médical, professionnel et étanchéité vis-à-vis de la justice constituent une condition indispensable au cadre thérapeutique, en milieu carcéral comme dans le dispositif du droit commun.
- Dans la prise en charge médicale, la personne est un patient et non un délinquant.
- Les règles médicales habituelles sont donc en vigueur : pas de traitement sans indication médicale et pas de traitement sans évaluation.
Lorsquaucune procédure judiciaire nest en cours : lune des principales difficultés éthiques pour le praticien sera de repérer les situations nécessitant un signalement. En effet, le médecin aura en conscience à concilier des principes pouvant être contradictoires ou à choisir entre eux : dune part, lobligation de respecter le secret professionnel, les impératifs de la confidentialité nécessaires au cadre thérapeutique et la non ingérence dans les affaires de famille ; dautre part, lobligation légale de porter assistance à personne en péril (article 223.6 du code pénal) et lurgence de signaler les mauvais traitements sur un mineur de 15 ans ou une personne vulnérable (article 226.14 du code pénal), lorsquelle est en danger.
Lorsquune procédure judiciaire est en cours :
- Les soins en détention reposent sur le principe du consentement : il ne saurait être proposé quune offre de soins, puis, le cas échéant, une incitation aux soins.
- En milieu ouvert, lorsque la personne est soumise à une injonction ou à une obligation, le médecin traitant na pas à rendre compte au juge des contenus et des modalités du soin. Seul, le médecin coordonnateur dans le suivi socio judiciaire ou lexpert désigné par le juge peuvent fournir une évaluation de leffectivité des soins et de lévolution de la personne.
Différentes situations juridiques coexistent. Certaines sont antérieures à la loi de 1998, dautres découlent du nouveau dispositif.
La personne sadresse à un médecin ou une équipe de soins en raison de sa souffrance psychique en relation avec une sexualité mal contrôlée.
Une personne peut également être déjà engagée dans un processus de soins en raison dune pathologie, et la révélation dagressions sexuelles commises par le patient en cours de traitement apparaît comme une occurrence à prendre en compte.
Dans ces 2 cas, le cadre légal est réduit aux exigences éthiques concernant le secret professionnel et ses limitations (articles 226-13, 223-6 et 226-14 du code pénal).
La remise dun certificat médical en période pré-sententielle établi à la demande du patient pour faire valoir ce que de droit, destinée à être produite par lui à laudience, est possible.
Afin de préserver le cadre thérapeutique de la continuité des soins, il est recommandé aux médecins traitants, quils interviennent en détention ou en milieu ouvert, de ne pas en faire une évaluation de la réalité de la démarche de soins. Cette tâche sera réservée aux experts qui peuvent être mandatés par la juridiction.
5.2.3.1 - A lentrée en détention, léquipe soignante doit présenter à la personne qui vient dêtre écrouée les modalités existantes de loffre de soins en détention.
La présomption dinnocence ne permet pas daller au delà de linvitation, elle ninterdit pas cependant une prise en charge, indépendante à ce stade de la reconnaissance ou de la négation des faits.
5.2.3.2 - Dans le cadre de la préparation à la sortie, lorsque la personne nest soumise à aucune mesure comportant injonction de soins ou obligation de soins relative à des agressions sexuelles, elle est néanmoins invitée par le psychiatre (loi de 94) à initier des soins, soit durant la période de détention restante, soit après la sortie.
Léquipe soignante intervenant en milieu pénitentiaire est chargée de prévoir la continuité des soins.
5.2.3.3. A lexpiration du suivi socio judiciaire, dont le dispositif sera décrit plus bas, le médecin coordonnateur (art 355. 33 du code de santé publique) informe lintéressé quil peut poursuivre les soins hors champ judiciaire.
Attachée à un aménagement de peine (ex : semi liberté, libération conditionnelle, ) ou à une mesure alternative à lincarcération (contrôle judiciaire et sursis avec mise à lépreuve), lobligation de soin, décidée judiciairement, ne sexécute quen milieu ouvert et simpose à la personne sous main de justice qui encourt une incarcération en cas de non respect de celle-ci. La personne placée sous main de justice doit justifier auprès du travailleur social du service dinsertion et de probation qui en fait rapport au Juge de lApplication des Peines (JAP), de leffectivité dun traitement médical. Du fait du secret médical, cette justification ne peut se faire que par la production par lintéressé dune attestation de suivi établie à sa demande. Le juge dapplication des peines ne peut obtenir dévaluation de lévolution de la personne que par une expertise.
Cette procédure qui ne repose pas sur un dispositif construit en partenariat avec le milieu médical a montré ses limites : elle fonctionne au mieux comme une incitation au soin mais peut aussi aboutir à un suivi médical formel et vide de sens pour le patient.
Il a introduit deux cadres nouveaux :
Elle est renouvelée tous les 6 mois par le JAP auprès des personnes condamnées pour une agression sexuelle à une peine qui sera assortie dune mesure de suivi socio-judiciaire.
En outre, lexpertise psychiatrique obligatoire, préalable à tout aménagement de peine et permission de sortie pour lensemble des auteurs dagression sexuelle - quils soient soumis ou non à un suivi socio-judiciaire par la suite - permet dévaluer lévolution de la personne. Cette exigence produit de façon indirecte une autre incitation au soin. Les résultats de cette expertise conditionnent en effet loctroi davantages tels que réduction de peine, aménagement de peine, permission de sortie, libération conditionnelle.
Cette incitation aux soins génère une augmentation des demandes de soin en détention de la part de cette catégorie de détenus. Les secteurs de psychiatrie intervenant en milieu pénitentiaire accompagnent cette incitation aux soins en développant une offre de soin. Ils nont pas à rendre compte au magistrat du suivi médical engagé mais peuvent remettre à lintéressé une attestation de suivi.
Lorsquune mesure de suivi socio-judiciaire est prononcée par la juridiction, linjonction de soin peut être décidée soit au moment de la condamnation par la juridiction, soit avant la libération par le JAP.
Lorsquelle sajoute à une peine demprisonnement, elle ne prend effet quà son issue.
Elle peut aussi être prononcée à titre de peine principale : cest alors une peine restrictive de liberté, alternative à une incarcération.
Le dispositif créé par la loi de 1998 place un médecin coordonnateur en interface entre le juge et le médecin traitant. La présence de ce médecin coordonnateur nexclut pas le travail socio-éducatif de la SPIP mais leurs relations restent à préciser.
Le non respect de linjonction de soin, ou des autres dispositions du suivi socio-judiciaire peut être sanctionné par la mise à exécution par le JAP de tout ou partie de la peine demprisonnement prévue dans la juridiction de jugement (cour dassise, cour dappel ou tribunal correctionnel).
Le médecin coordonnateur est un psychiatre ou un médecin, ayant suivi une formation appropriée et inscrit sur une liste auprès du procureur de la république.
Un médecin coordonnateur inscrit sur la liste est désigné par le JAP pour chaque par personne soumise à une injonction de soin dans le cadre dun suivi socio-judiciaire.
Un médecin coordonnateur ne peut suivre plus de 15 sujets simultanément.
La fonction du médecin coordonnateur a été élaborée pour maintenir lindépendance indispensable du soin et de la peine, dans larticulation des missions respectives, en préservant le secret médical du médecin traitant.
La mission du médecin coordonnateur sorganise autour de 4 axes:
- aider le condamné à choisir son médecin traitant ;
- conseiller le médecin traitant et lui transmettre les pièces et expertises nécessaires ;
- transmettre au juge de lapplication des peines les éléments nécessaires au contrôle du suivi de linjonction de soins ;
- informer le condamné arrivé au terme de ses obligations légales quil peut poursuivre les soins.
On comprendra que le médecin coordonnateur est chargé dune évaluation longitudinale de leffectivité des soins. Dans ce but, il examine régulièrement lauteur dagression sexuelle et informe le juge dapplication des peines de son évolution.
Outre les expertises déjà réalisées et les éléments du dossier pénal dont il dispose pour lexercice de sa mission, il naura dautres informations cliniques sur la personne que celles qui résultent de ses propres examens.
Il nest donc pas en situation de secret partagé avec le médecin traitant.
Recommandations
Les textes dapplication devraient préciser davantage les relations du médecin coordonnateur avec les travailleurs sociaux du service pénitentiaire dinsertion et de probation qui sont impliqués dans le suivi socio-judiciaire.
Le dispositif de soins psychiatriques en milieu pénitentiaire a pour mission de répondre aux besoins de santé mentale de lensemble des détenus, quelque soit la nature des infractions et délits présumés ou commis. Il est pleinement compétent concernant le suivi médico psychologique des condamnés auteurs dagressions sexuelles.
Laccueil des entrants en détention dans les premiers jours, voire les premières heures, est effectué par les divers intervenants en milieu carcéral et notamment les équipes soignantes.
La généralisation des quartiers darrivants permet une prise en charge globale de la personne et de lensemble de ses difficultés avec un travail pluridisciplinaire des divers partenaires.
Ces interventions précoces placent demblée le sujet dans une dynamique et contribuent à prévenir le risque détat dépressif réactionnel ou deffondrement narcissique, voire de suicide.
La relation thérapeutique avec les auteurs dagression sexuelle établie lors des premiers entretiens peut être charpentée par un questionnaire clinique. Les plus connus sont le « guide dévaluation des agresseurs sexuels » (Aubut, 1993) et le QIC PAAS (Balier, Ciavaldini, Khayat, 1997).
Sil est généralement admis que la légitimité et lefficacité du soin dépendent de la motivation du sujet, lévaluation préalable ne doit pas déboucher sur un choix binaire : indication ou contre indication de la prise en charge.
Linvitation aux soins pendant la détention provisoire et lincitation aux soins après la condamnation ne consistent pas seulement à indiquer la démarche pour obtenir une consultation.
Elle comprend aussi les entretiens éducatifs, pré-thérapeutiques ou déjà thérapeutiques dans une relation détayage.
Lexplication des méthodes et objectifs, en insistant sur lespace de confidentialité que permet le caractère absolu du secret professionnel, elle permet souvent de faire tomber les réticences et davancer pas à pas.
Le positionnement du sujet face à lacte commis peut évoluer et il sagit alors pour le praticien de décrypter les différentes expressions de dénégation partielle ou de minimisation pour accompagner le patient dans la voie dune meilleure reconnaissance de ses responsabilités et de lempathie pour la victime.
Lémergence dune demande de soins permet alors à la personne de sinscrire dans une démarche psychodynamique ou tout autre démarche thérapeutique.
Le développement de la guidance en France permettrait dassocier davantage le SPIP à la prévention de la récidive dans un travail à visée pédagogique : diffusion dinformations sur la sexualité, sensibilisation à la souffrance des victimes. Ce travail éducatif, préalable ou complémentaire aux soins, est une incitation active à limplication dans le processus thérapeutique.
En outre, lintention de soin exprimée par lauteur dagression sexuelle est à prendre en compte par le travailleur social dans lélaboration du projet dexécution de peine et lorientation dans un établissement pour peine.
Les groupes de parole à visée socio-éducative et pédagogique animés par les SPIP doivent être clairement distingués du champ thérapeutique et faire également lobjet dévaluation.
Le Service Médico Psychologique Régional (SMPR) ou le secteur psychiatrique intervenant en milieu pénitentiaire est chargé dans les missions qui lui sont assignées dorganiser la continuité des soins au moment de la préparation de la sortie, afin de passer le relais au secteur dont dépend le patient.
Léloignement géographique de la personne de sa région dorigine lorsquelle a fait lobjet dun transfert en établissement pour peine ne facilite pas ce relais.
Les praticiens intervenant en milieu pénitentiaire se heurtent aux difficultés et à la réticence des secteurs pour reprendre le suivi ambulatoire des personnes sortant de prison.
Pour les auteurs dagression sexuelle, ces difficultés sont dautant plus grandes quil existe peu de psychiatres expérimentés dans ce domaine et que la désinsertion dont ils souffrent ne leur permet pas de sadresser à leur secteur dorigine. Lapport du savoir théorique et de la compétence technique est une condition nécessaire mais non suffisante pour répondre à la question du contre transfert.
Lorsque lAuteur dagression sexuelle fait lobjet dun suivi socio judiciaire avec injonction de soins, la continuité des soins sera à articuler avec le médecin coordonnateur qui désigne le médecin traitant. Cette mesure ne connaît toutefois encore quune application balbutiante.
Il importe que lensemble des secteurs de psychiatrie puissent être concernés par la prise en charge ambulatoire de ces patients qui doivent être accueillis comme les autres.
La création de centres de ressources et de réseaux de soins incluant les praticiens libéraux, les actions de formation qui peuvent sy développer apparaissent aujourdhui indispensables afin dassurer cette continuité des soins en milieu ouvert.
Dores et déjà, un certain nombre SMPR ont créé des consultations ambulatoires en milieu ouvert permettant dassurer la continuité des soins après la prison. Dans ces expériences, les soignants du SMPR en mesure de simpliquer dans la continuité des soins après la prison, sassocient aux soignants appartenant en propre au CMP. Ils pourraient ainsi, par un renforcement de leurs moyens, devenir un pôle de promotion de recherche et de référence et un lieu de rencontre des professionnels intéressés, facilitant le relais avec les équipes de secteur.
La pertinence de structures spécifiques accueillant exclusivement les auteurs dagressions sexuelles nest pas établie du fait quelles renforceraient la stigmatisation dont ils font déjà lobjet et favoriseraient le désengagement des secteurs.
5.5.1. Le jury recommande, plutôt que de créer une filière spécifique de traitement des agresseurs sexuels, dorganiser la prise en charge de ces patients au sein du dispositif sectoriel de prise en charge psychiatrique, en articulant laction thérapeutique au moyen dun réseau incluant notamment les praticiens libéraux, avec un partenariat socio-éducatif.
5.5.2. Les différents intervenants dans le processus de soin doivent accéder à une formation initiale et continue permettant le développement et la mise en commun de leurs compétences. Cette formation ne devrait pas être uniquement théorique et universitaire. Elle est nécessairement pluridisciplinaire : approches cliniques, épidémiologie, droit, sociologie, expériences de terrain, etc.
5.5.3 Il est recommandé que les professionnels de la psychiatrie et de la justice puissent se rapprocher pour améliorer laccès et la continuité des soins. Ce rapprochement pourrait prendre la forme de réseaux santé-justice intersectoriels et organisés pas bassins de vie, articulant le nécessaire partenariat entre les soignants, les intervenants socio-éducatifs et les acteurs judiciaires dans le but délaborer, de mettre en oeuvre lévolution du dispositif. Il sagit de rencontres institutionnelles qui naborderont jamais des cas cliniques individuels.
5.5.4 Les risques affectifs et personnels inhérents aux prises en charge psychothérapeutiques (contre transfert, transfert négatif, etc. ) conduisent à recommander quelles se déroulent dans le cadre dun travail déquipe. En outre, elles devraient faire lobjet de mise en commun des vécus et des expériences au travers dune pratique de contrôle individuel ou de groupe. Il est recommandé aux thérapeutes de ne pas rester isolés.
5.5.5 Tout programme de traitement doit comporter une méthodologie formalisée permettant dévaluer à la fois les progrès individuels et lefficacité du programme dans son ensemble.
5.5.6 En admettant lhypothèse que dans ce type de pathologie la relation à lautre est à restaurer, chez les adolescents comme chez les adultes, il y a lieu de mettre en oeuvre des protocoles de recherche permettant dévaluer de façon comparative lefficacité des thérapies individuelles et des thérapies de groupe pour restaurer ce lien.
5.5.7 En admettant que certaines techniques de psychothérapie restaurent efficacement le lien interpersonnel, il y a lieu de mettre en oeuvre des protocoles de recherche permettant détablir si lamélioration de la relation interpersonnelle est un critère pertinent en matière de prévention de la récidive.
5.5.8 Le respect de la loi Huriet, sur la protection des personnes qui se prêtent à la recherche bio médicale nous paraît compatible avec la réalisation en milieu carcéral de protocoles de recherche de bonne qualité méthodologique et éthique, sous réserve de confirmation par le CCNE.
5.5.9. Lorganisation déchanges internationaux sur les nombreux aspects méthodologiques et éthiques intervenant dans le traitement des agresseurs sexuels, qui réunirait des chercheurs, des cliniciens, des juristes et des éthiciens, est un objectif de nature à faire avancer la connaissance et la qualité des soins.
Loffre de soins individuels diversifiée appelée encore à se développer devra être complétée par un centre de ressources à léchelon départemental ou interdépartemental.
Dernière mise à jour : jeudi 8 mai 2003 10:21:02 Dr Jean-Michel Thurin |