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2 - Comment SOIGNER les troubles les troubles dépressifs chez l'enfant ?
3 - Peut-on PRÉVENIR les troubles dépressifs chez l'enfant ?
4 - Quel est le DEVENIR à court et long terme de l'enfant présentant des troubles dépressifs ?
Le trouble dépressif chez l'enfant prépubère a longtemps été ignoré et la réalité clinique de cette pathologie n'a été reconnue que dans les années 1970.
En effet, jusqu'à cette date, plusieurs auteurs soutenaient que la dépression-maladie n'existait pas chez l'enfant du fait de la maturation incomplète des instances psychiques. En revanche, le concept de "position dépressive" comme stade fondamental et normal du développement de l'enfant a fait l'objet d'une riche élaboration théorique, dans la première moitié du 20ème Siècle (M. KLEIN). Par ailleurs, les effets de la séparation chez le nouveau-né (SPITZ, 1946) et l'enfant (A. FREUD et D. BURLINGHAM, 1942) ont été étudiés, et l'existence d'une souffrance clinique a été reconnue.
A partir de 1970, plusieurs travaux ont relevé l'existence de "symptômes dépressifs" chez les sujets prépubères nettement différenciés par rapport au repli autistique et à la sémiologie de la psychose infantile. Ces observations ont conduit à l'hypothèse que si les enfants pouvaient présenter des symptômes analogues à ceux des adultes déprimés, il pouvait paraître important de poser le diagnostic de dépression pathologique dans cette tranche d'âge. Dès lors, et dans un souci de plus grande rigueur, les différents sens donnés au terme de "dépression" chez l'enfant ont pu être clarifiés, même si les critères diagnostiques et les méthodes d'évaluation ont été discutés, voire contestés.
Les experts ont largement exposé les points de convergence, mais aussi de divergence entre les différentes orientations et le jury a tenté de dégager les positions consensuelles.
1 - Quels sont les signes cliniques des troubles dépressifs chez l'enfant ?
Un consensus s'est établi autour de l'existence de la dépression chez l'enfant.
L'épisode dépressif de l'enfant présente une expression clinique particulière : face à un enfant en retrait, au visage souvent sérieux, peu mobile, ou à l'air absent, il faut savoir rechercher l'humeur dépressive. De même en présence d'un enfant décrit comme irritable, agité, opposant et insatisfait, il faut penser aussi à mettre la tristesse en évidence. Humeur dépressive et tristesse, qui sont les caractéristiques de l'épisode dépressif, ne peuvent être perçus qu'à partir d'une écoute attentive et avertie.
L'expression sémiologique peut s'analyser à partir du discours et du comportement de l'enfant, et des propos des parents.
A partir du discours de l'enfant :
Les mots de l'enfant directement exprimés ou rapportés par ses parents sont explicites :
Cette mise en équivalence des mots de l'enfant et de la sémiologie du clinicien ne doit pas se résumer à un décodage systématique.
Ainsi, la difficulté à se concentrer et à penser entraîne soit un évitement, un refus du travail scolaire, soit une obstination stérile de longues heures tous les soirs sur les livres et cahiers se soldant par une incapacité d'apprendre et de mémoriser. Dans les deux cas, on aboutit à un échec scolaire. A l'inverse, le surinvestissement et la réussite scolaire n'exclut pas la dépression.
A partir du comportement de l'enfant :
Si les troubles du comportement les plus bruyants sont les plus facilement repérables, ils ne sont pas les seuls à prendre en compte. L'irritabilité de l'enfant, une excitation débordante allant jusqu'à l'épuisement au détriment du jeu sont parfois au premier plan. On note alors le peu d'intérêt pour le contact avec autrui. Ces symptômes alternent avec des moments de repli et d'inertie motrice. Avec l'âge, la sémiologie marquée par l'instabilité, l'irritabilité, la colère peut devenir prépondérante par rapport à l'inertie et au retrait.
Des troubles de l'appétit peuvent également s'observer : plutôt un comportement anorectique dans la petite enfance et un comportement de boulimie ou de grignotage chez le grand enfant ou le pré-adolescent. Le sommeil est difficile à trouver avec souvent des oppositions au coucher, des refus d'endormissement, des cauchemars.
A partir du discours des parents et de l'entourage :
Cette connotation négative va dans le sens de la dévalorisation et de la dépréciation de l'enfant et réalise un véritable cercle vicieux dépressogène, auquel participe l'environnement, aussi bien familial que scolaire.
Ce propos témoigne de l'impuissance ressentie par les parents.
Le tableau sémiologique est rassemblé par le clinicien et n'est pas forcément complet ni permanent. Dans l'entretien avec l'enfant seul, le praticien accordera une valeur importante au maintien des énoncés : "je ne sais pas, je ne peux pas, je n'y arrive pas", de même qu'à leur répétition dans le commentaire négatif du dessin : "c'est raté, c'est pas beau", ou encore à une sensibilité exacerbée aux jouets cassés. Ces constatations avec l'enfant seul renforcent les données de l'entretien avec les parents et confirment la probabilité diagnostique.
Un changement progressif, voire une rupture avec l'état antérieur de l'enfant constitue un élément d'orientation diagnostique. La durée de l'épisode doit être prise en compte. Elle est variable avec l'âge.
Cet ensemble sémiologique regroupe les signes caractéristiques de la dépression de l'enfant.
Pour évoquer l'épisode dépressif de l'enfant, il importe que soit retrouvée, à travers des modes d'expression divers, une souffrance reliée à la perte et au sentiment d'impuissance. Cette exigence rend caduque la notion de dépression masquée.
De plus il est important de préciser que :
2 - Quelles sont les particularités du tableau clinique des troubles dépressifs chez le nourrisson ?
Chez le nourrisson a été décrit, dès 1946, un état qui "chez l'adulte évoquerait une dépression" (SPITZ). Cet état d'apathie massive avec refus de contact et indifférence à l'entourage survenant dans des conditions particulières est encore d'actualité. Si le tableau clinique est rarement aussi complet que celui qui a pu être repéré dans certaines situations catastrophiques récentes (guerres, génocides...), il n'est pas rare de le retrouver avec des variations en fonction de l'âge, de la sévérité et de l'ancienneté des troubles.
Ce tableau de la dépression du nourrisson s'organise autour des symptomes suivants :
Cette dépression du nourrisson est attribuée le plus souvent à la rupture des liens d'attachement, spécialement avec la mère à la suite d'expériences de séparation ou de perte. La pauvreté de l'interaction, l'absence ou le peu d'harmonisation affective lorsqu'ils se prolongent, sont tout-à-fait préjudiciables pour l'évolution du bébé. Cette situation peut se voir lorsque la mère, pour des raisons diverses, est rendue indisponible pour son bébé.
Dans d'autres cas, des conditions somatiques semblent être au moins partiellement en cause, notamment la douleur physique (souvent méconnue chez le bébé), certaines infections, des troubles nutritionnels, des complications périnatales.
Ces circonstances d'apparition parfois inapparentes ou insuffisamment repérées, doivent être recherchées dans un but de prévention.
Ces manifestations à la fois comportementales et somatiques traduisent la détresse du bébé face à ces ruptures. Il exprime par là, dans la relation avec son entourage et en particulier la mère, à la fois sa souffrance et un essai d'adaptation à une situation traumatique qui a désorganisé les interactions précoces.
3 - Comment le pédiatre repère-t-il les troubles dépressifs chez l'enfant et le nourrisson ?
Le jury considère que l'intitulé de la question est trop restrictif et pense que l'ensemble de ce qui est dit ici concerne aussi les médecins généralistes comme les autres spécialistes intervenant auprès de l'enfant. Les médecins et les pédiatres occupent une place privilégiée dans le dépistage des premiers symptômes dépressifs en raison de leur bonne connaissance de l'histoire de l'enfant et de l'environnement familial. Cependant leur souci d'éliminer une cause organique devant toute plainte de l'enfant et leur implication essentiellement dans les affections somatiques depuis la naissance, les conduisent parfois à sous-estimer voire même à nier la dépression du nourrisson ou de l'enfant.
Le pédiatre repère la dépression en filigrane du discours parental et dans l'observation de l'enfant.
Il doit apprendre à observer et à n'intervenir qu'à bon escient. C'est souvent à l'occasion d'une banale consultation que l'on constate que l'enfant ne joue pas, qu'il gazouille peu, qu'il ne fait pas de sourires, qu'il ne veut pas parler, ou au contraire qu'il fait le pitre.
Le pédiatre commence alors une investigation à la recherche d'une étiologie simple et peut établir parfois une relation de cause à effet ; ailleurs, la situation lui paraît peu compréhensible.
Le rôle du pédiatre commence à la maternité :
Il lui revient :
Auprès du nourrisson :
Le pédiatre est alerté par des pleurs incessants du bébé motivant des consultations répétitives. Il est réellement inquiet devant un bébé renfermé, "inattractif". Il s'intéresse aux échanges et aux modalités des communications (rythme et chronologie) et aux difficultés relationnelles. C'est sur un faisceau d'arguments associant signes développementaux, comportementaux et somatiques que le pédiatre évoquera un syndrome dépressif.
Chez l'enfant plus grand :
Le problème du pédiatre est de diagnostiquer derrière des manifestations somatiques d'allure banale (douleurs abdominales plus ou moins chroniques et isolées, céphalées) un trouble dépressif et de savoir à quel moment faire appel au pédopsychiatre, en tenant compte de la souffrance partagée, du vécu familial et de la capacité des parents à aider leur enfant.
Lors de l'hospitalisation et au cours des maladies chroniques, le rôle d'accompagnement de l'enfant déprimé et de sa famille revient le plus souvent au pédiatre.
Il doit pouvoir repérer avec des critères simples des situations dépressogènes ou des comportements dépressifs. Il a une place privilégiée pour une action préventive.
Dans un certain nombre de cas, le pédiatre peut assumer seul la prise en charge de l'enfant. Il devra, tout en évitant de tomber dans le piège d'une psychothérapie "sauvage", accompagner cet enfant qui souffre. Souvent, il est amené à envisager une collaboration avec le psychiatre, mais sa réalisation requiert un authentique "savoir faire", en fonction des réactions des parents.
Au total, il est essentiel de sensibiliser tous les médecins qui s'occupent des nourrissons et des enfants de l'existence d'états dépressifs à cet âge de la vie, dont on connaît bien maintenant la relative fréquence et les conséquences.
4 - Quels sont les outils d'évaluation ?
L'évaluation quantitative chez l'enfant s'est considérablement développée au cours de ces dernières années à l'étranger. En France, l'emploi de tels instruments est resté longtemps limité. La première crainte a été de voir l'évaluation quantitative se substituer à l'entretien clinique habituel. Le deuxième problème provient du fait que la majorité de ces instruments ont été développés aux Etats-Unis ou en Angleterre et que leur utilisation en français nécessite une validation de la traduction.
Si l'évaluation standardisée de l'enfant présente un certain intérêt, elle doit être adaptée au niveau du développement de l'enfant et se soucier de la concordance entre les différentes sources d'information. Dans l'appréciation des troubles dépressifs de l'enfant est apparue une discordance entre les échelles remplies par les parents et les échelles remplies par les enfants ; les enfants sont les meilleurs informateurs sur leur propre état mental.
L'intérêt principal des échelles réside dans la recherche épidémiologique en population générale. Sur le plan de la recherche clinique, si elles peuvent présenter un intérêt, elles ne suffisent pas à établir un diagnostic et ne sauraient se substituer à l'appréciation clinique.
Il existe un grand nombre d'entretiens standardisés, structurés ou semi-structurés et d'échelles d'évaluation, mais le champ de la dépression est le moins bien exploré par ces modes d'approche. Parmi ceux qui ont été traduits en français, peu ont eu une validation clinique. Les plus connus sont :
La C.D.R.S.-R., qui est la plus utilisée, poserait le problème de la non discrimination entre douleur et dépression, surtout chez le jeune enfant.
L'évaluation quantitative et standardisée des troubles dépressifs de l'enfant paraît importante. En épidémiologie, certains des instruments traduits et validés gardent leur intérêt. Actuellement, en évaluation clinique, aucune des échelles ou entretiens ne paraissent totalement satisfaisants au regard de la sémiologie et nous invitent à des recherches complémentaires.
5 - Existe-t-il un accord sur les classifications de ces troubles ?
Si la dépression clinique chez l'enfant est unanimement reconnue, trois systèmes différents de classifications sont proposés.
Il ne comporte pas d'entrée spécifique aux troubles dépressifs de l'enfant, il est surtout utilisé par les auteurs anglo-saxons. Les symptômes dépressifs sont classés dans deux chapitres : les "troubles de l'humeur" et "les troubles de l'adaptation". Les critères de l'"épisode dépressif majeur" ne sont pas modifiés en fonction de l'âge, comme ceux de la "dysthymie". Les "troubles de l'adaptation" ne font aucune mention spécifique pour l'enfant ou l'adolescent.
De même que la classification américaine, elle s'applique à toutes les classes d'âge. Le chapitre des troubles de l'adaptation montre l'existence de "phénomènes régressifs" chez l'enfant et cite "l'hospitalisme". Dans la partie consacrée aux "troubles apparaissant durant l'enfance ou l'adolescence", est proposé l'item "troubles des conduites avec dépression".
Les DSM III et IV ainsi que la CIM 10 ont opté en faveur d'une description commune des troubles dépressifs de l'enfant, de l'adolescent et de l'adulte. Les symptômes sont évalués, non seulement à partir de l'observation directe ou du discours de l'enfant, mais aussi des dires de l'entourage.
Aucune des classifications contemporaines n'envisage de façon spécifique la dépression chez le nourrisson ou le très jeune enfant.
Dans tous les cas, nous remarquons que les classifications actuelles présentent la dépression de l'enfant avec des différences notables.
A la question posée "Y-a-t-il un accord entre les classifications ?" : la réponse est négative, malgré les rapprochements possibles. En ce sens, la troisième édition de la CFTMEA comprend un tableau d'équivalence avec la CIM 10.
Il s'avère essentiel que des recherches soient engagées, afin d'établir des concordances entre les trois classifications utilisées dans les études cliniques et épidémiologiques.
La plupart des travaux épidémiologiques ont été publiés en langue anglaise. Il s'agit surtout de travaux sur l'épisode dépressif majeur (au sens du DSM III-R), les autres troubles dépressifs de l'enfant ayant été moins étudiés.
La fréquence dans la population infantile de la dépression est faible, inférieure à 3 % mais celle-ci augmente si on s'adresse à une population consultante en pédopsychiatrie.
Un certain nombre de facteurs rendent les études épidémiologiques difficiles. Il existe de nombreux biais :
Prévalence de la dépression de l'enfant dans la population générale :
Dans la population générale de 6 à 12 ans, elle est inférieure à 3 %, elle varie selon les études entre 0 et 2,5 %.
La prévalence de la dépression serait un peu plus élevée chez les garçons que chez les filles jusqu'à la puberté.
Une enquête québecoise montre de manière intéressante que la fréquence est de 4,1 % pour les garçons et de 2,5 % à 2,9 % chez les filles, si l'informateur est l'enfant. La fréquence globale varie entre 0,8 % et 1,2 % si les informateurs sont les parents, qui dans les études épidémiologiques sous-estiment toujours la dépression de leur enfant.
Fréquence dans la population consultant en pédopsychiatrie :
La dépression est un diagnostic fréquent chez les enfants de cette population. Elle affecterait environ 20 % des enfants qui consultent.
La co-morbidité :
Il y a eu de nombreuses études sur la comorbidité :
La dépression est le plus souvent associée à d'autres entités morbides chez l'enfant.
L'évolution :
Les travaux portant sur l'évolution des troubles dépressifs de l'enfant doivent être considérés avec prudence. Néanmoins, les enfants ayant eu un épisode dépressif majeur présentent ultérieurement, davantage d'épisodes dépressifs. Après la puberté, la dépression est plus fréquente chez les filles que chez les garçons.
Le suicide :
La lecture de la bibliographie nous a paru extrêmement difficile à analyser, en particulier sur les liens entre dépression et conduites suicidaires. Il existe peu d'études différenciant population adolescente et population prépubère. On sait seulement que le suicide est extrêmement rare chez l'enfant de 6 à 12 ans (à titre indicatif, on recensait moins d'une vingtaine de suicides pour toute la France pour les 10-15 ans en 1992 sachant que ce taux augmente notablement apres l'âge de 13 ans). De plus, il ne semble pas possible de relier, avec certitude, les quelques cas de suicide à la pathologie dépressive.
Les idéations suicidaires sont beaucoup plus fréquentes que les tentatives de suicide. Une sous-estimation des idées et conduites suicidaires est possible. Elles doivent être systématiquement recherchées sans appréhension pour poser la question, qui a à la fois une valeur diagnostique, thérapeutique et préventive.
Ainsi, il semblerait important que des études épidémiologiques soient entreprises sur les conduites suicidaires de l'enfant, et leur lien éventuel avec l'épisode dépressif, tel qu'il a été décrit dans la question clinique.
La tristesse n'est pas l'épisode dépressif mais représente une réaction émotionnelle dont tout enfant fait un jour ou l'autre l'expérience.
L'épisode dépressif chez l'enfant survient sur une personnalité en voie de constitution, dans une interrelation étroite avec son environnement. Sa place doit être appréciée au regard de cette dynamique évolutive décisive et le terme d'organisation n'implique pas l'idée d'une structure figée.
a) Certaines dépressions surviennent chez des enfants qui ne présentent pas de perturbations notables de la personnalité. Deux éventualités s'observent :
b) Les épisodes dépressifs sont très fréquents chez les enfants présentant une pathologie limite. Les traits caractéristiques de cette pathologie associent un retard de développement affectif, une vulnérabilité à toute séparation ou perte, des angoisses d'abandon, une incapacité à recevoir une aide et des conduites de dépendance massives.
C'est dans ce type de pathologie que l'épisode dépressif a le plus grand potentiel évolutif. Chez ces enfants, aux capacités d'adaptation très précaires et qui ne parviennent pas à élaborer mentalement leurs conflits, l'épisode dépressif peut conduire à des passages à l'acte ou à l'enlisement dans une sidération ou un vide mental. A l'inverse il peut aussi être l'occasion d'un remaniement de toute la problématique d'abandon et de détresse narcissique de ces enfants. Son évolution est en grande partie conditionnée par la précocité des mesures d'aides multi-dimensionnelles et leur valeur de restauration.
c) L'épisode dépressif peut apparaître chez un enfant présentant une organisation névrotique de la personnalité. Dans ce cas, en raison de ses conflits internes, il ne parvient plus à trouver de réponse adaptée en lui-même et dans son entourage. Il est confronté à une menace de perte d'amour et d'estime de soi. Cette souffrance se traduit alors par une inhibition, avec un désinvestissement général des activités, ou par des ruminations douloureuses avec malaise corporel et recherche inconsciente de punition.
d) Les épisodes dépressifs dans le cadre des psychoses sont rares. L'humeur dépressive peut alterner rapidement avec des phases d'excitation qui dissimulent mal la souffrance sous-jacente (psychose dysthymique) mais on ne peut décrire chez l'enfant un tableau de psychose maniacodépressive. Le risque évolutif majeur est l'apparition de troubles sévères de la personnalité à l'âge adulte.
En conclusion, l'épisode dépressif occupe une place centrale dans la dynamique du développement de l'enfant. La personnalité sous-jacente de celui-ci lui donne un potentiel évolutif variable. Plus que l'intensité de l'épisode dépressif, c'est la possibilité qu'aura l'enfant de l'élaborer et de le surmonter qui jouera un rôle déterminant sur son devenir. Cette capacité est elle-même étroitement dépendante des aides qui lui seront fournies. Le risque de ne pas être soutenu est particulièrement important pour les enfants qui manifestent leur souffrance par le silence.
Il importe que l'enfant déprimé soit précocement reconnu comme tel, mais il ne saurait pour autant tirer profit d'un activisme thérapeutique inconsidéré.
En pratique, le rôle des médecins généralistes et des pédiatres est important aussi bien au plan diagnostique que thérapeutique.
On soulignera que la période d'évaluation est déjà un temps thérapeutique pour les enfants traversant un moment dépressif venant ponctuer leur développement, ou survenant en réaction à un événement, ou à des difficultés repérables. La mise en évidence de la souffrance d'un enfant, sa prise en compte par la famille, la mobilisation qui en découle entrainent alors chez lui un soulagement le rendant plus réceptif à l'aide fournie par l'entourage.
A l'inverse, tout affect dépressif durable, résistant à cette première approche, justifie le recours à un avis spécialisé, afin que soient affinées l'appréciation de la structure de la personnalité de l'enfant et l'implication souvent inconsciente de ses parents.
Le médecin reste l'interlocuteur privilégié de l'enfant et de sa famille pour rediscuter avec eux de cette évaluation et des indications de traitement proposées par le spécialiste consulté.
Certains parents suffisamment sensibilisés à la souffrance de leur enfant, inquiets de la persistance de ses difficultés parviennent à vaincre leur éventuelle prévention à l'égard d'une prise en charge psychiatrique.
Pour ceux difficiles à convaincre de l'importance d'un avis spécialisé, il convient que le médecin prenne le temps suffisant pour mieux comprendre les réticences exprimées qui les empêcheraient de suivre ses recommandations. Ces parents doivent être d'autant plus confortés dans leur rôle qu'ils ressentent les troubles de leur enfant comme un désaveu de leur capacité parentale et toute forme d'aide extérieure comme une ingérence.
Un contact préalable avec le praticien conseillé facilite parfois leur démarche.
L'objectif de l'approche psychothérapique n'est jamais d'obtenir une simple résolution symptomatique mais de créer les conditions propices à l'élaboration psychique des difficultés traversées par le patient. La valeur du travail analytique se juge sur le long terme et un de ses buts essentiels est non seulement d'éviter l'installation durable d'un fonctionnement dépressif, mais aussi de prévenir les risques de rechute à l'adolescence et à l'âge adulte.
Le cadre psychanalytique lui même constitue un lieu d'expression privilégié de la souffrance dépressive de l'enfant. La prise en compte de ses affects douloureux, la solidité et la fiabilité de l'expérience relationnelle inédite qui lui est proposée suscitent souvent une adhésion qui surprend son entourage. La sollicitation de l'expression fantasmatique et de la créativité ludique de l'enfant a comme corollaire le maintien d'une vigilance suffisante du thérapeute s'efforçant de percevoir et comprendre ce qui surgit dans cet espace relationnel spécifique.
L'alliance thérapeutique est obtenue quand l'analyste parvient à sensibiliser les parents aux enjeux du processus dépressif ; c'est une condition essentielle pour qu'ils puissent soutenir durablement le travail entrepris. La qualité de cette alliance se révélera très précieuse au cours de certaines phases critiques qui ne manquent pas de survenir dans le déroulement de la psychothérapie de tout enfant déprimé. Il s'agit surtout d'éviter pour l'enfant une interruption intempestive ou prématurée du traitement.
Les indications de psychothérapie analytique concernent préférentiellement les dépressions survenant dans un contexte névrotique. Les cures se déroulent à raison d'une ou deux séances par semaine pendant une durée rarement inférieure à deux ans.
La plupart des dépressions réactionnelles sont accessibles à un abord psychothérapique de courte durée prenant la forme de consultations thérapeutiques.
Les indications sont plus délicates à poser pour les enfants déprimés souffrant de troubles plus graves de la personnalité.
La formation et l'expérience du psychothérapeute sont là déterminantes dans la mesure où tout échec de la prise en charge risque d'amener l'enfant à développer des aménagements défensifs contraignants compromettant son engagement ultérieur avec un autre praticien.
Les conditions d'un travail psychothérapique ne sont pas toujours réunies, en particulier quand l'enfant est accablé par une souffrance dépressive trop massive, l'exposant à des passages à l'acte dangereux ou lorsqu'il est victime de mauvais traitements de la part de son entourage proche. Le recours à un dispositif institutionnel (service hospitalier ou internat thérapeutique) se justifie lorsque l'entourage n'est pas en mesure de faire face aux difficultés de l'enfant ou quand il s'agit de le soustraire à sa propre agressivité ou à celle qu'il suscite chez autrui. Cette mesure de protection permet de se donner le temps d'évaluer de manière plus complète les moyens à mettre en oeuvre pour aider cet enfant et sa famille à s'engager dans d'autres modalités relationnelles. Les multiples occasions d'échanges et de médiations soutenues par l'équipe soignante rendent parfois possible, dans un second temps, une approche individuelle. Une réponse institutionnelle à temps partiel (Hôpital de jour, CATTP) est également justifiée pour certains enfants déprimés, présentant des troubles de la personnalité et qui ne peuvent pas d'emblée bénéficier d'une psychothérapie analytique.
Le psychodrame et les psychothérapies de groupe, qui trouvent aussi leurs indications dans les dépressions de l'enfant, supposent l'intervention de thérapeutes qualifiés et de moyens en personnel suffisants.
L'évaluation des psychothérapies d'inspiration analytique pose des problèmes méthodologiques délicats à résoudre. Il existe certes de nombreuses monographies mais qui ne sauraient répondre aux standards de la recherche actuelle. De multiples paramètres sont à prendre en considération pour juger de l'efficacité des actions thérapeutiques entreprises. Cependant, il convient de mentionner les résultats de certaines études récentes menées Outre-Manche ou Outre-Atlantique par des équipes ayant utilisé une méthodologie rigoureuse, sans simplification excessive de leur objet. Celle réalisée au Centre Anna Freud à Londres, publiée en 1994, fait état d'améliorations solides chez 74,3 % des enfants déprimés ayant bénéficié d'une psychanalyse d'une durée moyenne de 2 ans. Les résultats sont d'autant plus satisfaisants que l'enfant est jeune, les séances rapprochées et la guidance parentale étroite. Au total, même si la plupart des enfants déprimés peuvent tirer profit d'une psychothérapie d'inspiration analytique, en pratique elle est indiquée de façon privilégiée dans les formes de dépression névrotique.
Chacun s'accorde à reconnaître l'importance des interventions sur l'environnement affectif de l'enfant (même si les études qui permettraient d'en objectiver l'intérêt sont encore rarissimes). Cette remarque de portée générale en psychiatrie infantile prend toute sa valeur quand on s'adresse à un enfant déprimé.
L'abord familial, toujours nécessaire, est le plus souvent informel, il constitue un des aspects essentiels des premiers entretiens d'évaluation et du suivi thérapeutique, quelle qu'en soit la nature. Dans certaines circonstances, notamment lorsque l'enfant est très jeune ou trop réticent pour s'engager dans une psychothérapie individuelle, il occupe une place centrale dans le dispositif de soins (qu'il s'agisse de consultations familiales thérapeutiques ou de thérapies mère-enfant).
Une thérapie familiale formalisée est indiquée quand les parents, plus éprouvés que l'enfant lui-même, se montrent inaptes à réagir de manière adéquate à ses difficultés. Son intérêt a été souligné également dans les états dépressifs en lien étroit avec une situation de maltraitance, qu'une séparation ne suffit évidemment pas à résoudre.
Son objectif est d'aider la famille à retrouver les qualités auto-curatrices qui sont naturellement les siennes. Pour les thérapeutes systémiques, les troubles de l'humeur du patient remplissent une fonction dans le maintien de l'équilibre du groupe familial ; la mobilisation suscitée par les symptômes peut en effet renforcer la cohésion menacée par d'autres événements qui passent ainsi au second plan. Mais de manière plus spécifique la dépression est entendue comme la résultante de ruminations auto-entretenues : au sentiment de perte d'amour fait écho un vécu d'exclusion des groupes d'appartenance les plus investis par l'enfant, ce qui n'est pas sans conséquence au plan de l'identité propre et le fait ainsi douter de la possibilité même d'être aimé. Les interventions thérapeutiques, par le biais de différentes "prescriptions" prenant la forme d'énoncés de portée symbolique, visent à fortifier le sentiment d'appartenance qui a une valeur structurante pour le sujet.
La psychothérapie familiale, reposant sur un travail d'équipe est plutôt pratiquée en institution. En pratique systémique, elle comprend généralement une dizaine de séances, d'une à deux heures chacune, espacées de trois semaines à un mois. Quelques recherches, encore trop rares, ayant pour objet d'évaluer son impact font état d'une réduction du nombre d'hospitalisations pour les enfants déprimés qui en ont bénéficié.
Les approches cognitivo-comportementales postulent que les évolutions pathologiques proviennent de modalités relationnelles inappropriées qui s'acquièrent et se fixent de manière analogue à celles des apprentissages relationnels adaptés. Entre le pôle des thérapies comportementales, et celui des thérapies cognitives, existent diverses thérapies mixtes alliant les deux types de stratégies. Dans le premier cas, le patient est invité à renoncer à des habitudes jugées néfastes pour lui ou il est soutenu pour renforcer celles considérées comme étant positives ; dans le deuxième cas, on cherche à l'aider à mieux identifier et contrôler ses émotions en modifiant ses cognitions.
Les cures sont centrées sur des objectifs précis, et planifiées dans une perspective de changement. Elles reposent sur le postulat que les comportements, les sentiments, les schémas de pensée pathologiques peuvent être désappris.
Elles visent ainsi à libérer le champ mental et à soulager l'enfant des comportements inadaptés, pour qu'il puisse poursuivre ses expériences indispensables malgré sa dépression. Les séances de fréquence hebdomadaire n'excèdent pas 25 au total, et l'enfant doit accomplir différentes tâches d'une séance à l'autre.
Les cures sont toujours précédées d'une analyse fonctionnelle de la situation pathologique, ce qui implique la participation de la famille, du milieu scolaire et parfois des camarades. Dans la dépression cette enquête préliminaire vise à :
A ce jour les résultats des études comparant l'efficacité des techniques comportementales ou cognitives pour des enfants déprimés par rapport à des groupes témoins ne sont pas probantes ; la rigueur méthodologique des travaux les plus récents mérite pourtant d'être soulignée.
Au total, les thérapies cognitivo-comportementales sont cependant très peu développées chez les enfants de moins de 12 ans ; les études descriptives de type monographique propres à rendre compte des modalités concrètes des cures et des difficultés spécifiques rencontrées avec les enfants déprimés sont d'ailleurs quasi inexistantes. Il s'agit cependant d'un domaine en pleine expansion et des recherches visant à appliquer les modèles théoriques de la dépression de l'adulte aux thérapies d'enfant sont actuellement en cours.
Elle est très limitée chez l'enfant.
Alors que l'efficacité des antidépresseurs a été clairement établie chez les adultes déprimés, il n'en va pas de même dans le cadre des troubles dépressifs de l'enfant.
Compte tenu de la souffrance de l'enfant et des conséquences potentielles d'une humeur dépressive durable au plan de l'organisation de la personnalité et des acquisitions essentielles, les antidépresseurs peuvent dans certains cas prendre place dans une stratégie thérapeutique s'appuyant sur une évaluation diagnostique approfondie.
Mais tout clinicien finalement convaincu de l'opportunité d'une chimiothérapie antidépressive, à un moment donné de l'engagement thérapeutique avec un enfant déprimé, se doit d'en connaître les limites, les inconvénients, ainsi que les règles de prescription et de surveillance. C'est pourquoi le jury a tenu a bien précisé ces points.
Les études les plus courantes portent sur les antidépresseurs tricycliques. Leurs particularités pharmacocinétiques sont maintenant mieux connues chez l'enfant ; en pratique on retiendra leur action plus rapide mais moins durable que chez l'adulte et surtout la grande variabilité inter-individuelle des concentrations plasmatiques efficaces, ainsi que la vitesse d'apparition des effets secondaires. Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine ouvrent de nouvelles perspectives considérées comme prometteuses. Les IMAO ne sont pas prescrits chez l'enfant, et le lithium ne connaît pas d'indication à cet âge.
Alors que les études ouvertes semblaient témoigner de l'efficacité des thymoanaleptiques dans la dépression de l'enfant, les études répondant à des exigences méthodologiques plus rigoureuses ne sont aucunement probantes : l'amélioration des groupes recevant la molécule active n'est pas significative par rapport à celle constatée dans les groupes contrôle recevant un placebo. Il convient en effet de remarquer que persistent de multiples problèmes méthodologiques (nombre d'essais insuffisant, faible taille et hétérogénéité des échantillons au plan de l'âge et du stade pubertaire, durée trop courte des études et utilisation d'échelles d'évaluation non validées). Mais c'est surtout l'inclusion d'enfants présentant des états dépressifs s'inscrivant dans des contextes psychopathologiques très différents qui oblige à s'interroger sur les préalables de certains essais thérapeutiques.
Se dégagent ainsi quelques recommandations pour améliorer la qualité des essais : il convient d'abord que soient prises en compte les diverses organisations de personnalité des enfants concernés et que soient menées, sur des périodes prolongées, des études multicentriques portant sur des groupes d'enfants suffisamment nombreux et homogènes au plan diagnostique et développemental.
Dans l'état actuel des connaissances, seuls les tableaux sévères et durables des dépressions, entravant de manière massive le fonctionnement psychosocial, et ne réagissant pas aux interventions psychothérapiques, pourraient justifier la prescription d'antidépresseurs. La question se pose plus spécifiquement dans la tranche des 10 à 12 ans, en présence d' une dépression très invalidante ou à forme délirante ou encore lorsqu'elle s'accompagne d'une anorexie aux conséquences somatiques inquiétantes.
Au total, chacun s'accorde à reconnaître qu'un traitement antidépresseur ne saurait être institué en première intention chez un enfant déprimé.
Il convient de rappeler que seuls certains tricycliques ont reçu l'AMM dans cette indication pour les patients de moins de 15 ans. Les antidépresseurs de commercialisation plus récente, en particulier les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine qui semblent mieux tolérés, sont encore à l'étude. L'intérêt des anxiolytiques n'a pas été prouvé chez l'enfant déprimé et l'abstention est préférable ; de même toute polychimiothérapie est à proscrire.
De plus, le choix de traiter en ambulatoire un enfant déprimé suppose que l'on soit assuré de la fiabilité de sa famille. Avant le traitement, une enquête familiale recherchant d'éventuelles cardiopathies, un examen somatique comprenant les mesures du poids, de la taille, du pouls et de la pression artérielle seront systématiquement réalisés ; un électrocardiogramme est également nécessaire.
Les contre-indications absolues sont les mêmes que chez l'adulte. Mais de manière générale les risques de concentration toxique au niveau cérébral et cardiaque sont beaucoup plus élevés chez l'enfant jeune en raison de ses faibles réserves en graisse. On s'abstiendra de prescrire un antidépresseur dans le cas de réactions allergiques connues à cette famille chimique, l'indication sera très attentivement pesée quand existent des anomalies de la conduction cardiaque, une épilepsie mal équilibrée, un diabète insulino-dépendant ou un dysfonctionnement thyroïdien.
La mise en route du traitement uniquement par voie orale sera toujours progressive pour atteindre en trois semaines la posologie supposée nécessaire (2 à 4 mg/kg/j pour l'imipramine, sans jamais dépasser 5 mg/kg/j).
Dans la mesure du possible un premier dosage plasmatique sera alors effectué pour adapter au besoin les quantités à prescrire (tous les auteurs notent la faible corrélation entre la posologie utilisée et la concentration plasmatique obtenue ; les avis sont plus partagés concernant la corrélation entre concentration plasmatique et efficacité thérapeutique : la fourchette préconisée habituellement se situant cependant entre 150 et 250 ng/ml). Les prises seront toujours pluriquotidiennes chez l'enfant en raison des particularités pharmacocinétiques déjà évoquées.
Le délai d'action, à dose efficace, varie de 3 à 5 semaines.
La prescription doit être maintenue au moins 4 mois, mais il n'existe à ce jour aucune codification communément admise pour la durée totale.
Une confusion mentale, une inversion de l'humeur, une crise comitiale, une cardiotoxicité ne surviennent qu'exceptionnellement chez des sujets prédisposés, ou en cas de surdosage accidentel ou volontaire. Pendant le traitement on contrôlera très régulièrement le pouls et la pression artérielle. Un nouvel électrocardiogramme sera réalisé en cas d'augmentation de la posologie, puis tous les 3 mois. Des variations anormales des paramètres cliniques et paracliniques feront systématiquement envisager une baisse voire une interruption de l'antidépresseur.
L'arrêt du traitement se fera également par étapes sur 2 à 3 semaines, afin d'éviter les effets de sevrage (anxiété, agitation, troubles du sommeil).
Au total la prescription d'un antidépresseur ne doit s'envisager que dans quelques rares cas de dépression avérée et sévère restant inaccessible aux approches psychothérapiques incluant l'enfant et sa famille. Dans cette éventualité une hospitalisation peut s'imposer quand les risques somatiques ou de passage à l'acte sont importants.
Peut-on PREVENIR les troubles dépressifs chez l'enfant ?
La prévention commence par la reconnaissance des différentes formes de dépression. Un certain nombre de caractéristiques de l'enfant et de son entourage peuvent être rapportées à la prévalence de la dépression.
Il peut s'agir de simples corrélations ; ce sont les indicateurs de risques qui doivent attirer l'attention. Les difficultés scolaires en sont un exemple.
Une caractéristique qui précède le début du trouble et augmente la probabilité de sa survenue est considérée comme un facteur de risque. A l'inverse, une caractéristique qui précède le début du trouble et diminue la probabilité de sa survenue est considérée comme un facteur de protection. Les études transversales prennent en compte à un moment donné à la fois la fréquence des problèmes et un certain nombre de variables caractéristiques de l'enfant et de son environnement. Au contraire, les études longitudinales, parce qu'elles suivent un groupe sur une longue période, permettent seules d'évaluer séparément les facteurs supposés de risque, la survenue des problèmes (incidence) et leur évolution.
Même si on ne connait pas les mécanismes d'action des facteurs de risque ou de protection sur l'apparition de ces troubles, ceci n'empêche pas, à partir de la reconnaissance de ces facteurs, de formuler des recommandations en matière de prévention.
La prévention primaire en amont du trouble vise à en empêcher l'apparition, la prévention secondaire à en réduire la durée et la souffrance qu'elle engendre, et la prévention tertiaire à diminuer la gravité de ses conséquences.
Les facteurs de risque
Pour répondre à cette question, on ne peut que se référer aux données actuelles fournies par la recherche en génétique. Aucune étude ne concerne l'enfant de façon spécifique. Toutes reposent sur le principe d'une identité étiologique entre dépressions de l'enfant et dépressions de l'adulte.
La plupart d'entre elles concernent les troubles bipolaires ou maladie maniacodépressive dont l'existence chez l'enfant ne fait pas l'objet d'un consensus.
Cependant, il y a accord pour reconnaître l'existence de facteurs de susceptibilité génétique dans les troubles bipolaires chez l'adulte. Ceci implique que ces facteurs soient déjà présents chez l'enfant mais n'induit pas qu'ils interviennent dans les dépressions de l'enfant.
Il semble établi que les descendants de sujets adultes porteurs d'une susceptibilité génétique par rapport aux troubles bipolaires ont une probabilité plus élevée de présenter des problèmes de santé mentale et que ces problèmes ne sont pas exclusivement dans le registre des troubles dépressifs.
Par ailleurs, la concentration familiale des troubles dépressifs peut s'expliquer aussi bien par des facteurs d'environnement que par des facteurs génétiques, voire de façon plus probable, par l'interaction des deux. A partir de ces données, aucun conseil génétique n'est envisageable. Mais il est nécessaire d'être particulièrement attentif aux enfants évoluant dans des familles où des troubles bipolaires ont été reconnus.
L'atteinte somatique ne semble pas être un facteur de risque en soi.
a) Il n'y a pas consensus pour affirmer que les maladies somatiques chroniques sont des facteurs de risque spécifique. On insiste sur le fait que les réactions de l'entourage de l'enfant vont conditionner la survenue ou non d'une dépression. Par contre quand il y a dépression, une corrélation apparaît entre l'état dépressif de l'enfant et le temps écoulé depuis le diagnostic, quels que soient le nombre d'hospitalisations et la gravité de la maladie.
b) Certains traitements pourraient induire des états dépressifs.
c) Il n'existe pas d'éléments permettant d'impliquer les facteurs périnataux dans la survenue de la dépression ; en particulier les études à long terme n'ont pas montré d'augmentation de la prévalence des états dépressifs chez les anciens prématurés.
d) La douleur pose un problème spécifique qui a été étudié dans le cas de certaines affections algogènes comme les cancers. La douleur semble être corrélée à la dépression lorsqu'elle n'est pas traitée ou lorsque les traitements sont inefficaces, ce qu'on appelle "douleur non-contrôlée".
Par ailleurs, les signes de la douleur peuvent être confondus avec ceux de la dépression : atonie psychomotrice comprenant repli sur soi, manque d'expressivité, irritabilité, désintérêt pour le monde extérieur, lenteur et rareté des mouvements. Notons que ces signes s'atténuent rapidement quand un traitement antalgique efficace est institué.
Des recherches plus approfondies pourraient être menées dans ce domaine. En effet, le diagnostic différentiel est complexe, surtout chez le jeune enfant. Il convient d'y apporter une attention particulière. La douleur suscite chez l'enfant un sentiment d'impuissance qui peut être prévenu par diverses techniques psychologiques associées au traitement. L'approche cognitive et relationnelle permet d'apprendre à nommer et à contrôler la douleur prévisible, et semble prometteuse dans ce domaine. A ce sujet, le jury recommande un développement de la recherche clinique.
Au plan méthodologique quelques réserves s'imposent quant aux recherches actuelles : elles concernent le choix des variables étudiées, souvent hétérogènes, et qui renvoient tantôt à des facteurs de risque, tantôt à des indicateurs, voire à de simples marqueurs indépendants de l'environnement (sexe, âge, variables développementales). Il s'agit d'études tantôt transversales, tantôt longitudinales, ces dernières étant les plus intéressantes mais les plus rares. Les populations ciblées regroupent souvent enfants et adolescents et ne permettent pas toujours d'en tirer les informations spécifiques à l'enfance. Par ailleurs, les critères d'inclusion dans ces études reposent sur des définitions standardisées du diagnostic (DSM et CIM) utiles en épidémiologie mais qui ne recouvrent pas forcément les critères des cliniciens.
Les variables les plus souvent évoquées sont les suivantes :
L'âge :
Les recherches ne montrent pas d'augmentation de la prévalence de la dépression chez l'enfant en fonction de l'âge mais elles situent l'importance de cette prévalence à moins de 2 % chez l'enfant et à environ 10 % chez l'adolescent.
Le sexe :
Aucune différence significative n'apparaît entre garçons et filles. Ceci n'est plus vrai chez l'adolescent et pose donc la question des études qui englobent enfants et adolescents.
Les variables développementales :
Certaines variables telles que la présence de signes neurologiques mineurs, des retards de développement psychomoteur, le quotient intellectuel ne sont pas associées à la dépression chez l'enfant.
Les événements de vie :
L'effet cumulatif d'une série d'événements stressants semble intervenir en tant que variable associée à la dépression. Les recherches révèlent des associations significatives entre le nombre d'événements stressants et la survenue des troubles dépressifs. Ces associations ne sont pas spécifiques à la dépression, mais n'en constituent pas moins un facteur de risque.
Les caractéristiques familiales :
La monoparentalité, la psychopathologie des parents, les relations parents-enfants, les relations de couple et la cohésion familiale sont des variables importantes à considérer.
a) La monoparentalité est davantage associée à la persistance des troubles qu'à leur déclenchement.
b) La psychopathologie des parents.
c) Relations parents-enfants :
Le rôle des caractéristiques socio-économiques n'est pas encore bien établi. Elles interviendraient notamment par le biais du stress vécu par les parents, et des perturbations relationnelles au sein de la famille.
La cohésion familiale, le rôle du parent non atteint et la qualité de la relation parent-enfant apparaissent comme les facteurs de protection les plus probables.
Leur renforcement relève de la prévention.
La bibliographie sur la question est extrêmement réduite. Le lien entre la baisse des résultats scolaires et les troubles dépressifs paraît évident sans qu'on puisse dire où est la cause, où est la conséquence, ni affirmer la spécificité de ce lien.
Les difficultés de tous ordres chez les écoliers sont des indicateurs, voire même des expressions symptomatiques de la dépression plutôt que des facteurs de risque. Les difficultés d'apprentissage, les difficultés d'intégration, les troubles de la conduite, les comportements d'enfants "trop sages" sont le plus souvent évoqués. Les éléments sémiologiques de la dépression (baisse ou perte de l'estime de soi, sentiment d'impuissance) sont manifestement en jeu dans l'échec à l'école. L'école peut donc contribuer à entretenir et même accentuer les facteurs de risque lorsqu'elle stigmatise un échec ou une chute des résultats et majore la perte de l'estime de soi. Par contre, elle joue un rôle de protection lorsqu'elle fournit aux enfants les moyens de répondre à ses exigences, et qu'elle met en oeuvre une pédagogie du renforcement positif des acquis.
L'école est un lieu où des troubles dépressifs peuvent être observés et reconnus sans être pour autant un lieu de diagnostic.
En dehors des études épidémiologiques ponctuelles qui peuvent avoir leur place à l'école, le jury n'est pas favorable à l'utilisation d'instruments de dépistage systématique en milieu scolaire. En revanche, le repérage de la souffrance psychique est un temps fort de la prévention à l'école. C'est à partir d'un travail en équipe (psychologues et rééducateurs des réseaux d'aide, médecins scolaires, équipes des CMP, CMPP, etc.), que les observations des enseignants peuvent fournir des indications pertinentes.
Bien que le jury regrette que les troubles émotionnels des enfants soient insuffisamment pris en compte en milieu scolaire, aucun consensus n'a pu se dégager sur des outils d'évaluation de ces troubles à mettre à la disposition des psychologues scolaires.
Il faudrait éviter que les évaluations scolaires habituelles soient accompagnées de commentaires dévalorisants qui renforcent le défaut d'estime de soi particulièrement net chez l'enfant déprimé. Ne pas pénaliser l'enfant pour ses difficultés est d'une grande importance. En revanche expliquer aux élèves et aux parents les modes de fonctionnement de l'école, ses enjeux, et ses attentes, peut permettre à l'enfant d'apprendre à penser ses émotions et son vécu scolaire. La reconnaissance de la validité de la pensée propre de l'enfant, participe à la construction de l'estime de soi.
Parmi les facteurs de risque situationnels, les problèmes de dépression des parents ont précédemment été évoqués. Seules les situations de deuil seront abordées ici.
Il existe un hiatus à ce propos entre l'analyse des cliniciens et les recherches épidémiologiques. Ces dernières ne permettent pas de corréler le décès d'un parent et la dépression de l'enfant.
En revanche, la corrélation semble exister avec d'autres troubles psychologiques (notamment les troubles du comportement et les conduites de dépendance).
La réaction de deuil chez l'enfant, qui se rapproche parfois de celle du deuil pathologique chez l'adulte, doit être recherchée dans un but préventif car elle se manifeste derrière une apparente absence de sensibilité. Il est souhaitable que l'enfant surmonte cette situation grâce à l'aide du parent survivant. Celui-ci peut avoir besoin d'une aide extérieure.
Les mesures préventives
1 - Existe-t-il des mesures préventives en milieux socialement défavorisés ?
Le jury n'a connaissance d'aucun programme de prévention qui concerne spécifiquement la dépression dans ces milieux.
Les populations généralement ciblées le sont en fonction des problèmes suivants : maltraitance, négligence, situations de séparation, enfants en situation d'échec scolaire, carences affectives précoces. Les programmes concernant les parents ayant des problèmes psychiatriques notamment des troubles de l'humeur, et ceux concernant des situations particulières comme le décès d'un parent sont à considérer de façon distincte puisqu'ils ne supposent pas obligatoirement une situation socialement défavorisée.
La prévention en France est rarement envisagée en termes de programmes et de santé communautaire, ce qui explique sans-doute la pauvreté des données référencées, alors qu'existe le dispositif structuré de la protection maternelle et infantile.
Les mesures préventives en milieu socialement défavorisé agiraient sur les états dépressifs de l'enfant par l'amélioration de l'estime de soi des parents. L'efficacité de ces programmes repose, pour la petite enfance, sur des interventions très précoces dès la grossesse, d'intensité et de durée suffisantes. On peut citer en exemple les visites à domicile lorsqu'elles ont permis d'instaurer une relation de confiance mutuelle.
Pour les enfants d'âge scolaire, il est souhaitable de soutenir l'estime de soi des enfants en améliorant la qualité de la relation parentale et la qualité de la relation à l'école.
Le jury recommande vivement que soient référencées et évaluées les pratiques de prévention primaire qui existent en France et qu'en soit mesuré l'impact sur les états dépressifs de l'enfant.
On retrouve ici l'absence de programmes de santé publique pour réduire la morbidité psychiatrique.
Deux problèmes très différents se posent : celui d'isoler un paramètre et celui de cibler des populations avec le danger de stigmatisation des populations potentiellement à risque. Ceci est particulièrement vrai pour les enfants d'âge scolaire pour lesquels il est très difficile de définir une population exposée dès lors qu'on sort du contexte de populations communément étiquetées comme "défavorisées".
a) Parmi les populations à risque, retenons celles des mères présentant une pathologie puerpérale. En effet, la prévalence de la dépression maternelle qui est évaluée à environ 15 à 20 % entraîne pour l'enfant un risque de présenter des troubles du développement multiplié par trois, notamment lorsqu'elle survient dans le post-partum. Un certain nombre d'indicateurs des perturbations précoces de la relation mère-enfant peuvent être utilisés. Ils mettent tous en évidence le retentissement de la dépression maternelle sur le développement du bébé, en particulier sur les processus d'attachement. Un certain nombre de mesures qui concernent le bébé et les interactions précoces peuvent être préconisées, par exemple les unités d'hospitalisation mère-bébé et les centres de soins ambulatoires pour tout-petits. De façon plus générale, tous les lieux d'accueil où une attention particulière est portée aux échanges mère-enfant, jouent un rôle dans le sens de la prévention primaire des troubles psychologiques.
b) Pour les enfants d'âge scolaire, un certain nombre de programmes de prévention ont été développés. Ils visent entre autres, à :
Certains de ces programmes nord-américains ont montré leur efficacité et peuvent servir de modèles pour construire d'autres programmes de prévention.
En conclusion, certains facteurs de risque et de protection, sont corrélés à la survenue et à l'évolution de la dépression chez l'enfant, même si on ne peut pas dégager de facteurs de risques spécifiques et constant qui constituerait des causes de la dépression. La dépression relève de causes multiples qui ne peuvent être dégagées de façon univoque. Leur reconnaissance permet de conduire des actions de prévention. Ces actions pourraient être davantage recensées et systématisées.
Des programmes et des recherches de santé publique sont à développer.
La prévention de proximité ne concerne pas seulement les personnels de santé mais en premier lieu la famille et l'école.
Quel est le DEVENIR à court et long terme de l'enfant présentant des troubles dépressifs ?
Les différents troubles dépressifs de l'enfant ont des conséquences potentielles sur son devenir. Certains moments dépressifs doivent être compris comme des événements structurants quand ils peuvent être dépassés grâce aux ressources de l'enfant et à l'ajustement de la réponse de l'entourage familial aidé parfois par un tiers.
A l'opposé d'autres enfants souffrant de troubles plus intenses et plus durables, véritables états dépressifs, exigeront un traitement précoce adapté et parfois un suivi prolongé, car les risques, selon des études récentes, sont importants en pareil cas.
Les troubles qui se rattachent à la dépression chez le bébé mettent en jeu le devenir de son rapport à l'autre. Confronté à la défaillance de sa mère ou de ses substituts et à l'absence de la parole d'un tiers qui donne sens à cette situation, le bébé s'engage dans une série de manifestations psychomotrices qui ont une fonction d'appel pour l'entourage. Si ces tentatives sont reconnues et reçoivent une réponse, la situation peut avoir une issue favorable. La référence paternelle joue ici un rôle décisif. Si le bébé échoue, la porte est ouverte à l'aggravation de sa désorganisation et à un épuisement progressif. Si ses efforts se répètent inlassablement, il y investit une énergie qui ne peut l'être dans d'autres domaines. Au fil du temps, on pourra voir survenir des troubles somatiques avec sensibilité aux infections, un retard staturo-pondéral, des altérations du développement psychomoteur, des acquisitions et de la communication, une pathologie psychosomatique, ou différents troubles de la personnalité. On doit cependant souligner qu'il n'existe aucune étude longitudinale prospective qui apporte des informations sur ces conséquences à moyen et à long terme.
Chez l'enfant, les seules formes pour lesquelles existent des données épidémiologiques et évolutives, reposant sur des études prospectives, correspondent aux différents troubles dépressifs repérés par la classification nord-américaine (DSM). Les enquêtes en population générale évaluent la prévalence des troubles dépressifs majeurs à 2 % environ chez l'enfant, aux alentours de 10 % chez l'adolescent. Cette majoration régulière de l'enfance à l'adolescence s'accompagne d'une modification notable : prédominance des troubles chez le garçon avant la puberté, chez la fille après la puberté.
Un certain nombre de problèmes méthodologiques doivent cependant être soulignés :
Les études longitudinales prospectives avec constitution de cohortes sont peu nombreuses et en majorité américaines. Dans la population infantile, le risque de "perdus de vue" tout au long de la recherche est important. La majorité de ces travaux envisagent aussi bien l'évolution des troubles dépressifs à court terme qu'à moyen et à long terme. Les enquêtes sur des populations de consultants en pédopsychiatrie permettent d'obtenir un diagnostic psychiatrique mais elles sont incapables de fournir des estimations de prévalence fiables car tous les enfants déprimés ne consultent pas. Les enquêtes en population générale nécessitent des échantillons de grande taille en raison de la relative rareté des troubles dépressifs chez l'enfant ; elles ne peuvent alors être réalisées que sous forme de questionnaires. Les instruments de mesure sont multiples, mais la plupart du temps remplis par les parents pour des raisons de faisabilité ; or il a été démontré que les parents sous-estiment les troubles de leurs enfants.
La plupart des études mélangent population d'enfants et d'adolescents. De plus le passage de l'enfance à l'adolescence peut être fixé de façon relativement objective par la puberté ; en revanche le passage de l'adolescence à l'âge adulte est une donnée sociale conventionnelle, arbitrairement fixé à 18 ans dans les études. La longue durée de ces études longitudinales introduit un biais, lié à la présence de l'observateur et aux modes de prises en charge, dont il n'est pas rendu compte.
Malgré les différences de méthodologie utilisées, les données recueillies sur le devenir des troubles dépressifs majeurs chez l'enfant témoigneraient du risque de récidives. Parmi les autres modalités évolutives, la survenue de troubles anxieux et de troubles des conduites semble être la plus fréquente, de même que des difficultés dans les domaines scolaires, relationnel et social.
1. Fréquence des rechutes et des récidives en fonction des différents troubles dépressifs :
Les rechutes et les récidives dépressives apparaissent très fréquentes lorsqu'il s'agit d'un épisode dépressif majeur ou d'un trouble dysthymique. Selon une des rares études dont nous disposons menée pendant 5 ans auprès de 81 enfants déprimés agés de 8 à 13 ans, le taux de récidives atteindrait 70 % à 5 ans pour ces deux types de troubles.
A l'inverse les troubles de l'adaptation avec humeur dépressive auraient une évolution beaucoup plus favorable. Dans la même étude 90 % d'entre eux sont guéris à 12 mois et ne présentent pas de récidives à 5 ans.
2. Les conduites suicidaires
Pour la plupart des auteurs, le suicide ne semble pas significativement corrélé à la dépression chez l'enfant, ne serait-ce qu'en raison de la rareté des cas. La population des enfants déprimés constitue ensuite une minorité progressivement décroissante à l'adolescence puis à l'âge adulte en raison de l'augmentation de la prévalence. On ne saurait donc conclure de manière pertinente sur le facteur de risque de suicide ultérieur que constituerait un antécédent d'état dépressif dans l'enfance.
3. Survenue de troubles anxieux et de troubles des conduites
Dans l'enfance, les troubles dépressifs s'accompagnent souvent de troubles anxieux et/ou de troubles des conduites. Les troubles anxieux peuvent se manifester avant, pendant ou après la dépression. Dans la plupart des cas, les troubles des conduites se développent avec la dépression mais persistent après la rémission, suivant alors leur propre évolution.
4. Les difficultés dans les domaines scolaires, relationnel et social.
Les troubles dépressifs de l'enfant s'accompagnent aussi d'une altération des performances qui peut être à l'origine de difficultés dans les domaines scolaire, relationnel et social : tendance à l'isolement, relations conflictuelles, difficultés de concentration, dont les conséquences à long terme sont probables mais difficiles à évaluer.
Malgré les réserves méthodologiques formulées en préambule de ce chapitre , on peut retenir que le principal risque évolutif des troubles dépressifs de l'enfance serait la récurrence d'épisodes équivalents au cours de l'adolescence. Ce risque n'est pas le seul, car une évolution vers des troubles de la personnalité serait possible.
Des différences évolutives très nettes apparaissent en fonction de la forme de l'état dépressif de l'enfant. Le risque de rechutes et de récidives dépressives à l'adolescence est important au cours de l'évolution d'un épisode dépressif (épisode dépressif majeur ou trouble dysthymique du DSM) ; il peut atteindre 70 % après 5 ans. En revanche un trouble dépressif réactionnel (trouble de l'adaptation avec humeur dépressive du DSM) n'est pratiquement jamais suivi d'un épisode dépressif majeur.
Il n'y a pas de consensus sur l'existence possible d'une maladie maniaco-dépressive chez l'enfant. Certains enfants ayant eu des épisodes dépressifs majeurs peuvent ensuite évoluer vers une maladie maniaco-dépressive, particulièrement s'il existe des antécédents familiaux. Cela témoigne de leur vulnérabilité, mais on ne peut en inférer que le trouble dépressif de l'enfance était la première expression de la maladie.
Des troubles du fonctionnement de la personnalité, un alcoolisme ou une toxicomanie, un "état limite", des troubles des conduites alimentaires pourraient également survenir dans certains cas.
Si l'étude rétrospective de l'adolescent déprimé permet parfois de retrouver dans son enfance des états dépressifs, mais aussi des troubles anxieux et des conduites, on n'observe le plus souvent aucun antécédent pathologique.
Les réserves méthodologiques formulées en préambule se retrouvent amplifiées quand on aborde le devenir des sujets à l'âge adulte. De plus nous sommes confrontés à des données divergentes :
Il en ressort que la majorité des cas de dépression à l'âge adulte ne serait pas précédée de troubles dépressifs dans l'enfance.
Le jury ne peut que faire état de sa perplexité. Devant l'insuffisance des résultats des études épidémiologiques prospectives auxquelles nous avons eu accès, nous suggérons des recherches incluant l'histoire du sujet adolescent ou adulte et l'histoire du lien social dans lequel il s'inscrit. Ceci étant, nous pouvons et devons nous dégager de l'équation simpliste d'un déterminisme qui lierait fatalement la pathologie de l'adulte aux troubles dépressifs de l'enfant.
B. BADER-MEUNIER : Pédiatre, CHU Bicêtre
F. CAROLI : Psychiatre, CHS Sainte Anne (Paris)
F. CARPENTIER : Méthodologiste, ANDEM (Paris)
J. CONSTANT : Pédopsychiatre, CHG (Chartres)
A. DUROCHER : Méthodologiste, ANDEM (Paris)
P. PARQUET : Psychiatre, CHU Lille
JC. PASCAL : Psychiatre, CHS Antony
A. PLANTADE : Pédopsychiatre, Institut T. Roussel (Montesson)
N. QUEMADA : Chercheur INSERM (Paris)
JM. THURIN : Psychiatre, FFP (Paris)
Avec la participation de L. PAZART : Méthodologiste, ANDEM (Paris)
J. AUGENDRE : Psychiatre (Paris)
P. BOUCHARD : Journaliste (Paris)
MM. BOURRAT : Pédopsychiatre, Centre de la Mère et l'Enfant (Limoges)
C. BOUSCAREL : Psychologue scolaire (Clermont-Ferrand)
B. BROS : Médecin généraliste (Carbonne)
MF. CHAMBON : Pédiatre (Quetigny)
JJ. DABAN : Psychiatre (Ecouen)
F. DAVOINE : Psychanalyste (Paris)
S. FERARY : Directrice école (Paris)
C. LACHAL : Pédopsychiatre (Clermont-Ferrand)
J. MASSONNET : Inspecteur Ed. Nat. (Puteaux)
C. MILLE : Pédopsychiatre, CHU Amiens
C. MUKHERGEE : Cadre socio-éducatif (Cergy)
J. ROBINEAU : Assistante sociale, CHS Vaucluse (Epinay s/Orge)
D. SECHTER : Psychiatre, CHU St Jacques (Besançon)
G. VAUDOUR : Pédiatre, CHG (St Quentin)
L. BERGERON : Psychologue, Hôpital Rivière des Prairies (Montréal, Canada)
B. BOILEAU : Psychiatre, Hôpital Ste Justine (Montréal, Canada)
MP. BOUVARD : Pédopsychiatre, CHU R. Debré (Paris)
A. BRACONNIER : Psychiatre, Ass. de Santé mentale du 13e ar. (Paris)
C. BURSZTEJN : Pédopsychiatre, CHU Nancy
C. CHILAND : Pédopsychiatre (Paris)
B. DURAND : Pédopsychiatre, Hôpital Intercommunal (Créteil)
A. GAUVIN-PIQUART : Pédiatre et Psychiatre, Institut G. Roussy (Villejuif)
B. GOLSE : Pédopsychiatre, Hôpital St Vincent de Paul (Paris)
F. LADAME : Psychiatre (Genève, Suisse)
J. MALLET : Directeur Recherche CNRS, CHU Pitié Salpétrière (Paris)
J. MANZANO : Psychiatre, Service Médico-pédagogique (Genève, Suisse)
D. MARCELLI : Pédopsychiatre, CHU J. Bernard (Poitiers)
Ph. MAZET : Pédopsychiatre, CHU Avicenne (Bobigny)
R. MISES : Pédopsychiatre, CHU Bicêtre
MC. MOUREN-SIMENONI : Pédopsychiatre, CHU R. Debré (Paris)
R. NEUBURGER : Psychiatre (Paris)
M. NOBLINS : Pédiatre (Charenton le Pont)
D. SIBERTIN-BLANC : Pédopsychiatre, CHU Nancy
JP. VALLA : Psychiatre, Hôpital Rivière des Prairies (Montréal, Canada)
ML. VERDIER-GIBELLO : Psychologue, CHU Pitié Salpétrière (Paris)
AL. SIMONNOT : Pédopsychiatre, CHU Avicenne (Bobigny)
S. TRIBOLET : Psychiatre, CH Sainte Anne (Paris)
V. VANTALON : Pédopsychiatre, CHU R. Debré (Paris)
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Dernière mise à jour : lundi 12 avril 1999 10:48:24 Dr Jean-Michel Thurin
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