AVANT-PROPOSLes conclusions et recommandations présentées dans ce document ont été rédigées par le Jury de la conférence, en toute indépendance. Leur teneur n'engage en aucune manière la responsabilité de l'ANAES. |
Les données de la littérature sur la prévention du suicide sont abondantes pour la prévention primaire et la prévention tertiaire mais pauvres pour la prévention secondaire. Cela tient au fait que les premières manifestations de la crise suicidaire sont difficiles à cerner : ses aspects sont très variables, les troubles sont parfois inapparents, lorsqu'ils existent ils se manifestent par des signes peu spécifiques et permettent peu de prévoir si la crise va évoluer vers une rémission spontanée ou vers une tentative de suicide ou d'autres passages à l'acte. Il n'y a pas un consensus international sur ses critères de définition.
Pourtant il est essentiel de repérer une telle crise suicidaire car elle justifie une prise en charge et constitue un moment fécond où une action thérapeutique est possible.
C'est pourquoi la Fédération Française de Psychiatrie a estimé qu'il serait utile d'organiser une conférence de consensus sur ce sujet. La principale difficulté est venue de cette pauvreté des données.Les recommandations qui suivent correspondent à " l'état de l'art " actuel. Elles ne sont ni complètes ni parfaites. Elles auront certainement à être revisitées lorque les connaissances auront progressé. Leur objectif est de permettre lamélioration du repérage, et par là même lorganisation dune prise en charge susceptible déviter ou de limiter la fréquence des passages à lacte.
Le jury a rédigé des "Recommandations longues" (RL) qui sont plus complètes que celles-ci et auxquelles nous renverrons parfois pour des situations plus particulières: armée, prison, addictions. Ces RL présentent les données de la littérature sous une rubrique "constatations" qui précède les "recommandations" qui en découlent. Nous n'avons pas pu les reprendre ici.
1. Il sagit dune crise psychique dont le risque majeur est le suicide.
2. Cette crise constitue un moment déchappement. Un état dinsuffisance de ses moyens de défense et de vulnérabilité place la personne en situation de souffrance et de rupture déquilibre relationnel avec elle-même et son environnement. Cet état est réversible et temporaire.
La crise suicidaire peut être représentée comme la trajectoire qui va du sentiment péjoratif dêtre en situation déchec à une impossibilité ressentie déchapper à cette impasse. Elle s'accompagne didées suicidaires de plus en plus prégnantes et envahissantes jusquà léventuel passage à lacte. La tentative de suicide ne représente quune des sorties possibles de la crise, mais lui confère sa gravité.
3. La crise suicidaire nest pas un cadre nosographique simple. C'est un ensemble sémiologique variable en fonction des sujets, des pathologies associées, des facteurs de risque et des conditions dobservation. Elle peut être difficile à identifier.
Si le recours au médecin apparaît devoir être systématique, le médecin nest pas la solution à tout. Il est là pour faire le diagnostic et déterminer une stratégie thérapeutique, ce qui implique son investissement. Une partie de son action thérapeutique - et quelquefois la possibilité même de cette action - dépendent de lentourage qui est le premier témoin des manifestations dune crise en développement.
Le repérage de la crise suicidaire sappuie sur différentes manifestations :
- lexpression didées et dintention suicidaires,
- des manifestations de crise psychique,
- dans un contexte de vulnérabilité.
Initialement, la crise suicidaire peut se manifester à travers la fatigue, lanxiété, la tristesse, des pleurs, une irritabilité et agressivité, des troubles du sommeil, une perte du goût aux choses, un sentiment déchec et dinutilité, une mauvaise image de soi et un sentiment de dévalorisation, une impuissance à trouver des solutions à ses propres problèmes, des troubles de la mémoire, une perte dappétit ou boulimie, une rumination mentale, une appétence alcoolique et tabagique, un retrait par rapport aux marques daffection et au contact physique, un isolement.
À un stade ultérieur de la crise, celle-ci peut sexprimer par des comportements particulièrement préoccupants : le désespoir, une souffrance psychique intense, une réduction du sens des valeurs, le cynisme, un goût pour le morbide, la recherche soudaine darmes à feu. Une accalmie suspecte, un comportement de départ sont des signes de très haut risque.
Parmi les facteurs de vulnérabilité, la dépression, des affections psychiatriques déjà existantes, les facteurs de personnalité ainsi que lalcoolisme et la toxicomanie y tiennent une place importante. Dans ce contexte, lhistoire familiale individuelle, des événements de vie douloureux (déplacement, perte dun être cher, conflits, ) peuvent être des éléments de précipitation de la crise suicidaire.
Les premiers signes que nous venons de décrire ne sont, dans leur majorité, ni spécifiques ni exceptionnels pris isolément. Ils peuvent être labiles. Cest leur regroupement, leur association ou leur survenue comme une rupture par rapport au comportement habituel qui doit alerter lentourage, le conduire à suspecter lexistence dune crise suicidaire et à provoquer une investigation complémentaire par le médecin. Lapproche de bienveillance, découte, de dialogue et daccompagnement de lentourage est un élément essentiel pour lengagement de cette prise en charge.
Chez lenfant
Lexpression didées et dintentions suicidaires est rare.
La crise psychique peut sexprimer par des problèmes somatiques mal étiquetés, un isolement, des troubles de la communication et de lapprentissage, une hyperactivité, une encoprésie, des blessures à répétition, des préoccupations exagérées pour la mort, une tendance à tenir la place de souffre-douleur de la part des autres.
Sont décrits comme facteurs de vulnérabilité, l'isolement affectif, les bouleversements familiaux, l'entrée au collège, un contexte de maltraitance.
Les premières attitudes recommandées sont les suivantes : ne pas chercher à résoudre le problème seul, parler avec lenfant sans que cela soit intrusif, signaler les signes repérés à la famille, les signaler au médecin scolaire qui fera le lien avec le médecin généraliste et/ou le médecin spécialiste.
Chez ladolescent
Lexpression didées et dintentions suicidaires était jadis jugée " banale " à ladolescence. On saccorde actuellement à les considérer comme un motif suffisant dintervention et de prévention.
La crise psychique peut sexprimer par un infléchissement des résultats scolaires, des conduites excessives et déviantes, une hyperactivité, une attirance pour la marginalité, des conduites ordaliques, des conduites danorexie et de boulimie, des prises de risque inconsidérées, notamment au niveau sexuel, une violence sur soi et sur autrui, des fugues.
Ladolescence est une période de particulière vulnérabilité à laquelle peuvent se surajouter lisolement affectif, les ruptures sentimentales et les échecs, notamment scolaires, les conflits dautorité.
Les premières attitudes recommandées sont les suivantes : créer un climat dempathie avec le jeune qui va permettre son accompagnement vers les professionnels de létablissement (médecin, infirmière, psychologue ou assistante scolaires), la famille et le médecin traitant ; utiliser les réseaux spécialisés existants.
Chez ladulte
Les idées suicidaires sont peu exprimées en dehors de la relation avec le médecin ou de façon très manifeste dans la famille.
Les manifestations de la crise psychique sont : lennui, le sentiment de perte de rôle, déchec, dinjustice, de décalage et de perte dinvestissement au travail, les difficultés relationnelles (y compris celles de couple), lincapacité à supporter une hiérarchie, les arrêts de travail à répétition ou au contraire le surinvestissement au travail, les consultations répétées chez le médecin (douleur, sensation de fatigue, ).
Le contexte de vulnérabilité dépend beaucoup du statut conjugal, social et professionnel et peut être aggravé par un climat délétère, voire de harcèlement dans le travail. Parmi les autres facteurs, on trouve les toxicomanies, le sida, la violence ou latteinte narcissique et lémigration.
Les premières attitudes recommandées sont les suivantes : lentourage proche doit essayer détablir un lien et une relation de confiance en adoptant une attitude de bienveillance, découte, de dialogue et dalliance qui favorisera le recours aux réseaux daide et au soin.
Chez la personne âgée
Les idées suicidaires sont rarement exprimées, et lorsquelles le sont, elles ne doivent pas être banalisées par lentourage.
Les manifestations de la crise psychique peuvent comporter une attitude de repli sur soi, un refus de salimenter, un manque de communication, une perte dintérêt pour les activités, un refus de soin et des gestes suicidaires.
Le contexte de vulnérabilité peut comporter une dépression, des maladies somatiques notamment sources de handicap et de douleur, les conflits, le changement denvironnement. Un autre facteur est le veuvage pour les hommes.
Les premières attitudes recommandées sont les suivantes : être attentif à la possibilité dune dépression, envisager une souffrance somatique et une maltraitance devant un changement comportemental.
Chez les personnes atteintes de troubles psychiques avérés
Les idées suicidaires peuvent être exprimées ou à linverse totalement dissimulées.
La crise suicidaire est constituée dune alternance de moments à haut risque et de moments daccalmie, sur un fond de variabilité permanente. Certains signes peuvent marquer une aggravation du risque, quil peut être difficile de repérer parmi des signes qui sont déjà présents : isolement, rupture des contacts habituels, réduction et abandon des activités, exacerbation de tous les signes de maladie.
Le contexte de vulnérabilité est la maladie, au sein de laquelle des événements dallure insignifiante peuvent avoir un impact très important.
Les premières attitudes recommandées sont les suivantes : prendre contact avec le ou les thérapeutes habituels, assurer la sécurité par rapport à des objets ou des médicaments dangereux.
Pour les personnes souffrant d'alcoolisme et pour les situations particulières rencontrées dans l'armée et dans les prisons, voir les RL.
Chez un patient connu
1. Patient ayant des troubles psychiatriques (troubles anxio-dépressifs, troubles de la personnalité, conduites addictives, etc.) une aggravation récente des troubles, perçue par le patient ou son entourage.
2. Patient sans troubles psychiatriques préalables :
- symptomatologie physique inexpliquée, pouvant masquer un état dépressif ;
- événement vécu comme stressant ;
- conduite inhabituelle ;
- changement de tonalité dans la relation avec le médecin ou avec lentourage
- le contexte peut être la survenue dune pathologie organique à retentissement vital ou à impact déstabilisant.
Chez un patient peu ou pas connu, lattention peut être attirée par :
- un changement récent de praticien ;
- un motif dappel ou de consultation pas clair ;
- un état dagitation ou de stress ;
- des allusions directes ou indirectes à un vécu problématique.
Il ne faut pas hésiter à questionner le patient sur ses idées de suicide. Cette attitude, loin de renforcer le risque suicidaire, ne peut que favoriser lexpression des troubles.
Le praticien pourra alors :
- utiliser des outils de repérage adaptés ;
- rechercher des événements de vie récents, éléments conjoncturels pouvant avoir déclenché le processus ;
- situer lépisode dans son contexte socio-environnemental (famille, profession, milieu de loisir, etc.).
Au-delà de la présence éventuelle dun syndrome dépressif franc ou dune pathologie psychiatrique, le diagnostic de crise suicidaire sappuiera sur :
Il est souhaitable dexplorer six éléments :
1. Le niveau de souffrance : désarroi ou désespoir, repli sur soi, isolement relationnel, sentiment de dévalorisation ou dimpuissance, sentiment de culpabilité.
2. Le degré dintentionnalité : idées envahissantes, rumination, recherche ou non daide, attitude par rapport à des propositions de soins, dispositions envisagées ou prises en vue dun passage à lacte (plan, scénario).
3. Les éléments dimpulsivité : tension psychique, instabilité comportementale, agitation motrice, état de panique, antécédents de passage à lacte, de fugue ou dactes violents.
4. Un éventuel élément précipitant : conflit, échec, rupture, perte,
5. La présence de moyens létaux à disposition : armes, médicaments, etc
6. La qualité du soutien de lentourage proche : capacité de soutien ou inversement renforcement du risque dans le cas de familles " à transaction suicidaire ou mortifère ".
Le jury recommande de considérer :
En urgence faible une personne qui :
En urgence moyenne une personne qui :
En urgence élevée une personne :
- décidée, dont le passage à lacte est planifié et prévu pour les jours qui viennent ;
- coupée de ses émotions, rationalisant sa décision ou très émotive, agitée, troublée ;
- complètement immobilisée par la dépression ou dans un état de grande agitation ;
- dont la douleur et la souffrance sont omniprésentes ou complètement tues ;
- ayant un accès direct et immédiat à un moyen de se suicider ;
- ayant le sentiment davoir tout fait et tout essayé ;
- très isolée.
Il faudra également tenir compte de l'élément de dangerosité lié à l'accumulation de facteurs de risque, notamment l'âge (> 75 ans).
Un tel bilan exhaustif nest pas toujours possible. Il est souhaitable dans une évaluation psychiatrique. Le médecin généraliste confronté à la diversité des situations aura à évaluer au moins la crise et son degré durgence. Lurgentiste confronté à une crise dangoisse aura à apprécier le potentiel de dangerosité suicidaire. Le médecin scolaire et le médecin du travail confrontés dans leurs pratiques respectives à des signes dappel auront à les identifier et à orienter le sujet vers une structure de soins.
Ils répondent à quatre principes de base :
1. Adaptation aux différents contextes dans lesquels se situe le sujet en crise.
2. Prise en compte des interrelations de lindividu avec son entourage et avec lensemble du tissu social.
3. Prise en charge pluridisciplinaire de la crise suicidaire.
4. Place essentielle réservée aux liens dans la prise en charge des personnes en crise suicidaire. Le sentiment dêtre compris, reconnu et accepté par lintervenant, la capacité détablir un bon contact avec la personne suicidaire, ne peuvent être remplacés par aucune technique standardisée.
Inciter les familles, et en particulier les parents dadolescents, à accorder une valeur à leur ressenti et à leurs inquiétudes, avec demande daide à lextérieur de la famille et auprès de professionnels.
Informer les parents des facteurs de risque repérables sans investigation ou nécessitant le recours aux soins spécialisés ;
Informer la famille des facteurs de protection, en particulier :
Développer ou renforcer au sein de la famille la capacité de mettre en mots, les tensions ressenties et agies.
Favoriser lalliance thérapeutique avec les autres intervenants, tout comme les initiatives positives de la personne.
Considérer la concordance ou la multiplication des manifestations alarmantes à l'intérieur et à l'extérieur de la famille comme un élément de gravité.
Faciliter la mise à disposition des informations susceptibles d'améliorer le repérage de la crise suicidaire.
En milieu scolaire
Le cumul des difficultés sociales et familiales, labsentéisme scolaire, lisolement au sein du groupe, la consultation auprès de linfirmière scolaire ou du psychologue, le fait quun tiers vienne sinquiéter pour un élève sont à considérer avec vigilance.
Il est recommandé de :
Communiquer sur les réseaux découte et daccueil jeune (numéros verts et accueils locaux).
Favoriser le développement en milieu scolaire des programmes visant à améliorer lestime de soi et à sexercer à la résolution de conflits.
En cas dinquiétude ressentie, proposer à lélève de le rencontrer, éventuellement plusieurs fois.
En cas dénoncé suicidaire ou de plan suicidaire, ne pas se laisser enfermer dans le secret, se référer à linfirmière ou au médecin scolaire.
Contacter les parents.
En cas dimminence de passage à lacte, solliciter laide urgente du réseau de soins (médecins traitants, dispositif durgence ou spécialisé en psychiatrie).
En milieu universitaire
Les problèmes dadaptation, lisolement, les conduites déchec constituent les principaux soubassements de crises, particulièrement pendant la première année de faculté.
Il est recommandé de favoriser laccueil, les dispositifs de parrainage, la qualité de diffusion de linformation disponible.
En milieu professionnel
Lentourage est toujours un recours et un soutien. Linfirmier(e) et le médecin du travail sont des interlocuteurs privilégiés.
Laugmentation du suicide est significative chez ladulte jeune. Les ruminations et les plans suicidaires, les troubles dépressifs, semblent particulièrement dissimulés parmi cette population dactifs et méritent dêtre interrogés.
Les conflits en milieu professionnel sont de gestion difficile et ont souvent un retentissement de souffrance psychique importante.
Il est recommandé de :
Évoquer et interroger sur des idées suicidaires en cas de consultations répétées de médecine du travail, particulièrement après un arrêt maladie.
Rechercher des abus de toxiques (alcool, ) comme facteurs de risques associés.
Contacter lentourage familier si cela aide à une diminution des tensions.
Privilégier le médecin généraliste comme premier interlocuteur du soin.
Recourir à lurgence en cas d'expression de troubles psychiques aigus et évoquant limminence d'un passage à lacte.
Nous avons déjà vu les modalités de l'évaluation.
Il est recommandé de :
1. Renforcer la formation des médecins généralistes concernant :
2. Organiser une expérience de formation sur le modèle de Gotland qui a montré que l'amélioration des modalités de dépistage et de prise en charge de la dépression par les médecins généralistes est possible et efficace en termes de morbidité et de mortalité.
3. Développer des instruments daide à la décision spécifiquement destinés aux généralistes.
Dans les cas de crise suicidaire de nature psychosociale ou familiale, le jury recommande de viser une réduction de la tension et une orientation vers les structures sanitaires et sociales, socio-éducatives, et vers les réseaux existants.
Cest pourquoi le professionnel paramédical devra être formé :
Les services daide téléphoniques apportent un support privilégié pour la prévention du suicide chez les adolescents et chez les personnes âgées. Lintervention à domicile savère particulièrement bien acceptée pour ces populations.
Il est recommandé de :
Mieux évaluer les services téléphoniques français généralistes ou spécialisés, fréquemment confrontés à lécoute de personnes en crise suicidaire.
Formaliser les programmes de formation centrés sur la spécificité et la variété des situations de crises suicidaires et mettre en place des protocoles de bonne pratique, adaptés à ce travail.
Organiser pour les écoutants, de façon plus systématique, une supervision assurée par des spécialistes.
Améliorer la connaissance du réseau de soins existant et des personnes ressources, avec le but daffiner les orientations et de préparer le relais vers des structures de soins ou de suivis appropriés.
Mener une réflexion sur les interventions avec sortie danonymat et respect de la confidentialité pour les cas de passage à lacte imminents ou avérés.
Les situations de crise suicidaire en phase aiguë passent fréquemment aux urgences hospitalières, le plus souvent comme effet immédiat dun passage à lacte, mais aussi sous la forme d'une symptomatologie anxieuse, somatique ou toxicologique.
Lorganisation de laccueil aux urgences, avec une mise au calme en essayant de garder autant que possible les mêmes interlocuteurs, contribue à une sécurisation immédiate qui est également favorable à l'évaluation du risque et aux décisions concernant la prise en charge.
Recommandations
Lévaluation du risque suicidaire associera les constatations cliniques et lutilisation de léchelle de désespoir de Beck. Elle respectera les principes suivants :
- une souffrance tolérable doit être écoutée, une souffrance intolérable (grande perplexité anxieuse, agitation) doit être soulagée par des traitements symptomatiques ;
- lexamen médical de la personne en crise reste indispensable. Il permet dapaiser et dentrer en relation ;
- la recherche dantécédents de tentative de suicide fait partie de linterrogatoire ;
- la famille et les accompagnants sont à écouter car souvent impliqués dans le suivi ; la possibilité de soutien du suicidaire sera évaluée en cas de retour au domicile comme en cas dhospitalisation à la demande dun tiers (HDT).
À l'issue de cette évaluation, un avis spécialisé ou une hospitalisation brève est recommandé en principe de référence.
Lhospitalisation du patient reste indiquée à partir des urgences en cas de :
Après une consultation spécialisée et à lissue de lhospitalisation aux urgences, le relais de soins du sujet est à considérer à partir du réseau socio-sanitaire connu et disponible.
Cette mise en liens est particulièrement indiquée pour les patients qui ninvestissent aucune filière de soins autre que la répétition mécanique de leur passage aux urgences en situation de crise.
Remarque
Les urgences étant continuellement en difficulté pour gérer les flux dentrants, on ne saurait trop recommander la possibilité de recours à des lits de crise.
1. L'intervention du psychiatre se situe à toutes les phases de la crise suicidaire pour :
- évaluer la psychopathologie ;
- diagnostiquer la crise et les troubles psychiatriques qui peuvent lui être associés ;
- déterminer des stratégies thérapeutiques immédiates et au long cours de ces patients.
2. Les éléments centraux de cette prise en charge sont :
- son adaptation à chaque pathologie ;
- l'importance de la relation ;
- les particularités de cette relation (attachement, suppléance des objets internes par des objets réels, caractère conflictuel des identifications).
3. Les données concernant les médicaments sont les suivantes :
Lithium
Dans la psychose maniaco dépressive bipolaire, le lithium ramène le risque suicidant à un taux proche de celui de la population générale, du moins après une année de traitement. Dans les formes unipolaires ce résultat nest pas retrouvé
Antidépresseurs
Aucune étude validée versus placebo ne prouve une amélioration du risque suicidaire sur une population tout venant. En revanche, de nombreuses études épidémiologiques sont en faveur dune diminution du risque chez les patients suicidaires déprimés.
Quelques méta analyses vont dans ce sens en montrant une amélioration plus rapide des idées suicidaires avec les I.R.S (Inhibiteur de la Recapture de la Sérotonine) par apport aux tricycliques. Ceci nexclut pas lexistence de raptus suicidaires brutaux et didéation suicidaire rapportés avec tous les antidépresseurs.
Il est reconnu que le risque dintoxication mortelle est beaucoup plus faible avec les nouveaux antidépresseurs quavec les tricycliques.
Neuroleptiques
Il na jamais été clairement démontré que les neuroleptiques classiques réduisaient le risque de tentative ou de suicide chez les patients souffrant de schizophrénie.
Il existe quelques arguments en faveur dun effet protecteur, contre le suicide, des neuroleptiques atypiques ou " nouveaux antipsychotiques ".
Benzodiazépines
Malgré leur efficacité sur certains troubles anxieux spécifiques, elles nont pas montré defficacité dans le risque suicidaire.
Il nexiste aucune étude expérimentale venant confirmer la nécessité dassocier systématiquement les benzodiazépines aux antidépresseurs dans le traitement de la dépression.
Le jury :
Souligne la nécessité dune évaluation psychiatrique soigneuse devant une crise suicidaire majeure ou grave.
Recommande le recours à la psychiatrie dans tous les cas ou lexistence dune pathologie psychiatrique sassocie à la crise (grade A).
Recommande le recours à la psychothérapie dans tous les cas où cet abord est indiqué pour traiter les facteurs psychopathologiques de vulnérabilité ou diminuer les effets critiques.
Recommande de nutiliser les psychotropes dans la crise suicidaire quen fonction des pathologies psychiatriques éventuellement associées. En particulier, les benzodiazépines prescrites le plus souvent à linstigation des patients, sont encore trop ou trop longtemps utilisées.
L'hospitalisation est recommandée si la crise suicidaire est d'urgence élevée (cf. ci-dessus). Toute autre situation devra être évaluée au cas par cas.
Elle aura pour but :
- la protection de la personne ;
- létablissement dune relation de confiance avec elle ;
- la mise en mots de la souffrance en ayant le souci constant de définir et de favoriser les soins ultérieurs (cf. ci-dessous "suivi").
Si l'hospitalisation est refusée et que la dangerosité de la situation limpose, il pourra être nécessaire de recourir aux dispositions de la loi du 27 juin 1990.
Quel que soit le contexte, et notamment en urgence, il convient dexpliquer systématiquement au patient les raisons de cette démarche de soins et l'impossibilité dy déroger, les conditions de la prise en charge (lieu dhospitalisation, délai, équipe) et laspect transitoire de cette hospitalisation. Il faut travailler une alliance thérapeutique même lorsquelle paraît rompue.
La personne âgée
À partir de 65 ans, le taux de suicide augmente avec lavance en âge.
Chez les personnes âgées, la crise suicidaire est souvent peu apparente et elle est difficile à reconnaître. Ces personnes ne montrent pas leur détresse de façon bruyante ou par une tentative de suicide. Des signes comme le repli sur soi, les attitudes de désinvestissement, le refus de salimenter ou le refus de soin doivent faire évoquer la possibilité dune crise suicidaire. La détermination à se donner la mort augmente avec lâge.
Facteurs de risque spécifiques : âge supérieur à 75 ans, le sexe masculin, la perte du conjoint, les maladies somatiques (notamment celles sources de handicap ou de douleur), les changements denvironnement (comme lentrée en maison de retraite ou une admission à lhôpital), la perte des rôles, l'isolement, les conflits et la maltraitance, la dépression (quasiment constante même si ses manifestations ne sont pas toujours typiques), l'existence de moyens de suicide par mort violente qu'il faudra rechercher et mettre à l'écart .
Il est recommandé de :
Améliorer la formation et linformation des professionnels de santé sur les aspects particuliers de la crise suicidaire et du suicide dans le grand âge.
Améliorer la formation et linformation des professionnels de santé sur les aspects particuliers de la dépression, sa reconnaissance et son traitement chez le sujet âgé.
Améliorer le dépistage et le diagnostic de la dépression en médecine générale, en psychiatrie, en hospitalisation et en institution gériatrique, en proposant aux médecins concernés le large recours à des questionnaires simples et utilisables par tout médecin, comme le mini GDS.
Pour les addictions voir les RL.
Les patients en crise suicidaire et ayant déjà fait une tentative de suicide ont un risque majeur de récidive dans lannée qui suit le passage à lacte, un taux de suicide de 1 % à un an et un risque accru de décès toute cause confondues. Ce risque est majoré pour les suicidants présentant des facteurs de risque primaires.
Chez les patients présentant certaines pathologies psychiatriques à haut risque suicidaire (dépression, et schizophrénie notamment) il existe un lien entre la survenue dune tentative de suicide et la diminution récente de lintensité du traitement (diminution des posologies, espacement des consultations).
Chez les patients en crise (suicidaire ou non)
La prise en compte du contexte familial par les équipes psychiatriques favorise une bonne acceptation des soins spécialisés par le patient et son entourage.
Ce type de modalité contribue à dédramatiser le recours à la psychiatrie et diminue le taux des rechutes ;
Le suivi est essentiel dans tous les cas ;
Les modalités proposées seront adaptées au stade évolutif de la crise, au moment de la prise en charge, au contexte dans lequel elle sinscrit et aux professionnels ou intervenants sollicités.
Dans tous les cas le jury recommande :
Denvisager et dorganiser la continuité des soins dès le début de la prise en charge de crise.
D'orienter les sujets qui présentent des facteurs de risque primaires ou un cumul de plusieurs facteurs de risque (troubles psychiatriques patents, suicidants, et addictions) vers un suivi spécialisé, quil sagisse dune hospitalisation ou dun suivi ambulatoire.
D'organiser également un suivi après la crise (tant sur le plan personnel que familial) pour les sujets présentant une crise suicidaire sans facteur de risque primaire.
Ce suivi non systématiquement médicalisé, doit sinscrire dans le réseau déjà sollicité.
De favoriser lalliance thérapeutique sur le long terme, d'informer le sujet et son entourage sur le choix de lorientation et d'éviter une rupture de la continuité des soins ;
De maintenir une attention et une mobilisation soutenues durant lannée qui suit le début de la crise.
Dernière mise à jour : mardi 21 novembre 2000 10:28:42 Monique Thurin