AVANT-PROPOSLes conclusions et recommandations présentées dans ce document ont été rédigées par le Jury de la conférence, en toute indépendance. Leur teneur n'engage en aucune manière la responsabilité de l'ANAES. |
Les données de la littérature sur la prévention du suicide sont abondantes pour la prévention primaire et la prévention tertiaire mais pauvres pour la prévention secondaire. Cela tient au fait que les premières manifestations de la crise suicidaire sont difficiles à cerner : ses aspects sont très variables, les troubles sont parfois inapparents, lorsqu'ils existent ils se manifestent par des signes peu spécifiques et permettent peu de prévoir si la crise va évoluer vers une rémission spontanée ou vers une tentative de suicide ou d'autres passages à l'acte. Il n'y a pas un consensus international sur ses critères de définition.
Pourtant il est essentiel de repérer une telle crise suicidaire car elle justifie une prise en charge et constitue un moment fécond où une action thérapeutique est possible.
C'est pourquoi la Fédération Française de Psychiatrie a estimé qu'il serait utile d'organiser une conférence de consensus sur ce sujet. La principale difficulté est venue de cette pauvreté des données.
Les recommandations qui suivent correspondent à " l'état de l'art " actuel. Elles ne sont ni complètes ni parfaites. Elles auront certainement à être revisitées lorsque les connaissances auront progressé.
Leur objectif est de permettre lamélioration du repérage, et par là même lorganisation dune prise en charge susceptible déviter ou de limiter la fréquence des passages à lacte.
Nous les présenterons en distinguant, chaque fois que cela est possible, les données de la littérature sous la rubrique " constatations " et les " recommandations " qui peuvent en découler. Les niveaux de preuve sont rarement de niveau A, dans la mesure où les études portent sur des populations ciblées ou à risque, sans groupe témoin, ou au contraire se réfèrent à des études en population générale de type sondage et purement descriptif.
Il sagit dune crise psychique dont le risque majeur est le suicide.
Comme toute crise, elle constitue un moment déchappement où la personne présente un état dinsuffisance de ses moyens de défense, de vulnérabilité, la mettant en situation de souffrance pas toujours apparente et de rupture.
Elle peut être représentée comme la trajectoire qui va du sentiment péjoratif dêtre en situation déchec à limpossibilité déchapper à cette impasse, avec élaboration didées suicidaires de plus en plus prégnantes et envahissantes jusquà léventuel passage à lacte qui ne représente quune des sorties possibles de la crise, mais lui confère sa gravité.
Elle est un état réversible temporaire, non classé nosographiquement, correspondant à une rupture déquilibre relationnel du sujet avec lui-même et son environnement, la tentative de suicide en étant une des manifestations possibles. Ce nest pas un cadre nosographique simple mais un ensemble sémiologique variable en fonction des sujets, des pathologies associées, des facteurs de risque et des conditions dobservation.
Elle est difficile à identifier. À tel point que beaucoup de sujets qui font une tentative de suicide consultent un médecin et parfois un psychiatre dans les jours qui précèdent leur tentative sans que le diagnostic soit porté. Lidentifier permet de créer un espace de prévention et dintervention.
Si le recours au médecin apparaît devoir être systématique, ce nest pas la solution à tout. Le médecin est là pour faire le diagnostic et déterminer une stratégie thérapeutique, ce qui implique son investissement, mais une partie de son action thérapeutique et quelquefois la possibilité même de cette action dépendent de lentourage qui est le premier témoin des manifestations dune crise en développement.
Il nexiste pas dans la littérature de critères diagnostiques de la crise suicidaire. Des études cas-contrôle à partir dautopsies psychologiques, le suivi de patients et les critères retrouvés dans les différentes contributions des experts font apparaître que le repérage de la crise suicidaire sappuie sur 3 types de signes :
- Au premier rang, les manifestations les plus évidentes sont les expressions didées et dintentions suicidaires. La personne en crise va verbaliser certains messages directs ou indirects " je veux mourir ", " je nen peux plus, je voudrais partir, disparaître ", à travers des textes ou des dessins, à prendre absolument en compte.
- Au deuxième rang, se trouvent des manifestations de crise psychique. La personne peut éprouver des malaises divers : fatigue, anxiété, tristesse, irritabilité et agressivité, des troubles du sommeil, une perte du goût aux choses, un sentiment déchec et dinutilité, une mauvaise image de soi et un sentiment de dévalorisation, une impuissance à trouver des solutions à ses propres problèmes, des troubles de la mémoire, une perte dappétit ou une boulimie, une rumination mentale, une appétence alcoolique et tabagique.
- Au troisième rang, se situe un contexte de vulnérabilité. La dépression, limpulsivité (décision ou acte brutal, incontrôlable, qui écarte le reste, tendance à lagir, démesure dans la réponse, non-contrôle de laffectivité, réaction brute sans souplesse, sans élaboration), des affections psychiatriques déjà existantes, les facteurs de personnalité ainsi que lalcoolisme et la toxicomanie y tiennent une place importante. Dans ce contexte, lhistoire familiale individuelle, des événements de vie douloureux (déplacement, perte dun être cher, etc.) peuvent être des éléments de précipitation de la crise suicidaire.
À ce stade, lentourage peut repérer des signes de souffrance psychique (visage fermé, inexpressif, regard triste, pleurs), de petits signes dincohérence, un changement de la relation avec lentourage, labandon dactivités, une consommation abusive et cumulée (alcool, psychotropes, tabac, drogue), un désinvestissement des activités habituelles, des prises de risque inconsidérées, un retrait par rapport aux marques daffection et au contact physique, un isolement.
À un stade ultérieur, la crise peut sexprimer par des comportements particulièrement préoccupants : le désespoir, une souffrance psychique intense, une réduction du sens des valeurs, le cynisme, un goût pour le morbide, la recherche soudaine darmes à feu. Une accalmie suspecte, un comportement de départ sont des signes de très haut risque.
Les premiers signes que nous venons de décrire ne sont, dans leur majorité, ni spécifiques ni exceptionnels pris isolément. Ils peuvent être labiles. Cest leur regroupement, leur association ou leur survenue comme une rupture par rapport au comportement habituel qui doivent alerter lentourage, le conduire à suspecter lexistence dune crise suicidaire et à provoquer une investigation complémentaire par le médecin. Lapproche de bienveillance, découte, de dialogue et daccompagnement de lentourage est un élément essentiel pour lengagement de cette prise en charge.
Repérage à des âges et dans des environnements particuliers ; premières attitudes recommandées
Chez lenfant
Lexpression didées et dintentions suicidaires est rare.
La crise psychique peut sexprimer par des problèmes somatiques mal étiquetés, un isolement, des troubles de la communication et de lapprentissage, une hyperactivité, une encoprésie, des blessures à répétition, des préoccupations exagérées pour la mort, une tendance à tenir la place de souffre-douleur par rapport aux autres.
Parmi les facteurs de vulnérabilité, on peut souligner l'isolement affectif, les bouleversements familiaux, l'entrée au collège, un contexte de maltraitance.
Les premières attitudes recommandées sont les suivantes :
ne pas chercher à résoudre le problème seul, parler avec lenfant sans que cela soit intrusif, signaler à la famille les signes repérés, les signaler aussi au médecin scolaire qui fera le lien avec le médecin généraliste et/ou le médecin spécialiste.Chez ladolescent
Lexpression didées et dintentions suicidaires était jadis jugée " banale " à ladolescence. On saccorde actuellement à les considérer comme un motif suffisant dintervention et de prévention.
La crise psychique peut sexprimer par un infléchissement des résultats scolaires, des conduites excessives et déviantes, une hyperactivité, une attirance pour la marginalité, des conduites ordaliques, des conduites danorexie et de boulimie, des prises de risque inconsidérées, une violence sur soi et sur autrui, des fugues et des prises de risque au niveau sexuel.
Ladolescence est une période de particulière vulnérabilité à laquelle peut se surajouter lisolement affectif, les ruptures sentimentales et les échecs, notamment scolaires, les conflits dautorité.
Les premières attitudes recommandées sont les suivantes :
créer un climat dempathie avec le jeune qui va permettre son accompagnement vers les professionnels de létablissement (médecin, infirmière ou assistantes scolaires), la famille et le médecin traitant ; utiliser les réseaux spécialisés existants.Chez ladulte
Les idées suicidaires peuvent être peu exprimées en dehors de la relation avec le médecin ou au contraire être très manifestes dans la famille.
Les manifestations de la crise psychique sont : lennui, le sentiment de perte de rôle, déchec, dinjustice, de décalage et de perte dinvestissement au travail, les difficultés relationnelles (y compris celles de couple), lincapacité à supporter une hiérarchie, les arrêts de travail à répétition ou au contraire le surinvestissement au travail, les consultations répétées chez le médecin (douleur, sensation de fatigue).
Le contexte de vulnérabilité dépend beaucoup du statut conjugal, social et professionnel et peut être aggravé par un climat délétère, voire de harcèlement dans le travail. Parmi les autres facteurs, on trouve les toxicomanies, le sida, la violence ou latteinte narcissique et lémigration.
Les premières attitudes recommandées sont les suivantes :
lentourage proche doit essayer détablir un lien et une relation de confiance en adoptant une attitude de bienveillance, découte, de dialogue et dalliance qui favorisera le recours aux réseaux daide et au soin.Chez la personne âgée
Les idées suicidaires sont rarement exprimées et lorsquelles le sont, elles ne doivent pas être banalisées par lentourage.
Les manifestations de la crise psychique peuvent comporter une attitude de repli sur soi, un refus de salimenter, un manque de communication, une perte dintérêt pour les activités, un refus de soin et des gestes suicidaires. Une dépression quasiment constante avec idées suicidaires est souvent à tort minimisée par lentourage.
Le contexte de vulnérabilité comporte de façon quasi constante une dépression, des maladies somatiques, notamment sources de handicap et de douleur, les conflits, le changement denvironnement. Un autre facteur est le veuvage pour les hommes.
Les premières attitudes recommandées sont les suivantes :
être attentif à la possibilité dune dépression, envisager une souffrance somatique et une maltraitance devant un changement comportemental.Chez les personnes atteintes de troubles psychiques avérés
Les idées suicidaires peuvent être exprimées ou à linverse totalement dissimulées.
La crise suicidaire est constituée dune alternance de moments à haut risque et de moments daccalmie, sur un fond de variabilité permanente. Certains signes peuvent marquer une aggravation du risque, quil peut être difficile de repérer parmi des signes déjà présents dus à la maladie : isolement, rupture des contacts habituels, réduction et abandon des activités, exacerbation de tous les signes de maladie.
Le contexte de vulnérabilité est la maladie, au sein de laquelle des événements dallure insignifiante peuvent avoir un impact très important.
Les premières attitudes recommandées sont les suivantes :
prendre contact avec le ou les thérapeutes habituels, sassurer de la sécurité par rapport à des objets ou des médicaments dangereux.Chez les personnes souffrant daddictions et alcoolisme
Nous navons pas pu disposer de textes dexperts concernant les toxicomanies.
Concernant lalcool :
Les idées suicidaires ne sont ni nécessairement conscientes, ni exprimées alors que le risque suicidaire peut être important et imprévisible.
Lalcoolisation a à la fois la valeur dune conduite de protection et de facteur de risque ; labus et le dépassement dune limite possible ou le jeu avec les limites et la prise de risque, l' impulsivité accrue et le manque de contrôle comportemental sont des signes dalarme.
Le contexte de vulnérabilité est constitué par limpulsivité, la perte de contrôle du comportement, la précocité de lintoxication, la dépression, le chômage, les séparations et les maladies somatiques. Chez les femmes alcooliques, le désespoir, les séparations et les antécédents de traumatismes dans lenfance sont associés à un risque suicidaire accru.
Les premières attitudes recommandées sont les suivantes :
le risque suicidaire doit être recherché et prévenu chez lensemble des alcooliques, et encore davantage en cas de chômage, séparation et dépression.Dans larmée
Les idées suicidaires peuvent être exprimées par un geste symbolique.
Les troubles psychiques sexpriment au niveau des conduites (certaines dhéroïsme et de fuite en avant), de prises de risque (saut en mer), dautomutilation (lacération du poignet), de fugue-désertion, de mésusage chronique de lalcool, de conduites toxicophiliques, de retards répétés à la prise de service, de négligences dans la vie quotidienne, dattitudes caractérielles entraînant des sanctions répétées et du sentiment dimpuissance.
Le contexte de vulnérabilité comporte la fin de service, les affectations lointaines, lalcoolisation aiguë contemporaine du passage à lacte, le port permanent de larme, les événements de vie non spécifiques, les situations difficiles et à haut risque, lexistence dun PTSD.
Les premières attitudes recommandées sont les suivantes :
lentourage non professionnel a une place importante dans le repérage des troubles suicidaires.Dans les prisons
Les idées suicidaires peuvent apparaître dès le début de la détention.
Les signes dappel sont les actes auto-agressifs (automutilation) et la demande de soins.
Les facteurs de risque contextuels sont la perte dune situation professionnelle antérieure, lentrée dans la prison, la période précédant le jugement, certains horaires.
Les premières attitudes recommandées sont les suivantes :
une attention toute particulière pour les mineurs qui entrent en prison et les automutilations à répétition.Les épidémiologistes ont établi un certain nombre de corrélations qui peuvent apporter des critères dévaluation. Ils utilisent les concepts de facteurs de risque, dévénements de vie (ces derniers étant une variété de facteur de risque) et de facteurs de protection.
1. Les facteurs de risque : lusage quon peut faire de cette notion doit tenir compte du fait quun facteur de risque ne se situe pas au niveau de la causalité individuelle. Il est dans une relation de corrélation avec la survenue dun phénomène mais nen est pas forcément une cause. De plus il concerne une population. Par ailleurs, tous les auteurs estiment que la crise suicidaire doit être envisagée selon un modèle plurifactoriel. Enfin les différents facteurs sont en interaction les uns avec les autres. Il ne sagit donc pas dun modèle additif mesurant le risque final à partir dune somme des différents facteurs de risque mais dun modèle intégratif aboutissant au fait que limpact de chacun deux dépend de la présence ou de labsence dautres éléments.
La recherche des facteurs de risque au cours du bilan psychologique dun sujet en état de crise suicidaire peut apporter des informations de valeur mais à condition quelle soit faite dans le cadre dune appréciation globale de lensemble du contexte psychopathologique.
On peut classer ces facteurs de risque en :
- facteurs primaires : les troubles psychiatriques, les antécédents personnels et familiaux de suicide, la communication dune intention suicidaire ou une impulsivité ; ils sont en interaction, ont une valeur dalerte importante au niveau individuel et surtout pourront être influencés par les traitements ;
- facteurs secondaires : les pertes parentales précoces, lisolement social, le chômage, les difficultés financières et professionnelles, les événements de vie négatifs ; ils sont observables dans lensemble de la population et faiblement modifiables par la prise en charge et nont quune faible valeur prédictive en labsence de facteurs primaires ;
- facteurs tertiaires : appartenant au sexe (masculin ), à lâge (grand âge et jeune âge), à une période de vulnérabilité (phase prémenstruelle), ils ne peuvent être modifiés et nont de valeur prédictive quen présence de facteurs primaires et secondaires.
Des études contrôlées ont établi des corrélations qui autorisent des recommandations de grade A. Ces corrélations sont les suivantes :
Idées de suicide :
80 % des sujets qui font une tentative de suicide ou se suicident expriment de telles idées dans les mois qui précèdent. Le risque de passage à lacte est évalué, chez ladolescent à 1 % en labsence didées suicidaires, à 14 % en cas didées occasionnelles et à 41 % en cas didées fréquentes. Mais la sévérité de ces idées de suicide nest que faiblement corrélée avec le risque suicidaire. Elles donnent lieu à un plan pour la réalisation dune tentative chez environ un tiers des sujets et parmi ceux-ci 70 % feront un passage à lacte alors que seulement 25 % de ceux qui nont pas fait de plan en feront.Les troubles psychiatriques
sont des facteurs de risque connus. Il nest pas utile ici dy revenir. En revanche il faut insister sur :- la fréquence des troubles subliminaires ;
- le fait que la coexistence de plusieurs troubles accroît le risque. Lassociation de deux troubles : troubles anxieux et troubles dépressifs ou même deux troubles subliminaires augmentent le nombre de tentatives. Lorsquil existe 3 diagnostics le risque est multiplié par 20.
Limpulsivité
est un trait essentiel. Elle nest pas un facteur spécifique mais elle facilite le passage à lacte et tout particulièrement lorsquelle est associée à lanxiété ou à la dépression.Les facteurs de protection
sont le support social et la prise en charge thérapeutique.2. Les événements de vie (EV) :
la notion courante est quil sagit de changements extérieurs au sujet. Mais ils sont parfois interprétés autrement et considérés comme liés à la personnalité de sujets privilégiant lexpression agie plutôt que la mentalisation. Peu importe cette distinction pour notre propos. De nombreuses études ont établi un lien temporel entre de tels événements de vie et les tentatives de suicide. Cette liaison nest pas considérée comme lexpression dune causalité directe mais comme leffet de facteurs prédisposants et précipitants.Les résultats de ces recherches, permettant des recommandations de grade A, sont :
- les suicidants présentent 4 fois plus dEV dans les 6 derniers mois que la population générale et 1,5 fois plus que les déprimés ne faisant pas de tentative de suicide. Un pic de fréquence est retrouvé dans le dernier mois précédant le geste qui concentre 1/3 des EV ;
- les EV prédisposants les plus étudiés sont les pertes précoces, la maltraitance dans lenfance, les abus sexuels et les abus physiques. Ils correspondent aux facteurs de risque secondaires.
- les EV précipitants : plusieurs auteurs se sont intéressés à la semaine précédant la TS et ont constaté un nombre important de conflits interpersonnels (violences, hostilité, déceptions), et chez les adolescents des problèmes sentimentaux et des problèmes disciplinaires, soit avec les parents soit avec la justice, entraînant des sentiments dinjustice, de rejet, dhumiliation et des situations de tension chronique au sein de la famille.
Ces données épidémiologiques fournissent quelques critères pour lappréciation du risque suicidaire chez un sujet en crise. Le poids de ces critères est à apprécier en tenant compte de lensemble du tableau clinique.
Il convient de reconnaître la crise et den apprécier la gravité.
Chez un patient connu
Patient ayant des troubles psychiatriques (troubles anxio-dépressifs, troubles de la personnalité, conduites addictives, etc.).
Il peut sagir dune modification ou dune aggravation récente des troubles, perçue par le patient ou son entourage.
Patient sans troubles psychiatriques préalables :
Chez un patient peu ou pas connu, lattention peut être attirée par :
À partir de ces différents indices, le médecin doit se permettre dadopter une démarche active et aborder la question du ressenti de la situation et des idées de suicide
Il ne faut pas hésiter à questionner le patient sur ses idées de suicide. Cette attitude, loin de renforcer le risque suicidaire, ne peut que favoriser lexpression des troubles, si lentretien est fait dans un climat de confiance, avec tact et sans émettre de jugement de valeur, en sorte que le patient se sente reconnu dans sa souffrance.
Le praticien pourra alors :
Le diagnostic de crise suicidaire sappuiera, au-delà de la présence éventuelle dun syndrome dépressif franc ou dune pathologie psychiatrique, sur :
- le contexte suicidaire :
- des signes de vulnérabilité psychique :
- des signes dimpulsivité :
- léventualité dun syndrome présuicidaire de Ringel où un calme apparent et une attitude de retrait avec diminution de la réactivité émotionnelle et affective, de lagressivité et des échanges inter-personnels, cachent un développement des fantasmes suicidaires.
Dans dautres circonstances on peut se trouver confronté à des comportements passifs (refus alimentaire, refus de soin, syndrome de glissement) qui peuvent être qualifiés déquivalents suicidaires.
On peut saider, pour passer en revue ces facteurs, de listes comme celle de lOMS (2000) qui rassemble les plus significatifs.
Les facteurs individuels :
Les facteurs familiaux :
Les facteurs psychosociaux :
Il est souhaitable dexplorer six éléments.
1. Le niveau de souffrance
2. Le degré dintentionnalité
3. Les éléments dimpulsivité
4. Un éventuel élément précipitant : conflit, échec, rupture, perte, etc.
5. La présence de moyens létaux à disposition : armes, médicaments, etc.
6. La qualité du soutien de lentourage proche : capacité de soutien ou inversement renforcement du risque dans le cas de familles " à transaction suicidaire ou mortifère ".
Le jury recommande de considérer comme en urgence faible une personne qui :
On considère comme en urgence moyenne une personne qui :
On considère comme en urgence élevée une personne qui :
Il faudra également tenir compte de l'élément de dangerosité lié à l'accumulation de facteurs de risque, notamment l'âge (> 75 ans).
Un tel bilan exhaustif nest pas toujours possible. Il est souhaitable dans une évaluation psychiatrique. Le médecin généraliste confronté à la diversité des situations aura à évaluer au moins la crise et son degré durgence. Lurgentiste confronté à une crise dangoisse aura à apprécier le potentiel de dangerosité suicidaire. Le médecin scolaire et le médecin du travail confrontés dans leurs pratiques respectives à des signes dappel auront à les identifier et à orienter le Sujet vers une structure de soins.
Les principes de base qui se dégagent de la littérature et des rapports des experts concernant les modalités dintervention dans la crise suicidaire amènent à inscrire toutes les recommandations :
Il sagira de repérer sur ces deux axes ce qui fait la singularité de la crise et de rechercher la présence ou labsence de facteurs de risque associés.
Les modalités dinterventions
proposées doivent être adaptées aux différents contextes dans lesquels se situe le sujet ; contextes, qui peuvent être du plus familier au plus spécifique :Les interventions devront tenir compte des interrelations de lindividu avec son entourage et avec lensemble du tissu social. La prise en charge de la crise suicidaire devra être de nature pluridisciplinaire.
Un autre principe de base est la place qui est faite aux liens dans la prise en charge des personnes en crise suicidaire.
Le sentiment dêtre compris, reconnu et accepté par lintervenant, la capacité détablir un bon contact avec la personne suicidaire, ne peuvent être remplacés par aucune technique standardisée. Pour chaque personne particulière lintervenant aura à rechercher une alliance thérapeutique qui suppose une implication active du sujet et de son entourage, et une continuité dans la relation et dans les soins.
Les recommandations répondent à quatre objectifs :
On peut rapporter quelques données qui complètent celles qui ont été présentées plus haut. Le sujet suicidaire exprime souvent son intention à la famille, de façon plus ou moins manifeste. La perception de lintentionnalité par lentourage est également rapportée. Une étude américaine montre que les mères perçoivent plus didéations suicidaires que les enfants nen expriment eux-mêmes.
Une étude intéressante est centrée sur le rôle des proches de suicidants. Elle témoigne de lexistence de signaux dalerte et dune demande daide adressée à ces derniers. Elle recense leurs préoccupations et leurs réactions face au système de soins proposé aux suicidants durant lannée de létude.
Les études épidémiologiques saccordent tant pour mettre en avant limportance des idées suicidaires déclarées par les jeunes eux-mêmes que pour démontrer leur valeur prédictive dun passage à lacte.
Paradoxalement, à ce stade, ces inquiétudes naboutissent que rarement à la mise en place dune dynamique de résolution, quil sagisse du sujet ou de ses proches. Les obstacles identifiés dans la littérature sont liés à la fois à des facteurs individuels (difficultés de communication, troubles psychopathologiques) et collectifs (tabou à propos du suicide : impossibilité à penser le suicide dun proche et en particulier dun enfant).
Dautres données soulignent lexistence de problématique ou de crise suicidaire touchant ou ayant touché les proches du sujet en crise. Elles rapportent une plus grande fréquence dans lentourage de troubles psychopathologiques et dévénements de vie traumatiques (rupture, maladie, décès, accident) . Par ailleurs, dautres études montrent lincidence des troubles psychopathologiques contemporains ou réactionnels de la période de crise suicidaire chez lun dentre eux. Ces éléments ne sont pas toujours connus du sujet présentant la crise suicidaire, cependant ils signent une vulnérabilité familiale actuelle et/ou passée.
Si le sujet et sa famille reconnaissent plutôt un événement récent comme précipitant la crise, cest par la résurgence et la résonance avec les événements passés que se marque la gravité de la crise.
Certaines personnes se méprennent sur les raisons de leur désir de mort. Elles présentent, en apparence, une envie de sexclure alors que leur quête sadresse de toute évidence à leur entourage. Les situations conflictuelles évoquées au cours des crises suicidaires témoignent en particulier chez les suicidants de limplication de lentourage dans la crise (voir facteurs de risque).
Cest aussi sur le lieu de vie familial que le suicidaire pourra se procurer les moyens pour attenter à sa vie.
Il arrive que lévolution de la crise suicidaire assortie de multiples menaces de passage à lacte soit marquée dune ambivalence familiale qui peut agir comme résistance à la prise en compte de la plainte.
Les modalités dintervention rapportées par les experts soulignent limportance du travail impliquant les familles, que cette implication soit demandée demblée sur le lieu de vie, au sein des structures hospitalières ou après un temps de mise à distance.
Le rôle de lentourage est aussi essentiel dans les protocoles de suivi envisagé à court et à moyen terme.
Tous ces éléments épidémiologiques, dordre clinique et thérapeutique démontrent lévidence de limplication de lentourage et de la famille dans la prise en charge de la crise suicidaire.
Il convient donc dinciter les familles, et en particulier les parents dadolescents à accorder, une valeur à leur ressenti et à leurs inquiétudes. Le souci doit initier des demandes daide à lextérieur de la famille, voire des démarches de soins auprès de professionnels ; une demande daide ponctuelle et précoce peut permettre de dénouer une situation vécue comme insupportable et promouvoir la capacité autocurative de la famille.
Il faut informer les parents de la prévalence des facteurs de risque : certains sont repérables sans investigation, dautres nécessitent le recours aux soins spécialisés demblée, dautres encore doivent conduire la famille à explorer son histoire familiale .
Malgré les tentatives du sujet suicidaire à sexclure du cercle familial ou à sisoler plus généralement, la famille aura à favoriser le maintien ou la restauration du lien affectif avec elle-même ou avec les autres. Sans banaliser ni dramatiser, par des réactions en symétrie ou en miroir de celles du sujet suicidaire, elle doit rester attentive aux signes évolutifs de la crise. Ceux-ci peuvent se manifester exclusivement dans le cercle familial ou sétendre dans les autres contextes de vie de la personne. La concordance ou la multiplication des manifestations alarmantes dans lensemble de ces champs sont un élément de gravité.
Les modalités daide sont diverses ; la capacité de mettre en mots les tensions ressenties et agies est une compétence à développer ou à renforcer au sein de la famille. Lalliance thérapeutique avec les autres intervenants est à favoriser, tout comme les initiatives positives de la personne.
Il est primordial déviter laccès aux moyens ou de retirer les objets susceptibles dêtre utilisés par la personne en crise pour sauto-agresser.
Il est recommandé de faciliter la mise à disposition des familles des informations susceptibles d'améliorer le repérage de la crise suicidaire.
Nous disposons de peu détudes sur la crise suicidaire en milieu socio-professionnel et notre niveau de recommandations est donc faible.
En milieu scolaire
-7 % des scolarisés de 11-19 ans déclarent avoir fait une tentative de suicide. Ce taux est multiplié par deux pour ceux qui quittent précocement lécole. 12 % des collégiens et 22 % des collégiennes ont pensé au suicide dans les 12 mois précédents.
Les adolescents en situation de crise ont plus tendance à consulter.
La moitié des jeunes admettent que lors de leurs crises suicidaires, ils se seraient dirigés vers un ami plutôt que vers un conseiller traditionnel.
Ainsi le cumul des difficultés sociales et familiales, labsentéisme scolaire, lisolement au sein du groupe, la consultation auprès de linfirmière scolaire ou du psychologue, le fait quun tiers vienne sinquiéter pour un élève sont à considérer avec vigilance.
Diverses actions sont à poursuivre et à développer dans les établissements scolaires : communiquer sur les réseaux découte et daccueil jeune (numéros verts et accueils locaux).
Favoriser en milieu scolaire le développement des programmes visant à améliorer lestime de soi et à sexercer à la résolution de conflits.
En cas dinquiétude ressentie, proposer à lélève de le rencontrer, éventuellement plusieurs fois.
En cas dénoncé suicidaire ou de plan suicidaire, ne pas se laisser enfermer dans le secret, se référer à linfirmière ou au médecin scolaire.
Dans la connaissance de la situation familiale, contacter les parents.
En cas dimminence de passage à lacte, solliciter laide urgente du réseau de soins (médecins traitants, dispositif durgence ou spécialisé en psychiatrie).
En milieu universitaire
Nous navons pas disposé détudes spécifiques sur cette population.
Les références admises dans nos débats sont que les universités ont une organisation non homogène sur le plan sanitaire dans les recours proposés aux étudiants.
Les problèmes dadaptation, lisolement, les conduites déchec constituent les principaux soubassements de crises, particulièrement pendant la première année de faculté.
Laccueil, les dispositifs de parrainage, la qualité de diffusion de linformation disponible, un accès aisé aux soins sont recommandés.
En milieu professionnel
Lentourage est toujours un recours, un soutien. Linfirmier(e) et le médecin du travail sont des interlocuteurs privilégiés.
Depuis quelques années, laugmentation du suicide est significative chez ladulte jeune, avec une majoration particulière chez les hommes et les femmes de 25-34 ans pour lesquels cela constitue la première cause de décès.
Même si la notion de souffrance psychique en milieu professionnel émerge, nous navons pas disposé détude spécifique.
Les ruminations et les plans suicidaires, les troubles dépressifs, semblent particulièrement dissimulés parmi cette population dactifs et méritent dêtre recherchés.
Les conflits en milieu professionnel sont de gestion difficile et ont souvent un retentissement de souffrance psychique important.
Les consultations de médecine du travail, particulièrement après un arrêt maladie, doivent faire sinterroger sur ces idées suicidaires. Les abus de toxiques (alcool, etc.) sont à rechercher comme facteurs de risques associés.
Lentourage familier peut être contacté si cela aide à une diminution des tensions.
La distance inspirée par le respect de la vie privée incite à privilégier le médecin généraliste comme premier interlocuteur du soin.
Le recours à lurgence est légitimé par lexpression de troubles psychiques aigus et par limminence du passage à lacte.
Le développement de la recherche est très souhaitable.
En milieu carcéral
La population carcérale est jeune - 29 ans en moyenne - et essentiellement masculine (95 % d'hommes).
Le taux de suicides en milieu carcéral est particulièrement élevé et en augmentation : 240 morts par suicide pour 100 000 détenus. La population carcérale étant de 55 000, le nombre de morts par suicide a été de 125 en 1998. Ces décès sont en augmentation depuis les années 1972-1973.
La " sursuicidité " en milieu carcéral est de 6,4 par comparaison à la population générale.
L'épidémiologie des suicides en milieu carcéral montre que :
- la pendaison est surreprésentée comme modalité d'accomplissement du suicide (92,7 % des morts par suicide) ; ce mode de passage à l'acte est prévalent du fait du contexte carcéral qui limite l'accès à d'autres moyens ;
- à l'inverse des données générales, le fait d'avoir une famille, un conjoint ou des enfants est un facteur de risque au moment de l'incarcération ;
- des périodes critiques sont repérées : le premier mois d'incarcération (1/3 des suicides) et la première année (3/4 des suicides) ;
- 60 % des suicidés sont des prévenus (en attente de jugement) ;
- 90,7 % des suicides ont lieu en maison d'arrêt ;
- il existe une " sursuicidité " de facteur 7 en quartier disciplinaire par rapport au régime de détention normale ;
- les détenus qui se suicident semblent exprimer leur vulnérabilité particulière par un nombre considérable de tentatives de suicide (24,2 fois plus) ;
- la psychopathologie de la population carcérale définit 60 % d'états limites et 15 % de psychotiques.
Il convient de prendre en compte les préconisations édictées par la note n° 364 de M. G. Azibert du 29 mai 1998 sur la prévention des suicides dans les établissements pénitentiaires. En particulier, les situations d'humiliation de la personne sont déconseillées.
La réduction des espaces d'initiative du détenu comme prévention du passage à l'acte suicidaire ne semble pas une mesure efficace. Cela semble induire une réactivité paradoxale : la lutte contre les moyens suicidaires et la violence encourage involontairement les situations de crise. Il semble utile d'encourager plutôt une réflexion sur des supports et des espaces d'expression destinés aux détenus.
Nous recommandons une réflexion entre les acteurs du soin, du social et de la sécurité en prison, en référence à une démarche partagée de résolution de problèmes.
En milieu militaire
Larmée française vit actuellement une professionnalisation, une féminisation et une évolution à contenu humanitaire de ses missions. Les critères de sélection et dincorporation lui épargnent a priori la gestion en nombre de personnes qui présentent des troubles psychiatriques manifestes.
Les crises suicidaires semblent plutôt concerner :
Les médecins généralistes sont impliqués à tous les niveaux du repérage et de la prise en charge des crises suicidaires.
Ils adressent, à lhôpital, 80 % des tentatives de suicide, parfois dans le cadre de la loi de 1990.
Dautres données montrent que 60 % à 70 % des suicidants ont consulté un généraliste dans le mois précédant une TS, 36 % layant fait dans la semaine précédant lacte. Ces chiffres doivent être bien sûr corrélés avec lextrêmement faible incidence de cette pathologie : 1 cas par an en moyenne soit 1 sur 5000 actes.
Dans la grande majorité des cas ces consultations ont eu pour motif une plainte somatique plus ou moins précise. Ceci rend difficile la reconnaissance de la souffrance psychique sous-jacente, et donc le repérage de la crise suicidaire.
Une étude montre que le mode de communication du médecin influence la reconnaissance des symptômes dépressifs. Le taux de diagnostic de dépression dépend de la façon dont le médecin interroge le patient : les praticiens ayant un taux de diagnostic de dépression élevé posent deux fois plus de questions sur les sentiments et les émotions que ceux qui ne reconnaissent pas la dépression.
Cette difficulté de repérage est encore accrue avec les adolescents (répugnance à lexposition de leurs faiblesses) et les personnes âgées (formes particulièrement atypiques, atténuation des signes de la crise, syndrome de glissement, etc.).
Ce travail de dépistage et de prise en charge se confronte à plusieurs obstacles convergents :
Le médecin généraliste est isolé, dautant que les liens de collaboration avec des collègues psychiatres ou les réseaux environnant le patient ne sont pas toujours établis. Ladressage au spécialiste est rendu difficile par la saturation des consultations psychiatriques privées ou publiques et les listes dattente qui en sont la conséquence.
On évoque également la crainte de la psychiatrisation, crainte que peuvent partager le patient et son médecin face à la représentation quils se font de la psychiatrie ou face à ce quils perçoivent comme lhermétisme de la discipline.
Une étude a montré que pour 35 % des patients quils hospitalisent pour TS, les médecins généralistes disent navoir pas reçu de compte rendu de lhôpital.
Létude de Gotland a montré que lamélioration des modalités de dépistage et de prise en charge de la dépression par les médecins généralistes est possible et efficace en terme de morbidité et de mortalité.
Dans le cadre dun programme spécifique de formation des médecins généralistes de lîle de Gotland, on a retrouvé 2 ans après la mise en place de ce programme :
Une analyse coût/bénéfice de ce programme a également révélé une balance très fortement excédentaire en faveur du programme.
Dautres travaux internationaux ont confirmé lefficacité de la prise en charge de la dépression en médecine générale.
Des essais thérapeutiques randomisés ont mis en évidence une réduction des idées et du risque suicidaires avec le placebo. Ceci montre limportance de la relation médecin - malade dans cette prise en charge.
Il apparaît donc clairement que le généraliste, médecin de premier recours, se trouve totalement impliqué dans le dépistage, le diagnostic et la prise en charge de la dépression et des crises suicidaires en association avec tous les autres intervenants du champ sanitaire et social. Cette prise en charge est efficace à condition de garder une vigilance constante dans le repérage des troubles dépressifs et des idées suicidaires.
Meilleure formation des médecins généralistes au repérage des éléments de gravité de la crise suicidaire et aux modalités de prise en charge en articulation avec leurs partenaires des réseaux locaux. Une formation plus spécifique centrée sur lécoute active de la souffrance psychique et sur la nécessité dimpliquer la famille ou lentourage dans la prise en charge des patients en crise. Une expérience de formation sur le modèle de Gotland devrait être organisée.
Favoriser lacceptation et la compliance à un suivi spécialisé du sujet et de son entourage lorsquune pathologie psychiatrique est dépistée ou soupçonnée. Dans un certain nombre de cas ceci suppose une plus grande disponibilité des ressources psychiatriques ambulatoires, ce qui implique une démographie psychiatrique suffisante et une meilleure complémentarité de fonctionnement du public et du privé.
Une meilleure connaissance des dispositifs sociaux existants et une meilleure utilisation de laccompagnement quils proposent. Ceci suppose lamélioration de la disponibilité de ceux-ci.
Létablissement dinstruments daide à la décision spécifiquement destinés aux généralistes.
Les recommandations concernant lutilisation des psychotropes et les indications dhospitalisation sont détaillées dans un chapitre suivant.
Les experts ont peu traité de la prise en charge de la crise suicidaire offerte par les professionnels paramédicaux. Pourtant, ces derniers sont souvent en première ligne auprès des personnes en crise, reçoivent les premières paroles, accueillent, orientent, conseillent.
Dans la rencontre avec les personnes en crise psychiatrique, les personnels paramédicaux doivent viser une réduction de la tension et une orientation rapide vers des professionnels de la santé mentale.
Dans les cas de crise suicidaire de nature psychosociale ou familiale, le jury recommande une orientation vers les structures sanitaires et sociales, socio-éducatives, et vers les réseaux existants.
Cest pourquoi le professionnel paramédical devra être formé :
En effet, il est recommandé de ne pas travailler seul face aux sujets en crise et de mettre en place des collaborations, y compris familiales, qui assureront la possibilité dun suivi pluridisciplinaire de la crise et la qualité de la prise en charge.
Il existe de nombreux dispositifs daide au téléphone sur le plan international.
Les évaluations des experts de la conférence de consensus concernant lassistance par téléphone en matière de problématique suicidaire et dans les centres de prévention du suicide, souvent dotés dun service téléphonique fonctionnant 24 h/24, couplant ainsi les entretiens daccueil et laide par téléphone portaient sur des recherches faites en Amérique du Nord.
La téléphonie sociale française et les lieux daccueil et découte en face à face ne se définissent pas selon les mêmes critères, néanmoins les objectifs découte, de soutien, dinformation et dorientation sont proches. Les différences majeures concernent les modes dintervention dans les situations de tentatives de suicide agies. La quasi-totalité des lignes françaises observe un strict respect de lanonymat alors que les Canadiens nhésitent pas à faire sortir lappelant de lanonymat, à prévenir son entourage et à mettre en place des soins.
Les évaluations permettent de dessiner un profil général des appelants. Il sagit dindividus stressés, souvent très isolés, déclarant éprouver des difficultés psychosociales. On note également, parmi eux, un taux élevé de tentatives de suicide. Les différentes études citées font état dune part dune amélioration de létat de mal-être de lappelant entre le début et la fin de lentretien et dautre part dun effet facilitateur de laccès aux soins et du processus de prise en charge thérapeutique.
Une analyse canadienne souligne une réduction notable des indices reflétant une urgence suicidaire. Les services daide téléphonique apportent un support privilégié pour la prévention du suicide chez les adolescents et chez les personnes âgées, lintervention à domicile savérant particulièrement bien acceptée par ces populations.
Les nouvelles technologies permettent didentifier rapidement le numéro des appelants et de garder la trace des appels, autorisant ainsi un " secours " à lappelant sil y a TS, que celui-ci ait mentionné ou non ses coordonnées. Certains considèrent que préserver une vie est essentiel et répond au principe de lassistance à personne en danger, dautres insistent sur le respect de lanonymat et une attitude non interventionniste.
Pour tous, la qualité de lécoute reste le principe dominant, les auteurs insistent sur les difficultés de la fonction découtant, sur limportance de lexpérience acquise et de la formation.
Une évaluation plus fine des services téléphoniques français généralistes ou spécialisés, fréquemment confrontés à lécoute de personnes en crise suicidaire, est nécessaire.
Des programmes de formation centrés sur la spécificité et la variété des situations de crises suicidaires seraient à formaliser et des protocoles de bonne pratique, adaptés à ce travail, sont à mettre en place. Une supervision, assurée par des spécialistes, devrait être organisée de façon plus systématique pour les écoutants. Une meilleure connaissance du réseau de soins existant et des personnes ressources permettrait daffiner les orientations et de préparer le relais vers des structures de soins ou de suivis appropriées.
Une réflexion est à mener quant au choix entre des interventions avec sortie danonymat et le respect de la confidentialité pour les cas de passage à lacte imminents ou avérés. La question de lassistance ou de la non-assistance à personne en danger est à envisager dans son application au cadre du téléphone.
Dans la majorité des cas, ces situations de crise en phase aiguë passent aux urgences hospitalières, le plus souvent dans les effets immédiats dun passage à lacte, mais aussi en aval dans lannonce faite à lentourage ou à linitiative de lintéressé, et en amont dans un sentiment dimminence de lacte, soit déclaré, soit masqué par une symptomatologie anxieuse somatique ou toxicologique.
Si nous disposons de données sur la gestion de la tentative de suicide aux urgences, nous ne disposons que de données indirectes sur la gestion de la crise psychique aux urgences dont la caractérisation amène à recommander une évaluation immédiate et une mise en uvre des soins sans délai sur le site des urgences.
Lorganisation de laccueil aux urgences, avec une mise au calme, en essayant de garder autant que possible les mêmes interlocuteurs, contribue à une sécurisation immédiate. Passé ce cap de ladmission, une évaluation de la crise suicidaire du sujet, lorsquelle est repérée, participe impérativement à son bilan.
Lévaluation du risque suicidaire associera les constatations cliniques et lutilisation de léchelle de désespoir de Beck (voir chap. III).
Une souffrance tolérable doit être écoutée, une souffrance intolérable (grande perplexité anxieuse, agitation) doit être soulagée par la prescription des traitements symptomatiques.
Lexamen médical de la personne en crise reste indispensable et permet dapaiser et dentrer en relation.
La recherche dantécédents de tentative de suicide fait partie de linterrogatoire. La famille et les accompagnants sont à écouter car souvent impliqués dans le suivi. Sera évaluée la possibilité de soutien du suicidaire en cas de retour au domicile comme en cas dhospitalisation à la demande dun tiers (HDT).
À lissue de cette évaluation, un avis spécialisé ou une hospitalisation brève est recommandée en principe de référence.
Lhospitalisation du patient reste indiquée à partir des urgences en cas de risque suicidaire imminent, en cas de situation dinsécurité sévère dans les perspectives de sortie, en cas de perplexité anxieuse sans distanciation vis-à-vis de la souffrance psychique. La sortie est à temporiser lorsque le patient est dénué de tout projet personnel immédiat, aussi ténu soit-il.
Après une consultation spécialisée et à lissue de lhospitalisation aux urgences, le relais de soins du sujet est à considérer dans lutilisation du réseau socio-sanitaire connu et disponible.
Cette mise en liens est dautant plus indiquée pour les patients qui ninvestissent aucune filière de soins autre que la répétition mécanique de leurs passages aux urgences en situation de crise. Lobservance du suivi après les urgences est considérablement améliorée lorsque les relais de soins ont été établis et personnalisés à partir des urgences, et si la transmission au médecin traitant a été rapide.
Laccueil aux urgences des personnes en situation de crise et de souffrance psychique demande une appréciation et un relais de soins qui seraient favorisés par une formation à lécoute des personnels soignants. Les urgences étant continuellement en difficulté pour gérer les flux dentrants, on ne saurait trop recommander la possibilité de recours à des lits de crise.
Le psychiatre peut intervenir à toutes les phases de la crise suicidaire.
1 - Évaluer la psychopathologie
Poser les diagnostics psychiatriques qui peuvent être associés à la crise.
Ces éléments sont en effet des facteurs de risque importants pour le suicide et sont au moins des facteurs de vulnérabilité permanente à la crise suicidaire.
On retient en effet un chiffre de 10 à 13 % de décès par suicide chez les patients schizophrènes avec un nombre de TS qui concernerait 18 à 55 % des patients. Quant aux troubles de lhumeur, ils sont considérés comme la première cause psychiatrique de suicide. On souligne habituellement :
La recherche et la reconnaissance des troubles constituent donc un élément central dans lapproche psychiatrique de la crise suicidaire, y compris lorsquils sont masqués derrière lapparence dune crise psychosociale.
Cest le préalable à leur prise en charge thérapeutique (chimiothérapique ou psychothérapique) avec lobjectif de prévenir ou traiter la crise suicidaire.
2 - Une méta-analyse conclut, cependant, que la plupart des études prospectives contrôlées nont retrouvé aucune différence significative en matière de taux de suicides ou de récidive entre les traitements structurés (psychiatrique, psychosocial, psychopharmacologique ou psychothérapique), un accompagnement ou même une absence daccompagnement.
Un certain nombre de biais méthodologiques peuvent expliquer cette absence de différence mais un élément est particulièrement à prendre en compte : cette absence de différence concernant les suivis structurés peut être en partie due aux particularités psychiatriques de la population ainsi suivie et notamment le manque dalliance thérapeutique ou dadhésion de ces suicidants.
La conclusion de lauteur est donc que, si lintérêt dune intervention structurée psychiatrique initiale est reconnu par tous, lefficacité des prises en charge ultérieures ne répond pas à des recommandations étayées par la littérature du fait des particularités des patients psychiatriques bénéficiant de ces approches structurées.
Les programmes thérapeutiques doivent être adaptés aux sous groupes particuliers des suicidants en fonction de la pathologie. Ceci relativise la pertinence des programmes thérapeutiques globaux.
Le diagnostic psychiatrique et lévaluation psychopathologique apparaissent donc comme des éléments essentiels dans la détermination des stratégies thérapeutiques immédiates et au long cours de ces patients.
3 - Plusieurs études démontrent limportance de la relation médecin/malade dans la prise en charge de la crise suicidaire. Il nexiste aucune étude prospective contrôlée, portée sur lapproche psychothérapeutique analytique et encore moins sur la psychanalyse. En pratique elles sont souvent proposées par de nombreux praticiens et centres français. Les problèmes méthodologiques ou éthiques posés par de telles études ne sont pas, sans doute, étrangers à cette absence d'évaluation.
4 - Un certain nombre de contributions des experts ont démontré limportance de lorganisation de dispositifs institutionnels psychiatriques ou psychothérapeutiques prenant en compte les particularités du lien chez les patients tendant au passage à lacte (adolescents en particuliers).
Limportance de la fragilité des suicidants confère paradoxalement un rôle essentiel aux relations. Celles-ci doivent en effet assurer le soutien narcissique.
Cependant, la relation aux objets dattachement et plus généralement aux personnes investies est donc impliquée chez les suicidants à plusieurs niveaux comme en témoignent :
- leur sensibilité à la séparation et à la menace de perte qui les rend dépendants de leurs objets dattachement comme de lidéalisation de leurs investissements ;
- le caractère potentiellement excitant voire désorganisant de linvestissement dobjet lui-même. Les avatars des processus didentification, leur caractère conflictuel, le poids des contraintes transgénérationnelles comme des modèles de relation tirés des expériences infantiles ne peuvent quaccentuer lattrait comme la menace exercés par lobjet. Mais cest aussi la nécessité vitale quil représente qui est inacceptable.
5 - Les médicaments
Les experts constatent que la plupart des études ont un faible niveau de validité, essentiellement en raison de difficultés dordre méthodologique et éthique.
Le lithium
Dans la psychose maniaco-dépressive bipolaire, il ramène le risque suicidant à un taux proche de celui de la population générale du moins après une année de traitement. Dans les formes unipolaires ce résultat nest pas retrouvé.
Les antidépresseurs
Aucune étude validée versus placebo ne prouve une amélioration du risque suicidaire sur une population tout-venant. En revanche, de nombreuses études épidémiologiques sont en faveur dune diminution du risque chez les patients suicidaires déprimés.
Il existe une littérature abondante évoquant la responsabilité dun hypofonctionnement du système sérotoninergique dans le syndrome suicidaire indépendamment de la nature des troubles psychiatriques associés.
Quelques méta-analyses vont dans ce sens en montrant une amélioration plus rapide des idées suicidaires avec les IRS (Inhibiteur de la Recapture de la Sérotonine) qu'avec les tricycliques. Ceci nexclut pas lexistence de raptus suicidaires brutaux et didéation suicidaire rapportés avec tous les antidépresseurs.
En dehors des déprimés, on retrouve un effet modérément favorable des IRS sur le risque suicidaire de patients souffrant de troubles anxieux spécifiques, de troubles obsessionnels compulsifs, de troubles de la personnalité.
Il est reconnu que le risque dintoxication mortelle est beaucoup plus faible avec les nouveaux antidépresseurs quavec les tricycliques.
Les neuroleptiques
Il na jamais été clairement démontré que les neuroleptiques classiques réduisaient le risque de TS ou de suicide chez les patients souffrant de schizophrénie.
Il existe quelques arguments en faveur dun effet protecteur contre le suicide, des neuroleptiques atypiques ou " nouveaux antipsychotiques ".
Dans les troubles de la personnalité, en particulier Borderline, leur efficacité pour la protection du risque suicidaire napparaît que dans le sous groupe des patients les moins affectés.
Les benzodiazépines
Elles sont très largement utilisées dans notre pays. Malgré leur efficacité sur certains troubles anxieux spécifiques, elles nont pas montré defficacité dans le risque suicidaire.
Il nexiste aucune étude expérimentale venant confirmer lopinion encore très répandue de la nécessité dassocier systématiquement les benzodiazépines aux antidépresseurs dans le traitement de la dépression.
Le jury souligne la nécessité dune évaluation psychiatrique soigneuse devant une crise suicidaire majeure ou grave. Le jury recommande le recours à la psychiatrie dans tous les cas où lexistence dune pathologie psychiatrique sassocie à la crise (grade A).
Le jury recommande le recours à la psychothérapie dans tous les cas où cet abord est indiqué pour traiter les facteurs psychopathologiques de vulnérabilité ou diminuer les effets critiques. Le jury rappelle en particulier l'intérêt des doubles prises en charge.
Le jury recommande de nutiliser les psychotropes, dans la crise suicidaire, quen fonction des pathologies psychiatriques éventuellement associées.
Les benzodiazépines, prescrites le plus souvent à linstigation des patients, sont encore trop ou trop longtemps utilisées.
La menace suicidaire peut imposer le recours à lhospitalisation comme moyen de contenance et de protection du patient en crise devant limminence de lacte.
Elle permet par ailleurs une évaluation plus précise de son état psychiatrique.
Elle peut être également utile pour mettre à distance certains facteurs dont lintrication est à lorigine de la crise ou en précipite lissue vers lacte.
Elle peut enfin constituer un facteur de prévention de la récidive dune TS. Cest notamment le cas en ce qui concerne ladolescent. Une étude française fait apparaître quà cet âge, 75 % des récidivistes à 3 mois nont pas été hospitalisés lors de leur précédente TS.
Cest en tout cas la position défendue par la recommandation ANAES sur la prise en charge hospitalière des adolescents ayant fait une TS, qui préconise une hospitalisation systématique de tout adolescent suicidant. Cette position est cependant discutée par certains experts faisant apparaître quil na jamais été démontré que lhospitalisation en psychiatrie exerçait un effet préventif sur le risque suicidaire.
Se pose également la question du suivi post-hospitalisation, certaines données faisant apparaître la difficulté à obtenir lobservance des suivis proposés dans 80 % des cas mais généralement refusés par le patient ou sa famille. Les facteurs permettant lamélioration de la compliance au suivi devront être demblée envisagés. Ils seront abordés dans un chapitre ultérieur.
Nous recommandons l'hospitalisation si la crise suicidaire est d'urgence élevée (voir chap. III). Toute autre situation devra être évaluée au cas par cas.
Elle aura pour but :
En cas de refus dhospitalisation et si la dangerosité de la situation limpose, il pourra être nécessaire de recourir aux dispositions de la loi de 1990.
LHDT (hospitalisation à la demande dun tiers) ou lHO (hospitalisation doffice) sont des mesures dassistance, dont le patient doit être informé sans délai.
Quel que soit le contexte, et notamment en urgence, il convient dexpliquer systématiquement au patient les raisons de cette démarche de soins et notre impossibilité dy déroger, les conditions de la prise en charge (lieu dhospitalisation, délai, équipe), et laspect transitoire de cette hospitalisation. En dautres termes, il faut travailler une alliance thérapeutique même lorsquelle paraît rompue.
Un sujet suicidaire au comportement particulièrement instable peut consentir dans un premier temps à lhospitalisation puis, en raison de ses troubles, se rétracter dès son arrivée à lhôpital et sortir. Lexamen réalisé aux urgences de lhôpital sert notamment à apprécier ce risque, par une observation comportementale et psychique attentive, à la lecture des antécédents et du contexte actuel.
La personne âgée
À partir de 65 ans, le taux de suicides augmente régulièrement avec lavancée en âge et cest dans la tranche des plus de 85 ans que le taux de suicides est le plus élevé. Si les pays austro-hongrois nétaient pas là, la France aurait le taux de suicides le plus élevé chez les personnes âgées.
Chez les personnes âgées, la crise suicidaire est souvent peu apparente et elle est difficile à reconnaître. Ces personnes ne montrent pas leur détresse de façon bruyante ou par une tentative de suicide. Parfois même, elles peuvent sen défendre en gardant un pseudo-investissement de la vie future. Des signes comme le repli sur soi, les attitudes de désinvestissement, le refus de salimenter ou le refus de soin doivent faire évoquer la possibilité dune crise suicidaire. La détermination à se donner la mort augmente avec lâge : plus la personne est âgée, plus la méthode utilisée laisse peu de chances à lintéressé d'éviter la mort.
Facteurs de risque spécifiques :
Améliorer la formation et linformation des professionnels de santé sur les aspects particuliers de la crise suicidaire et du suicide dans le grand âge.
Améliorer la formation et linformation des professionnels de santé sur les aspects particuliers de la dépression, sa reconnaissance et sa prise en charge chez le sujet âgé.
Améliorer le dépistage et le diagnostic de la dépression en médecine générale, en psychiatrie, en hospitalisation et en institution gériatrique, en proposant aux médecins concernés le large recours à des questionnaires simples et utilisables par tout médecin, comme le MINI-GDS. Encourager le traitement de la dépression chez le sujet âgé.
Encourager la réalisation détudes dintervention visant à évaluer lefficacité du dépistage de la dépression et de son traitement chez le sujet âgé.
Devant une crise suicidaire, mettre à lécart les moyens dune méthode de suicide par mort violente.
Les addictions (Alcool - Toxiques)
Labus dalcool ou la dépendance multiplient par 8 le risque de crise suicidaire. Les experts démontrent que très peu détudes validées existent sur une prise en charge spécifique de cette population à haut risque.
Il sen dégage que :
- le traitement centré sur le problème alcool et/ou toxicomanie est préalable à toute autre forme de prise en charge ;
- le travail en réseau est dautant plus nécessaire chez ces patients.
Le jury recommande :
Les études de suivi concernant la crise suicidaire définie par le jury sont peu nombreuses, dans la littérature.
Les études publiées sont centrées sur lanalyse du suivi de groupes de patients à haut risque de suicide (suicidants, dépression par exemple) plus que sur les patients en crise suicidaire.
Les expériences rapportées par certains experts traitent plutôt des modalités de suivi de crise en général et non spécifiquement des crises suicidaires.
En confrontant les résultats de ces deux types détudes le jury retient les constatations suivantes.
Pour les patients en crise suicidaire et ayant déjà fait une tentative de suicide
Ils sont plus fréquemment hospitalisés, ou vus en consultation, et consomment un plus grand nombre de médicaments.
80 % des patients ont consulté un médecin généraliste ou un psychiatre peu avant leur passage à lacte.
Lévaluation du suivi à moyen terme montre un risque majeur de récidive dans lannée qui suit le passage à lacte (10 à 20 % des patients des cohortes étudiées, un taux de suicide de 1 % à un an et un risque accru de décès toutes causes confondues).
Ce risque est encore majoré pour les suicidants qui présentent des facteurs de risque primaires (précisés dans chap. III).
La faible compliance des suicidants au suivi proposé par les équipes qui ont effectué les enquêtes, en particulier après le passage aux urgences ou lhospitalisation de courte de durée (selon les etudes, 10 à 50 % de personnes suivent lorientation proposée).
Certaines études montrent laugmentation de la compliance des patients suicidants lorsque les équipes ont mis en uvre une relance systématique (téléphone ou courrier) voire lorsquun suivi à domicile est proposé aux patients qui ne se présentent pas spontanément aux rendez-vous proposés après la crise.
Les patients suivis à moyen terme présentent des facteurs de risque plus nombreux et plus marqués que ceux qui abandonnent le suivi ou qui sont perdus de vue et le taux de récidives est élevé dans ce groupe.
Plusieurs remarques ou biais méthodologiques doivent être signalés.
Les études sont menées presque exclusivement par les équipes psychiatriques ou durgence et le dispositif de suivi nest pas observé dans son ensemble et sa diversité potentielle (participation des autres intervenants dans le suivi proposé).
Le nombre important de perdus de vue qui découle en partie du biais méthodologique précité doù une probable sous-estimation du nombre de récidives et de décès.
Le risque de confusion dans les études entre perdu de vue et absence réelle de suivi quel quil soit.
Le peu de précision sur la nature des traitements proposés : cadre institutionnel, consultations, traitements médicamenteux, psychothérapie.
La difficulté à mettre en évidence dun point de vue épidémiologique, les effets positifs des soins sur le risque de suicide car les patients les plus enclins à suivre lorientation proposée sont aussi les plus à risque de récidive ou de suicide.
Les études portant sur certaines pathologies psychiatriques à haut risque suicidaire
: dépression et schizophrénie notamment montrent un lien entre survenue dune tentative de suicide et diminution récente de lintensité du traitement (diminution des posologies, espacement des consultations). Ces résultats montrent limportance du suivi de la prise en charge à long terme de ces patients du fait de leur vulnérabilité à la survenue de crises suicidaires répétées.Pour les études concernant les patients en crise (suicidaire ou non)
Il apparaît que la prise en compte du contexte familial par les équipes psychiatriques (avec pour certains la mise en place dans linstitution hospitalière de prise en charge familiale brève demblée, pour dautres mobilisation des équipes orientant lobservation et le traitement de la crise au sein de la famille ou dans le milieu de vie du sujet) favorise une bonne acceptation des soins spécialisés par le patient et son entourage.
Ce type de modalité contribue à dédramatiser le recours à la psychiatrie, crainte largement observée dans la population et facteur de résistance agissant parfois aussi dans les autres contextes de traitement de la crise (urgences, médecins généralistes, etc.).
Ces études ont montré lincidence des ces modalités sur le taux de réhospitalisations (diminution à 1 an), résultat qui peut être considéré comme un indicateur damélioration de létat de santé à plus long terme.
Les modalités de suivi proposées (choix du type de suivi plus ou moins spécialisé et choix de la durée) seront adaptées en fonction du stade évolutif de la crise au moment de la prise en charge, du contexte dans lequel elle sinscrit et des professionnels ou intervenants sollicités.
Dans tous les cas le jury recommande denvisager et dorganiser la continuité des soins dès le début de la prise en charge de la crise.
Cela implique avant lorientation :
- dévaluer les recours à disposition
et les différents intervenants impliqués : le patient est-il déjà suivi, comment et par qui ?- de favoriser létablissement d'un lien
entre ces intervenants et le patient et son entourage pour augmenter la compliance aux soins proposés : prise de contact, compte rendu rapide, prise du rendez-vous par les intervenants, accompagnement du sujet dans sa démarche par la famille ou lintervenant (infirmière scolaire, éducateur ).Il est également recommandé que :
- le suivi soit assuré par une personne déjà impliquée dans la prise en charge ou connue du patient (médecin traitant) ;
- sil sagit dune première prise en charge : lorientation devra être personnalisée (nom du thérapeute plutôt quadresse de structure) ;
- le rendez-vous doit être obtenu rapidement après le traitement de la crise.
Pour les sujets qui présentent des facteurs de risque primaires ou un cumul de plusieurs facteurs de risque
(troubles psychiatriques patents, suicidants, et addictions) :- un suivi spécialisé, quil sagisse dune hospitalisation ou dun suivi ambulatoire.
Cette orientation aura pour but, après la période de crise, dinitier, de modifier ou de poursuivre, ou bien encore de reprendre le traitement de la pathologie sous-jacente.
Pour une premier contact indiqué en psychiatrie, le rôle du praticien ou de léquipe intervenant au moment de la crise suicidaire est primordial et consiste à favoriser lalliance thérapeutique sur le long terme, à informer le sujet et son entourage sur le choix de lorientation et à préparer le relais avec les intervenants futurs pour éviter une rupture de la continuité des soins.
Pour les sujets qui présentent une crise suicidaire sans facteur de risque primaire
Le choix des modalités de suivi plus ou moins spécialisé devra être adapté en fonction de la situation clinique et des conséquences potentielles de la crise (facteurs de risque secondaires et tertiaires).
Le suivi ne sera pas systématiquement médicalisé mais doit également sinscrire dans le réseau déjà sollicité.
Le jury saccorde à recommander une attention et une mobilisation soutenues durant lannée qui suit le début de la crise, en particulier lorsque les difficultés repérées lors de la crise ne sont pas résolues à lissue de celle-ci..
Ce suivi aura également pour but de permettre un recours facile et rapide à des soins plus intensifs ou spécialisés, si la situation redevient critique ou que dautres troubles psychopathologiques apparaissent.
Le jury recommande de développer des études permettant des mesures de limpact du suivi des crises suicidaires :
Dernière mise à jour : mardi 21 novembre 2000 10:28:42 Monique Thurin