Conséquences des maltraitances sexuelles. Les reconnaître, les soigner, les prévenir

Conférence de consensus qui s'est tenue à Paris les 6 et 7 novembre 2003 organisée par

Fédération Française de Psychiatrie
selon la méthodologie de l’ANAES
avec le soutien de la Direction Générale de la Santé

Sociétés Partenaires : Sociétés Francophone de Médecine d'Urgence, INAVEM, Société Française de Pédiatrie, Collège National des Généralistes Enseignants


Comment reconnaître une maltraitance ancienne chez l'adulte et la personne âgée ?

Nicolas DANTCHEV

Psychiatre, Hôtel-Dieu - Paris

La reconnaissance d'une maltraitance ancienne chez l'adulte ou la personne âgée renvoie à deux contextes distincts. Le premier concerne les conséquences à long terme, se révélant à l'âge adulte, des abus survenus au cours de l'enfance et de l'adolescence. Le second concerne des maltraitances survenant chez des adultes et évoluant de manière chronique. Il s'agit dans ce cas le plus souvent de maltraitances chez des personnes âgées, de violences conjugales ou bien de maltraitances dont sont victimes des adultes handicapés.
Qu'il s'agisse de conséquences d'une maltraitance de l'enfance ou de maltraitances qui se sont mises en place au cours de l'âge adulte, ces différentes formes de maltraitance ont en commun d'être difficiles à identifier par les cliniciens. Leur reconnaissance se heurte souvent au silence et à l'ambivalence des victimes et s'effectue principalement au travers de signes indirects.

1. Conséquences à l'âge adulte des maltraitances de l'enfance et de l'adolescence
Les conséquences psychopathologiques à l'âge adulte des maltraitances de l'enfance et de l'adolescence sont bien documentées. Potentiellement graves, elles peuvent être de nature spécifique (comme l'état de stress post-traumatique) ou non spécifique, s'exprimant alors au travers d'une vaste gamme de troubles psychopathologiques.

1.1. Etudes épidémiologiques
Des études épidémiologiques ont permis d'évaluer les conséquences à long terme des maltraitances de l'enfance. Elles ont été réalisées soit à partir d'échantillons de patients consultant dans le système de soins, soit en examinant au sein d'études épidémiologiques conduites en population générale, les caractéristiques des personnes ayant été victimes d'abus au cours de leur enfance, comparativement à celles qui n'ont pas été victimes de tels abus. Il ressort de ces études que la maltraitance, évaluée essentiellement par rapport aux violences physiques et aux abus sexuels, est associée à une élévation du risque de troubles psychopathologiques à l'âge adulte, en particulier de dépression majeure, de stress post traumatique de troubles addictifs, avec souvent même plusieurs troubles psychiatriques associés.
Ainsi, Duncan et al. (1996) ont examiné les liens existant entre des antécédents infantiles d'abus physiques sérieux et des perturbations émotionnelles, dans un échantillon national de femmes aux USA. Ils ont trouvé que celles qui avaient subi des maltraitances et des abus avaient des taux plus élevés dépression, d'états de stress post-traumatique et d'abus de substances. Les troubles ne se limitent donc pas aux états de stress post-traumatiques et apparaissent comme non spécifiques. C'est ce que retrouvent Norris et al. (1997), pour lesquels les troubles consécutifs à une victimisation criminelle sont polymorphes. Ils concernent le domaine de la dépression, de la somatisation, de l'hostilité, de l'anxiété, de l'évitement phobique, des comportements d'évitement.
Mc Cauley et al. (1997) ont comparé un groupe de femmes victimes d'abus sexuels au cours de l'enfance à des femmes n'ayant pas été victimes de tels abus. Les anciennes victimes avaient davantage de symptômes physiques, des scores plus élevés de dépression, d'anxiété, de somatisation et une faible estime de soi. Le taux de femme faisant usage de drogues ou d'alcool était plus important et il y avait davantage d'antécédents de tentatives de suicide ou d'hospitalisation en psychiatrie.
La sévérité des abus de l'enfance rapportés semble corrélée à la gravité de la psychopathologie présente à l'âge adulte, comme l'indiquent les travaux de Mullen et al. (1993, 1996), qui ont mis en évidence une association entre l'exposition à des abus sexuels de l'enfance et les troubles psychopathologiques dans un échantillon de femmes.
Des différences existeraient selon le sexe, selon une étude récente, menée par MacMillian et al. (2001) et qui a porté sur un vaste échantillon de personnes (7 016). Les sujets qui rapportaient des abus sexuels de l'enfance avaient un taux vie-entière plus important de troubles anxieux, de dépendance à l'alcool et de comportements antisociaux. Vis-à-vis de ces risques, les abus physiques étaient aussi importants que les abus sexuels. Chez les femmes victimes d'abus sexuels de l'enfance, mais pas chez les hommes, on retrouvait davantage de dépressions et de dépendances à des drogues illicites. Chez les hommes, il s'agissait surtout de dépendances à l'alcool. Selon cette étude, le risque de troubles psychopathologiques liés à des d'abus sexuels de l'enfance semble donc plus important chez les femmes que chez les hommes. Cette différence de risque selon le sexe a également été retrouvée par Goldin et al (1988), qui ont montré que les femmes victimes d'abus sexuels de l'enfance avaient des taux plus importants de troubles psychopathologiques, excepté pour la personnalité antisociale.
Une étude prospective, celle Fergusson et al. (1996) a porté sur une cohorte de 1 000 enfants qui ont été suivis jusqu'à l'âge de 18 ans. A l'âge de 18 ans, 10,4% des sujets (17,3% des femmes et 3,4% des hommes) affirmaient avoir subi des abus sexuels avant l'âge de 16 ans. Chez seulement 5,6% des femmes et 1,4% des hommes ces abus consistaient en des rapports sexuels partiels ou complets. Ceux qui avaient été victimes d'abus sexuels de l'enfance avaient un risque plus élevé de dépression, de troubles des conduites, de trouble anxieux, d'abus de substance et de comportements suicidaires.
Chez les femmes, le fait qu'il s'agisse d'un viol, le fait que l'agresseur soit connu et la chronicité des abus sexuels, constituent des facteurs de plus grand risque, comme l'ont montré Molnar et al. (2001), à partir des données de la National Comorbidity Survey (n= 5 877). Dans cette étude des abus sexuels de l'enfance ont été retrouvés chez 13,5% des femmes et 2,5% des hommes. Ils induisaient un risque plus important de dépression, d'anxiété et d'utilisation de substances.
Il ressort de ces différentes études que la dépression, les tentatives de suicide et l'abus de substance figurent parmi les principaux troubles psychopathologiques que l'on rencontre dans l'évolution à long terme des abus sexuels de l'enfance.
Des métaanalyses réalisées sur ces études ont permis de confirmer ces données. Ainsi, la métaanalyse de Neumam et al. (1996), portant à la fois sur des études cliniques et des études dans la communauté, a montré qu'il existe un relation entre les abus sexuels de l'enfance et une grande variété de troubles psychiatriques incluant la dépression, l'abus de substances, les troubles anxieux et les comportements suicidaires.
La métaanalyse de Jumper et al. (1995), qui a inclus à la fois des hommes et des femmes, a conclu qu'il y avait une relation entre une exposition à des abus sexuels de l'enfance et la dépression, ainsi que les troubles psychologiques de l'adaptation. De même, les antécédents d'abus sexuels sont corrélés à une diminution de l'estime de soi.
Ces métaanalyses (Jumper et al., 1995 ; Neumann et al., 1996 ; Rind et al., 1998) ont permis de quantifier la taille de l'effet. Celle-ci reste relativement modeste, les abus sexuels de l'enfance n'entrant que pour une faible part dans le déterminisme de l'apparition de troubles psychopathologiques.

1.2. Etudes de jumeaux
Les études de jumeaux fournissent un moyen de diminuer le biais lié à l'environnement familial (par exemple l'alcoolisme) et de distinguer, par le moyen des paires discordantes, les facteurs liés à l'environnement familial des effets directement liés à l'exposition à des abus sexuels de l'enfance. Quatre études de jumeaux ont été réalisées sur ce thème :
L'étude australienne de Dinwiddie et al. (2000) a porté sur 5 995 paires de jumeaux. Une histoire d'abus sexuel de l'enfance a été rapportée par 5,9% des femmes et 2,5% des hommes. Ceux qui rapportaient une histoire d'abus sexuel de l'enfance avaient une probabilité plus forte de recevoir un diagnostic vie-entière de troubles de l'humeur, de troubles des conduites, de trouble panique et d'alcoolisme. De même, on relevait davantage d'idéation suicidaire et de tentatives de suicide. Pour les femmes victimes d'abus sexuel, mais pas pour les hommes, le risque de phobies sociales était augmenté. Si les deux jumeaux avaient été victimes d'un d'abus sexuel de l'enfance, les troubles des conduites, la dépression et l'idéation suicidaire étaient plus importants que si un seul avait été victime.
Kendler et al. (2000) ont réalisé une étude sur un échantillon de 1 411 paires de soeurs jumelles. La nature des agressions sexuelles a été évaluée et celles-ci ont été réparties en : agressions non génitales, génitales et relations sexuelles. Globalement, 30,4% des femmes ont rapporté une histoire d'abus sexuel de l'enfance et 8,4% de relations sexuelles. Les abus sexuels de l'enfance sont associés à une élévation de tous les troubles psychopathologiques et en particulier de la boulimie, de l'alcoolisme et de la dépendance aux drogues. Le risque est plus marqué quand il s'agissait d'agressions génitales et surtout de relations sexuelles (risque de plus de 3 fois plus élevé). Comme le montre l'étude des paires de jumeaux discordants, le risque ne peut pas être expliqué par des facteurs familiaux et semble bien lié à la gravité de l'abus sexuel. Le risque augmente de manière linéaire entre abus non génitaux, abus génitaux et relations sexuelles.
Bulik et al. (2001) ont repris les données de l'étude de Kendler et en ont affiné les résultats en réalisant des analyses en régression logistique. Celles-ci ont permis de mettre en évidence un lien entre les abus sexuel de l'enfance et un risque d'épisodes dépressifs majeurs vie-entière, de troubles anxieux généralisés, de troubles panique et de dépendances aux drogues ou à l'alcool. Le risque était plus important quand l'abus avait consisté en des rapports sexuels partiels ou complets, quand la force ou des menaces avaient été utilisées, quand l'abus avait été perpétué par un membre de la famille et quand l'abus avait été dénié par l'abuseur ou par l'entourage. A un abus particulier, ne correspond pas nécessairement un trouble psychiatrique spécifique.
Nelson et al. (2002) ont réalisé une étude sur 1 991 paires de jumeaux du même sexe. Une histoire d'abus sexuel de l'enfance a été rapportée par 16,7% des femmes et 5,4% des hommes. Les abus se rencontrent plus souvent dans les familles où existent des problèmes d'alcool. Chez les femmes victimes d'abus sexuels de l'enfance il existe un risque plus élevé pour la dépression, les troubles des conduites, la dépendance à l'alcool, les tentatives de suicide, le tabagisme, l'anxiété sociale, le viol après l'âge de 18 ans et le divorce. Les risques les plus importants concernent les victimes d'abus sexuels de l'enfance qui consistaient en des relations sexuelles.

1.3. Troubles de l'axe I
L'état de stress post-traumatique est le premier risque lié à l'exposition à des abus au cours de l'enfance. Nishith et al. (2000) ont montré dans un échantillon de femmes victimes de viol que le fait d'avoir été abusé sexuellement pendant l'enfance augmentait considérablement le risque de survenue d'un état de stress post-traumatique.
Les états dépressifs, nous l'avons vu, sont également particulièrement fréquents parmi les conséquences des abus sexuels de l'enfance. Ainsi, Weiss et al. (1999) ont réalisé un revue sur le rôle des abus sexuels de l'enfance par rapport au risque de développer ultérieurement une dépression (7 études dans la communauté, 5 études chez des lycéennes et 9 études cliniques). Il s'avère que les abus sexuels de l'enfance constituent un risque aussi bien chez l'homme que chez la femme. La sévérité, la fréquence et la durée des abus augmentent le risque de dépression. Les incestes père-fille seraient plus dangereux que les autres abus. L'étude n'a pas permis de mettre en évidence d'effet en fonction de l'âge auquel étaient survenu les abus.
Afin d'examiner si la symptomatologie de la dépression est différente quand elle survient dans les suites d'abus sexuels de l'enfance, Levitan et al. (1998) ont évalué un échantillon de 8 116 personnes, dont 653 présentaient un épisode dépressif majeur. Des antécédents d'abus sexuels de l'enfance étaient associés à des symptômes neurovégétatifs de la dépression dits " inversés " (augmentation de l'appétit, prise de poids et hypersomnie).
Concernant les tentatives de suicide, Brown et al. (1999) ont étudié une cohorte de 776 enfants suivis à partir de l'âge de 5 ans et sur une durée de 17 ans. Les adolescents et les jeunes adultes ayant des antécédents de mauvais traitements avaient 3 fois plus de risque de devenir déprimés ou de réaliser des tentatives de suicide. Le risque de tentatives de suicide à répétition était 8 fois plus important pour les sujets ayant des antécédents d'abus sexuels. Dans l'étude de Molnar et al. (2001), les taux de tentatives de suicide étaient également plus élevés chez les sujets ayant des antécédents d'abus sexuels de l'enfance, après contrôle pour les autres variables. Chez les femmes, si 79% des tentatives de suicide graves pouvaient être attribuées à des troubles psychiatriques, 12% pouvaient être attribués à des viols et 7% à des agressions. Les adultes ayant été victimes d'abus sexuels dans l'enfance représentent donc une population à risque de suicide. Une seule étude va à l'encontre de cette conclusion, celle de Mc Holm et al. (2003), réalisée sur un échantillon de 347 femmes déprimées. Elle a montré que l'idéation suicidaire était fortement associée à une histoire d'abus sexuels de l'enfance, mais pas les tentatives de suicide elles-mêmes.
Les troubles anxieux et les troubles somatiques fonctionnels se rencontrent fréquemment chez les personnes victimes dans le passé d'abus de l'enfance (Arnold et al., 1990 ; Felitti, 1991 ; Scarinci et al., 1994). On retrouve souvent des troubles fonctionnels digestifs et des colopathies fonctionnelles (Leserman et al., 1996). Egalement des rétentions urinaires psychogènes, des infections urinaires et des troubles gynécologiques : douleurs pelviennes chroniques, difficultés sexuelles et syndromes prémenstruels.
Globalement, la consommation médicale est plus importante (Newman et al., 2000 ; Farley et al., 2001) : on relève plus de consultations en médecin générale et aux urgences pour les femmes ayant des antécédents d'abus sexuels de l'enfance. Les patients abusés subissent davantage d'interventions chirurgicales au cours de leur vie (8 en moyenne), dont la plupart se révèlent inutiles
Les comportements addictifs sont plus fréquents (Mullen et a., 1993 ; Fergusson et al., 1996). Wilsnack et al. (1997) ont étudié un échantillon de 1 099 femmes alcooliques : celles qui avaient antécédents d'abus sexuels de l'enfance avaient plus de risque de symptômes de dépendance, de consommation de drogues illicites, de dépression et d'anxiété. De même, concernant le tabac, les personnes abusées au cours de leur enfance adoptent des comportements à risque et fument beaucoup plus jeune et en quantité plus importante que dans les groupes contrôles.
Les troubles des conduites alimentaires sont également sur-représentés. Sullivan et al. (1995) sur un échantillon de 87 boulimiques ont retrouvé des abus sexuels de l'enfance dans 44% des cas. Cependant, ces antécédents étaient surtout liés à la comorbidité mais pas à l'intensité des symptômes boulimiques en eux-mêmes.

1.4. Troubles de la personnalité
Différents troubles de la personnalité sont décrits dans les suites lointaines d'agressions sexuelles de l'enfance. Ce sont surtout la personnalité limite et la personnalité antisociale qui sont concernées.
Brodsky et al. (2001) ont réalisé une étude chez 136 patients déprimés. Les sujets qui avaient des antécédents d'abus sexuels de l'enfance avaient davantage d'antécédents de tentatives de suicide et des scores d'impulsivité et d'agression plus élevés. Les antécédents d'abus sexuels de l'enfance restaient liés aux tentatives de suicide même quand on ajustait pour l'impulsivité, l'agressivité et la présence d'un trouble de la personnalité limite. Glastone et al. (1999) ont également réalisé une étude sur des patients déprimés. Ces auteurs ont comparé 40 femmes atteintes d'épisode dépressif majeur et rapportant des abus sexuels de l'enfance à des femmes déprimées n'ayant pas d'antécédents d'abus sexuels de l'enfance. Ceux-ci n'influençaient pas les scores de dépression, mais on retrouvait davantage d'autodépréciation, de comportements autodestructifs et de troubles de la personnalité dans le groupe des femmes ayant vécu des abus sexuels de l'enfance. Enfin, ceux-ci sont clairement associés à des traits de personnalité limite.
Différents auteurs ont tenté de modéliser sur le plan psychopathologique les mécanismes par lesquels les abus sexuels de l'enfance peuvent conduire au développement d'une personnalité limite (Cole et al., 1992 ; Zanarini et al., 1997).
Luntz et al. (1994) ont montré sur un groupe de 416 victimes d'abus ou de négligence au cours de l'enfance, comparés à 283 témoins, que de mauvais traitements de l'enfance et des abus sexuels de l'enfance se révélaient des prédicteurs des symptômes de personnalité antisociale ou du diagnostic de personnalité antisociale.
On ne retrouve pas seulement une augmentation du risque de personnalité limite ou antisociale, puisque d'autres organisations de personnalité peuvent être observées. Par exemple, la dimension de neuroticisme peut être liée à des traumatismes de l'enfance, comme l'a montré Roy (2002). De même, Fox et al. (1994) ont montré que les sujets victimes d'abus sexuels de l'enfance développent davantage de sensitivité interpersonnelle.
Les troubles de la personnalité que l'on retrouve dans les suites lointaines d'abus de l'enfance semblent dépendre de la nature des abus. Ainsi, Jonhson et al. (1999) ont montré que si globalement la maltraitance au cours de l'enfance multiplie par 4 le risque de survenue d'un trouble de la personnalité au début de l'âge adulte, les abus physiques sont surtout associés à un risque de personnalité antisociale, les abus sexuels sont surtout associés à un risque de personnalité limite et les antécédents de négligence surtout associés à des traits de personnalité antisociale, évitante, limite, passive agressive et narcissique.
L'âge auquel les sujets ont été exposés à des abus semble également jouer un rôle. McLean et al. (2003) ont montré que parmi des femmes victimes d'abus sexuels de l'enfance, les diagnostics de trouble limite de la personnalité et de PTSD complexe étaient d'autant plus fréquents que les abus sexuels étaient survenus précocement dans l'enfance.

1.5. Revictimisation ­ Comportements violents
Deux autres conséquences à long terme des abus de l'enfance doivent être décrites. Il s'agit d'une part de la tendance qu'ont les victimes à être revictimisées à l'âge adulte et d'autre part, au fait que les anciennes victimes sont susceptibles d'adopter à leur tour des comportements violents et abuseurs.
Messman-Moore et al. (2002) ont montré que des antécédents d'abus sexuels de l'enfance ainsi que et la consommation de substance prédisaient tous deux une revictimisation à l'âge adulte. Ménard (2002) a effectué une revue de plusieurs études portant sur les conséquences de la victimisation et ses résultats vont dans le même sens. Il s'avère que les sujets autrefois victimes ont tendance à redevenir victimes, mais aussi agresseurs. La victimisation violente au cours de l'adolescence constitue en effet un facteur de risque pour une revictimisation par des tiers, des victimisations domestiques, la perpétration de violences, de victimisations, d'actes criminels et l'usage de drogue. En outre, il a été montré que les femmes qui ont été victimes durant leur enfance ont plus volontiers des enfants qui deviennent victimes.
De plus, Lee et al. (2002) ont établi que des traumatismes de l'enfance pouvaient constituer des facteurs de risque pour des paraphilies. En particulier, l'abus émotionnel de l'enfance (mesuré par l'échelle Childhood Emotional Abuse and Family Dysfunction) constitue un facteur de risque prédisposant le sujet à devenir à son tour pédophilie et à commettre des abus sexuels sur des enfants.
Salter et al. (2003) ont montré dans un étude longitudinale (avec un recul variant de 7 à 19 ans), au sein de laquelle ont été inclus 224 hommes ayant été victimes d'abus sexuels de l'enfance, que 12% d'entre eux sont à leur tour devenus des abuseurs sexuels, la plupart du temps vis à vis d'enfant. Ainsi, comme le concluent les auteurs, si la plupart des victimes d'abus sexuels de l'enfance ne deviennent pas pédophiles, certains abus sexuels de l'enfance constituent indéniablement un facteur de risque que la victime devienne à son tour abuseur sexuel.
Ces données ont été interprétées sur le plan psychopathologique. Les difficultés relationnelles conséquences des abus sexuels de l'enfance conduisent les victimes, par des mécanismes de répétition, à une tendance à être revictimisées par d'autres. De plus, par des mécanismes d'identification à l'abuseur, quand les anciennes victimes deviennent adultes, elles traitent les autres comme elles ont été traitées, en particulier leurs propres enfants. Ces mécanismes identificatoires perpétuent un cycle de violence sur plusieurs générations.

1.5. Facteurs protecteurs
Lynskey et al. (1997) en Nouvelle Zélande ont tenté d'identifier les facteurs qui font que des enfants exposés à des abus sexuels de l'enfance développeront (ou ne développeront pas) des troubles psychiatriques et des difficultés d'adaptation à l'âge adulte. Une cohorte composée de 1 025 enfants a été étudiée de la naissance jusqu'à l'âge de 18 ans. Ceux qui rapportent des abus sexuels de l'enfance ont un risque plus important de difficultés à l'âge de 18 ans (dépression, anxiété, trouble de conduites, dépendance à l'alcool, abus ou dépendance vis-à-vis de substances et tentatives de suicide). Un quart des sujets exposés n'avait aucun problème. Les facteurs qui exercent un effet protecteur sont la qualité des relations avec les pairs et en particulier avec la famille (qualité du soutien des parents pendant l'enfance).
Hill et al. (2000, 2001) ont évalué la qualité de la relation avec les parents. Ils ont mis en évidence un risque élevé de troubles de l'humeur durant la vie adulte quand les abus sexuels de l'enfance avaient été perpétrés par quelqu'un d'extérieur à la famille. Des soins maternels de mauvaise qualité et des antécédents d'abus sexuels de l'enfance sont deux facteurs qui prédisent indépendamment l'un de l'autres le risque de symptômes affectifs. Le risque de dépression associé aux abus sexuels de l'enfance n'était pas modifié par la qualité des relations avec les adultes.

1.6. Dépistage
Chez les personnes ayant des antécédents d'abus sexuels de l'enfance, certains évènements de vie sont susceptibles de constituer des facteurs déclenchant, conduisant à l'apparition ou à l'aggravation de troubles psychopathologiques :
- maladie ou décès d'un parent ou de l'abuseur ;
- divorce des parents ;
- grossesse ou naissance d'un enfant ;
- lorsqu'un des enfants de la victime atteint le même âge qu'avait la victime au moment des abus ;
- dates anniversaires ;
- réunions familiales ;
- maladie ou accident d'un enfant ;
- hospitalisation ;
- situations de travail qui ont des traits communs avec le traumatisme passé ;
- déménagements, en particulier si c'est à proximité de l'endroit où les faits se sont déroulés.
De même, certaines situations médicales peuvent susciter une ré-expérience du trauma :
- Examens de l'appareil génital, des seins, de la cavité buccale, ou du rectum ;
- Anesthésie générale ;
- Pose de cathéters ou de perfusions ;
- Examens endoscopiques ;
- Confinement (examen IRM par exemple) ;
- Accouchement.
Il reste difficile dans un certain nombre de cas pour les cliniciens d'établir un lien entre les tableaux psychopathologiques auxquels ils sont confrontés et d'éventuels abus de l'enfance. Avant tout, parce que la plupart du temps ces éléments ne sont pas livrés par la victime, soit du fait d'une amnésie, soit du fait d'une réticence à faire état d'un secret qui reste enfoui depuis toujours au plus profond d'elle même. A l'inverse, dans d'autres cas, le clinicien n'arrive pas à déterminer si les abus rapportés par un patient, correspondent à une vérité historique ou sont le fruit d'une reconstruction. Ce risque de reconnaissance par excès d'abus sexuels impose aux cliniciens d'éviter de poser des questions inductrices, de ne pas exprimer des doutes sur ce que racontent les patients et de ne pas encourager les patients à passer à l'acte sur la base de souvenirs.
Fergusson et al. (2000) ont montré que dans le cadre des enquêtes, la concordance est faible quand des personnes rapportent avoir été victimes d'abus (le kappa pour le test-retest n'est que de 0,45). Cependant, il s'agit de réponses erronées données plus par défaut, que par excès, les personnes n'ayant pas été victime d'abus ne rapportant pas à tort avoir été victimes d'abus. Celle qui ont été victimes d'abus fournissent des témoignages où dans un premier temps elles cachent tout ou partie de la vérité et celle-ci n'est révélée qu'après des entretiens répétés. Les études qui se sont basées sur un seul entretien sous-estiment donc vraisemblablement la prévalence des abus sexuels.

2. Violences conjugales

2.1. Types de violences
Des études épidémiologiques ont permis de mettre en évidence la fréquence des violences conjugales. A l'étranger, des expériences de dépistage systématique des violences conjugales ont été menées dans des services d'urgences. Mc Leer et al. (1989) concluaient que 30% des femmes consultant dans un service d'urgences subissaient des violences. Parmi les services hospitaliers, les services d'urgences occupent en effet une place privilégiée en raison de leurs possibilités d'accueil 24 H/24, et d'une certaine forme d'anonymat. Ces services sont également à même de traiter les pathologies en lien avec les violences conjugales, telles que tentatives de suicide, abus d'alcool et de médicaments. L'American Medical Association rapporte que 22 à 35% des femmes se présentant dans les services d'urgences ont été victimes de sévices.
Des études ont également été menées en médecine générale. Bradley et al. (2002) ont effectué une enquête sur 1 871 femmes consultantes de médecine générale. Dans cette enquête, 39% des femmes ont fait état de comportements violents de la part de leur partenaire. Rodriguez et al. (1999) ont mené une étude sur 900 médecins généralistes pour évaluer leur comportement vis-à-vis de cette problématique. La majorité (79%) des médecins disent rechercher systématiquement des abus de la part du partenaire. Le sexe du médecin n'intervient pas dans cette attitude. Mais les médecins effectuent cette recherche moins fréquemment lorsqu'il s'agit de nouveaux patients ou d'examens de contrôle. A noter que les gynécologues et les médecins généralistes exerçant dans le public dépistent davantage des violences conjugales que ceux qui exercent dans le secteur privé.
En population générale, une étude réalisée en Australie avec un suivi de 6 ans (Mazza et al., 2001) a montré que 28,5% des femmes avaient vécu des situations de violence domestique pendant leur vie et que 5,5% d'entre elles avaient été victimes de violences graves de la part de leur conjoint au cours de l'année écoulée.
Aux USA, la prévalence des femmes victimes de violence domestique serait de 5 à 20% (McCauley et al., 1995 ; Freund et al., 1996). Delahunta (1995) considère même que 20 à 30% de l'ensemble des femmes subissent des violences physiques de la part d'un partenaire au cours de leur vie. Au Canada, Hotch et al (1996) ont établi que 29% des 12 300 femmes de plus de 18 ans choisies au hasard avaient subi ou subissaient des violences physiques ou sexuelles de la part d'un partenaire.
Des enquêtes très spécifiques ont été exclusivement consacrées à la question de la violence conjugale, particulièrement rigoureuses sur le plan méthodologique (Walby et al., 2001) et dont les résultats vont dans le même sens. Il s'agit de travaux où les enquêteurs bénéficiaient de temps pour interroger et sonder sur le seul thème de la violence conjugale. On a recensé dans cette catégorie deux grands exemples d'enquêtes aux Etats-Unis, les enquêtes nationales sur la violence familiale de 1975 et de 1985 (Straus et al., 1990), et une aux Pays-Bas (Romkens, 1997).
En France, une enquête a été réalisée en 1993-1994 sur les violences conjugales auprès de 761 femmes (Saurel-Cubizolles et al., 1997). L'étude a porté sur les violences subies pendant les 12 mois qui suivaient un accouchement :
- la fréquence des violences était de 6% des femmes, les violences de la part du conjoint représentant 4% ;
- les violences étaient plus fréquentes si le couple était instable, et le conjoint sans emploi ;
- il n'y avait pas de différence significative selon l'âge de la femme, son niveau d'études, ou sa situation professionnelle ;
- enfin, les femmes victimes de violences consommaient davantage de psychotropes.
En 1996, une étude a été menée en Loire-Atlantique sur la prise en charge de la violence conjugale en médecine générale (Chambonet et al., 2000) :
- les médecins étaient en moyenne confrontés à cette situation 2 fois par an, les médecins femmes déclarant être plus souvent sollicitées ;
- les motifs des consultations étaient pour 83% des blessures, ecchymoses ou hématomes, pour 79% des troubles psychologiques, pour 16% des insomnies et dans 6% des cas, l'enfant était le prétexte à consulter ;
- les déterminants le plus souvent évoqués étaient l'alcoolisme (93%), le conjoint connu comme violent (57%) ou des difficultés sociales (52% de précarité).
Une enquête sur les violences conjugales a été menée auprès de femmes accueillies à une consultation de médecine légale à Toulouse à la suite de coups et blessures volontaires (Thomas et al., 2000). Il s'agissait d'une étude descriptive et comparative à dix ans d'intervalle (1989 versus 1999) :
- Le nombre de consultations concernant la violence a triplé en 10 ans, les femmes consultant plus facilement et plus tôt.
- Les femmes victimes étaient légèrement plus jeunes et la durée de vie commune avec leur conjoint plus courte. L'agresseur était plus âgé de 4 ans par rapport à 1989.
- L'ancienneté des violences était moins importante ; le médecin était plus souvent au courant (58% contre 30%) ; l'alcool avait toujours la même importance (29%) ; la prise de drogue était rapportée par une femme sur dix (non rapportée en 1989) ;
- Toutes les catégories sociales étaient concernées.
L'Institut Médico-Légal de Paris a étudié 652 homicides dont ont été victimes des femmes entre 1990 à 1999 (Lecomte et al., 2001). Leur moyenne d'âge était de 45,5 ans. L'auteur de l'homicide était le mari dans 31% des cas, un autre partenaire dans 20% des cas, un proche pour 4% et une connaissance de la victime dans 30% des cas. Dans seulement 15% des cas, les auteurs étaient inconnus de la victime. La plupart des agresseurs étaient connus comme violents ou alcooliques chroniques. Ces violences se sont déroulées dans un contexte de violence durant depuis longtemps.
L'enquête Nationale sur les Violences Envers les Femmes en France (ENVEFF) (Jaspard et al., 2003), réalisée de mars à juillet 2000, a fourni des éléments essentiels qui permettent de mieux évaluer la nature et la fréquence du phénomène en France. Les objectifs étaient de cerner les divers types de violences personnelles qui s'exercent envers les femmes à l'âge adulte, quels que soient les auteurs des violences, d'analyser le contexte des situations de violence et d'appréhender les conséquences de la violence sur le plan de la santé et de la vie familiale et sociale. L'enquête a été effectuée par téléphone auprès d'un échantillon représentatif de 6 970 femmes âgées de 20 à 59 ans. Le questionnaire durait en moyenne 45 minutes. Afin de favoriser des réponses aussi ouvertes et sincères que possible, les mots "violence" ou "agression" n'étaient pas utilisés dans les questions. Dans chaque cadre de vie, de manière progressive, des faits précis étaient évoqués.
Les résultats ont montré que :
- Au cours des 12 derniers mois, les violences conjugales concernaient 10% des femmes.
- Les violences conjugales se répartissaient en : 4,3% d'insultes, 1,8% de chantage affectif, 24,2% de pressions psychologiques (dont 7,7% d'harcèlement moral), 2,5% d'agressions physiques, 0,9% de viols et autres pratiques sexuelles imposées.
- Parmi les femmes déclarant des brutalités physiques, 55% en ont subi plus d'une fois et 16% plus de 10 fois.
- Dans la grande majorité des cas, les violences répétées étaient exercées par le même agresseur. C'est dans la vie de couple que les femmes adultes subissent le plus de violences physiques, psychologiques et sexuelles. Ainsi, 71% des femmes brutalisées par un conjoint l'ont été à plusieurs reprises. En cas de répétition des brutalités physiques par le même auteur, la durée était supérieure à 1 an pour plus de la moitié des femmes et à 5 ans pour un quart d'entre elles. Ces brutalités duraient depuis plus de 10 ans pour 14% des femmes.
- Les violences conjugales sont liées à l'âge : les femmes les plus jeunes (20 à 24 ans) étaient environ deux fois plus exposées que leurs aînées. La fréquence des violences subies était homogène selon les catégories socioprofessionnelles.
- De nombreuses femmes ont parlé pour la première fois à l'occasion de cette enquête des violences dont elles étaient victimes. Les violences conjugales sont les plus cachées (plus des 2/3 des femmes contraintes par leur conjoint à des pratiques ou rapports sexuels forcés avaient gardé le silence ; 39% avaient caché des agressions physiques).
- Les femmes qui avaient des antécédents d'abus pendant l'enfance, avaient été 4 fois plus souvent que les autres victimes d'agressions sexuelles ou physiques dans leur couple au cours des 12 derniers mois.
- Le recours des femmes victimes de violences au sein du couple se portait dans 24% des cas sur les médecins.
- Enfin, le nombre d'hospitalisations était significativement plus élevé pour les femmes ayant subi des agressions et elles étaient plus nombreuses à consommer des médicaments psychotropes.
En résumé, plus d'une femme sur dix déclare avoir subi des agressions sexuelles au cours de sa vie. Ce sont surtout les femmes les plus jeunes qui sont concernées, même si les femmes ne sont épargnées à aucune période de leur vie. Le viol conjugal occupe une place importante et méconnue : près de la moitié des femmes victimes de viol l'ont été de la part d'un conjoint. On retiendra aussi de cette enquête que la violence conjugale prend des formes multiples. La notion de violence conjugale est une construction à partir des réponses données, qui montrent que les différents types de violences se superposent et s'entrecroisent (violences verbales, psychologiques, physiques ou sexuelles).
L'image traditionnelle de la "femme battue" s'avère donc trop restrictive et doit être revue : au sein du couple et de la famille, les femmes sont confrontées à de multiples agressions, physiques, mais aussi verbales, psychologiques et sexuelles, qui forment un continuum. Lorsque se produisent des faits multiples et fréquents, on peut dire qu'il existe une situation de violence. Dans l'enquête ENVEFF, une femme sur 10 se trouve ainsi dans une situation de violence conjugale au moment de l'enquête et près de 3% cumulent agressions physiques et atteintes psychologiques, et dans une moindre mesure les contraintes sexuelles.

2.2. Terminologie
L'utilisation du terme de "violence" pose problème dans les enquêtes menées auprès de femmes sur cette question, dans la mesure où il ne s'agit pas d'un mot neutre et que certaines personnes ne souhaitent pas nécessairement l'employer. Dans l'étude qu'il a menée en 1994 à Londres, Mooney (1994) a constaté que certaines personnes hésitaient à utiliser le terme de "violence conjugale". Si 92% des femmes interrogées se déclaraient disposées à qualifier de "violence conjugale" toute agression physique dont elles avaient été victimes ayant provoqué une véritable blessure corporelle (contusion, ecchymose ou fracture), elles n'étaient plus que 76% à parler de "violence physique" pour qualifier les incidents à l'occasion desquels elles avaient été empoignées, bousculées ou secouées et 68% seulement en cas de simple menace verbale de recours à la force. On a également constaté que les réponses variaient selon l'âge des femmes interrogées : parmi celles qui avaient entre 55 et 64 ans, 60% seulement étaient disposées à parler de violence conjugale en cas d'agression ayant provoqué une blessure et 51% lorsqu'il leur était arrivé d'être empoignées et bousculées.
La définition donnée à la notion d'agression sexuelle est encore plus controversée que celle relative à la violence conjugale. La plupart des termes employés pour décrire les formes les plus graves d'actes de violence sont loin d'être neutres, et même lorsque les personnes interrogées semblent prêtes à souscrire à des descriptions de comportements correspondant à ce qui leur est arrivé, elles hésitent à employer les termes existants pour ce faire, en particulier à parler de viol. La dimension juridique de la question, dans la plupart des pays, consiste à savoir si la femme a donné ou non son consentement à diverses formes de rapports sexuels. Dans la pratique, il se pose bien d'autres problèmes d'ordre moral et social qui viennent peser sur une telle prise de position. Il faut rappeler qu'en France le viol conjugal est désormais reconnu par la loi.
Koss et al. (1988) ont constaté que, dans un groupe d'étudiantes américaines qu'ils avaient interrogées, 25% seulement ont déclaré avoir été violées, alors que toutes avaient pourtant indiqué avoir été victimes d'actes correspondant à un viol. Au Royaume-Uni, Painter (1991) a constaté que 60% seulement d'un groupe de femmes mariées violentées pour avoir des rapports sexuels avaient été disposées à parler de viol. Parmi le groupe de celles ayant été contraintes à avoir des rapports sexuels sous la menace verbale, ce chiffre n'était plus que de 51%. Enfin, parmi le groupe des femmes ayant clairement indiqué ne pas avoir donné leur consentement à l'acte mais à l'égard desquelles aucune forme de violence n'avait été utilisée, le pourcentage de celles ayant accepté de parler de viol n'avait été que de 43%.
La plupart des enquêtes menées sur la délinquance et la criminalité sont axées sur des événements ponctuels, alors que la violence conjugale et la violence sexuelle au sein d'un couple sont plus souvent caractérisées par une succession d'incidents que par un seul incident. La violence conjugale se différencie de la dispute ou du désaccord quotidien. Elle ne se confond pas non plus avec la mésentente au sein du couple. La violence conjugale est un système de relation dans lequel l'une des deux conjoints utilise la peur, l'intimidation, l'humiliation, les coups, le contrôle du temps ou de l'argent ou tout autre moyen pour contrôler l'autre.
Il est classique de décrire différents types de violences :
Violences physiques : les coups, directs ou par projection d'objets, ou brutalités ;
Violences psychologiques : humiliations, menaces, chantage, insultes, contrôle de l'emploi du temps, suspicion, etc. ;
Violences sexuelles : rapports sexuels forcés, imposition de pratiques ou de postures vécues comme humiliantes, prostitution ;
Violences économiques : contrôle de l'argent, exigence d'explications pour la moindre dépense, la personne n'a pas la libre disposition de son salaire, etc.

2.3. Dépistage clinique

Lésions traumatiques
Les lésions traumatiques sont des conséquences de la violence physique en tant que telle. Elles sont souvent multiples, d'âges différents et de nature très variée : érosions, ecchymoses, hématomes, contusions, plaies, brûlures, morsures, traces de strangulation, mais aussi fractures. Dans l'étude de Hotch et al. (1995) réalisée dans un service d'urgences sur 279 cas, la répartition des blessures liées à la violence conjugale était la suivante : 59% de contusions, 24,1% de plaies profondes, 13,9% de plaies superficielles, 6% de fractures, 1,2% de brûlures. Dans la majorité des cas, les lésions sont dues à des coups donnés à main nue, mais toute sorte d'objets peuvent être utilisés. L'emploi d'armes est plus rare.
La localisation des lésions est également variable. Les lésions siègent principalement au visage, au crâne, au cou ou aux extrémités. Dans l'étude de Thomas et al. (2000), elles concernaient seulement la face dans 23,9% des cas, le reste du corps dans 31,9% et l'ensemble du corps dans 44,2%. Les traumatismes dentaires, du massif maxillo-facial, ophtalmiques et otologiques sont assez fréquents.

Troubles gynécologiques
Les violences sexuelles elles-mêmes ou leur impact indirect sont susceptibles d'entraîner divers troubles gynécologiques :
- lésions traumatiques périnéales lors de rapports accompagnés de violences;
- infections génitales et urinaires à répétition, maladies sexuellement transmissibles (infections à Chlamydia, à Papilloma virus) ou transmission du VIH ;
- douleurs pelviennes chroniques inexpliquées ;
- troubles de la sexualité : dyspareunie, vaginisme, anorgasmie ;
- troubles des règles : dysovulations avec dysménorrhées.

L'obstétrique
Les auteurs s'accordent pour considérer que la grossesse constitue un facteur déclenchant ou aggravant vis-à-vis des violences exercées sur les femmes. Une enquête menée auprès de 292 femmes enceintes a mis en évidence une prévalence de 21% de violences conjugales (Helton et al., 1987). Johnson et al. (2003) ont étudié la violence domestique sur un échantillon de 475 femmes enceintes. La prévalence de la violence domestique était de 17%. Les rapports sexuels imposés concernaient 10% des femmes victimes de violence domestique. Dans l'étude de Parsons et al. (1999), 51,2% des femmes enceintes décédées à la suite de traumatismes physiques étaient connues de leur gynécologue comme étant victimes de violences de la part de leur partenaire ou d'une connaissance. Selon la revue de la littérature réalisée par Gazmarian et al. (1996), la fréquence des violences conjugales au cours de la grossesse varie de 3 à 8% avec des chiffres extrêmes de 0,9% à 20,1%.
Dans une étude réalisée en France auprès de 706 femmes, la fréquence des violences au cours des 12 mois qui suivent la naissance était de 4,1% (Saurel-Cubizolles et al., 1997). Par ailleurs, 40% des femmes battues rapportent avoir subi des violences domestiques pendant leur grossesse (Chambliss et al., 1997).
On estime que plus de 80% des femmes violentées au cours de leur grossesse, l'ont été lors d'une grossesse non désirée. D'autre part, les femmes ont trois fois plus de risque d'être victimes de violence lorsque la grossesse n'est pas désirée.
Les grossesses menées dans un contexte de violences conjugales peuvent aboutir à des déclarations tardives et des grossesses mal surveillées avec leurs conséquences : accouchements prématurés, retards de croissance in utero. Les violences physiques en elles-mêmes peuvent entraîner des avortements spontanés, des accouchements prématurés, des décollements prématurés du placenta suivis de souffrance et de mort foetale, des hémorragies, voire des ruptures utérines. Elles peuvent aboutir à la mort maternelle (par homicide ou du fait de complications liées à la grossesse) : 25% des décès au cours d'une grossesse sont secondaires à des violences physiques perpétrées par le père biologique (Fildes et al., 1992).
L'angoisse et le malaise de la femme peuvent s'exprimer après l'accouchement par une carence ou une absence de soins immédiate à l'enfant.

Maladies somatiques chroniques
Toutes les pathologies chroniques nécessitant un traitement continu et un suivi régulier sont susceptibles d'être déséquilibrées ou aggravées par les violences . Ce sont, par exemple, les affections pulmonaires (asthme, bronchites chroniques, insuffisance respiratoire), les affections cardiaques ou les troubles métaboliques comme le diabète. Il peut en effet être difficile pour la femme de suivre son traitement ou de consulter, en particulier si son conjoint contrôle ses faits et gestes et l'en empêche.

Troubles psychiatriques
Comme l'a montré l'enquête ENVEFF, les femmes victimes de violences ont un niveau de consommation médicale plus élevé. Elles ont plus souvent utilisé de façon régulière des médicaments psychotropes au cours des 12 derniers mois. De même, le fait de consulter un spécialiste de la santé mentale était beaucoup plus fréquent pour les femmes victimes de violences (20% contre 6% parmi les femmes n'ayant pas subi de violences). Enfin, les femmes ayant subi des violences physiques ou sexuelles étaient plus nombreuses à avoir eu un arrêt de travail au cours des 12 derniers mois. Dans l'ensemble, les femmes victimes de violences conjugales reçoivent 4 à 5 fois plus de traitements psychiatriques que dans la population générale.
Les troubles psychiques dont sont susceptibles de souffrir les femmes du fait des violences sont variés : troubles anxieux, troubles du sommeil, états dépressifs, tentatives de suicide, automédication et troubles fonctionnels.
De nombreuses femmes victimes de violences conjugales présentent tous les signes d'un état de stress post-traumatique (syndrome de répétition, conduites d'évitement et troubles du sommeil), syndrome commun à toutes les personnes qui ont subi un traumatisme grave. Ce syndrome concernerait environ de 20 à 50% des femmes violentées présentent ce type de syndrome. Dans l'enquête ENVEFF, ce pourcentage était de 17% pour les femmes ayant subi un événement physiquement violent et 25% pour celles en ayant subi plusieurs. Ce taux était encore augmenté pour les femmes victimes de violences sexuelles.
Concernant les troubles de l'humeur, les dépressions sont fréquentes et concerneraient environ 50% des femmes victimes de violences conjugales. Elles sont caractérisées par une perte d'estime de soi, une prudence exacerbée, un repli sur soi, des troubles du sommeil et de l'alimentation et une idéation suicidaire. Elles peuvent être en rapport avec la situation dans laquelle la femme se trouve, surtout si elle est dans l'impossibilité de fuir le contrôle et le pouvoir de son partenaire qui la maltraite. Elles peuvent être également liées à une grande incertitude vis à vis de l'avenir, à la peur de représailles de la part du partenaire, à la crainte de perdre la garde de ses enfants, à la crainte de difficultés économiques, ou encore à une intériorisation de la colère.
On estime que les femmes victimes de violences conjugales commettent 5 fois plus de tentatives de suicide que dans la population générale (Flitcraft, 1992). Dans l'enquête ENVEFF, le taux de tentative de suicide au cours des 12 derniers mois était très lié aux violences : de 0,2% pour les femmes n'ayant pas rapporté de violence à 3% pour les femmes ayant subi une agression physique et 5% pour les femmes en ayant subi plusieurs. Ce pourcentage était de 4% pour les femmes victimes de violences sexuelles et atteignait 10% au sein du groupe de femmes déclarant à la fois des violences physiques et sexuelles.
Les abus de substances sont fréquents : consommation chronique et abusive de tabac, d'alcool, de drogues et de médicaments psychotropes.
Des troubles non spécifiques peuvent également se rencontrer. Il s'agit de :
troubles émotionnels : colère, honte, sentiment de culpabilité, sentiment d'impuissance, anxiété, manifestations phobiques ;
troubles somatiques fonctionnels : troubles digestifs, lombalgies chroniques, céphalées, asthénie, paresthésies, tachycardie, palpitations, oppression, dyspnée, etc.;
troubles du sommeil : difficultés d'endormissement, réveils nocturnes, cauchemars ;
troubles de l'alimentation : prises de repas irrégulières, anorexie ou compulsions alimentaires ;
troubles cognitifs : difficultés de concentration et d'attention, pertes de mémoire.
On a enfin également décrit des troubles psychotiques qui seraient induits par les situations de violence conjugale. On peut cependant penser que dans ce contexte, la violence ne fait que révéler ou exacerber des troubles antérieurs. On doit de plus, se garder de fausses interprétations concernant la nature délirante des propos tenus par certaine victimes de violence, la peur et la terreur engendrées par la violence pouvant être assimilées à tort à un délire persécutif, alors qu'ils ne sont qu'une manifestation de l'état de stress et de l'anxiété liés au contexte.

2.4. Le dépistage
Le dépistage peut être facile devant la découverte de lésions visibles, qui sont volontiers multiples et d'âges différents. Il est beaucoup plus difficile lorsque la femme consulte pour des troubles somatiques fonctionnels ou des troubles psychiques. La femme peut aussi consulter sous d'autres prétextes : un renouvellement d'ordonnance, une demande de soins pour ses enfants ou son conjoint, etc.
Certaines situations sont évocatrices : le jeune âge de la femme, une séparation récente, une instance de divorce, une instabilité du couple, l'alcoolisme du conjoint ou un conjoint connu pour être violent. Les difficultés sociales ou la précarité du ménage sont également des facteurs de risque. Dans d'autres cas, c'est le comportement de la femme et/ou de l'homme lors de la consultation qui éveille l'attention. La patiente est tantôt craintive et ralentie, tantôt irritée et agressive. Ses déclarations peuvent être confuses ou incohérentes. L'homme peut être trop prévenant, répondre à la place de sa femme, lui suggérer ses réponses, la contrôler par des expressions du visage ou des attitudes intimidantes.
Dans le doute, certains éléments peuvent orienter le diagnostic, tels que la notion de maltraitance subies par la femme dans son enfance. En effet, comme nous l'avons vu, dans l'enquête ENVEFF, la proportion de victimes de violences, au cours des 12 derniers mois, est 4 fois plus élevée chez les femmes ayant subi des sévices dans leur enfance.
En l'absence de signes évocateurs, la seule possibilité de découvrir les violences est le dépistage systématique, essentiel pour les auteurs américains et canadiens, mais très rarement assuré par les médecins français. Il est d'autant plus difficile à mettre en ¦uvre que la plupart des femmes n'osent pas ou ne souhaitent pas parler de ce qu'elles subissent. D'après différentes études, 25% seulement en parleraient spontanément à leur médecin. Pour réaliser le dépistage, on peut poser quelques questions simples. Ce peuvent être des questions sur la vie conjugale, mais aussi, de manière plus indirecte, des questions en rapport avec la violence en général.
Cette réticence, apparemment paradoxale est liée à divers facteurs. Ce sont, par exemple, le souci de préserver l'unité familiale et les enfants, la peur des représailles, la crainte de ne pouvoir surmonter les obstacles matériels, la crainte d'affronter les institutions judiciaires et la crainte que l'abandon du domicile conjugal ne se retourne contre elle dans une instance de divorce. C'est le rôle des soignants, du médecin et des associations, d'aider la femme dans sa décision en lui apportant un éclairage extérieur.
Evaluer la gravité des violences, c'est apprécier les conséquences somatiques des lésions traumatiques et gynécologiques qui peuvent survenir à la suite de rapports sexuels forcés. C'est aussi évaluer l'impact des violences sur le psychisme, compte tenu du caractère très destructeur qu'un climat de violence à long terme exerce sur la femme, quelle que soit la gravité de signes cliniques apparents.
Outre la gravité des lésions, certains facteurs doivent être pris en compte :
- l'augmentation de la fréquence des actes de violence et leur aggravation, dont la répétition peut mettre en danger la femme et son environnement familial ;
- le contexte d'alcoolisme chronique du partenaire ;
- le retentissement sur les enfants au foyer, très souvent témoins des actes de violence ;
- la présence de certains facteurs de vulnérabilité tel que la grossesse ;
- l'existence de menaces de mort ou l'usage d'armes, très inquiétantes.
Il faut mentionner le fait que les médecins éprouvent fréquemment des craintes vis à vis des conséquences de leurs signalements, du fait du risque de sanctions pour violation du secret professionnel. Ces craintes sont renforcées dans les cas où il existe des doutes concernant la véracité des abus rapportés. Elles devraient pouvoir être levées par une meilleure information délivrée aux médecins sur cette question et une formalisation des conduites à tenir.

2.5. Psychopathologie
De nombreux travaux ont été consacrés aux aspects psychopathologiques de la violence conjugale. Le premier élément qui retient l'attention des cliniciens est la passivité apparente des victimes. Elle est la conséquence d'une violence psychologique insidieuse qui s'est poursuivie sur une période souvent très longue. C'est une violence faite d'attitudes ou de propos humiliants, dénigrants, méprisants, de menaces ou de chantage. Par un phénomène d'emprise, la victime, paralysée, subit sans rien dire pendant des années, cherchant souvent même des excuses à son partenaire. L'état de peur dans lequel les femmes maltraitées sont maintenues par leur agresseur les conduit à une ambivalence et elles tentent de l'excuser, tout en refusant de le quitter et de le dénoncer à la police. Elles ne se considèrent pas comme des victimes, ce qui peut être à l'origine de réactions contre-transférentielles négatives de la part du clinicien.
La passivité n'apparaît cependant habituellement qu'après une certaine durée d'évolution de la maltraitance. Dans une première étape la femme victime de violences conjugales va chercher à arranger la situation, en en parlant, en cherchant de l'aide, en affrontant le conjoint. C'est dans un deuxième temps, quand ces démarches ont échoué, qu'elle adopte une posture plus résignée, plus passive, avec l'idée que la soumission permettra de réduire le danger. Quand cette stratégie échoue également, on assiste à de réactions de retrait émotionnel qui comportent des risque de passage à l'acte (suicide, homicide).
Les travaux portant sur les hommes violents (Balier, 1988) montrent que les hommes n'ont pas la même perception de la violence que leur conjointe : pour eux, la relation d'emprise débute dès les premières rencontres, et se manifeste par l'obtention de renoncements qui peuvent paraître mineurs mais ne la sont pas. Ils décrivent la violence comme un processus continu, alors que les femmes décrivent des crises avec des périodes de répit.
Toutefois, on ne peut pas ne pas s'interroger sur la nature du lien qui unit ces femmes à leur conjoint violent, c'est à dire ce qui les a amenées à choisir un partenaire violent et à accepter, souvent dès le début de la relation, de s'effacer devant lui. En interrogeant les membres du couple sur ce qui les a séduit chez leur conjoint, ils avancent des arguments de l'ordre de la désirabilité sociale. La notion de centre d'intérêts communs, de projet de vie n'est jamais mentionnée. Ce qu'est un couple est exprimé par chacun sous la forme de préceptes et de théories générales, mais ne fait pas réellement l'objet d'une élaboration commune. Il ne s'agit pas de rendre les femmes responsables de ce qu'elles subissent. Mais la nature du lien qui unit ces couples ne peut être ignorée lorsqu'on leur vient en aide. Elle est au moins autant à l'¦uvre que les contraintes socio-économiques dans ce qui empêche les femmes de partir.
Les violences conjugales se déroulent souvent selon une séquence temporelle particulière faite de cycles. Ainsi, après un épisode violent, il existe habituellement une phase de réconciliation, avec demande de pardon, promesse de ne plus recommencer, cadeaux, etc. Durant cette période de lune de miel, la femme retire la plainte qu'elle a éventuellement déposée, renonce aux aides qu'elle a pu demander, et se montre confiante dans ce qui lui semble être un nouveau départ. Puis, progressivement, la tension se réinstalle, jusqu'à un nouvel épisode violent. La fréquence des cycles peut être très variable. Ils réalisent une alternance de périodes de violence et de périodes d'accalmie.


3. Maltraitance vis à vis des Personnes âgées

Les maltraitances vis à vis des personnes âgées sont souvent plus insidieuses que d'autres maltraitances, du fait du confinement de ces victimes. Dans 70% des cas les actes interviennent dans le milieu clos de la famille et sont le fait de la personne qui aide. Elles ne sont pas nécessairement liées à la perversité de celle-ci, mais aussi souvent à son manque de vigilance ou à son épuisement.
Les médecins observent des comportements de maltraitance mais ne les identifient pas nécessairement comme tels, car ils sont insuffisamment formés pour cela.

3.1. Données épidémiologiques
Différentes études ont permis de mettre en évidence l'importance du phénomène de la maltraitance des personnes âgées dans nos sociétés. En Europe, c'est en France qu'a été réalisée la première étude permettant de mesurer la prévalence du phénomène (Durocher et al., 1997). Elle a porté sur 2 926 dossiers médicaux de personnes de plus de 65 ans prises en charge par des établissements médico-sociaux. La valeur de cette étude repose sur le fait qu'elle est fondée sur des constats d'abus. Ses conclusions rejoignent celles des travaux américains et canadiens qui font état d'une prévalence de 5%.
Des enquêtes ont révélé que 36% des professionnels disent avoir été témoins d'abus physiques et que 81% des professionnels disent avoir été témoins d'abus psychologiques.
Toutes les études indiquent que les personnes âgées victimes sont plus volontiers des femmes. Cela ne signifie cependant pas que les hommes âgés sont épargnés. Dans une enquête menée à Boston et dans laquelle 65% des personnes interrogées étaient des femmes, la majorité des victimes (52%) étaient des hommes (Pillemer et al., 1988). Le taux d'hommes victimes de maltraitance (5,1%) était le double de celui des femmes (2,5%) et ceci alors que la population de personnes âgées était très majoritairement féminine.
Les victimes âgées sont plus fréquemment des personnes souffrant d'un handicap physique ou mental (les personnes atteints de maladie d'Alzheimer ou de maladie de Parkinson sont les plus vulnérables), des personnes ayant une perte d'autonomie, incapables de subvenir à leurs besoins et d'assurer leur sécurité, des personnes vivant sous le même toit que celles qui les maltraitent et des personnes qui hésitent ou refusent de porter plainte

3.2. Types de maltraitance
Il existe huit types d'abus selon la classification de Krueger et al. (1997) :
La violence physique, où l'agresseur inflige, des blessures ou des sévices corporels (brutalités, gifles, coups, brûlures, agressions sexuelles) ;
La violence psychologique, qui porte atteinte à l'identité et à la dignité de la personne âgée (cris, injures, menaces, ignorer la victime, l'isoler, l'exclure d'événements importants ou la priver de ses droits) ;
Les privations nutritionnelles ;
L'exploitation financière ou exploitation matérielle (vols, abus de procurations, spoliations de revenus, d'héritage, etc.) ;
Les violences actives (privation de liberté ou de soins) ;
Les violences passives (privation de contacts) ;
La négligence, qui se produit lorsqu'un aidant ne répond pas aux besoins d'une personne qui ne peut y subvenir elle-même (refus de boissons, d'eau, de nourriture, de médicaments, de soins, de produits de santé, de vêtements ou de visites) ;
Les violences médicamenteuses (privations ou abus de traitements).
Les abus majeurs (séquestrations, agressions graves, viols) restent très rares et la plupart du temps ce sont des comportements plus insidieux dont la répétition finit par induire une situation de détresse.
A domicile, les abus les plus fréquents sont les abus matériel (50% des cas), les abus psychologiques (30% des cas), la violence physique (10% des cas) et la négligence (8% des cas). A titre d'exemples, mentionnons les situations suivantes :
- Exploitation financière, vol d'effets personnels ;
- Dévalorisation, infantilisation ;
- Chantage, menaces ;
- Privation de contacts avec la famille (petits-enfants) ;
- Mauvais traitements physiques ;
- Interruption des services donnés à domicile ;
- Consommation forcée de médicaments ;
- Soins médicaux non respectés ;
- Nourriture et chauffage inadéquats.
En institution, il faut distinguer les abus exercés par le personnel, des abus liés aux services et aux conditions d'hébergement et des abus liés à l'organisation des soins médicaux.
Abus exercés par le personnel des institutions :
Infantilisation, tutoiement non désiré ;
Agressions verbales ;
Rudoiements, bousculades, coups ;
Manque d'écoute et d'attention ;
Non respect de l'intimité ;
Menaces, chantages ;
Privations diverses, isolement ;
Contention non justifiée (physique ou chimique) ;
Refuser des soins essentiels ou mal prodiguer des soins ;
Nourrir de force ou trop rapidement ;
Ne pas répondre aux appels ;
Douleur insuffisamment soulagée ;
Abus financiers (facturation injustifiée de services, contrôle de l'argent personnel, procuration sans consentement éclairé, vol de biens personnels).
Abus liés aux services et aux conditions d'hébergement :
Vétusté des locaux ;
Chauffage, ventilation ou éclairage inadéquats ;
Espaces non adaptés aux divers handicaps ;
Manque d'hygiène ;
Manque de personnel ;
Mauvais qualification du personnel ;
Mixité imposée ;
Absence de consultation sur le choix du voisin de chambre ;
Changement de chambre imposé ou sans préavis ;
Quantité et qualité insuffisantes des repas ;
Aide aux repas insuffisante ;
Règlement intérieur abusif (pas de lieu pour recevoir en privé, réglementation abusive des horaires de visites et de sorties, etc.) ;
Carences dans l'organisation de la vie quotidienne (pas de loisirs diversifiés ou adaptés, pas ou peu de sortie à l'extérieur, etc.).
3. Abus liés à l'organisation des soins médicaux :
Mauvais suivi médical ;
Longue attente avant de recevoir des soins ;
Pas de respect de l'intimité dans les soins ;
Surmédication ;
Interruption des soins en signe de représailles ;
Traitements sans consentement éclairé ;
Administration forcée de médicament.

3.3. Facteurs favorisant la maltraitance des personnes âgées
Selon Hugonot (1998), le premier facteur de la victimisation est l'état de faiblesse. C'est la faiblesse qui expose les personnes âgées, de la même façon que les enfants, les femmes et les personnes handicapées, mais la victimisation est souvent invisible. Souvent la résignation passive tient lieu de consentement.
Les abus peuvent survenir dans toutes les classes sociales et n'importe qui est susceptible de devenir un abuseur dans des conditions de stress intense et prolongé. La maltraitance physique ou sexuelle est parfois la conséquence de maltraitances antérieures, financières verbales ou psychologiques, mais ce n'est pas la règle. C'est une dérive comportementale qui commence souvent par l'infantilisation de la personne âgée, le manque d'intimité, de pudeur et de respect.
Nebocat (1990) a décrit comment les pratiques quotidiennes et le manque de sensibilité dans les établissements de soins finissent par entraîner des situations de violence et de négligence chez les personnes âgées. Plutôt que des cas dramatiques de violence et de négligence, ce sont de petites choses, faites souvent par inadvertance, qui se transforment en réels problèmes pour les personnes âgées semi-autonomes ayant des déficiences et qui nuisent à leur qualité de vie. On cite des exemples d'activités journalières insignifiantes (tenues vestimentaires imposées, contraintes sur les horaires, etc.) qui peuvent éventuellement se transformer en sources de négligence ou de violence.
Le vieillissement de l'aidant peut contribuer à induire des comportements de maltraitance. Il peut s'agir du vieillissement du conjoint, qu'il soit du même âge ou plus âgé, qui se retrouve confronté à l'épuisement, à la séparation. Dans d'autres cas, c'est le vieillissement de l'enfant. En effet, lorsqu'une personne âgée est devenue très âgée, son enfant, fille ou garçon, est devenu lui-même une personne âgée. Cette situation est fréquente pour les personnes de plus de 85 ans.
Kosberg (1998) rapporte d'intéressantes données à l'appui de l'hypothèse d'un " retour de balancier " en relation avec des abus de pouvoir antérieurs : une femme ou des enfants ayant été victimes autrefois de mauvais traitements au sein de la famille se vengeraient ainsi de l'homme responsable de ces abus dans sa vieillesse.
Le profil des victimes à domicile a été établi à partir des différentes enquêtes et études réalisées. Il s'agit d'une personne qui :
- vit seule et a plus de 75 ans ;
- ou est une femme mariée, qui a déjà vécu des problèmes de violence ;
- est très dépendante pour les soins de base (alimentation et hygiène) ;
- souffre d'un handicap physique exigeant de l'aide quotidienne ;
- souffre d'une maladie mentale ou dégénérative (Maladie d'Alzheimer) ;
- est désorientée dans le temps ;
- reçoit l'aide d'une même personne depuis longtemps ;
- vit seule, reçoit rarement de la visite et a peu de contact avec sa famille ;
- entretient des relations avec un seul membre de sa famille qui lui, vit des difficultés économiques ;
- n'a pas le contrôle de ses comptes ou de son argent au quotidien ;
- est traitée pour des symptômes de dépression ;
- présente des troubles de comportement (déambulation, agressivité élevé, cris et plaintes) ;
- ne peut communiquer ses expériences ou ses émotions ;
- souffre de douleur chronique mal soulagée.
En institution, différents facteurs concourent à favoriser les comportements de maltraitance :
- Incompétence face à des clientèles ayant des pertes cognitives ;
- Mauvaise organisation du travail ;
- Épuisement, surcharge de travail (consécutifs à des réductions budgétaires) ;
- Attentes irréalistes des soignants ;
- Attentes irréalistes des directions à l'égard des soignants et des clientèles.
Le profil de l'abuseur a également été établi. Quand il est un membre de la famille, c'est une personne qui :
- vit avec la victime et s'occupe d'elle depuis longtemps ;
- ne reçoit aucune gratification pour cette charge ;
- est une personne salariée qui ne reçoit aucun soutien ou supervision pour cette charge ;
- est isolée socialement ;
- souffre elle-même de problèmes de santé ;
- est mal préparée à s'occuper d'une personne malade (absence d'informations médicales, méconnaissance de la pathologie, etc.);
- accepte mal cette charge de soignant ;
- est dépendante financièrement de la victime ou est en proie à des problèmes financiers ;
- est alcoolique, toxicomane ou consomme régulièrement des psychotropes ;
- est épuisée du fait de la surcharge de travail ou des problèmes familiaux ;
- ne reçoit pas ou refuse des aides.
Quand il est étranger à la famille, l'abuseur :
- est un préposé au service des soins de santé ;
- est mal préparé à assumer la charge d'une personne dépendante ;
- manque de supervision ;
- travaille de façon isolée ;
- est soumis à d'autres facteurs de stress, tels l'alcoolisme, la toxicomanie, des problèmes de santé, des problèmes d'ordre social ou financier.
Différents éléments cognitifs et/ou émotifs organisent l'expérience que vivent les victimes et peuvent expliquer leur manque de réactions apparent :
- Elles ne se rendent pas compte de la gravité de leur situation ;
- Elles excusent ou justifient les comportements abusifs ;
- Elles ignorent les possibilités d'aide et de recours ;
- Elles se sentent coupables à cause de leur état de dépendance et des soins qu'elles requièrent ;
- Elles éprouvent une diminution de la confiance en soi causée par la situation ;
- Elles se sentent impuissantes ;
- Elles pensent pouvoir régler seules leurs problèmes ;
- Elle ne donnent pas nécessairement un sens à la situation d'abus ;
- Elles ont une capacité limitée de communiquer clairement les faits ;
- Elles n'ont pas de personne de confiance dans leur environnement.
Les témoins, proches ou professionnels, ont tendance à nier ou à sous-estimer les souffrances vécues par les personnes âgées. Certains se taisent par peur des conflits institutionnels ou du fait de la pression à la conformité émanant de l'institution. Certains encore craignent de perdre leur emploi s'ils dénoncent la maltraitance ou se croient liés par un " secret professionnel " et contraints à la confidentialité.
Du fait de l'importance de la relation affective qui les lie avec l'abuseur, les victimes craignent si elles dénoncent les faits dont elles sont victimes, de subir des représailles, d'être abandonnées, d'être placées dans un établissement d'hébergement ou d'y perdre leur place. Dans des institutions comme les maisons de retraite, certaines victimes s'entendent dire " Si vous n'êtes pas satisfait, vous pouvez partir ". Mais partir où ? De même, à domicile, elles ont peur d'être à l'origine d'un conflit dans la famille et de perdre des relations importantes pour elles (petits-enfants). Elles préfèrent souvent régresser plutôt que de se plaindre. Il n'est pas exceptionnel qu'elles expriment de la reconnaissance vis à vis de leur bourreau par culpabilité d'être en état de dépendance.

3.4. Dépistage
Certains signaux d'alerte peuvent attirer l'attention du soignant sur une situation de maltraitance :
La perte de poids, surtout si elle est inexpliquée médicalement, qui peut être liée à des apports insuffisants;
La déshydratation ;
Les hématomes et des plaies qui, peuvent être liées à des maltraitances physiques ;
L'isolement et le repli sur soi, qui témoignent parfois de la difficulté à exprimer ce que l'on vit ;
Les escarres, inhérentes à l'alitement prolongé des personnes âgées, mais qui peuvent aussi être liées à un manque de soins ;
La somnolence matinale, qui peut être liée à l'abus de somnifères, parfois donnés par l'aidant qui, pour se reposer, augmente les posologies.
Si la personne âgée à domicile :
A l'air calme à l'excès ou somnolente ;
Apparaît négligée dans son apparence ;
Vit en réclusion évidente ;
Pleure facilement ;
Apparaît effrayée, méfiante ou soupçonneuse ;
Requiert la permission d'un tiers pour répondre à des questions ;
Se plaint d'un manque de chauffage, de ventilation dans sa chambre ;
Exprime son intention de se séparer (de son conjoint), de déménager ou de quitter l'institution ;
Menace de se suicider ou souhaite mourir ;
Dit qu'on lui doit de l'argent, qu'il lui manque de l'argent ;
Dit qu'on la maltraite ou la brutalise ;
Est incapable d'expliquer des blessures ou des marques corporelles.
Si l'abuseur :
Critique, déprécie, insulte ou réprimande la victime ;
Se montre inutilement exigeant ;
Isole ou menace la victime ;
Se plaint du comportement de la personne âgée ;
Dépense plus d'argent que d'habitude ou refuse de rendre compte de son utilisation de l'argent de la personne âgée ;
Montre un comportement agressif ;
Apparaît méfiant et soupçonneux face à des tiers ;
Refuse de laisser la victime seule avec un tiers ;
Menace d'interrompre ou interrompt le service à domicile ;
Répond systématiquement à la place de la personne âgée.
Les indices qui suivent peuvent être des signes de mauvais traitements infligés à une personne âgée par un travailleur de la santé :
La personne âgée et le travailleur ne donnent pas la même version des faits ;
Le récit ne cadre pas avec la gravité du traumatisme ;
Le travailleur donne une explication vague ou étrange du traumatisme subi par la personne âgée ;
La personne âgée semble avoir peur et change de comportement lorsque le travailleur entre dans la pièce ou en sort.
Les personnes âgées atteintes de démence parlent parfois de ce qui leur est arrivé. Même si ce que dit la personne âgée paraît confus, ses propos qui semblent décousus peuvent renfermer une partie de vérité et la plus grande attention doit leur être apportée.
En cas de violence physique soupçonnée, il convient d'examiner la personne âgée afin de dépister :
des traumatismes de la bouche, du visage, des yeux et du cuir chevelu ;
des contusions, en particulier des empreintes de main ou de doigts à des endroits particuliers (souvent aux bras) ;
des traumatismes aux cuisses et au périnée, en cas d'agression sexuelle.
Hwalek et al. (1985) ont élaboré un instrument de dépistage pour identifier les personnes âgées à risque de maltraitance. Il couvre six types d'abus : les abus physiques, la négligence physique, les abus psychologiques, la négligence psychologique, les abus matériels et les violations des droits de la personne.

4. Maltraitances à l'égard des personnes handicapées

4.1. Types de maltraitance
Différentes études épidémiologiques ont permis de documenter l'importance des abus susceptibles de se rencontrer chez des personnes handicapées. D'après Furey (1994), sur une série de cas de 461 abus sexuels perpétrés sur des handicapés mentaux, les victimes étaient des femmes dans 72% des cas. Young et al. (1997) ont étudié un groupe de 439 femmes atteintes de handicaps physiques comparativement à un groupe de femmes non handicapées. Une proportion de 62% des femmes rapportaient des abus sexuels ou physiques à un moment quelconque de leur vie. Les femmes handicapées étaient plus souvent abusées par leurs ascendants ou par les personnes qui leur délivrent des soins. Au cours de l'année écoulée, 13% des femmes handicapées avaient été victimes d'abus. La durée des abus était plus longue que chez les femmes non handicapées. Enfin, McFarlane et al. (2001) ont réalisé un dépistage des abus dans un échantillon de 511 femmes atteintes de handicaps physiques. Ils ont détecté 9,8% de femmes victimes d'abus.
Le Conseil de l'Europe a créé un groupe de travail sur la violence, la maltraitance et les abus à l'égard des personnes handicapées. Ce groupe de travail a établi, sous la direction de Hilary Brown, le 30 janvier 2002, un rapport portant sur La protection des adultes et enfants handicapés contre les abus. Ce rapport donne une définition pratique des abus qui " englobe les abus physiques et sexuels, les préjudices psychologiques, les abus financiers, les négligences et les abandons d'ordre matériel ou affectif ". Le rapport définit l'abus comme " tout acte, ou omission, qui a pour effet de porter gravement atteinte, que ce soit de manière volontaire ou involontaire, aux droits fondamentaux, aux libertés civiles, à l'intégrité corporelle, à la dignité ou au bien-être général d'une personne vulnérable, y compris les relations sexuelles ou les opérations financières auxquelles elle ne consent ou ne peut consentir valablement, ou qui visent délibérément à l'exploiter ".
Ce rapport propose une classification qui distingue six types d'exercice de la maltraitance :
la violence physique, qui comprend les châtiments corporels, l'incarcération, y compris l'enfermement chez soi sans possibilité de sortir, la surmédication ou l'usage de médicaments à mauvais escient et l'expérimentation médicale sans consentement ;
les abus sexuels, y compris le viol, les agressions sexuelles, les outrages aux moeurs, les attentats à la pudeur, l'embrigadement dans la pornographie et la prostitution ;
les menaces et les préjudices psychologiques, généralement les insultes, l'intimidation, le harcèlement, les humiliations, les menaces de sanctions ou d'abandon, le chantage affectif ou le recours à l'arbitraire, le déni du statut d'adulte et l'infantilisation des personnes handicapées ;
les interventions portant atteinte à l'intégrité de la personne, y compris certains programmes à caractère éducatif, thérapeutique ou comportemental ;
les abus financiers, les fraudes et les vols d'effets personnels, d'argent ou de biens divers ;
les négligences, les abandons et les privations, d'ordre matériel ou affectif, et notamment le manque répété de soins de santé, les prises de risques inconsidérées, la privation de nourriture, de boissons ou d'autres produits d'usage journalier, y compris dans le cadre de certains programmes éducatifs ou de thérapie comportementale.
Comme chez les personnes âgées, il est rare que la maltraitance à l'égard des personnes handicapées se traduise par des faits ou des actes particulièrement graves. Ceux-ci restent exceptionnels et assimiler la violence à l'égard des handicapés à certains des crimes spectaculaires qui sont régulièrement médiatisés serait une vision simpliste et déformée de la réalité. Celle-ci est plus complexe, la maltraitance correspondant souvent à une succession de petits actes qui, réunis, créent les conditions de la souffrance des personnes handicapées.
Il existe une distinction reconnue de façon quasi unanime entre deux grandes formes de maltraitance : la maltraitance active et la maltraitance passive. La maltraitance peut en effet être intentionnelle ou au contraire rester involontaire, voire inconsciente et résulter de négligences ou de maladresses. Les maltraitances psychologiques peuvent être difficiles à identifier. Elle débutent souvent par des faits apparemment anodins. L'ignorance, la peur de la différence, le manque de savoir-faire et le déficit de communication induisent à terme une maltraitance insidieuse. Savoir déchiffrer chez un polyhandicapé une mimique, une agitation, un gémissement ou un lourd silence, suppose une formation et/ou une expérience particulières.
En institution, les brimades peuvent consister en une réduction de la liberté d'aller et venir, entravée par une réglementation excessive. Les brimades peuvent également consister en une attitude infantilisante ou une approche trop affective des rapports avec les personnes prises en charge. Elles peuvent également revêtir la forme d'un déficit en matière de politique de sorties et d'animations, de reproches à propos de problèmes de continence, de réflexions désobligeantes, de toilettes mal faites, de non respect du secret médical, ou d'une approche inexistante de la sexualité. De ce point de vue, dénier le droit à une sexualité aux personnes handicapées peut être une autre forme de maltraitance. On ce référera à l'article de Murphy (2003), qui aborde la question de la capacité à consentir à des relations sexuelles chez des adultes atteints d'un retard mental.
La maltraitance physique peut consister en des douches froides administrées à titre de rétorsion ou des prescriptions dangereuses, de sédatifs en particulier. Il peut s'agir des violences corporelles, de coups et blessures ou encore de répressions corporelles plus sournoises. Rares, mais visibles au travers de cicatrices, d'hématomes ou de griffures, elles sont le fait de violences parfois repérées mais le plus souvent anonymes de la part de membres du personnel ou de résidents entre eux.
Les maltraitances sexuelles restent le plus souvent ignorées. Elles s'exercent dans des lieux fermés, hors du regard social ou institutionnel. Lorsqu'elles sont découvertes, elles sont amplifiées par l'émotion qu'elles provoquent. Elles ne sont qu'exceptionnellement jugées innocentes par leur auteur, et peuvent être le fait de personnalités perverses.
Il faut également mentionner les situations de maltraitance entre résidents au sein des établissements. Les actes de maltraitance entre personnes handicapées naissent, comme dans toute situation de violence, de rapports de force et d'abus de vulnérabilité. La maltraitance entre personnes handicapées est une maltraitance que l'on retrouve comme dans toutes les sociétés humaines, quand les plus forts font pression sur les plus.
La maltraitance institutionnelle n'est pas propre aux établissements et services sociaux et médico-sociaux qui accueillent des personnes handicapées. Il s'agit d'un phénomène beaucoup plus général, qui touche aussi l'école, le lieu de travail ou les relations de l'usager avec les administrations (par exemple, complexité des dossiers et délais d'attente).

4.2. Facteurs de risque
La maltraitance réalise souvent une situation complexe au sein de laquelle interagissent la personne qui subit la violence et ses auteurs, eux-mêmes parfois en situation de souffrance. Certaines pathologies ou états de dépendance extrême, comme les handicaps lourds ou les pathologies démentielles, peuvent favoriser l'émergence chez autrui de situations de violence.
Le rapport du Conseil de l'Europe de janvier 2002 a identifié cinq éléments qui représentent autant d'occasions de voir les risques d'abus accrus :
" l'hostilité ou l'indifférence à l'égard de personnes visiblement différentes ;
les cultures, structures et régimes institutionnels où le personnel soignant directement en contact avec les intéressés est peu qualifié, mal considéré et peu rémunéré, où l'on observe une résistance au changement et la formation de groupes fermés, où il y a des inégalités au niveau des salaires, des conditions de travail et des possibilités de formation pour le personnel qualifié et non qualifié ;
le recours fréquent à de multiples soignants, pour les individus nécessitant une assistance personnelle et des soins intimes ;
l'ignorance et une mauvaise formation des agents qui s'occupent de personnes ayant des besoins complexes et/ou des comportements difficiles ;
l'absence de réglementation ou de véritable obligation de rendre compte à un organisme indépendant. "
La solitude à laquelle sont confrontées de nombreuses personnes handicapées constitue un facteur, général mais essentiel, de maltraitance. Celle-ci s'exerce en effet généralement sur des personnes isolées. Les maltraitances sont le plus souvent le fait des proches. D'après Furey (1994) sur une série abus sexuels réalisés sur des handicapés mentaux, les victimes connaissaient leur agresseur dans 92% des cas.
Les maltraitances peuvent être liées à des abus de pouvoir. Les actes de maltraitance imputables aux personnels des établissements d'accueil, tiennent avant tout au type de relations qu'entretiennent ces personnels avec les personnes handicapées et aux dérives qui peuvent en découler. Il est une maltraitance habituelle au sein des établissements : il s'agit du tutoiement systématique et péjoratif envers les personnes handicapées, même s'il peut exister évidemment un tutoiement affectif à leur égard.
L'abus de pouvoir ne constitue cependant pas la seule cause de maltraitance imputable au personnel. La souffrance causée par les personnels aux personnes handicapées est fréquemment liée à l'existence de préjugés et à une méconnaissance du handicap. Les fautes professionnelles, par erreurs ou incompétences, peuvent générer de la souffrance. Le manque de qualification peut ainsi expliquer une part des actes de malveillance qu'on serait tenté d'imputer à un aspect pervers de la personnalité de leurs auteurs. Le travail de nuit, en particulier, est souvent effectué par du personnel moins bien formé. Ceux qui travaillent la nuit ne sont pas nécessairement plus maltraitants, mais ils vivent des situations plus délicates que les personnels de jour, notamment en raison de l'isolement et des angoisses qui surviennent, et ils sont généralement moins bien formés à la prise en charge du handicap.
Les maltraitances individuelles infligées par des membres du personnel peuvent être le signe d'un dysfonctionnement plus profond de l'établissement. Celui-ci peut relever de l'organisation institutionnelle, tels que l'absence de projet de soins, l'absence d'organisation des soins, la gestion opaque et conflictuelle du personnel ou l'absence de lieux d'écoute permettant aux salariés de s'exprimer sur l'existence de maltraitances commises par leurs collègues. Enfin, il faut signaler que lorsqu'il existe des tensions au sein du personnel, elles finissent au bout du compte se diriger contre les résidents.
Le personnel a également pu intérioriser des comportements maltraitants ou qui le sont devenus, la routine ne les amenant plus à s'interroger sur le sens de leurs actes. La banalisation de certains comportements peut conduire à des maltraitances, d'autant plus difficiles à corriger qu'elles ne sont plus perçues comme telles par leurs auteurs. La maltraitance finit parfois par être assimilée à un comportement normal par les victimes elles-mêmes.
Comme l'a montré le Rapport du Conseil de l'Europe, des actes individuels de maltraitance peuvent également survenir en cas d'inadéquation des institutions aux publics accueillis. La maltraitance résulte alors de l'accueil de personnes handicapées dans des institutions dont elles ne relevaient pas directement, c'est-à-dire mal équipées pour les accueillir dans les meilleures conditions.

4.3. Dépistage
Les personnes handicapées éprouvent souvent de grosses difficultés à révéler les maltraitances dont elles sont victimes. Certaines peuvent minimiser ce qui leur arrive. Les personnes maltraitées ont du mal à révéler ce qu'elles subissent car elles ont du mal à dépasser le stade de l'état de victime et restent souvent enfermées dans une profonde culpabilité. Enfin, il faut prendre en compte le fait que certaines personnes sont amenées à " broder ", mais aussi à amplifier ou à déformer ce qui leur est arrivé. Il n'est pas toujours simple de s'en rendre compte quand il s'agit de personnes qui ne sont pas dotées de moyens d'expression orale.
Il faut mentionner le fait qu'il existe des instruments susceptibles d'aider au dépistage. Ainsi, McFarlane et al. (2001) ont validé un questionnaire spécifiquement adapté au contexte des personnes handicapées pour détecter les abus.
Enfin, concernant les conséquences psychiques des maltraitances et abus décelables chez les personnes handicapées, elles semblent comparables à celles des personnes non handicapées. Ryan (1994) a retrouvé un taux élevé d'états de stress post-traumatique chez des handicapés mentaux victimes d'abus sexuels. A l'inverse, Firth et al. (2001) ne retrouvent qu'un seul cas de PTSD sur une série de 37 handicapés mentaux victimes d'abus sexuels. D'après la revue de la littérature réalisée par Sequeira et al. (2003) sur 25 études, il ressort que chez les personnes atteintes de handicap mental, les abus auraient des conséquences comparables à celles qu'on rencontre dans des populations de personnes non handicapées, les états de stress post-traumatique en particulier.


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Dernière mise à jour : dimanche 30 novembre 2003

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