Conséquences des maltraitances sexuelles. Les reconnaître, les soigner, les prévenir

Conférence de consensus qui s'est tenue à Paris les 6 et 7 novembre 2003 organisée par

Fédération Française de Psychiatrie
selon la méthodologie de l’ANAES
avec le soutien de la Direction Générale de la Santé

Sociétés Partenaires : Sociétés Francophone de Médecine d'Urgence, INAVEM, Société Française de Pédiatrie, Collège National des Généralistes Enseignants


Quels sont les outils de repérage permettant d'évaluer la gravité du traumatisme lié à une maltraitance sexuelle ?

Louis JEHEL*, Jacques DAYAN**

* Psychiatre Hôpital Tenon - Paris
** Psychiatre - CHU de Caen


Outils permettant de repérer la gravité des violences sexuelles subies par l'enfant. (1ère partie)
Dr Jacques Dayan

Les violences sexuelles faites à un enfant se résument rarement à une agression sexuelle isolée dans le contexte d'un développement favorable et d'un environnement étayant. Plus fréquemment que chez l'adulte elles s'accompagnent de circonstances qui en aggravent dramatiquement les conséquences : répétées, durables, conduites par un aîné ou un adulte représentant une figure d'étayage ou au moins d'autorité, dans l'enfermement d'une famille ou d'une institution, associées à d'autres abus, dans la dépendance et l'impuissance encore aggravées par l'âge. Les manifestations d'un syndrome de stress post-traumatique complexe (PTSD complexe) sont loin d'être exceptionnelles. Dans ces situations, le traumatisme sexuel retentit sur l'ensemble de la personnalité, sur son organisation et son développement.
Les outils utiles au repérage de la gravité du traumatisme sexuel trouvent là immédiatement leurs limites. En effet, il n'existe de critères de gravité qu'en relation à certains champs d'investigation déterminés, pour lesquels il n'existe pas toujours d'instrument ad hoc. De plus il n'est pas établi aujourd'hui quels éléments sont pertinents pour préjuger de l'évolution à long terme. A coté de l'existence d'un PTSD ou de modifications majeures du comportement sexuel, des facteurs tels la honte ou le fonctionnement familial paraissent pouvoir jouer un rôle majeur dans le pronostic.
Enfin, l'examen clinique reste encore aujourd'hui la référence de l'appréciation détaillée, approfondie, personnalisée, dynamique d'une situation psychopathologique particulière. Toutefois l'usage d'outils d'évaluation est particulièrement pertinente en pratique de recherche, notamment épidémiologique, et garde son utilité en pratique clinique ou médicolégale complétée au besoin d'une investigation pédiatrique et/ou gynécologique.

Introduction

L'étude systématique des conséquences des violences sexuelles que l'enfant subit n'a pris son essor que dans les années 80. Les troubles mis en évidence sont variés, par leur nature et par leur sévérité, inconstants, évolutifs. A court et moyen terme les conséquences les plus constamment et significativement associées aux faits de violence sexuelle chez l'enfant ou l'adolescent lors d'enquêtes méthodologiquement satisfaisantes sont le syndrome de stress post-traumatique (PTSD), les manifestations dépressives, le suicide ou les tendances suicidaires, une érotisation des conduites, une victimisation secondaire et des troubles des apprentissages. La spécificité d'autres manifestations dans leur lien à l'abus tels le syndrome hyperactivité/troubles de l'attention demande d'être confirmé par des études ultérieures.
En cas d'abus pérenne, l'amélioration symptomatique survient chez la majorité des enfants entre un an et 18 mois après les faits. Une minorité (10 à 25%) présente une aggravation secondaire dont certains n'ayant montré aucun symptôme lors de l'évaluation initiale. L'amélioration semble plus significative concernant les troubles « internalisés » au contraire de l'agressivité et des préoccupations d'ordre sexuel. Il est assez fréquent qu'un syndrome de stress post-traumatique évolue vers un trouble dépressif. A plus long terme, lors de l'adolescence ou à l'âge adulte subsiste le risque de voir éclore, parfois après un long intervalle, libre ou marqué par des troubles plus discrets, une pathologie sévère : troubles affectifs, pathologie borderline, somatisation, PTSD, abus de substances toxiques, comportements auto-agressifs, troubles dissociatifs, boulimie, troubles du comportement . L'éventualité de modifications importantes et durables de la personnalité sans émergence de pathologie au sens de la nosographie psychiatrique , demeure plausible. Enfin s'il a été démontré un risque accru de troubles affectifs lors de l'accès au statut de parent, il n'est pas formellement déterminé que l'abus sexuel de l'enfance favorise la reproduction intergénérationnelle des abus.

Développement d'outils d'évaluation dans le cadre de l'abus sexuel de l'enfant et leur application quant à l'appréciation de la gravité du traumatisme subi.
En pratique, parmi les instruments d'évaluation utilisés dans le cadre de l'abus sexuel il importe de discriminer :
a) Les protocoles, instruments et guides, mis au point pour évaluer la crédibilité des propos de l'enfant. Ils sont surtout utilisés dans le cadre médico-légal. Ils reposent sur l'hypothèse que la relation d'expériences vécues différent par leur contenu d'allégations construites: organisation du discours, détails de l'abus, modalités émotionnelles spécifiques, description des interactions. Parmi les plus connus figure l' « Analyse de Validation » de Undeutsch. Traduite dans plusieurs langues dont le français elle s'appuie sur un entretien avec l'enfant filmé en vidéo et intégralement transcrit. L'outil nécessite deux étapes d'analyse : une analyse de contenu (19 critères) et une liste de vérifications (18 critères) complétés par une analyse du contexte du dévoilement . La méthodologie de sa validation propre reste discutée.
Il faut souligner que toute démarche ayant pour objet d'apprécier simultanément la crédibilité de l'enfant et la nature des violences alléguées, situation fréquente dans le cadre de l'expertise et dans le travail social, est susceptible d'induire des distorsions massives dans la relation des faits, risque inhérent à la psychologie de l'enfant abusé. Plusieurs manuels extrêmement documentés et précis ont été rédigés sur la conduite de l'entretien, appuyé par de nombreuses références dans le but de réduire ces risques et d'éviter une « traumatisation » secondaire par l'entretien lui-même.
b) L'évaluation des circonstances de l'abus, si elles ne permettent pas de préjuger directement de la gravité du traumatisme fournissent des indications à cet égard. En effet un contexte durable de stigmatisation, de perte de confiance, de sexualisation de la relation et d'irrespect de l'intégrité physique et psychologique est susceptible à lui seul d'entraîner des changements profonds du caractère, surtout chez un enfant jeune : tendance à la promotion du déni, au refoulement, à la dissociation, identification à l'agresseur.
Construit dans les suites des travaux de l'équipe de psychosociologie de Bedford Square, le CECA (Childhood Experience of Care and Abuse) , interview semi-structurée, traduit et utilisé en français , permet de rendre compte avec précision de la nature du (ou des) abus et de la qualité de l'environnement familial et éducatif et des événements intercurrents. Comme d'autres instruments de cette tradition (Life Events and Difficulties), les sujets évalués sont encouragés à relater leurs expériences de façon ouverte, les questions plus fermées n'intervenant qu'au fur et à mesure que l'histoire se structure clairement. Très précis, il a été partiellement validé en tant qu'outil d'investigation rétrospectif chez l'adulte et son usage peut être étendu à l'enfant en utilisant si besoin pour le compléter un entretien avec des parents ou professionnels. Il nécessite une formation spécifique et sa passation est longue. Toutefois chez l'adulte , comme chez l'enfant le déni demeure fréquent et réduit la validité de toute forme de repérage.
D'autres instruments intègrent l'évaluation de la nature du traumatisme à la recherche de séquelles post-traumatiques. Ils sont plus succincts que le CECA sur l'évaluation de la nature du traumatisme subi. Pour tous ces instruments, particulièrement lorsque l'abus est dénié, les risques d'aggravation symptomatique en cas de révélation ne sont pas négligeables.
c) Parmi les outils d'évaluation destinés à déterminer la gravité du traumatisme subi, peu ont été construits particulièrement pour cet usage. En pratique sont évaluées les manifestations psychopathologiques présentes par un entretien ou un questionnaire adressé à l'enfant et/ou à l'entourage. Nombre d'instruments intègrent à l'évaluation des troubles psychiques celle de l'éventuel handicap qui peut en résulter dans la vie familiale, sociale et scolaire (tel le Child Behavior Check List). Le soutien parental, et plus généralement la nature des relations avec le(s) parent(s) étant un facteur majeur modulant l'évolution il est souvent intégré au « repérage » de la gravité du traumatisme subi. Une autre dimension propre à l'enfant est celle des remaniements évolutifs. La rareté des études longitudinales n'autorise pas aujourd'hui de préjuger valablement sur la seule nature des troubles mis en évidence à un examen unique le pronostic à long terme.

Evaluation globale des troubles.
L'utilisation d'un panel d'instruments permet d'éviter la sous estimation fréquente des conséquences de l'abus. Les premières enquêtes utilisant des instruments d'évaluation standardisés ne mirent en évidence une psychopathologie « cliniquement significative » que chez une minorité d'enfants victimes alors même que l'ensemble des sujets recrutés pour l'étude présentait un état de détresse.
L'instrument actuellement le plus communément utilisé pour évaluer globalement les troubles mentaux de l'enfant dans le contexte de l'abus sexuel est, le Child Behaviour Chek List que complète après 11 ans le « Youth Self Report (YSR) ». Connaissant plusieurs versions selon l'âge, de nombreuses révisions, traduit et validé en français , le CBCL est utilisable de 1,5 à 18 ans avec des questionnaires destinés aux parents ou aux professionnels ainsi qu'aux adolescents pour le YSR (à partir de 11 ans). Il tient compte de l'âge et du sexe du sujet. Il permet l'expression de scores et percentiles pour les troubles externalisés et internalisés, l'efficience sociale et scolaire et les activités, la compétence globale et 8 syndromes comportementaux : comportement agressif, anxieux-déprimé, troubles de l'attention, comportement opposant, difficultés sociales, plaintes somatiques, troubles de la pensée, comportement évitant/déprimé. Les questions (118 pour le CBCL 6-18 ans) sont rédigées par ordre alphabétique. Il comprend aussi 6 échelles établies en relation avec le DSM permettant une certaine correspondance diagnostique avec ce dernier: troubles affectifs, anxieux, somatisation, hyperactivité/troubles de l'attention, comportement opposant et trouble des conduits. Les parents répondent aux items selon trois valeurs de « faux » (0) à « tout à fait ou souvent vrai » (2). La durée de passation est d'environ 30 mn. Une bibliographie extensive publiée par l'éditeur de l'outil fait état des nombreuses études de validation surtout pour le CBCL 6-18ans. Il faut toutefois noter que nombre d'instruments d'évaluation globaux s'appuient sur les déclarations des mères dont le jugement semble corrélé à leur propre niveau de détresse et à la confiance qu'elles portent aux déclarations de l'enfant . Idéalement, l'évaluation en cas d'abus sexuel doit donc provenir de sources multiples, mais le problème de l'harmonisation des résultats demeure.
Une procédure d'entretien directif tel le Diagnostic Interview Schedule for Children Revised (DISC-R) , ou semi-directif tel le Schedule for Affective Disorders and Schizophrenia for School Age Children (Kiddie-SADS) peut être utilisée. Ces deux instruments sont traduits et validés (ou en cours de validation) en français (Mouren Simeoni). Le DISC-R permet une évaluation des troubles selon le DSM III ou IV chez des enfants de 6 à 17 ans, mais ses qualités métrologiques sont mieux assurées à partir de 11 ans. Il existe une version destinée à l'enfant et une aux parents. La fidélité inter-juge est correcte quel que soit l'âge, la fidélité test-retest comme la corrélation entre parents et enfants augmente avec l'age. Le Kiddie-SADS est aligné sur les critères diagnostiques du DSM IV. Il montre une consistance interne élevée pour la dépression et les troubles des conduites mais faible pour l'anxiété et les somatisations une bonne fidélité test-retest, interjuges ainsi qu'une bonne concordance entre les diagnostics générés par l'entretien avec les parents et les enfants.

Evaluation différenciée des troubles.

Parmi les troubles les plus caractéristiques faisant suite au traumatisme sexuel chez l'enfant figurent les troubles du comportement sexuel et le syndrome de stress post traumatique. Ils peuvent être parfois sévèrement handicapants mais surtout paraissent préjuger défavorablement de l'évolution quand ils sont intenses.

a) Les troubles du comportement sexuel.
Dés 1977, une étude atteste de la fréquence élevée des abus sexuels de l'enfance chez les prostituées adultes. En 1982 sont décrits chez les enfants d'âge préscolaire victimes d'inceste un degré d'érotisation du contact proportionnel à la durée et à l'intensité du contact sexuel. Ces très jeunes victimes présentaient un très grand degré d'excitation et d'hyper-vigilance sexuelle, beaucoup étaient incapables de différencier les relations tendres des relations sexuelles. Ils étaient immédiatement excités par la proximité psychologique ou physique la plus banale. Ces études ont été largement répliquées démontrant la grande fréquence des comportements sexuels problématiques ou aberrants : jeux sexualisés avec des poupées, introduction d'objets dans l'anus ou le vagin, masturbation excessive ou publique, comportement de séduction, demande de stimulation sexuelle de la part d'adultes ou d'autres enfants, connaissance inappropriée de la sexualité, comportements sexuellement agressifs. A l'autre entité du spectre, beaucoup de cliniciens ont décrit des réactions phobiques et d'inhibition sexuelle chez les enfants abusés. On peut estimer la prévalence de ces manifestations à 30-50%, pour des agressions sexuelles « sévères » ou répétées, dans l'année qui suit l'abus. Toutefois il a été montré qu'au sein de certaines populations les dysfonctionnements familiaux apparaissent le principal facteur associé à des comportements sexuels « aberrants » que l'enfant soit ou non abusé .
Le principal outil utilisé dans le repérage de ces modifications du comportement sexuel de l'enfant victime, mis à part les items ad hoc du CBCL, est le Child Sexual Behavior Inventory (CSBI) . Il s'appuie sur les reports des parents sur le comportement sexuel de l'enfant durant les 6 mois précédents. Ces deux instruments ont été utilisés dans l'objectif de différencier les enfants abusés et non abusés, le CSBI se montrant le plus performant. Sous forme d'une échelle à 4 points remplie par le parent, pour des enfants de 2 à 12 ans, en une quinzaine de minutes, la dernière version (1997) comprend 38 items (il existe une version à 25 items) et permet d'établir deux scores : l'un de comportements sexuels associés au développement, l'autre d'items spécifiques de l'abus sexuel. La consistance interne est de 0.93 pour l'échantillon clinique (0.72 pour la population témoin), la fiabilité test-retest n'est satisfaisante que pour l'échantillon non clinique du fait des modifications rapides du comportement sexuel des enfants abusés (supposés l'effet des thérapies). Quoi qu'il en soit, cet outil, le meilleur dans son domaine, distingue les enfants abusés et non abusés dans au moins 68% des cas de l'étude de validation princeps. Considéré souvent supérieur à un examen clinique standard, il laisse subsister un certain nombre de faux positifs et négatifs. Il est aussi probable que le parent ou le professionnel n'est pas toujours à même de connaître parfaitement le comportement sexuel de l'enfant. Un outil d'évaluation développé par Berliner et al aide à classer les comportements sexuels déviants selon trois niveaux : précoces, inappropriés et coercitifs.

b) Syndrome de stress post-traumatique.
Les effets d'un traumatisme chez l'enfant se rapprochent de ceux décrits chez l'adulte, surtout après 5 ou 6 ans et pour un traumatisme unique . Avant 5 ans les manifestations psychosomatiques, les manifestations régressives et les troubles des conduites instinctuelles, l'anxiété de séparation, sont plus fréquentes. La reviviscence de l'événement peut avoir lieu sous forme de jeux compulsifs ou de comportements mimant tout ou partie de la scène traumatisante, les rêves angoissants sont moins aisément retrouvés, l'amnésie, les illusions ou les hallucinations rares. Comme chez l'enfant plus grand, peut aussi être constatée la dénégation des affects ou de l'événement lui-même . Des critères DSM modifiés pour le PTSD chez l'enfant de moins de 4 ans ont été récemment proposés . La plupart n'ont pas été intégrés encore aux instruments d'évaluation dont la plupart sont seulement validés pour l'enfant âgé de plus de 6 ans. Les enfants victimes d'inceste ont tendance à présenter des symptômes plus sévères et plus pérennes que les adultes victimes de viol. La fréquence du PTSD en cas d'abus sexuel (30-70%) varie considérablement selon les études en fonction de la nature de l'abus, la date et les moyens d'évaluation. De nombreux enfants et adolescents présentent une symptomatologie ne répondant pas à la totalité des critères DSM IV du PTSD (le syndrome de répétition, critères B du DSM IV, est le plus constant) mais présentent simultanément de nombreuses manifestations pathologiques associées, comme des comportements autodestructeurs sous des formes variées, des troubles dissociatifs, des troubles de l'estime de soi et des relations avec autrui, une fréquente somatisation et une perte d'espoir qui caractérisent le PTSD complexe . Ces troubles associés eux-mêmes ne répondent pas toujours complètement chacun aux critères du DSM IV. Ainsi la mesure des conséquences traumatiques ne peut se limiter à une réponse dichotomique sur l'existence ou non d'un diagnostic de PTSD selon le DSM IV. Beaucoup d'échelles établies à ce propos réduisent cet aléa.
Le Trauma Symptom Checklist for Children (TSCC) est un bon outil de repérage. Questionnaire très utilisé il s'adresse à des enfants entre 8 et 16 ans, comprend 54 items dont 10 concernant les manifestations sexuelles. Il est rempli en moins de 20 minutes. Il comporte 6 sous échelles cliniques (anxiété, dépression, colère, PTSD, troubles dissociatifs et préoccupations sexuelles) et deux échelles de « sous » et « sur » réponse qui refléteraient pour la première une tendance au déni et pour la seconde l'exagération pathologique de l'expressivité des troubles ou un réel débordement par la symptomatologie traumatique. Le TSCC a fait l'objet de plusieurs études de validation. Il présente une grande sensibilité aux prises en charge thérapeutiques ou sociales. Il a été traduit en français (canadien) et partiellement validé. De nombreux autres instruments d'évaluation à type d'entretien structuré ou semi-structuré ont fait l'objet d'études de validation et présentent une bonne qualité métrologique. Leurs critères diagnostiques contrairement au TSCC sont alignés sur le DSM : « Childhood PTSD Interview » (CPTSDI), 93 items, temps de passation 45 mn ; le « Children's PTSD Inventory », de 7 à 18 ans, temps de passation 20 mn, le « Dimensions of Stressful Events », 24 items (DOSE). Il faut aussi citer le « PTSD Reaction Index » , 20 items, 20 mn de passation qui n'est qu'en partie aligné sur les critères DSM mais autorise le repérage d'autres symptômes post-traumatiques que ceux mentionnés dans cette classification des troubles mentaux. Enfin le « Clinician Administrated PTSD Scale for Children and Adolescents » est un entretien semi structuré qui nécessite une formation clinique approfondie et dont la passation dure de 30 à 120 mn.
Les autres troubles peuvent au besoin faire l'objet d'une évaluation spécifique.
Troubles anxieux, manifestations dépressives, usage et abus de substances toxiques, trouble des apprentissages, troubles du comportement, automutilation, peuvent être évalués séparément, de nombreux outils existent, développés en France ou bien traduits de l'anglais qui ne présentent aucune spécificité quant à l'abus. Certains mis au point pour l'adulte sont utilisables chez le grand adolescent (risque suicidaire, addictions, troubles du comportement alimentaire). Les symptômes du trouble « hyperactivité/trouble de l'attention » semblent plus fréquemment retrouvés chez les enfants victimes d'abus mais il n'est pas encore clairement établi que le trauma sexuel en soit la cause essentielle tenant compte des biais que représentent les facteurs familiaux associés.
Nous insisterons sur deux conséquences particulières particulièrement répandues dont la présence plaide en faveur de la gravité de l'impact traumatique : l'existence d'un trouble dépressif et de troubles dissociatifs.

Avant les années 80, les symptômes dépressifs étaient ceux les plus décrits chez les enfants victimes d'abus sexuels. L'incidence de la dépression majeure est très élevée chez les adolescents sexuellement abusés admis à l'hôpital psychiatrique. De nombreuses études ont retenu l'abus sexuel comme un facteur de risque de tentatives de suicide et de suicide. Le désespoir et le sentiment d'impuissance sont aggravés lorsque l'enfant ne rencontre pas de soutien familial, a fortiori lorsqu'il est élevé dans un climat d'hostilité et de dévalorisation. La dépression est particulièrement fréquente quel que soit l'âge. Les outils utilisés pour évaluer la dépression chez l'adolescent sont souvent identiques à ceux de l'adulte. Chez le jeune enfant, il peut être utilisé des sous échelles d'une évaluation globale tel le CBCL, ou des instruments plus spécifiques tels le Children Depression Inventory autoquestionnaire qui comprend 27 items adaptés au vocabulaire de l'enfant, utilisable entre 7 et 17 ans, traduit et validé en français . Instrument de repérage d'utilisation aisée, il demande une confirmation clinique.

Les signes d'une dissociation précoce chez les enfants sont des troubles de la mémoire, une imagination excessive avec de nombreuses rêveries diurnes, parfois des états de transe, du somnambulisme, la présence d'un compagnon imaginaire et des expériences de « black out ». Ces troubles sont actuellement de plus en plus étudiés et repérés par la Dissociative Experiences Scale présentant d'excellentes qualités métrologiques et de passation rapide. Une échelle a été développée chez le jeune adulte et l'adolescent (« Adolescent Dissociative Experiences Scale (A-DES) ») traduite en français (canadien) et partiellement validée. Elle ne permet pas un diagnostic clinique.

Facteurs de risque et de protection.

Parmi les facteurs pronostiques majeurs, le soutien apporté par le parent non abuseur (ou les deux parents en cas d'abus extra familial) joue un rôle important et sensible dans l'évolution et la présentation symptomatique de l'enfant . Le soutien familial peut être évaluée avec l'aide de plusieurs instruments dont la plupart ne sont pas traduits en français : « Family Relations Test » (1985), « Parenting Stress Index » (1983) et le « Parental bonding instrument » (1979), Le bénéfice apporté par les procédés thérapeutiques, le travail social ainsi que les perturbations secondaires à la procédure judiciaire commencent seulement à être systématiquement évalués.

En conclusion

Un nombre grandissant d'outils est actuellement utilisé dans l'appréciation des conséquences psychopathologiques du traumatisme sexuel chez l'enfant ou l'adolescent. Certains, qui ne sont pas des instruments diagnostiques, sont utiles au repérage rapide de troubles que la clinique confirmera. Ils peuvent permettre d'établir des scores. D'autres sont des instruments permettant un diagnostic en relation avec la nosographie du DSM IV. La plupart permettent de mettre en évidence certains troubles qu'un examen clinique bref risque de souvent méconnaître. Il faut toutefois souligner que la passation, dont nous avons souligné qu'elle ne peut se réduire adéquatement à l'usage d'un seul outil, peut être longue, nécessite parfois la collaboration des parents ou des professionnels, est soumise à des biais d'interprétation, permet rarement d'inférer une relation de causalité entre les troubles observés et les violences sexuelles sans étude étroite de l'anamnèse et du contexte. La fréquence des abus intrafamiliaux ou intra institutionnels, le contexte de dépendance, les remaniements évolutifs, la résistance à s'exprimer qu'elle relève ou non de mécanismes volontaires, le risque par une méthode d'entretien inadapté de gauchir les propos de l'enfant voire d'une « traumatisation secondaire » conduisent à une prudence particulière dans les techniques d'évaluation. Enfin, aucun trouble n'est pathognomonique de l'abus et une évaluation unique optimiste ne préjuge pas définitivement de l'absence d'évolution péjorative à plus long terme.
Malgré cela, il parait nécessaire qu'en France plus d'outils diagnostiques soient, sinon construits, au moins traduits et validés, permettant de plus nombreux échanges avec la communauté scientifique internationale. Il importe en complément, de soutenir et développer les formations, que peuvent appuyer guides ou manuels aux méthodes d'entretien avec l'enfant victime d'abus.


Les outils de repérage permettant d'évaluer la gravite du traumatisme lie a une maltraitance sexuelle subies par un adulte. (2ème partie)
Louis Jehel

INTRODUCTION

La réaction d'un individu à une maltraitance sexuelle est polymorphe. Le plus souvent les troubles psychiques sont évalués à distance de l'agression et la causalité des troubles psychosociaux séquellaires liés à des actes de maltraitance ne pourrait être affirmée que par une étude prospective dont l'évaluation initiale serait effectuée avant le début des actes de maltraitance. Cette étude n'a pas encore été réalisée à notre connaissance.
Nous pouvons recommander uniquement des instruments de mesures décrivant les caractéristiques psychopathologiques et sociales de l'évolution d'un individu qui a déclaré avoir subi une maltraitance sexuelle. Ces instruments décrivent l'évolution de l'état de santé psychique mais ne peuvent affirmer qu'ils témoignent exclusivement de cette maltraitance sexuelle. Il n'existe pas à notre connaissance d'instruments spécifiques des caractéristiques psychopathologiques suite à des actes de maltraitance sexuelle mais des mesures des troubles post traumatiques caractérisant l'état de santé mentale.

I/ Utilisation d'outils d'évaluation psychométrique

Le choix d'un instrument de mesure en santé mentale nécessite plusieurs étapes. La première étant de définir l'objectif de l'évaluation avec ses priorités. Il faut déterminer si l'objectif est de poser un diagnostic, dans ce cas il faut choisir un instrument dit catégoriel dont les propriétés psychométriques permettent de donner un diagnostic validé selon des critères nosographiques établis (DSM-IV ou CIM10). Dans certains cas, il est choisi de mesurer préférentiellement l'intensité des symptômes selon une dimension psychopathologique. Dans ce cas le choix se porte vers une mesure dite dimensionnelle qui informera sur la sévérité des symptômes. Dans certains cas, un seuil pathologique ou cut-off a été déterminé et il permet alors aussi une approche catégorielle. Une fois cette décision prise, il est nécessaire de considérer la taille de l'effectif attendu et les modalités disponibles pour l'évaluation. Deux types d'instruments sont alors à envisager, ceux qui font intervenir un évaluateur pour réaliser une hétéro-évaluation et ceux qui sont directement adressés à chaque personne pour une auto-évaluation par un questionnaire. Le choix de questionnaire est à privilégier pour les études sur des populations de grande taille. Les auto-évaluations apportent des mesures moins robustes que les hétéro-évaluations mais elles écartent le biais d'une insuffisante fidélité inter-juge lorsque des évaluateurs différents interviennent pour la même étude. En effet si la psychométrie est « l'Art d 'imposer aux opérations de l'esprit la mesure et le nombre », comme l'a défini Galton 1879, c'est qu'elle nécessite des règles strictes dans le choix et l'usage des instruments qui apportent cette évaluation quantitative (Guelfi et al 1995, Bouvard et Cottraux 2002). Seuls des instruments dont les caractéristiques psychométriques ont été vérifiées doivent être utilisés pour une information quantitative. Le recours à une traduction en langue française doit également respecter un processus rigoureux. Lorsque des instruments n'ont pas d'équivalent en langue française et qu'ils apportent une mesure importante et originale ils seront cités si la validation en langue anglaise a été effectuée, mais nous recommandons la prudence sur les interprétations dans l'attente de la confirmation de la validité de la traduction en français.

II/ Les caractéristiques de l'événement

1/ L'agression et son contexte :
Parmi les agressions sexuelles, il faut distinguer les viol et tentatives de viol des autres formes d'agressions qui peuvent êtres décrites par des attouchements. La fréquence de troubles psychopathologiques pot traumatiques après un viol est établie mais certains auteurs (Mezey et Taylor 1988) soulignent dans une étude contrôlée que les femmes qui ont été victimes d'une tentative de viol présentent des symptômes plus sévères. En effet il est observé à 3 mois de l'agression que les femmes menacées de viol présentent plus de symptômes post-traumatiques que les femmes violées.
Cependant pour Mullen et al (1988), c'est parmi les victimes de viol ou de tentative de viol que l'on observe le plus de symptômes psychiques post-traumatiques en comparaison des personnes victimes uniquement d'attouchements sexuels. Coid et al (2003) rapportent clairement que le risque relatif de PTSD est de 3,95 et de tentative de suicide de 4,40 alors qu'il était respectivement de 1,07 et 1,08 pour les victimes d'agressions sexuelles sans viol.

Il apparaît aussi (Mullen et al 1988) que plus la mesure psychopathologique est proche de l'agression, plus le score de souffrance psychique est élevé , il est donc nécessaire de toujours connaître cette variable pour comparer les scores mesurés auprès de ces victimes, même si les troubles psychiques post-traumatiques persistent plusieurs années.
Pour Darves-Bornoz (1997)le fait que l'agresseur soit une personne de l'entourage familial est un marqueur de gravité. En effet il observe sur une étude prospective que les symptômes détresse post-traumatique sont plus sévères lorsque le viol a été commis par une personne de la famille. Il ajoute que la qualité du soutien social au moment de l'agression constitue aussi un marqueur de gravité s'il se trouve défaillant.
Les auteurs divergent sur l'importance de la répétition de l'agression sexuelle comme critère de gravité. Pour Mullen et al (1988) les victimes d'une agression unique avaient dans leur étude des scores de souffrance psychique, mesurés par le General Health Questionnaire, plus élevés que celles qui avaient des agressions sexuelles répétées. Pour Breslau et al (1999) la répétition des agressions augmente la fréquence des ESPT.
Pour Mullen et al (1988), il n'y avait pas de lien significatif entre la survenue d'abus sexuel pendant l'enfance et la survenue d'une agression sexuelle chez l'adulte auprès d'une population de 2000 femmes. Cependant ils observaient que c'est parmi les femmes qui avaient été agressées sexuellement pendant leur enfance que les scores de souffrances psychiques à l'âge adulte étaient les plus élevés.


II-2/ Caractéristiques de la victime :
Aucune étude, à notre connaissance, ne peut donner d'informations valides sur des caractéristiques de vulnérabilité liées à la personnalité. Cela nécessiterait qu'une évaluation de la personnalité ait pu être réalisée avant l'agression sexuelle.
Il est rapporté (Mezey et Taylor 1988) que les personnes ayant des antécédents psychiatriques antérieurs à l'agression manifestent plus de troubles psychiques après le traumatisme de l'agression que celles qui n'avaient pas d'antécédents psychiatriques. Le recueil standardisé de ces antécédents peut donc être recommandé avec les outils développés infra.

D'autre part, la survenue chez un adulte d'une maltraitance sexuelle doit amener à rechercher des antécédents de maltraitance ou d'abus sexuels pendant l'enfance. Il est rapporté par certains auteurs que les femmes victimes de ces actes ont été plus fréquemment victimes de maltraitance sexuelle pendant leur enfance (Coid et al 2001, Mc Cauley et al 1997).
D'autre part, la présence d'un ESPT complet à l'^age adulte est rapportée comme 5 fois plus fréquente parmi des femmes qui ont déclaré avoir eu une activité sexuelle avant 16 ans, alors qu'il est 4 fois plus fréquent parmi les femmes qui ont déclaré avoir subi un viol après 16ans (Coid et al 2003).

Les maltraitances sexuelles de l'enfant doivent aussi être identifiées car elles prédisent aussi la survenue d'une maltraitance ou d'un viol ; chez l'adulte. Merrill et al (1999) rapportent dans une étude auprès de 1887 femmes que la survenue d'un viol est 4.8 fois plus fréquente parmi les victimes d'abus sexuel pendant l'enfance que parmi les victimes d'abus physiques pendant l'enfance.

II-3 /Caractéristiques de la réaction psychologique péritraumatique

Deux caractéristiques majeures de la réaction péritraumatique ont été clairement identifiées, elles ne sont pas spécifiques de la survenue d'une agression sexuelle mais d'un événement traumatogène.
- Le Questionnaire sur les expériences de dissociation péritraumatique (PDEQ)
Cet instrument a été traduit et adapté par Alain Brunet et Christiane Routhier (1999) avec l'autorisation des auteurs : Marmar C.R. et Weiss D.S. (1997) à partir du « Peritraumatic Dissociative Experience Scale ».
Ce questionnaire est constitué de 10 items, cotés de 1 à 5. Il mesure l'intensité de l'état dissociatif au cours d'un événement traumatique.
La dissociation est d'après les auteurs un des meilleurs indicateurs de stress aigu et un excellent critère prédictif de stress post-traumatique (Marmar 1994). Ces symptômes dissociatifs se caractérisent par une réduction de l'état de conscience, une focalisation ou un émoussement émotionnel avec un sentiment de détachement par rapport à l'environnement. Le score est obtenu en effectuant la somme ou la moyenne des dix items. Le "seuil clinique" de cette mesure est 1,5 pour la moyenne.

- L'inventaire de détresse péritraumatique (PDI).
Cet instrument construit par Alain Brunet (2001) pour mesurer le critère A2 du PSTD dans la classification du DSM-IV, a été traduit et validé en Français par Louis Jehel et collaborateurs (Jehel 2003). Il contient 13 items cotés de 0 à 4. Les scores vont de 0 à 52. La consigne pour chaque item est de coter sa réponse en fonction de « ce que vous avez ressenti pendant et immédiatement après l'événement critique ». Le score total moyen est obtenu par la somme des items divisée par le nombre d'items. Pour cet instrument très récent nous ne disposons pas encore d'études auprès de victimes de maltraitance sexuelle mais la qualité de ses caractéristiques psychométriques d'une part et de sa capacité à prédire de troubles post-traumatiques (Brunet 2003) permet de recommander son utilisation. Mezey et Taylor (1988) soulignaient déjà que l'intensité de la détresse émotionnelle après une agression sexuelle constituait un marqueur de la gravité de cet événement.


III/ Les caractéristiques des conséquences psychopathologiques
III-1/ les conséquences psychopathologiques spécifiques

Nous citerons en premier lieu les mesures valides pour une hétéro-évaluation faite par un clinicien formé à cette pratique, puis les outils permettant une auto-évaluation des patients, donnant une information sur la sévérité des symptômes et non sur le diagnostic.

a) Instruments disponibles pour une Hétéro-évaluation :
- Le CAPS :
Le Clinician Administred PTSD Scale (Blake et al., 1990) mesure la fréquence et l'intensité de chaque symptôme en utilisant des questions standard. Le CAPS permet d'évaluer la présence actuelle du PTSD ainsi que des troubles post-traumatiques survenus dans le passé de l'individu. Le CAPS suit rigoureusement les critères diagnostiques du PTSD tels que définis par le DSM-IV. Le CAPS-1, le plus utilisé, investigue les symptômes sur une durée d'un mois, mais il existe une version (le CAPS-2) qui se limite à la semaine qui vient de s'écouler, permettant une évaluation rapprochée, par exemple dans le cadre d'études pharmacologiques.
Néanmoins, en ce qui concerne la recherche et l'expertise, le CAPS est l'instrument de référence pour établir le diagnostic d'ESPT selon le critères du DSM-IV. Cet instrument a été utilisé dans plus de 200 études publiées sur le psychotraumatisme ; les qualités psychométriques de la version originale sont excellentes (Weathers FW et al 2001). Une version française est disponible, mais les propriétés psychométriques de cette forme sont en cours d'analyse.
D'autres instruments apportent au sein d'une évaluation globale standardisée des troubles psychiatriques un module spécifique de l'ESPT, c'est le cas du MINI et du SCID, qui sont présentés infra.

- PTSD-INTERVIEW (PTSD-I)
Cet instrument construit par Watson et collaborateurs (1991) a été traduit en français par Brunet (1995). Il est constitué de 25 items avec 7 niveaux de cotation. Ses qualités psychométriques ont été vérifiées également en français et confirment sa validité et sa bonne fidélité.
Il a été largement utilisé car il est d'utilisation simple permettant une mesure de la sévérité et un diagnostic grâce à un seuil établi pour chaque item, reprenant les critères et consignes du DSM IIIR pour sa forme originale. Outre la mesure dimensionnelle et catégorielle, il précise si l'ESPT est actuel ou passé. Il a été adapté en auto-questionnaire (Jehel et al 1999) et ses propriétés psychométriques ont été vérifiées. Cet instrument est peu utilisé actuellement.

Un diagnostic dont la validité est contestée mais qui répond a de nombreuses situation cliniques est celui de « complex PTSD » (Friedman 2003) ou DESNOS (Disorder of Extreme Stress Not Otherwise Specified, Van der Kolk 2002). Ce diagnostic associe des symptômes qui ne sont pas inclus dans l'ESPT comme :
- des troubles du comportement (impulsivité, agressivité, hypersexualité, troubles alimentaires, abus de substance ou d'alcool, comportement autodestructeur)
- des troubles émotionnels (instabilité affective, colère, humeur dépressive, symptôme de panique)
- des difficultés cognitives (pensées fragmentées, des symptômes dissociatifs, des amnésies partielles)
- des troubles somatoformes
Ce diagnostic de DESNOS peut apparaître associé à celui de PTSD ou en l'absence de PTSD. Ce trouble serait particulièrement fréquent pour les trauma répétés (Roth al 1997) mais il n'y a pas d'outils de mesure consensuel pour l'identifier actuellement, c'est une voie de recherche active.

Instruments disponibles pour une Autoévaluation

- L'échelle d'impact de l'événement - révisée citée le plus souvent sous son nom anglais « Impact of Event Scale-Revised » (IES-R)
La traduction a été réalisée à partir de la forme révisée de l'échelle d'Horowitz . L'étude de sa validité en français (2003) a montré sa bonne qualité psychométrique.
Il propose en 22 items avec 5 niveaux de cotation un score de sévérité des symptômes post-traumatiques à partir des 3 sous-scores dont il faut faire la somme ou la moyenne : Intrusion, Évitement, Hyperactivité neurovégétative.
L'IES-R ne permet pas de poser un diagnostic, mais les auteurs choisissent actuellement de prendre un score total de 22 comme en faveur de symptômes significatifs de stress aigu, et un score de 36 comme suggérant la présence d'un trouble de stress post-traumatique.
Cet instrument a le mérite d'être non seulement un des plus largement utilisés et le plus ancien mais aussi de proposer une évaluation de l'état de stress aigu (ESA) et de l'ESPT. Il a été retenu pour les essais cliniques, parmi les échelles de sévérité valides, par un comité d'experts réunis par l'ECNP-ECST (Montgomery 1999).


- PostTraumatic Check List Scale (PCLS)
Cette échelle d'évaluation de la sévérité du stress post-traumatique est composé de 17 items et elle respecte les critères du DSM-IV . La validité de la version en langue anglaise a été vérifiée (Weathers et al 1993) ainsi que les propriétés de la traduction française réalisée par Cottraux (Ventureyra et al 2002) (Bouvard et Cottraux 2002).


III-2/ les conséquences psychopathologiques non spécifiques

Comme pour les autres événements traumatogènes, les agression sexuelles exposent au développement d'autres troubles que l'ESPT avec de plus une forte comorbidité avec les troubles de l'humeur, et des troubles anxieux comme les phobies et les troubles paniques (Kessler 1995 Darves-Bornoz 1997, Lopez 1992).
Pour certains auteurs (Coid et Al 203) la survenue d'un viol après 16 ans est effectivement associée à un risque plus élevé d'ESPT et de comportement suicidaire, alors que les antécédents d'agressions sexuelles sans viol ne sont pas associés à un risque relatif plus élevé de dépression ni de PTSD. Cependant pour ces auteurs les agressions sexuelles de l'adulte sont associées à une augmentation de la consommation de drogue et d'alcool, qu'il est donc nécessaire d'évaluer pour mesurer la gravité d'une maltraitance sexuelle par une évaluation globale de l'état de santé psychique.


Instruments disponibles pour une Hétéro-evaluation :

- Le SCID : Structured Clinical Interview for DSM
Le SCID (Spitzer et al.,1990), surtout dans sa version DSM-IV de 1990 est l'outil structuré le plus utilisé pour le diagnostic en psychopathologie générale. Il reprend systématiquement tous les critères et symptômes des tableaux cliniques comme ils ont été définis par le DSM-IV, et joint pour chacun d'eux une question que le clinicien ou le chercheur doit poser au patient. Il ne se limite pas à l'axe I du DSM, puisqu'une version (le SCID II) évalue les troubles de l'axe II (troubles de la personnalité). Un module est consacré à l'état de stress aigu, un autre à l'état de stress post-traumatique.
Son évaluation générale permet donc d'investiguer la comorbidité psychiatrique et les troubles de la personnalité. Son caractère dichotomique ne permet pas une évaluation en terme de sévérité. Il a été utilisé dans plusieurs études auprès de populations de victimes de troubles post-traumatiques (Keane et al 1998 ) d'agressions sexuelles en français (Darves-Bornoz 1997), mais cette version française n'a pas été validée.

- Le MINI
Le M.I.N.I (M.I.N.I. Mini International Neuropsychiatric Interview French Version 5.0.0) a été construit depuis 1992 par Lecrubier et al pour la version française et Sheehan et al (1998) pour la version en langue anglaise. Il a pour objectif de mettre à la disposition des professionnels de santé un outil permettant d'élaborer des diagnostics des principaux troubles psychiatriques selon les critères du DSM-IV (Guelfi 1995). Il s'agit d'un entretien structuré comportant plusieurs modules. Les principaux diagnostics sont évalués en particulier le module A pour l'Épisode Dépressif Majeur, le module E pour le Trouble Panique, le module F pour l'Agoraphobie et le module L pour l'Etat de Stress Post-Traumatique. Ces informations permettaient une évaluation catégorielle standardisée.


Instruments disponibles pour une Hétéro-évaluation :
Le General Health Questionnaire 28 ( Bolognini et al 1989). Cet instrument apparaît très pertinent dans l'évaluation prospective du retentissement psychologique des victimes d'agressions sexuelles (Mullen 1988, Darves Bornoz et al 1998). Darves-Bornoz a démontré la validité de cette mesure dans une population de femmes victimes d'agressions sexuelles. Il propose par les quatre facteurs qu'il constitue une mesure valide de la dépressivité, du dysfonctionnement social, de l'intensité des troubles somatoformes et de somatisation, ainsi qu'une symptomatologie anxieuse.Le GHQ en 28 items permet en effet d'identifier 4 facteurs ayant chacun 7 items : symptômes somatiques, anxiété et insomnie, dysfonctionnement social et dépression sévère. Là encore ces scores ne font que refléter des aspects dimensionnels de la symptomatologie mais ne correspondent pas nécessairement à des diagnostics psychiatriques. La sensibilité du GHQ28 varie de 44% à 100 % dans les études et sa spécificité de 74 à 93 % (médiane 82 %). Si l'on désire détecter des "cas", différentes notes seuils ont été proposées. Pour le GHQ-28 celle couramment retenue est de 4 ou plus. (Pariente et al 1992).

Le Beck Inventory of Depression (BDI)
C'est le questionnaire le plus utilisé dans les populations adultes pour mesure l'intensité de la dépression. La version révisée est le BDI-II (1996), elle répond mieux aux critères du DSM-IV. La validité de la version française a été vérifiée et des notes seuils ont été déterminées. Ce questionnaire est constitué de 20 items. Chaque item est coté de 0 à 3, le score global est obtenu par la somme des items. Cette version est disponible aux Editions du Centre de Psychologie Appliquée. La BDI dans sa version initiale a été utilisée par Mezey et Taylor (1988) dans une étude auprès de victimes d'agressions sexuelles.

Le soutien social peut être évalué par le Support Social Questionnaire (SSQ) de Sarason et al (1983)
Il a été adapté par Bruchon-Sweitzer et Paulhan. Il propose la mesure du nombre de personnes disponibles et la qualité perçue de ce soutien, par 12 items.


L'évaluation globale de l'individu doit aussi considérer la présence de violences domestiques qui doit faire rechercher la survenue d'agressions sexuelles. Coid et al (2003) rapportent que 28% des femmes victimes de ces violences conjugales ont été aussi victimes de viols ou d'autres agressions sexuelles. D'autres auteurs insistent sur les modifications du mode de vie après un viol (Mezey & Taylor 1988). Ces évaluations sont faites sans instruments spécifiques. De même il n'existe pas à notre connaissance d'instrument validés en français pour mesurer les dysfonctionnement sexuels et les conjugopathies (Declercq 2001) pour des victimes d'agressions sexuelles. L'abus de substance étant fréquemment associé à la survenue de maltraitance sexuelle chez une femme adulte, indépendamment d'antécédents d'abus sexuels pendant l'enfance (Merill et al 1999), la recherche d'abus de toxique doit être faite, par un recueil systématisé sans nécessiter d'instrument spécifique.


CONCLUSIONS

L'Etat de Stress Post-Traumatique est une des formes les mieux identifiées et la plus spécifique des troubles psychiques post­traumatiques. Dans sa forme chronique, la plus invalidante, il peut survenir à différentes périodes de la vie où il se trouve réactivé par des événements de vie actuels puis régresse et n'apparaît plus alors systématiquement dans sa forme complète. Les symptômes dépressifs et phobiques ou d'autres troubles anxieux sont quant à eux plus constants parmi les victimes d'agressions sexuelles (Mullen et al 198) de même lorsque les agressions sexuelles sont survenues chez l'enfant (Hermann et al 1986). L'identification de ces troubles doit s'appuyer sur des mesures psychométriques valides pour permettre ensuite de quantifier notamment l'évolution d'une action thérapeutique. Ces évaluations psychométriques peuvent être associée à des mesures physiologiques qui apparaissent dans certains traumatismes psychiques comme prédictifs de l'apparition de troubles post-traumatiques (Shalev et al 1998, Vaiva et al 2003). Au premier plan de la gravité des traumatismes sexuels reste le retentissement sur l'adaptation sociale (Mezey et taylor 1988) avec le risque de comportement suicidaire dont il faut répété l'évaluation.


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Dernière mise à jour : dimanche 30 novembre 2003

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