Conséquences des maltraitances sexuelles. Les reconnaître, les soigner, les prévenir

Conférence de consensus qui s'est tenue à Paris les 6 et 7 novembre 2003 organisée par

Fédération Française de Psychiatrie
selon la méthodologie de l’ANAES
avec le soutien de la Direction Générale de la Santé

Sociétés Partenaires : Sociétés Francophone de Médecine d'Urgence, INAVEM, Société Française de Pédiatrie, Collège National des Généralistes Enseignants

Facteurs de risque ou de protection chez le mineur victime d'abus sexuel

Jean-Yves HAYEZ


§ I - PRÉSENTATION DES FACTEURS DE RISQUE OU DE PROTECTION ET DE LEUR IMPACT

I - Les facteurs de risque (ou de gravité) et ceux de protection (ou de bénignité) portant sur un ou deux des champs que voici :

A. La probabilité d'occurrence de l'abus, ici significativement plus ou moins élevée que la moyenne.
B. La vulnérabilité ou la résistance psychique de l'enfant , très variables pour le même type et le même contexte d'abus.

Il faut se souvenir qu'environ 1/3 des enfants abusés ne présenteront jamais de symptômes et qu'il n'existe aucun syndrome spécifique et univoque consécutif à l'abus [1].
Lorsqu'elles existent, les modifications intra psychiques et comportementales qui trouvent leur origine dans l'abus et la dynamique qu'il induit, prennent deux directions très différentes :
1. Pour beaucoup d'enfants, il s'agit d'une traumatisation intra psychique , dans une acceptation large du terme : mise en place d'un syndrome de stress post-traumatique, altération négative de l'image de soi, culpabilité ou honte irrationnelles, etc. ... Le comportement sexuel s'en ressent souvent (fond de dégoût, de désintérêt, d'inhibition... avec quelques compulsions possibles à exercer une sexualité brutale ou ostensiblement vérificatrice).

Mais cette traumatisation est d'intensité et de durée très variable, entre quelques préoccupations occasionnelles et un peu d'angoisse au moment de faire l'amour "pour du vrai" plus tard dans la vie, et une brisure de soi totale et de longue durée, avec anorexie, tentatives de suicide, refuge vaille que vaille dans l'homosexualité, etc. .

2. Pour une minorité d'enfants, l'atteinte consiste en un allumage (ou une amplification) prématuré(e) de leur vie sexuelle :
- La minorité de cette minorité se limite à vivre pleinement sa relation avec l'abuseur qui a su se présenter comme une "réponse positive" aux besoins de l'enfant à ce moment-là de sa vie .
- Pour une majorité, hélas, l'allumage précoce par l'adulte induit un fonctionnement sexuel sans retenue, trop abondant et aux formes trop rapidement adultes [2]. Au pire, l'enfant épouse même les déviances ou perversions de l'abuseur qui l'y a initié.
Si celui-ci est vraiment vicieux, il cherche même à aller au-delà de l'allumage sexuel : rendre l'enfant ou le jeune ado aussi anarchiste que lui, inhiber sa volonté ou créer des dépendances (à la drogue, aux vêtements ou à d'autres biens de consommation) : et c'est ainsi qu'à 13 ans on peut se trouver "poulain de luxe" d'une "écurie" de petit(e)s prostitué(e)s.

- Dans la description des facteurs qui va suivre, j'emploierai las abréviations R ou P selon que le facteur amène un Risque négatif ou une Protection significatifs pour l'enfant.
- RO : risque négatif d'être plus confronté à l'Occurrence de l'abus que la moyenne des enfants ; PO : Protection particulière par rapport à l'Occurrence.
J'ajouterai parfois ROI ; ROV ; POI ; POV selon que c'est Involontairement ou via des comportements Volontaires que l'enfant s'approche ou s'éloigne trop de l'abus.
- RG ou PB : risque d'une Gravité supérieure à la moyenne ; protection qui garantit une Bénignité de l'atteinte.
Quand ce sera possible, j'indiquerai même RGT (PBT) : c'est dans le champ de la Traumatisation que le risque (la protection) existe particulièrement ; RGA (PBA) : c'est dans celui de l'Allumage précoce.


II - L'abus sexuel, maillon d'un ensemble expérientiel

Il s'agit d'éviter la croyance linéaire : "Tel abus est susceptible de produire tel effet négatif, avec quelques facteurs contextuels d'aggravation ou de protection qui modulent cette linéarité".
La réalité est infiniment plus complexe : qu'il soit isolé ou répétitif, l'abus, comme fait, est pris dans un ensemble d'événements, de relations et de vécus chez l'enfant, l'auteur et bien d'autres.
S'il est souvent possible de décrire le noyau dur de cet ensemble, ses frontières distales, elles, sont de l'ordre de la nébuleuse : ceci justifie que l'on opère des restrictions de champ pour comprendre, mais sans cependant attribuer au seul moment-abus tous les maux de la terre. >


§ II - DESCRIPTION DES PRINCIPAUX FACTEURS

Je décrirai les principaux facteurs R et P en référence à la durée :
- Un premier lot existe préalablement à l'abus et fait de l'enfant une proie facile (easy target) ou un adversaire à éviter ou le prédispose à une vulnérabilité ou à une résistance spéciale.
- La seconde catégorie est constituée par des caractéristiques propres à l'abuseur et au fait d'abus.
- La troisième catégorie, ce sont les réactions consécutives à l'abus, à court ou à long terme, particulières ou générales qui aggravent un cercle vicieux d'atteintes psychiques ou facilitent la libération intérieure de l'enfant.

I - Les facteurs préalables

A. L'âge de l'enfant
En 1994, on estimait aux États-Unis que l'âge moyen de l'abus était de 9.9 ans pour les garçons et 9.6 ans pour les filles [3].
1) Les enfants d'âge préscolaire sont suggestibles, peu informés et imaginatifs ; ils aiment les contacts physiques et les caresses, voire, à partir de 4 ans, les contacts génitaux : beaucoup cèdent donc facilement aux avances d'un abuseur habile, souriant et soft (... quand ils ne le provoquent pas) (Entre ROI et ROV). Dans une atmosphère "gentille", eux à qui tout paraît naturel, peuvent ne pas être traumatisés psychiquement par ce qu'on leur fait, si l'on est doux et qu'on "leur explique bien" (PBT) [4]. Avec un abuseur qui est un habile initiateur, ils se trouvent même plutôt allumés précocement, sur le mode d'une sexualité sans retenue - toute proportions gardées - : heureusement, leur comportement désinhibé servira plutôt d'indicateur à l'entourage et se remettra assez facilement en ordre par la suite, après cessation des faits et réinstallation dans un système éducatif structurant. C'est seulement s'ils restent livrés à eux-mêmes que cet allumage pourrait poursuivre ses effets (alors, RGA).
Les mêmes enfants peuvent néanmoins être très traumatisés psychiquement après coup, en constatant le bouleversement émotionnel de leur entourage, en vivant les contrecoups de la précipitation de celui-ci et en entendant des commentaires négatifs qu'ils ne comprennent qu'à moitié ("Quel monstre... il a détruit notre enfant ! ") ; alors, suggestibles comme ils sont, ils se mettent à imaginer qu'ils ont fait quelque chose de très mal, qu'on ne va plus les aimer ou qu'on a démoli leur corps (RGT).
Enfin si l'abuseur a été brutal, effrayant ou qu'il n'a rien expliqué du tout (même fallacieusement), la traumatisation intra psychique du petit peut être intense et durable, comme après toute agression génératrice du syndrome de stresse post-traumatique. Entre autres parce que son imagination est floride et que son intelligence n'opère encore que très imparfaitement sur les catégories du réel (RGT++).
2) Plus l'enfant en bonne santé mentale basale grandit, plus il devient lucide et capable de se protéger et de dire les "Oui" et les "Non" qu'il souhaite (POV). Cette constatation a cependant ses limites car il reste des abuseurs effrayants ou particulièrement convaincants à même de soumettre ou de tromper les enfants et même les adolescents jeunes.
3) À la pré adolescence et au début de l'adolescence, pulsions et désirs sexuels s'amplifient ; la curiosité sexuelle s'exacerbe à nouveau et se centre sur les techniques de l'amour physique et de l'obtention du plaisir : elle pousse le jeune à faire des expériences nouvelles ; le désir de faire comme les grands et celui de défier les règles sont bien opérants, en proportion inverse des scrupules moraux et de la contention sociale qui eux s'effritent : tous les ingrédients sont donc réunis pour que ces 11-14 ans se laissent parfois séduire par des grands adolescents ou des adultes, voire pour qu'ils les séduisent activement (ROV).
Si l'autre en face est habile, il peut s'en suivre une expérience sexuelle qui, quoi qu'abusive, est bien vécue par chacun. Néanmoins, une partie de ces jeunes peut se mettre à avoir peur et honte et à ne pas avoir le courage de se dégager de ce qui a été commencé, à l'instar d'enfants plus jeunes (RGT). D'autres, un peu plus nombreux, sont à risque d'allumage tous azimuts (RGA).

B. Le sexe
1) Selon les études, les filles sont recensées comme 2 à 5 fois plus fréquemment abusées que les garçons [5, 6].
2) Les comportements de défi et d'exploration active de l'interdit sont plus nombreux chez les garçons que chez les filles. Je parlerai néanmoins de ROI et non de ROV car ce n'est pas vraiment le c¦ur de l'expérience abusive que ces garçons veulent, mais plutôt la vérification de leur force, voire de leur invulnérabilité.
3) Les préadolescents et les jeunes adolescents garçons qui ont été trompés ou se sont laissés faire par leur abuseur, notamment s'il y a eu sodomisation, sont parfois particulièrement mortifiés, honteux et en colère contre eux-mêmes d'avoir manqué de lucidité ou de force virile pour dire "Non". Vu que leur abuseur est souvent masculin et qu'ils ont connu, souvent aussi, de l'excitation sexuelle lors de l'expérience, ils peuvent redouter une possible homosexualité, en germe chez eux (RGT) [7].
En soi ces angoisses et ces doutes narcissiques sont déjà préoccupants ; en outre, ils enferment ces jeunes dans le cercle vicieux du silence (RGT). La probabilité d'un moment de vengeance pendant leur adolescence même, où ils reproduisent sur un enfant plus jeune ce qui leur est arrivé, est plus élevée que pour la moyenne des autres enfants abusés.

C. Traits de caractère et style de vie
Les expériences de vie et le style de relations familiales et sociales amènent certains enfants à devenir forts, lucides, débrouillards et confiants en soi : ils seront donc attentifs et habiles à ne pas se laisser faire contre leur gré ou à travailler mentalement de façon réaliste sur ce qui leur est arrivé. D'autres sont devenus au fil du temps des "oiseaux pour le chat", tristes et soumis, et incapables de faire face aux idées et aux émotions négatives qui les habitent.
En intégrant ces données de l'histoire de vie, d'autres issues du tempérament et de l'organisation intra psychique actuelle de l'enfant, on peut faire un tableau non exhaustif qui décrit risques et protections en référence à des caractéristiques individuelles de l'enfant [8, p. 160] (voir tableau I, p. 19).

D - L'orientation sexuelle du préadolescent ou du jeune adolescent
Les jeunes qui se vivent précocement homosexuel(le)s ou bisexuels sont plus facilement trompés par des aînés ou des adultes que la moyenne, parce qu'ils sont plus isolés socialement et qu'ils s'offrent davantage à des explorations sexuelles homo (entre ROI et ROV) [12, 13].

E - L'existence d'un handicap ou d'une pathologie psychiatrique
1) Chez les enfants handicapés, tous handicaps confondus, la POI de l'abus est estimée de 1,7 à 2 fois plus grande que pour la moyenne des enfants (diminution des capacités à se protéger, à s'expliquer à des tiers, voire à comprendre les enjeux de la situation) [6].
2) Chez les personnes présentant un retard mental, le taux d'abus sexuel est environ 4 fois plus élevé que dans la population générale, surtout si elles n'ont reçu aucune éducation sexuelle [14, p. 148 et sq. ].
En ce qui concerne les conséquences, les enfants présentant un retard mental léger, voire moyen, peuvent être assimilés aux enfants d'intelligence normale et d'âge préscolaire que nous avons déjà décrits.
3) Paradoxalement, les enfants psychotiques ou pas loin de l'être, ainsi que les autistes, sont protégés de facto de l'approche de beaucoup d'abuseurs par leur méfiance de l'étranger, leur dimension farouche et la bruyance potentielle de leurs réactions agressives d'autoprotection (POI).
Si un abuseur - par exemple un familier habile - passe néanmoins ces barrières, il est probable que leur handicap cognitif ou les aberrations chaotiques de leur imagination les désorganisera davantage que les autres enfants (RGT).
4) Les enfants carencés affectifs peuvent se mettre activement en chasse d'un maternage sexualisé ou céder rapidement aux avances de celui qui a l'air de le leur proposer, quel que soit son âge [6, 15, 16].
"L'aventure" peut parfois tourner à la satisfaction réciproque des partenaires concernés, ce qui pose éventuellement de très délicats problèmes éthiques. Plus souvent cependant, la relation sera tumultueuse, avec des ruptures douloureuses non voulues (autre type de RGT). Ailleurs, cet enfant qui mendie un peu de présence de l'autre via le sexe, est destiné à passer d'un partenaire à l'autre, avec des itinéraires de vie chaotiques, dans un contexte de prostitution ou de demi-prostitution (RGA ou RGT particuliers ? ) [17].
5) Certains troubles à forte composante neurologique amènent parfois des dés inhibitions ou de fortes obsessions-compulsions sexuelles qui attirent l'attention sur ces enfants d'abuseurs en maraude (exemple, certains cas de maladie de Gille de la Tourette) (ROI) [6].

F. Du côté de la famille et de l'entourage
1) En règle générale, l'enfant a davantage de peine de dire non à un membre de la famille, surtout proche, qu'à un étranger (ROI). C'est encore plus difficile s'il n'a pas d'allié sur qui compter dans la famille . Malheureusement aussi, c'est dans ces cas d'abus intra-familiaux que la durée est la plus longue et le recours à des menaces le plus fréquent (RGT ++).
2) On peut raisonner comme on l'a fait à propos des caractéristiques individuelles de l'enfant et se limiter à présenter un tableau schématique qui expose comment certains types de fonctionnement familial exposent particulièrement au risque ou favorisent la protection de l'enfant. Ce qui est signalé à propos de la famille concerne aussi jusqu'à un certain point l'environnement humain plus large. Le tableau n'a pas une volonté exhaustive (voir tableau II, p. 20).
3) D'autres facteurs sociologiques et matériels ont déjà été abondamment décrits avec parfois même une malheureuse tendance à se réduire à eux comme facteurs explicatifs. Évoquons notamment :
a) Les conditions de vie à la Zola qui facilitent certains types d'inceste impulsif (ROI).
b) Les parents porteurs eux-mêmes d'une histoire de vie très traumatique, avec violences physiques et abus (RGT) [19].
c) La surabondance de problèmes de vie et de facteurs de stress dans la famille, qui fragilise l'enfant et diminue la disponibilité des adultes.
e) La vie en foyer monoparental, surtout à partir de la pré adolescence et de la jeune adolescence (inceste hétéro - ou homosexuel, sans tiers régulateur) (entre ROI et ROV) [20 , 21].
f) La vie en institution résidentielle - qui attire toujours quelques "professionnels" pédophiles habiles - et même celle en famille d'accueil (l'auteur est un adolescent de la famille ou le "père d'accueil", dont une pédophilie latente s'est éveillée ou qui a été troublé par le charme d'un(e) (jeune) adolescent(e) pas de son sang).

II - Caractéristiques propres à l'abuseur et au fait de l'abus

A. La personne de l'abuseur

1. Son statut et son âge

a. Les critères liés aux statuts et à l'âge
Le ROI et le RG sont d'autant plus élevés que s'additionnent les critères que voici :

1°) L'enfant identifie son abuseur comme adulte, tout simplement.
Pourquoi cette simple attribution constitue-t-elle, en soi, un RO et un RG supérieur à la moyenne ? D'abord parce que, ipso facto, les autres critères qui vont être énumérés sont statistiquement plus présents lorsque l'enfant a à faire à un adulte. Ensuite, à partir d'un certain âge (6, 7 ans) si les parents ont énoncé et respecté correctement les interdits fondamentaux, l'enfant vit de l'intérieur la valeur du tabou de l'inceste et même, plus largement, celle de toute sexualité transgénérationnelle : donc, l'adulte qui procède à l'inverse est vécu comme incarnant un Mal radical.
Néanmoins, il faut se souvenir que l'enfant attribue le statut d'adulte à une personne en fonction de critères qui lui sont spécifiques comme la taille, la force, le sérieux et d'autres éléments de réactivité, etc. ... Le résultat diffère donc au moins partiellement de celui des découpes administratives et sociales officielles :
- Pour le petit en âge préscolaire, l'autre est très vite perçu comme adulte, dès 14-15 ans, mais l'intégration des barrières sexuelles intergénérationnelles est encore très lacunaire, donc ça n'a pas d'importance fondamentale.
- Après et au fur et à mesure que l'enfant grandit, le résultat de son analyse s'inverse : l'autre n'est adulte - et donc interdit de sexe - qu'après 22, 23 ans. Entre 15, 16 ans et 22, 23 ans, l'autre, c'est un "grand" (plus ou moins un adolescent), pas vraiment interdit par les tabous intergénérationnels. En dessous de 15, 16 ans, l'autre est vécu comme de la même nature psychique que l'enfant lui-même, juste un peu différent par la taille ou la force.
2°) Un lien de sang unit l'enfant et l'abuseur et est investi par l'enfant (il y a donc aussi un lien affectif) : celui-ci ne prend donc guère le risque de casser ce lien vital ou à tendance à se laisser faire par celui qu'il aime (ROI) ; il a aussi tendance à se laisser influencer (RG : confusion des idées et RGA) ; après coup, il peut ne plus identifier qui sont ses vrais protecteurs et de qui il peut attendre de l'aide (RG : aliénation ; insécurité radicale) [15, p. 82].
3°) Un lien affectif bien investi entre un adulte étranger à la famille et un enfant constitue lui aussi un RO ou un RG assez fort, mais avec des vécus existentiels un peu moins intenses que ceux véhiculés sous la rubrique précédente.
4°) L'enfant attribue une autorité morale à l'adulte qui le sollicite, donc le pouvoir d'exiger de lui l'obéissance. L'enfant l'attribue habituellement aux adultes de sa famille nucléaire et élargie, ainsi qu'aux figures d'autorité de la société (professeurs, policiers, médecins, chefs de son mouvement de jeunesse, etc. ). Plus il est petit, plus il a tendance à en investir n'importe quel adulte, voire n'importe quel grand.
5°) L'enfant reconnaît à celui qui le sollicite un savoir sur la vie et la sexualité et ce sur ce qui est permis et défendu ou Bien et Mal. Volontairement ou non, l'abuseur exerce donc une emprise intellectuelle anormale sur l'enfant : mêmes applications que pour la rubrique précédente.
6°) L'enfant attribue à son abuseur le pouvoir de la force c'est-à-dire celui de lui faire du mal s'il résiste : mêmes applications que pour les deux rubriques précédentes ; on peut même ajouter que l'enfant est susceptible d'avoir peur quiconque est plus grand et plus costaud que lui (le "grand" de 9 ans pour le petit de 5 ans).

b. En faisant l'intégration de ces différents facteurs, voici approximativement comment répertorier les abuseurs potentiels, en allant des plus au moins nuisibles (RO ou/et RG).
- Les adultes
- familiers (lien de sang ou d'adoption), affectivement proches de l'enfant et éducateurs habituels.
Remplissent souvent ces conditions : père, mère, grands-parents, oncles, tantes, (demi)frères ou s¦urs âgé(e)s (cfr. supra : plus de 22, 23 ans) ;
- familiers violents, effrayants ;
- familiers matériellement lointains, sans lien affectif ni éducatif fort et pas spécialement effrayants. Par exemple : mêmes personnes que ci-dessus, mais que l'enfant ne rencontrerait que très peu ;
- étrangers à la famille avec qui existe un lien affectif fort ou/et une attribution d'autorité morale ou de savoir. Par exemple : compagnon de la mère ou beau-père , instituteur, psychothérapeute, parrain ou marraine choisis en dehors de la famille, etc. ;
- étrangers à la famille, violents, effrayants. Par exemple : violeur inconnu ;
- étrangers à la famille, sans aucune des attributions précédentes. Par exemple : pédophile inconnu soft.

- Les "grands" (vécus comme adolescents)
Ici, le critère "familier ou étranger" n'a pas d'impact sur la gravité. Peut-être influence-t-il davantage le ROI : "l'enfant résiste moins à un familier avec qui, en outre, il s'entend bien".
Le ROI (voire le ROV) est encore influencé par la qualité du lien affectif basal, l'autorité morale, le prestige de l'abuseur. Le RG est également lié à son pouvoir d'emprise intellectuelle et à son pouvoir d'effrayer.

- Les mineurs que l'enfant vit comme ayant le même statut que lui. Le RG est, ici aussi, lié à leur pouvoir d'emprise intellectuelle ou à celui d'effrayer.

2. Les motivations de l'abuseur
Les voici énumérées par ordre croissant de potentiel nuisible .
a) Les abuseurs les moins nocifs sont ceux qui, de leur point de vue, offrent un amour sincère à l'enfant ; le sexe qui arrive en surcroît est vécu soit comme un signe-clé de cet amour, soit comme un "parasite" lié à la nature sexuelle et aux besoins de plaisir de l'être humain et dont il faut presque s'excuser.
b) Viennent ensuite les abuseurs qui proposent à l'enfant, surtout à partir de la pré adolescence de celui-ci, une pure partie "d'éclate sexuelle" de façon soft, c'est-à-dire sans passer outre au consentement de leur petit partenaire.
c) Les vraiment nuisibles relèvent de trois motivations qui peuvent exister séparément ou en combinaison :
- l'enfant n'est qu'une chose sexuelle : ce qui compte, ici, ce n'est pas sa personne, mais la jouissance éprouvée lorsque, par ruse ou par force, on réalise sur lui telle activité sexuelle précise ; il n'est plus qu'un objet partiel, celui de la perversion de l'autre ;
- l'enfant doit souffrir moralement ou physiquement ;
- toute la vie de l'enfant doit appartenir à l'abuseur : sa sexualité, bien sûr, mais aussi ses idées, les vêtements qu'il doit mettre pour aller à l'école, les endroits et les moments du jour où il peut aller uriner, etc. .

3. Le sexe de l'abuseur
On a beaucoup écrit que l'inceste perpétré par la mère ne pouvait être que "psychotisant". Je suis persuadé qu'il ne s'agit que d'une projection émanant d'auteurs peu habitués aux réalités de l'abus ; ils ont traduit leur vécu subjectif "C'est fou de réaliser le fantasme incestueux par excellence ! " en "C'est psychotisant pour le mineur".
Ce n'est pas ce qu'indiquent les témoignages de terrain. Il s'en dégage l'impression que ce n'est pas le sexe de l'abuseur en soi qui exerce un effet destructeur, mais d'autres critères qui lui sont souvent corrélés et qui viennent d'être énumérés à propos de son statut. Par exemple, une mère seule qui, par manque d'homme et par besoin sexuel, passe par une phase de relations sexuelles complètes avec son fils de 14 ans est probablement moins nocive qu'une mère trouble, incestuelle plus qu'incestueuse, qui "s'amuse" à se montrer nue à l'occasion à son fils (ou sa fille) de 9 ans et à vouloir posséder le psychisme de celui-ci.

4. Le nombre d'abuseurs ; l'existence d'une complicité passive
a) Le risque de gravité s'accroît si l'abus entraîne d'autres personnes que l'abuseur principal et l'enfant ou si ce dernier est pris dans un réseau dans lequel il change souvent de partenaires, alors de tous âges : ici, on est dans un contexte de "partouzes", de (semi)prostitution ou de terreur plus ou moins avouée où l'enfant se résigne à être la chose sexuelle de pervers ; son désespoir secret à sortir de leurs filets peut être très grand (RGT++ et plus rarement RGA : pervertissement).
b) Cette rage secrète et ce désespoir existent souvent aussi dans tous ces cas, assez nombreux, où un parent (ou un autre adulte) "sait" clairement ou sans le reconnaître et accepte malgré tout les turpitudes de l'abuseur par peur, pour être quitte de sa propre vie sexuelle avec lui et parfois même pour le profit lié au "prêt" de l'enfant . Ici c'est bien le statut adulte du témoin qui est toxique. Par contre, dans nombre de cas ce sont d'autres enfants qui savent - par exemple, les frères et s¦urs - ça n'a pas d'incidence importante sur la gravité de la traumatisation.

B. Caractéristiques de l'abus et de la séquence temporelle dans laquelle il s'inscrit.
Nous présenterons cette question en un seul tableau schématique avec ses commentaires (voir tableau III, p. 21 et 22).

III - Les réactions consécutives à l'abus

A. Premières réactions informelles de l'enfant et de son entourage et leurs rétroactions
Surtout au début, les expériences d'abus toutes fraîches entraînent chez l'enfant et dans son entourage des bouleversements idéo-émotionnels et des nouveaux comportements susceptibles de rétroagir négativement ou positivement sur leur équilibre psychique. Citons notamment :
1) Chez beaucoup d'enfants et notamment tous ceux qui sont traumatisés, il existe une montée brutale de vécus d'impuissance, de honte, d'angoisse et de culpabilité ; ils rongent l'enfant, le rendent dysfonctionnel et le poussent à dissimuler, à ne pas demander d'aide et à continuer à se laisser faire : il s'installe progressivement un vécu de soumission, mélange de dépression et de masochisme à bas bruit (RGT) [22, p. 139].
2) Lorsqu'ils ne sont pas perçus par l'entourage sain, les coups de sonde balbutiants de l'enfant ont un effet désespérant sur celui-ci : il en déduit qu'il n'y a de protection à attendre de personne (RGT).
3) Lorsque les faits sont révélés par l'enfant, il s'ensuit souvent une première réaction d'incrédulité ou de colère dirigée contre lui ("Qu'allais-tu faire là ? C'est toi qui l'as provoqué... Pourquoi ne l'as-tu pas dit plus vite ? "). Il y a même parfois un mouvement de protection du supposé abuseur. Si l'adulte d'abord bouleversé ne se reprend pas rapidement et s'il persiste à accuser ou à stigmatiser l'enfant, le sentiment d'injustice, la confusion des idées et le désespoir de celui-ci s'aggravent (RGT++). La rétractation de ses révélations est une stratégie d'adaptation parmi d'autres [24].

B. La traumatisation (psychique) secondaire issue des processus d'intervention officielle
S'il est inévitable qu'une légère traumatisation intra-psychique constitue un effet indésirable opérant à certains moments d'un processus d'aide souvent lourd et complexe, elle ne devrait néanmoins jamais en constituer une composante importante. Le cost benefit global pour l'enfant devrait être largement positif.
Or, c'est souvent loin et parfois très loin d'être le cas : de trop nombreuses situations entraînent une traumatisation lourde liée à la conception et à l'application de ce que l'on appelle officiellement "justice et aide".
J'en énumérerai d'abord quelques sources, puis je procéderai à une discussion plus spécifique en référence à la question de la gravité de l'abus qui nous occupe ici.

1. Une énumération pêle-mêle
Distinguons schématiquement deux fonctions centrales qui tentent de venir en aide à l'enfant victime et à sa famille : une psy (diagnostique et psychothérapeutique) et une autre, de protection.
Ajoutons-y une troisième, la fonction judiciaire pénale, souvent présente dans le processus d'intervention global ; celle-ci n'a néanmoins pas une intention d'aide directe à la victime, mais bien celle de faire respecter la loi. En examinant le déploiement de ces fonctions sur le terrain, on peut observer que :
1. De façon générale, le manque de formation spécifique reste criant chez beaucoup d'intervenants et il en résulte un certain degré d'incompétence : on se réfère inadéquatement à des connaissances basales générales alors qu'il s'agit d'un domaine très particulier et délicat ou alors, certains développent des méthodes farfelues et dangereuses [24, 25].
2. Beaucoup de services psy et sociaux fonctionnent paradoxalement dans la précipitation (pour signaler) puis, trop souvent, dans une ambiance bureaucratique (passage de la "patate chaude" au suivant ; rendez-vous trop espacés ; inertie ; lent ballet des rapports écrits...).
3. La poursuite orgueilleuse et clivée de sa logique propre par chaque institution spécifique amène de dramatiques incoordinations et rivalités entre services psy, sociaux et judiciaires ; c'est la victime qui en fait les frais.
4. Dans beaucoup de cas, le service judiciaire pénal se met en route lentement ; les interrogatoires et autres examens physiques s'y multiplient, de façon assez confuse, dans une ambiance pas toujours bienveillante [25], les plus traumatisants d'entre eux (les confrontations) sont d'ailleurs souvent non-contributifs ou anti-contributifs à la vérité.
5. Le système pénal ne prend pas souvent de dispositions pour activer en parallèle le Tribunal pour mineurs, pourtant chargé de la protection de l'enfant, ni pour mettre à distance enfant et suspect pendant la durée de l'instruction judiciaire.
6. Sur le fond, quand le suspect continue à nier - ce qui est l'occurrence majoritaire - et que le seul élément de preuve est la parole de l'enfant, même les fois où celle-ci est validée scientifiquement , trop rares sont les Tribunaux qui prennent la responsabilité de déclarer les faits établis : c'est dire que, dans nombre de ces cas, le recours à la présomption d'innocence semble abusif car il a lieu alors qu'il y a de forts indices de probabilité de l'abus. Cette pratique traditionnelle frileuse mériterait un vaste débat de société ! Le résultat en est que l'enfant est remis aux mains de son abuseur, qui s'est refait une virginité sociale, triomphe et est intouchable pour une très longue période. Bref, alors, le remède a été bien pire que le mal.

Pour étayer ces constatations, je joins en Annexe I quelques parties du rapport de M. Juan Miguel Petit, Rapporteur à la commission des Droits de l'homme de l'ONU, après sa visite en France à l'automne 2002.

2. Discussion
Les composantes contemporaines de la traumatisation secondaire sont telles qu'elles amènent à des constatations paradoxales, choquantes... mais réalistes :
1. Dès 1993, le grand spécialiste T. Furniss signalait que les interventions incoordonnées pourraient conduire à davantage de traumatisation chez l'enfant abusé et sa famille que l'abus lui-même et que le premier but des intervenants devrait toujours être d'éviter le dommage secondaire, avant de procéder à des soins directs. Primum non nocere disaient les médecins antiques : sage recommandation, mais ô combien négligée aujourd'hui [28, p. 17] !
2. Quand on signale le cas d'un enfant abusé au système judiciaire pénal et qu'on ne dispose que de sa parole comme preuve, on effectue une opération à risque. Celui-ci est d'autant plus élevé que l'enfant est jeune, timide ou/et peu assertif ou peu soutenu socialement et que le suspect, de son côté, est intelligent, puissant et dispose de bons avocats.
3. Le risque est encore pire pour les petits enfants suspectés d'être abusés dans le contexte de la séparation parentale ; ici, les éléments de preuve sont - inconstamment - des signes fugaces d'irritation de la zone ano-génitale du corps et une parole du petit enfant plus volatile et suggestible que jamais. Dans ces contextes, malgré que la possibilité d'authenticité soit loin d'être nulle, ce sont souvent les plaignants qui expérimentent lourdement la suspicion des soi-disant aidants et le non-lieu judiciaire est fréquent (RGT+++). En outre, il est de plus en plus à la mode d'entamer des poursuites de tous types contre les professionnels qui ont signalé leurs inquiétudes à la Justice pénale.
4. Le fait d'appartenir à une famille socio-économiquement défavorisée, surtout lorsque son fonctionnement apparaît immature et chaotique, avec une autre culture d'éducation que la culture majoritaire bourgeoise, entraîne un premier risque : celui de la multiplication anarchique d'agences sociales censées soutenir mais qui sont souvent en rivalité mutuelle ou à tout le moins incoordonnées et qui ont le soupçon et le passage à l'acte faciles. Alors, on recourt souvent au placement de l'enfant, voire de sa fratrie, avec des indications d'entrée et de sortie bien floues (RGT). Un éclatement sauvage de la famille peut également avoir lieu, ce qui culpabilise le plus souvent l'enfant (RGT) [15, p. 83].
5. Le fait pour l'enfant d'appartenir à une famille puissante ou porteuse d'enjeux importants de respectabilité sociale entraîne le risque inverse : les intervenants psychosociaux et même judiciaires n'y entrent pas facilement ou s'en font éjecter vite fait ; il est très difficile de toucher à l'image de respectabilité et donc bien des abus et autres maltraitances peuvent se perpétrer dans le silence épais des donjons familiaux (RGT).

C. Les facteurs de gravité ou de protection à long terme
Outre les facteurs liés à l'activation des professionnels que nous venons de décrire, signalons que :
1. Il existe de véritables cercles vicieux liés à certains comportements inadaptés de l'enfant victime : l'enfant "allumé" provoque le retour d'expériences sexuelles variées, parfois traumatisantes (RGT), parfois amplificatrices de son principe du plaisir ou de dimensions perverses en voie d'installation (RGA+).
Certains enfants traumatisés provoquent punitions et rejets à partir de leur culpabilité et de leur masochisme... ou alors, ils "aspirent" vers eux de nouveaux abuseurs, par leur passivité ou leur besoin d'autopunition . Parfois ce sont leurs activités sexuelles de vérification ou d'identification à l'agresseur qui leur attirent une désapprobation disproportionnée, sans qu'on cherche à les comprendre.
2. Le fait que l'abuseur persiste efficacement à nier les faits même lorsqu'il n'a plus de contacts avec l'enfant, est en soi angoissant et désespérant pour celui-ci (RGT+).
3. En cas de révélation très différée (par exemple après quelques années, à la fin de l'adolescence) , la manière dont celle-ci sera gérée est de nature soit à faire poursuivre la cicatrisation, soit à faire flamber à nouveau la traumatisation (mauvaise image de soi ; vécu d'injustice ; colère et désespoir).
Constituent des RGT+++: les fins de non-recevoir, les reproches inattendus ou les ruptures de liens provoquées par le poids de la révélation.
Constituent des RGT : la seule écoute passive et démissionnaire et son inverse la précipitation et l'activisme.
Constitue une PB : la reconnaissance engagée du vécu de la victime ; une réflexion réaliste menée avec elle sur ce qu'il convient d'entreprendre (de la lettre à l'auteur à l'action judiciaire).
4. Mettre fin sans ménagement à un lien incestueux ou pédophilie de longue durée et bien vécu par l'enfant (souvent devenu adolescent) peut amener chez celui-ci une grande souffrance morale et des passages à l'acte graves (suicide, anorexie, etc. ) (RGT+). D'où la nécessité d'un accompagnement de haute qualité si l'on décide quand même d'y procéder, ce qui n'est inéluctable que pour le lien incestueux.
5. L'on peut enfin s'interroger radicalement sur le rapport à la vérité du discours scientifique et social contemporain à propos de l'abus sexuel. On s'ingénie à diaboliser celui-ci et ses conséquences : "L'enfant est toujours très traumatisé... On n'est plus qu'un survivor marqué à vie... Un ex-abuseur devient un abuseur".
Est-ce systématiquement si certain ? Ne prêche-t-on pas parfois de la sorte au nom de l'idéologie ou des affaires commerciales à faire ? En organisant la chasse aux sorcières pédophiles, ne s'aveugle-t-on pas sur d'autres maux plus innommables de nos économies capitalistes ?
Et s'il en est ainsi, un fameux facteur de risque n'est-il pas constitué, pour les victimes, par ces slogans sociaux déprimants et confusionnants qui leur font une nouvelle fois violence ? (RGT+++).

§ III - RECOMMANDATIONS

I - Prendre en compte qu'il existe DEUX chemins de gravité : la traumatisation intra psychique ou l'allumage sexuel prématuré. Mieux repérer et traiter les formes les plus préoccupantes de ce dernier (sexualité sans retenue ou sexualité pervertie, avec identification à l'agresseur).

II - Prendre en compte qu'il existe des abus sexuels aux conséquences graves, et d'autres qui sont bien supportés (les épines sexuelles) ; mieux étudier les formes et les critères des épines sexuelles ; étant donné la surcharge des appareils institutionnels spécialisés (psys et judiciaires) ainsi que les risques élevés de traumatisation secondaire, mettre au point des manières plus légères de gérer les cas simples, en faisant davantage appel au tissu social informel et en entraînant préventivement l'enfant à mieux se définir et se protéger personnellement.

III - Pour évaluer la nature et l'intensité de l'atteinte, ne pas se réduire à l'analyse de la séquence "Abus + comportements immédiats de gestion de l'abus (exemple, comment est imposé le silence) Ð "Impact".
Il faut tenir compte de préalables qui ont freiné ou précipité l'occurrence de l'abus et modelé la personnalité de l'enfant et de son entourage. Il faut tenir compte aussi de ce qui s'en suit, et notamment le contenu et l'organisation de l'intervention.

IV - Assumer que les effets de l'intervention se répartissent sur un gradient "Efficacité/délicatesse/espérance restituée - Inefficacité/dimensions traumatiques/ désespérance de l'enfant".
En effet, il faut se pencher rapidement sur ce problème de la traumatisation secondaire, notamment en :
- procédant à des études scientifiques qui tracent systématiquement le devenir des cas après la révélation ;
- adhérant dès maintenant aux recommandations du rapporteur de l'ONU, M. Juan Miguel Petit, dont les principales figurent en annexe I du présent document ;
- formant tous les psy qui s'occupent d'abus à la grille d'évaluation statement validation analysis (SVA) et en y sensibilisant les autres intervenants (travailleurs sociaux, policiers et magistrats) ;
- ouvrant un débat de société sur les critères de la présomption d'innocence.

V - Enfin, il faut "ré humaniser" le fait d'avoir été victime d'abus sexuel. C'est somme toute une expérience que beaucoup font dans ses formes mineures, que j'appelle épines sexuelles. Et même les victimes d'abus graves ne sont pas si rares. On devrait les aider à en parler plus informellement et plus simplement, en commençant par ne plus faire courir d'images sociales effrayantes comme celles des survivors traumatisés à vie.

Tableau I : Facteurs de risque ou de protection et caractéristiques individuelles de l'enfant


Commentaires :
(a) Il s'agit d'une non-information sur les réalités sexuelles, mais aussi sur les droits des enfants, notamment celui de dire "Non" ou de désobéir dans certaines circonstances [6].
(b) Solitaires : ayant peu d'amis [10] ; vivant avec des parents indisponibles ou sans parent naturel à la maison [11].
(c) La bruyance des réactions anxieuses lorsqu'un inconnu s'approche d'eux pourrait protéger de certains types d'abus certains types d'enfants très perturbés, jusqu'aux psychotiques et aux autistes.

Tableau II : Facteurs de risque ou de protection et type de fonctionnement familial


Commentaires :
(a) L'enfant n'y est entraîné ni à la lucidité ni à la self-défense
(b) Le parent abuseur y exerce son "droit de cuissage" sans discussion possible, sous la terreur morale
(c) La "fusion" momentanée adulte-enfant constitue un moment d'affectivité positive.

Tableau III : Facteurs de risque ou de protection et caractéristiques de l'abus

Commentaires :
(a) L'imprévisibilité est vraiment un facteur toxique, source de fluctuations d'angoisse et de difficulté à s'adapter.
(b) Par exemple, c'est lui qui va frapper à la porte de son pédophile ; c'est lui qui "drague" un adulte mal dans sa peau ; l'adulte l'écoute facilement les fois où il dit "Non", etc. .
(c) La dimension violente n'est pas liée qu'à la force physique et aux cris. Elle peut être provoquée par la personnalité imposante de l'abuseur, par la toute-puissance de son argumentation, par l'ambiance de mystère et d'inconnu qu'il introduit dans le scénario. Il faut se souvenir aussi qu'elle est vécue subjectivement en référence au tempérament plus ou moins anxieux de l'enfant. Certains enfants sont plus traumatisés par la violence que par l'abus lui-même [22, p. 146 ; 28].
(d) La présence d'un lien affectif fonctionne donc, selon les cas, comme la meilleure et la pire des choses :
- En parlant des statuts, j'ai évoqué le fait que l'enfant puisse avoir sa lucidité et sa capacité de résistance comme "engluées" par quelqu'un qu'il aime.
- Mais l'inverse peut exister aussi : certaines dimensions de son être peuvent être davantage respectées par quelqu'un qu'il aime, si du moins l'enfant cède sur la question du sexe...
(e) L'effet peut aller dans deux directions opposées :
- Certains enfants continuent à assumer leur motivation positive et parfois, ce peut devenir un RGA.
- D'autres enfants se culpabilisent plus ou moins fortement par la suite d'avoir voulu ou aimé ça (RGT) [ 21, p. 146].


BIBLIOGRAPHIE


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2. Cavanagh Jonhson T., Understanding your child's sexual behavior, Dakland, New Harbinger publ., 1999, 183 p.
3. The National Resource Center on Child Sexual Abuse, The Incidence and prevalence of child sexual abuse, Huntsville, NRCCSA, 1994.
4. Gomes-Schwartz B., Horowitz J., Sauzier M., Severity of emotional distress among sexually abused preschool, school-age, and adolescent children, Hospital and community psychiatry, 1985, 36-5, 503-508.
5. Finkelhor D., A sourcebook on child sexual abuse, Newbury Park, Sage publications, 1986, 189 p.
6. Wigzell K., Sexual abuse of children, a survey of current knowledge, 2000, REMARQUABLE RAPPORT DE SYNTHESE d'un groupe de scientifiques suédois, réunis dans le Priorities group, http://www.childcentre.baltinfo.org/uploaded/SexSurv CC. htm#Causes
7. Pearlman A., citée par Megan K., The effects of sexual abuse, Hartford courant, 1997, 233 p.
8. Haesevoets Y-H, Regard pluriel sur la maltraitance des enfants, Bruxelles, éditions Kluwer, 2003, 221 p.
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10. Finkelhor D., Sexually victimized children, NY, free press 1979.
11. http://www.fhs.mcmaster.ca/cscr/malt3.htm
12. Richardson M., Meredith W. and Abbot D., Sex-typed role in male adolescent sexual abuse survivors, Journal of Family Violence, 1993, 8-1, 47-53.
13.Savin-Williams R., Verbal and physical abuse as stressors in the lives of lesbian, gay male and bisexual youths: Associations school problems, running away, substance abuse, prostitution and suicide, Journal of Consulting and Clinical Psychology, 1994, 62-2, 129-141.
14. Delville J., Mercier M., Sexualité, vie affective et déficience mentale, Bruxelles, De Boeck Université, 1997, 241 p.
15. Gabel M., (sous la dir. de), Les enfants victimes d'abus sexuel, Paris, Psychiatrie de l'enfant, PUF, 1992, 282 p.
16. Hayez J.-Y., (sous presse) Les 6-13 ans, leur vie sexuelle et leurs parents, Paris, Odile Jacob, (fin 2003-début 2004.
17. Kipman S.D., Rapoport D., La sexualité "oubliée" des enfants, Paris, Stock, Laurence Pernoud, 1993, 214 p.
18. Conte J.R., Schuerman J., Factors associated with a increased impact of child sexual abuse, Child abuse § Neglect, 1987, 11, 201-211.
19. Coulborn Faller K., Why sexual abuse? An exploration of the intergenerational hypothesis, Child abuse § Neglect, 1989, 13, 543-548.
20. www.websexo.net - page Elysa.
21. Bertrand C., www.canoe.qc.ca/artdevivresociété/ - page d'avril 03.
22. Born M., Delville J., Mercier M., Sand E.A., Beeckmans M., Les abus sexuels d'enfants, Liège, Mardaga, 1996, 184 p.
23. Detaglia L., Les abus sexuels envers les enfants. Étude de 90 sujets auteurs ou victimes ayant fait l'objet d'une expertise psychologique, Cahiers du Centre de Recherche interdisciplinaires de Vaucresson, 1990, 8, 153-179.
24. Haesevoets Y.-H., L'enfant en questions, Oxalis, Bruxelles, De Boeck, 2000, 435 p.
25. Pregno G., Rapport de la Fondation luxembourgeoise Kannerschlass, 2000, www.kannerschlass.lu/pregno1.htm
26. Yuille J.C., Traduit et révisé par Van Gyseghem H., L'analyse de la validité de la déclaration, Université de Montréal, inédit, 1993.
27. Yuille J.C., L'entrevue de l'enfant dans un contexte d'investigation et l'évaluation systématique de sa déclaration - traduit et révisé par Van Gyseghem H., Revue canadienne de psychologie, 1988, 1-20.
28. Furniss T., The multiprofessional handbook of child sexual abuse, London and New York, Routledge, 355 p.
29. Cyr M., Wright J., Theriault C., Oxman-Martinez J., Perron A. et Lebeau T., Portrait des victimes d'abus sexuel et de leurs mères, 2003, http:/primase.qc.ca/rechercheasp?text=51
30. Rind B., Bauserman R., Tromovitch P. (... si ce ne sont pas des pseudonymes ! ), Études des conséquences de l'abus sexuel sur enfants, à partir de cas non cliniques, 1998, www.pedagora.com/article001.html

ANNEXE I

EXTRAITS DU RAPPORT DU COMMISSAIRE DE L'ONU

COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME
Cinquante-neuvième session
Point 13 de l'ordre du jour provisoire

DROITS DE L'ENFANT
Note présentée par M. Juan Miguel Petit, Rapporteur spécial sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants, conformément à la résolution 2002/92 de la Commission des droits de l'homme.

Additif
Note préliminaire sur la mission en France (25-29 novembre 2002)

13. Le Rapporteur spécial ne considère pas que les sévices sexuels contre des enfants constituent un phénomène plus courant en France que dans d'autres pays européens. On constate toutefois que de nombreuses personnes ayant une responsabilité dans la protection des droits de l'enfant, en particulier dans le système judiciaire, continuent de nier l'existence et l'ampleur de ce phénomène.

14. Les personnes qui soupçonnent et signalent des cas de sévices à enfant peuvent se voir accuser de mentir ou de manipuler les enfants concernés et risquent des poursuites ou des sanctions administratives pour diffamation si leurs allégations n'aboutissent pas à des poursuites suivies de la condamnation de l'auteur présumé des sévices. En particulier, les professionnels de la santé encourent des risques dans ce domaine et rien n'indique que les médecins bénéficient de l'aide et du soutien du Conseil de l'ordre des médecins français.

15. Dans un nombre croissant de cas, un parent séparé, habituellement la mère, choisit d'amener l'enfant ou les enfants à l'étranger plutôt que de se conformer aux décisions d'un tribunal accordant des droits de visite ou attribuant la garde à l'auteur présumé des sévices, ce qui, à son tour, pourrait exposer l'enfant à de nouveaux sévices sexuels. Il est même arrivé que des juges et des avocats au courant des faiblesses du système judiciaire conseillent, officieusement, à certains parents d'agir de la sorte. Ces parents se trouvent donc sous la menace de poursuites criminelles pour leurs actes aussi bien en France que dans le pays où ils se rendent.

16. Le manque de ressources, de formation et de spécialisation dont souffrent les juges et les avocats s'occupant d'affaires de sévices sexuels contre des enfants fait que les droits de l'enfant impliqué dans des poursuites judiciaires ne sont parfois pas suffisamment protégés. Il s'ensuit que les enfants concernés risquent souvent de continuer à subir des sévices.

17. Il est certes possible que de fausses allégations de sévices sexuels contre des enfants aient été faites dans le cadre de procédures visant à attribuer la garde de l'enfant. Toutefois, le Rapporteur spécial, après avoir examiné les preuves concernant les affaires portées à son attention, a pu conclure que ces allégations étaient sérieuses et fondées et que la suite qui leur avait été donnée ne correspondait pas à l'intérêt supérieur de l'enfant.

18. Dans les affaires civiles visant à attribuer la garde de l'enfant, celui-ci ne bénéficie pas d'un droit automatique d'être entendu. Bien que les tribunaux civils puissent entendre l'enfant à la discrétion du président du tribunal, l'enfant n'est quasiment jamais entendu.

19. Lorsque des poursuites pénales sont engagées contre les auteurs présumés de sévices, les tribunaux civils ne sont pas supposés prendre de décisions quant à la garde ou aux droits de visite jusqu'à ce que la procédure pénale soit menée à son terme. Dans la pratique, toutefois, cette disposition n'est pas respectée, ce qui donne lieu à une situation où l'enfant est obligé de rester, souvent sans surveillance, avec une personne faisant l'objet d'une enquête pénale pour des sévices infligés à ce même enfant.

Recommandations

21. Il convient de respecter l'article 12 de la Convention relative aux droits de l'enfant, qui consacre le droit de l'enfant d'exprimer ses souhaits et son opinion et, notamment, "la possibilité d'être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant". Le Rapporteur spécial comprend certes qu'il importe d'éviter une situation où un enfant est obligé de répéter plusieurs fois des allégations, mais il est encore plus important de prendre au sérieux et de croire un enfant qui parle de sévices.

24. Étant donné le nombre de cas laissant apparaître un grave déni de justice pour les enfants victimes de sévices sexuels et les personnes qui tentent de les protéger, il serait bon qu'un organe indépendant, de préférence la Commission nationale consultative des droits de l'homme, mène de toute urgence une enquête sur la situation actuelle.

26. Le système judiciaire devrait se voir allouer des ressources suffisantes pour être en mesure de dispenser une formation en matière de droits de l'enfant et de suivre convenablement les affaires s'y rapportant.

27. Lorsque des poursuites pénales sont engagées contre les auteurs présumés de sévices, les tribunaux civils ne doivent pas statuer sur la garde ou les droits de visite tant que la procédure pénale n'a pas été menée à son terme. Dans l'intervalle, l'auteur présumé des sévices ne devrait avoir accès à l'enfant que sous une supervision constante.

28. Le Conseil de l'ordre des médecins français doit de toute urgence revoir ses procédures, de façon à soutenir, au lieu de les condamner, les médecins qui font part de leurs soupçons de sévices à enfant.


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Dernière mise à jour : vendredi 28 novembre 2003

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