A) Quelles peuvent être les conséquences, pour la famille, de la révélation d'une maltraitance sexuelle subie par l'un ses membres ?
La communauté professionnelle reconnaît généralement la légitimité et les bénéfices de la révélation des violences sexuelles dont est victime un enfant. En effet, dévoiler une agression sexuelle arrête la spirale infernale de l'abus sexuel. La révélation autorise une parole taboue, nomme l'interdit, réintroduit de la pensée pour l'enfant victime et pour sa famille.
Une des premières conséquences pour l'enfant est de le libérer du poids du secret dont il est chargé et lorsque la révélation est entendue de faire cesser la situation d'abus.
En ce qui concerne la famille, la fin du secret a des effets multiples, différents selon la situation d'abus sexuels elle-même, l'identité de l'abuseur, le fonctionnement familial.
Notre expérience auprès d'enfants victimes et de leur famille nous conduit à accréditer l'idée que la révélation d'une situation d'abus entraîne nécessairement un bouleversement dans la dynamique familiale avec des conséquences pour l'enfant et la famille.
D'un point de vue systémique, la révélation d'abus sexuel énonce et dénonce les dysfonctionnements familiaux et produit une crise dans l'homéostasie familiale.
En effet, la déstabilisation produite par la révélation ne sera pas sans effets sur les habitudes relationnelles, les règles, les comportements familiaux. Si les enjeux relationnels qui en découlent sont variables à chaque famille, ils sont généralement exacerbés par la révélation des faits, car chacun devra se positionner moralement, affectivement, judiciairement.
Si ce bouleversement familial fragilise une famille, les mouvements interactifs qui en découlent les mobilisent dans la réalité et les obligent, ne serait-ce que temporairement, à repenser les liens qui unissent le couple, la fratrie, la famille élargie etc.
Cet état de crise est amplifié par le fait que de multiples professionnels et non professionnels vont solliciter la famille. Entrer dans des systèmes familiaux, parfois très fermés, isolés ; pathogènes, représentent un danger pour l'équilibre familial, même si par ailleurs, elle permet qu'une nouvelle organisation familiale s'opère.
La crise produite par ce déséquilibre affectif et fonctionnel est une des conséquences majeures à prendre en compte dans l'accompagnement de l'enfant maltraité et de sa famille.
En effet, si cette crise familiale est douloureuse à vivre par la famille, elle est aussi un moteur pour soutenir l'enfant dans sa parole, le protéger, comprendre certaines causes liées à la situation d'agression sexuelle, redéfinir la relation des membres de la famille, réajuster ce qui relève de l'espace familial, du couple, de l'individu, pour retrouver une intimité.
D'un point de vue psychanalytique, la révélation de l'abus sexuel, commis par un adulte de la famille ou initié par une personne extérieure à la famille, mobilise la psyché individuelle, ce qui n'est pas sans effets, sur la famille.
En effet, les questions soulevées par la révélation d'abus interpellent nécessairement tout un chacun.
Dans la famille, elle renvoie chaque personne à elle-même, à son histoire, son vécu, son roman familial. La réactivation d'un passé, parfois douloureux, voire traumatique, de souvenirs refoulés, de sentiments anciens ayant laissés des traces dans l'affectif de la personne peut avoir pour prolongement d'exprimer des affects, de donner du sens à des perceptions, de libérer des émotions.
Elle peut également être source d'angoisses insurmontables, de sentiments négatifs, de rejets pour l'enfant, de déni de la situation.
Au mieux la personne est confrontée à des sentiments ambivalents qu'il faut comprendre et analyser, au pire elle s'organise psychiquement sur le mode du clivage avec tous les risques que cela comporte pour la perception du monde interne et ses liens avec le monde externe. La gestion des relations à l'autre en sera nécessairement perturbée.
Les capacités des membres de la famille à élaborer les évènements traumatiques révélés, à exprimer des affects, à tisser des liens forts entre eux participent pour beaucoup dans leur prise compte des perturbations liées à la révélation. En effet, les réactions de chacun à la révélation développent plus ou moins, de solidarités familiales, activent des conflits anciens non dépassés ou alimentent les conflits existants.
Sur un registre plus inconscient, la réalité de la révélation et ce quelle active dans l'histoire individuelle et familiale va se confronter à l'organisation psychique de chacun telle qu'édifiée au cours des différentes phases du développement de la sexualité infantile, (tel que largement développé par S. FREUD)
En qualité de psychanalyste, expérimenté dans le traitement des familles, il est essentiel de rappeler que, si ce qui vient d'être développé est fondamental à prendre en compte au cours d'un travail thérapeutique, nous devons l'aborder avec prudence en famille. En effet, les réactivations entraînées par la révélation ne sont pas toujours élaborables en famille ou par la personne elle-même. Comme nous le savons, lorsqu'une charge psychique est insupportable, une personne, une famille peut développer des mécanismes de défenses « intouchables » pour en limiter la portée.
C'est ainsi que nous pouvons nous retrouver parfois avec des familles extrêmement mobilisées dans un premier temps, mais qui plus ou moins rapidement nous rejettent ou nous échappent.
Les professionnels reconnaissent combien la révélation d'agressions sexuelles commises par un adulte sur un enfant est difficile à entendre par la famille.
Généralement, le dévoilement des faits « attaque » et « empêche » la pensée de croire et d'accepter la réalité. Cet état de sidération s'explique par la violence et par l'impossibilité de se représenter la situation d'abus.
Plus l'adulte, désigné comme l'agresseur de l'enfant, est proche de la famille, plus l' état de sidération qu'induit la révélation est puissant et résistant.
La qualité des compétences développées par la famille pour dépasser cet état jouera un rôle très important dans l'accompagnement de la famille, en particulier sur ses capacités d'empathie pour l'enfant et son désir de réparation.
Un consensus existe également sur le fait que la révélation exacerbe les émotions individuelles et familiales et plus particulièrement les sentiments de culpabilité « on a rien vu, rien dit, rien compris », de responsabilité « à qui la faute ».
La manière, dont la famille prend en compte les sentiments de culpabilité et de responsabilités qui la traversent, a des conséquences dans l'accompagnement de l'enfant et de sa famille. A l'excès ses sentiments peuvent conduire la famille, à banaliser ou à dramatiser les évènements. Elle espère ainsi pouvoir supporter l'insupportable, se protéger de l'envahissement des sentiments de haine, de frustrations ou freiner la peur d'éprouver des angoisses insoutenables.
Des débats passionnés traversent les professionnels sur la question de la crédibilité de la parole de l'enfant. Le doute de la véracité des faits traverse aussi la famille, d'autant plus, si l'agresseur désigné est un proche ou un membre de la famille.
Lorsque l'agresseur ne reconnaît pas les faits ou s'il se rétracte, cette question des incertitudes est très prégnante. Parfois, c'est l'enfant qui se rétracte, cela ne veut pas dire que les faits révélés par lui n'ont pas été commis.
Le traitement du doute par les parents et la famille a des effets immédiats sur la victime, qui peut alors se rétracter ou douter et sur la famille qui ne sait qui croire. La position que prendront les parents aura des conséquences directes sur les capacités de l'enfant victime à élaborer et dépasser cet évènement traumatisant, particulièrement chez un jeune enfant.
La révélation de mauvais traitements sexuels d'un père sur un enfant, dans un contexte de divorce est très difficile à gérer par la famille et complexe pour la communauté des professionnels.
Certaines études américaines et canadiennes (Van Gijseghem) considèrent que dans bien des cas, il s'agit de fausses allégations. Selon mon point de vue et mon expérience, si cette donnée est certes à prendre en compte, nous devons être prudents quant à l'évaluation d'une allégation. La généralisation de cette idée risquerait de nous faire passer à coté d'une vraie allégation.
A priori, dans un contexte de violences sexuelles extra familial, la famille a plus de latitude pour assumer la révélation que dans le cadre d'abus sexuels intra familiaux, en particulier lorsque l'agresseur est un inconnu ou est très éloigné de la famille. La non-relation avec l'agresseur désigné rend plus facile le dépôt de plainte, l'accompagnement de l'enfant durant la procédure judiciaire, le traitement thérapeutique. La famille peut nommer un coupable, le désigner, le dénoncer, l'attaquer, demander justice et réparation pour l'enfant.
Ce contexte est extrêmement favorable à la réparation des stress post traumatiques de l'enfant. Ses sentiments de culpabilité, de honte qui le submergent parfois, l'identification à l'agresseur développée au fil des violences sexuelles subies s'affaibliront. Ses capacités de se retrouver dans une certaine intimité seront renforcées.
Ce dénouement ne se vérifie pas pour toutes les familles victimes de violences sexuelles extra familiales. En effet, comme je l'ai explicité plus haut, la révélation, activant toujours des émotions, des vécus parfois très douloureux, rend parfois difficile, voire impossible les démarches judiciaires, administratives thérapeutiques qui s'imposent
D'autre part, les données statistiques de L'ODAS (Observatoire de l'Action Sociale Décentralisée), élaborées à partir des signalements d'enfants, nous confirment que dans la majorité des cas, l'agresseur est connu de l'enfant et occupe une place réelle ou symbolique auprès de l'enfant et de ses parents.
L'inceste :
Les études Européennes et Américaines nous éclairent sur la particularité des conduites individuelles et des dynamiques familiales dans les situations de révélations d'inceste. Nous retrouvons classiquement une résistance à la levée du tabou de la loi du silence «Dans les familles où il y a de l'inceste, ce n'est pas l'inceste qui est tabou, c'est la parole sur l'acte ». (Pierre Sabourin).
Nous pouvons entendre et observer les tentatives de la famille pour imposer le silence sur l'acte, voire le dénier.
L'adulte incestueux tente des stratégies d'emprise telle que celles mises en ¦uvre durant l'abus. Selon la situation, Il essaie de manipuler son conjoint, ses enfants, voire la famille élargie, les professionnels. Il espère ainsi obtenir la rétractation de l'enfant, le soutien inconsidéré de son conjoint, l'appui de sa famille d'origine.
Dans les situations, où le parent incestueux reconnaît les actes, il sera tenter de minimiser les effets, de rendre responsable l'enfant victime ou de se victimiser lui-même .
Le parent conjoint, selon sa personnalité certes, mais généralement dans la confusion la plus totale, s'installe dans une passivité mortifère, s'enferme dans le doute, organise le déni, se punit dans la dépression.
Dans les situations où l'adulte incestueux n'est pas un parent direct de l'enfant (oncle, tante, grands-parents etc.), les parents de l'enfant victime sont généralement beaucoup plus mobilisés et mobilisables pour mettre des mots et du sens sur l'acte incestueux et sur ce qui l'a précédé.
La famille élargie se verrouille, s'organise pour oublier, où à l'inverse se dédouane en nommant les responsabilités, en rompant avec les intéressés.
Les frères et s¦urs non concernés par l'abus sexuel recherchent des solutions personnelles pour se dégager de la « violence » que leur renvoie la révélation.
L'enfant victime se tait ou tente désespérément de se faire entendre.
Pour les intervenants psycho-sociaux, cette phase nécessite beaucoup de patience, de fermeté, et d'énergie pour de ne pas juger la famille négativement, rester à leur coté et poser un cadre contenant de travail.
Lorsque la parole circule à nouveau, on assiste au dévoilement de secrets de familles, parfois très anciens et méconnus de nombreux membres de la famille. Il devient alors possible d'énoncer certains non-dits. La famille retrouve ses capacités d'écoute et d'empathie envers les uns et les autres.
La mise en sens de l'histoire familiale qui a conduit une famille « vers l'inceste » trouve ses origines dans l'histoire transgénérationnelle. Des traumatismes d'inceste qui se répètent certes, mais également d'autres évènements traumatisants traversent l'histoire de ces familles.
Si cette « revisitation » de l'histoire familiale sur plusieurs générations est possible pour une famille, les effets thérapeutiques sont très bénéfiques pour chacun des membres. Dans ce contexte de travail la révélation libère chacun des liens invisibles pervertis qui les unissent, et fait cesser la chaîne répétitive qui s'imposait à eux.
Ce travail d'élaboration est délicat et douloureux car généralement les imagos parentaux sont mis à rude épreuve et le « non-interdit » de l'inceste est à reconsidérer dans l'histoire ancienne en lien à l'histoire présente.
Mon expérience me conduit à penser aujourd'hui que ce travail ne peut se faire que dans un cadre thérapeutique et exige des psychothérapeutes d'avoir suffisamment travaillé sur leur propre histoire transgénérationnelle.
B) Quelle intervention immédiate effectuée ?
Selon mon point de vue, la qualité des interventions institutionnelles est essentielle.
Etre au plus près de cette intention nécessite de la penser en pluridisciplinarité en y associant les institutions engagées. En effet, mon expérience professionnelle me montre combien, même dans les situations urgentes qui exigent une intervention rapide des services sociaux judiciaires, prendre le temps de partager entre professionnel et institutions différentes, donnent de meilleurs résultats dans la prise en charge. Le partenariat occupant alors une fonction d'étayage pour les professionnels, l'enfant et sa famille. On peut compter et s'appuyer dessus pour prendre les décisions qui s'imposent et proposer aux intéressés des modalités d'interventions.
La pluridisciplinarité est une règle d'or reconnue par la communauté professionnelle des champs médicaux, psychos, sociaux, judiciaires. Si cette intention est partagée par tous, sur le terrain, le partenariat étayant les interventions est assez compliqué à structurer.
D'une part, les institutions intervenantes ont des logiques différentes qui parfois s'opposent.
D'autres part, les enjeux relationnels liés à des rapports de pouvoirs, des contentieux, des conflits non réglés etc. sont nécessairement actifs dans les collaborations professionnelles.
Enfin l'intervention dans les familles où la violence, la maltraitance, les abus sexuels s'exercent, les professionnels risquent d'être contaminés par la dynamique familiale et tout ce qu'elle engage consciemment et inconsciemment dans la relation.
Pour utiliser au mieux cet indispensable partenariat, nous pratiquons ce que nous nommons l'enveloppe partenariale.
Il s'agit de proposer aux professionnels concernés par un enfant et/ou une famille de constituer un groupe referant de la situation. Dans ce groupe, où le territoire de chacun est identifié et accepté, nous partageons et analysons les informations détenues par chacun à propos d'une famille, nous travaillons certains aspects au regard des représentations des uns et des autres, nous prenons en compte la dimension émotionnelle des intervenants, nous déterminons ensemble les décisions à prendre où les propositions à faire. J'ai largement développé cette notion d'enveloppe partenariale dan un ouvrage dont je suis co-auteur « Accompagner l'enfant maltraité et sa famille » DUNOD 2002
La révélation d'agression sexuelle peut nécessiter dans certains cas des interventions urgentes tel qu'un signalement, une séparation de l'enfant, une hospitalisation etc. Dans ce contexte d'intervention la pluridisciplinarité et l'établissement d'un le contenant partenarial sont tout à fait justifiés. Ils protégent de la contamination des dynamiques familiales, des idéologies qui produisent des excès, de la solitude professionnelle.
Pour les mêmes raisons, l'accompagnement thérapeutique exige également des contenants institutionnels, car « psy » ou pas, nous ne sommes pas maîtres de la totalité de nos fonctionnements psychiques. « l'inconscient nous joue des tours »
C) Quelles sont les indications et contre indications et à quels moments envisager un traitement pour la famille ?
Au regard de ce que j'ai développé jusqu'ici, le traitement thérapeutique familial est tout à fait indiqué lorsqu'il y a une révélation d'agression sexuelle sur un enfant. Il est difficile de déterminer les moments clés pour envisager un traitement familial.
Au regard du droit français, une contrainte s'impose à nous pour démarrer un travail thérapeutique, c'est le respect de la loi. Cela suppose, que lorsque l'enfant agressé est un mineur, et plus particulièrement si celui-ci à moins de 15 ans, nous exigions que la famille ait déposé une plainte et/ou que des professionnels aient fait le signalement. Cette exigence est reprise généralement par l'ensemble des psychothérapeutes, car si le travail thérapeutique « fait fi » des lois sociales, il ne peut prétendre aider ceux qui ont transgressé cette loi à l'intérioriser.
Dans tous les cas, l'indication de thérapie familiale doit être débattue et motivée par l'institution thérapeutique.
En effet, prétendre que la thérapie familiale est tout à fait adaptée aux problématiques de ces familles, cela ne veut pas dire que toutes les familles ont besoin d'un traitement thérapeutique, ni que ce traitement doit passer nécessairement par un travail en famille.
En effet, si la question du soin est essentielle et doit se poser pour chaque enfant victime, pour chaque famille concernée, la réponse doit être motivée. En effet, la personnalité des intéressés, la structuration familiale, leurs intentions en matière de soins, leurs capacités d'élaboration et la symptomatologie présentée impliquent une indication thérapeutique appropriée.
Le soin doit aussi prendre en compte l'intensité émotionnelle que suscite le dispositif judiciaire. En effet, lorsque l'enfant et sa famille sont extrêmement mobilisés par les procédures en cours, ils ne sont pas toujours disponibles pour s'investir dans un travail thérapeutique. Parfois, il vaut mieux attendre la fin de la procédure judiciaire pour démarrer un travail en famille.
Généralement durant la procédure, la demande psychologique est centrée autour du vécu judiciaire. Ce soutien psychologique n'est pas négligeable car il permet aux intéressés d'être écoutés dans leur dimension émotionnelle, sans partie pris.
Si la proposition retenue par les psychothérapeutes est un travail familial, celui-ci peut prendre des formes différentes et ce au fil du temps.
Ainsi nous pouvons accompagner, selon les situations, chacun individuellement, le couple parental, la fratrie, la famille. Ce parcours thérapeutique permet d'associer les intéressés aux soins proposés, d'ajuster l'accompagnement thérapeutique, de l'interrompre, etc.
Les séances en famille n'ont pas nécessairement pour objet de parler des faits en eux-mêmes, sauf si un membre de la famille le souhaite et que les autres sont d'accord.. Il s'agit plutôt de mettre à leur disposition un espace de parole et d'écoute qui autorise, parfois pour la première la fois, de mettre des mots sur un vécu émotionnel.
La seule véritable contre indication que nous posons systématiquement est de recevoir ensemble l'enfant victime et son agresseur en thérapie, en particulier au moment de la révélation et durant la procédure judiciaire.
Cet aspect est souvent débattu dans la communauté des thérapeutes familiaux. Certains psychothérapeutes de familles ont un point de vue et une expérience autre que la mienne et qui les conduisent à proposer un travail thérapeutique familial en famille. Par exemple, Stéfano Cirillo et Paula Di Blasio, à Milan, reçoivent l'ensemble de la famille maltraitante en consultation familiale Cependant, ces familles savent que le contexte de cette consultation est spécifique. La famille est contrainte par le judiciaire de consulter et est informée des liens de la consultation avec les instances judiciaires. Ce contexte particulier soutien le cadre thérapeutique lorsqu'il est mis à mal par la famille. Les psychothérapeutes peuvent rappeler le contrat et en référer à l'instance judiciaire si le cadre n'est pas respecter. Ce contenant institutionnel est un support pour les psychothérapeutes qui les aide à contenir les jeux relationnels à l'¦uvre, les tentatives de manipulations, les essais de séduction qui circulent dans la famille. S. Cirillo et P Di Blasio ont largement développé leurs idées dans un ouvrage « La famille maltraitante » E.S.F.
D) Quels sont les objectifs et les principales modalités du traitement familial ?
Comme pour tout accompagnement thérapeutique, les objectifs du traitement familial sont nécessairement variables d'une famille à l'autre. Ils doivent prendre en compte, s'ajuster et évoluer en fonction des capacités, des besoins, des difficultés, des problèmes etc.
Ces familles demandent beaucoup d'attention, de présence et d'engagement, en particulier dans les situations d'inceste. . En effet, pour ces dernières, leur isolement, leur sous estime d'elle-même, leur peur de l'extérieur les rendent méfiantes, peu enclin à se confier, à avoir confiance en eux et aux autres..
L'engagement des thérapeutes et des intervenants est primordial. Etre présent « avec » la famille implique de prendre le temps de s'affilier au groupe familial. (au sens où les systémiciens l'ont développé).
Il s'agit de se faire « adopter » et d'accepter d'une certaine façon de se laisser contaminer par elle.
Cette « adoption » nécessite de laisser percevoir à la famille, une certaine dimension émotionnelle, et ce afin de tisser des liens avec la famille qui s'inscrivent du coté de la vie, en particulier si celle-ci se présente sous ses aspects très mortifères. (aspects repris plus tard dans le travail thérapeutique)
Ce temps est essentiel pour établir une certaine intimité thérapeutique, définir les territoires respectifs et mettre en route « l'appareil à penser » (BION). Cette première étape facilite, l'établissement du transfert institutionnel et avec les thérapeutes.
Ce positionnement thérapeutique nécessite que le psychothérapeute soit soutenu et contenu donc dans un contexte institutionnel structurant. En effet, prendre en compte le territoire et l'intimité du thérapeute le soutien psychiquement pour contenir au mieux la famille
Ce soutien devrait idéalement s'accompagner d'un travail d'analyse, de recherche et de supervision.
Au fil des années d'expérience, nous insistons sur cette dimension, car réintroduire chez ces familles des notions d'intimité, d'interdit, de différenciation, exige d'être au plus prêt des « vides psychiques » et des rigidités des mécanismes de défenses développés (plus particulièrement dans les cas d'abus sexuels intra familiaux)
L'intention thérapeutiques est d'accompagner la famille, dans la mesure du possible, à retisser ou tisser de nouveaux liens non pathogènes. Pour ce faire, il est nécessaire que la famille puisse étayer cet « apprentissage » auprès des psychothérapeutes, soutenu par les intervenants psycho-sociaux-judiciaires concernés (si tel est le cas)
Lorsque les capacités de penser étant réintroduites (dans les situations d'inceste) ou amplifiées (dans les autres situations d'abus extra familiaux), un travail d'élaboration avec la famille devient possible. Ce travail doit permettre une évolution dans la dynamique familiale et une évolution pour chacun des participants à la thérapie familiale.
Durant cette étape de travail collectif, (qui je le rappelle peut se traduire par un travail avec toute la famille, les parents, la fratrie), si nous devons être attentif à faire circuler la parole, nous devons préserver l'intimité de chacun (il y a des évènements, des sentiments qui ne sont pas nécessairement à travailler en famille)
Les sujets généralement abordés en famille :
- Parler des conséquences de la révélation, (séparation, procédure judiciaire, prison, conséquences dans les relations familiales etc.)
- Au travers de l'histoire transgénérationnelle, comment penser les liens qui unissent la famille
- Renégocier les territoires de chacun et notamment retrouver ou trouver pour chacun son espace, son territoire, son intimité.
- Cheminer dans l'histoire familiale pour réfléchir ensemble à ce qui a conduit l'enfant, la famille vers cette situation d'agression.
- Faire émerger des souvenirs, des traumatismes permettant de comprendre l'histoire familiale
- Identifier les rôles respectifs des membres de la famille au cours de l'histoire
- Travailler sur l'intimité, le respect, espaces privés, espaces partagés
- Identifier les règles familiales, de couples parentaux, de la fratrie
- S'écouter dans ses sentiments de culpabilité, de haine, de honte etc.
Pour des familles très démunies psychiquement, dans une grande précarité, ou dans l'impossibilité de penser ou « panser » leurs douleurs, leurs liens, les psychothérapeutes se doivent de dire un certain nombre de choses qui relèvent de la réalité. Il ne s'agit pas de leur imposer des valeurs et des idéaux, ni de leur dire comment ils doivent être, mais de reprendre avec eux certaines notions essentielles méconnues ou mal connues par eux. Cette parole sur la réalité servant d'étayage pour se repérer dans l'environnement familial et social.
- Nommer ce qui est autoriser socialement
- Rappeler la loi
- Formuler avec la famille les conduites éducatives,
- Réintroduire des valeurs sur la place des parents, des enfants, de la famille élargie, du voisinage etc.
- Proposer et réfléchir avec la famille à des solutions possibles pour l'autoriser à penser sa vie de façon constructive.
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Dernière mise à jour : vendredi 28 novembre 2003 Renseignements