Les recommandations síappliquent aux adolescents et aux jeunes
suicidants, âgés de 11 à
20 ans. Elles peuvent être étendues jusque vers 25 ans, la limite díâge supérieure de
la dépendance au milieu familial et des comportements psychosociaux propres à
líadolescence étant difficile à définir avec précision.
Les recommandations qui suivent répondent plus particulièrement à trois problèmes : líaccueil aux urgences hospitalières des adolescents et des jeunes suicidants, la réponse hospitalière et le projet de sortie. Elles síadressent donc en priorité aux acteurs hospitaliers de la prise en charge. Elles síadressent également à tous les professionnels de santé susceptibles de prendre en charge des suicidants, en particulier dans le cadre du projet de sortie de líhôpital.
En líabsence de précisions, les recommandations reposent sur un accord professionnel.
Une TS chez un adolescent níest jamais une conduite anodine à mettre sur le compte díune ´ crise díadolescence ª. Elle ne doit jamais être banalisée, si minime soit-elle dans sa dangerosité. Outre la possibilité de survenue de complications somatiques potentiellement mortelles à court terme, le risque principal est la prolongation díune souffrance psychique qui síexprime fréquemment par une récidive suicidaire. Environ un tiers des suicidants récidivent, le plus souvent au cours de la première année, et 1 à 2 % des suicidants décèdent par suicide dans ce délai.
Dans 20 à 30 % des TS, il existe une pathologie psychiatrique sous-jacente (dépression, troubles sévères de la personnalité) qui favorise le passage à líacte. Il faut systématiquement la rechercher, líidentifier et la traiter.
Dans les autres cas, la TS est sous-tendue par des facteurs de risque et par des situations de conflit ou de rupture qui níont pu trouver díautre voie de résolution que líatteinte corporelle. Il faut reconnaître la souffrance exprimée au travers de ce comportement et trouver, à un rythme adapté à chaque situation individuelle, les modalités díintervention qui vont permettre la résolution de la crise et la prévention de la récidive. Une TS est aussi un événement permettant la mise en route díune prise en charge et de soins.
En cas de TS, une triple évaluation somatique, psychologique et sociale doit être réalisée systématiquement.
Tout adolescent suicidant doit être adressé aux urgences díun établissement de soins, où la triple évaluation sera débutée. Cette recommandation repose sur un accord professionnel. Le non recours aux urgences hospitalières ne peut être envisageable que síil est possible díéliminer toute gravité somatique immédiate ou différée, et si la triple évaluation peut être débutée immédiatement par un réseau díintervenants extrahospitaliers habitués à prendre en charge des adolescents. Ce réseau doit être préexistant, structuré, clairement identifié et immédiatement mobilisable.
La prise en charge des adolescents suicidants doit reposer sur des principes fondamentaux de travail en équipe pluridisciplinaire, de stabilité et de disponibilité de líéquipe et du cadre thérapeutique, de continuité des soins, de souplesse et díadaptation individuelle de la prise en charge. Il est recommandé que soit désigné, pour un patient donné, un professionnel ´ référent ª, cíest-à-dire un interlocuteur facilement accessible, qui organise et coordonne les soins et le suivi sur un mode personnalisé, et donne sa cohésion à la prise en charge hospitalière ou dans le cadre díun réseau de soins.
La qualité de líaccueil aux urgences et des premiers contacts, et en particulier le respect de la confidentialité paraissent essentielles à la bonne continuité des soins et à líadhésion de líadolescent. Les soins qui seront réalisés doivent être présentés au patient dès que son état somatique et sa vigilance le permettent. Tout en fixant un cadre strict à la prise en charge, il apparaît important de favoriser un climat díempathie, de proximité relationnelle et de confidentialité.
Líexamen somatique initial évalue la gravité immédiate et différée du geste suicidaire et permet de définir le traitement et la surveillance adaptés. Il doit être complété dans un second temps pour évaluer, entre autres, líétat général, líétat nutritionnel et staturo-pondéral, les comorbidités, líhygiène de vie, le développement pubertaire et la vie sexuelle (en particulier recherche díune éventuelle grossesse en cours). Il apporte des éléments utiles à líévaluation psychologique. Il guide le choix des examens complémentaires, des consultations spécialisées et des traitements éventuellement nécessaires.
Líévaluation psychologique requiert líintervention díun psychiatre, si possible formé à líapproche des adolescents (recommandations de grade C). Elle doit débuter le plus précocement possible, en général dans les 24 heures qui suivent líadmission, dès que líétat somatique et la vigilance le permettent. Il faut síassurer quíelle peut se dérouler dans un climat de confidentialité et de compréhension permettant de poser les bases du projet thérapeutique. Cette étape díévaluation est en soi thérapeutique si elle est réalisée dans de bonnes conditions. Les objectifs de líentretien initial sont le recueil des premières plaintes psychiques, líétude du contexte de la crise, et la recherche díune éventuelle pathologie psychiatrique et de signes de gravité pouvant faire craindre une récidive à court terme. Il est généralement impossible de recueillir dans le contexte des urgences tous les éléments nécessaires à líévaluation psychologique, líessentiel étant de préparer les entretiens qui suivront.
Les éléments à réunir concernent en particulier :
Bien quíaucun critère ne soit formellement prédictif, il faut rechercher les éléments faisant craindre une récidive à court terme de la TS :
Il est nécessaire de rencontrer les parents et/ou líentourage proche, afin díappréhender leur propre vécu, de recueillir leurs difficultés et leurs plaintes, et díapprécier la qualité de líétayage à líextérieur de líhôpital.
Elle doit préciser le contexte social de líentourage, la situation scolaire ou professionnelle de líadolescent, son niveau díadaptation et líexistence éventuelle díun suivi social en cours. Elle peut conduire à alerter les services sociaux et/ou les autorités judiciaires en cas de maltraitance ou díabus sexuels. Elle nécessite líintervention díun(e) assistant(e) social(e) au sein de líéquipe.
Líévaluation psychologique, familiale et sociale doit être poursuivie, parallèlement à la mise en route des soins. Deux modes de prise en charge sont envisageables en fonction des possibilités locales et de chaque cas particulier : une prise en charge hospitalière ou par un réseau ambulatoire. Il níexiste pas díétude comparant ces deux modalités et permettant de définir si líune est meilleure que líautre. A défaut de cette donnée, un accord professionnel existe actuellement pour favoriser la prise en charge hospitalière des adolescents.
Líhospitalisation doit être la règle, tout particulièrement en cas :
Idéalement, líhospitalisation du patient se déroulera dans une unité adaptée à recevoir des adolescents et reconnue dans le schéma de santé local pour sa compétence dans ce domaine. Selon les contraintes locales, il peut síagir de services de crise et díurgences psychiatriques, de psychiatrie infanto-juvénile ou díadultes, de pédiatrie, voire de médecine qui se chargent de cette mission.
Il níy a pas de règle standardisée concernant la durée optimale de séjour, même si líexpérience montre quíune durée díune semaine est souvent nécessaire pour compléter líensemble de líévaluation et mettre en place le projet de sortie.
Une hospitalisation qui viserait seulement à mettre temporairement líadolescent à líécart de ses difficultés extérieures, sans autre forme de soins, ne peut suffire et ne parait pas être supérieure en efficacité à un suivi ambulatoire. Il est essentiel que soient développés simultanément et dès le début du séjour hospitalier, des soins somatiques et psychiques (recommandation de grade C).
En líabsence díindication díhospitalisation, le relais sous forme díune prise en charge ambulatoire intensive par un réseau díintervenants extrahospitaliers peut être également envisagé. Ce réseau doit pouvoir assurer la poursuite de líévaluation et les soins. Selon les cas, ce réseau peut faire intervenir les centres médico-psychologiques sectoriels ou intersectoriels, mais aussi des centres díaccueil et de crise, des praticiens libéraux, médecin généraliste ou psychiatre.
Quíelle se fasse directement à partir du service díurgences vers un réseau de soins ou de líunité hospitalière qui a pris en charge líadolescent après líaccueil aux urgences, la sortie de líhôpital doit être soigneusement préparée. Elle doit être adaptée à chaque cas particulier.
Les liens préalables doivent être établis entre líéquipe hospitalière et les intervenants extérieurs qui vont participer à la prise en charge (selon le cas, médecin généraliste, psychiatre, travailleurs sociaux, médecin ou infirmière scolaires, éducateur) pour permettre une information réciproque, une coordination, une prise en charge et un suivi corrects de líadolescent. Cette préparation conditionne la qualité du suivi, líadhésion de líadolescent et líimpact à court et moyen terme de la prise en charge.
Des suivis structurés, planifiés, reposant éventuellement sur des programmes psychothérapiques préparés, permettent díaugmenter líadhésion aux soins et de diminuer le nombre de récidives suicidaires. Des rendez-vous de consultation planifiés au préalable par líéquipe hospitalière, avec des intervenants connus par líadolescent et acceptés par lui, sont plus souvent honorés. Líadhésion du patient à ce suivi parait augmentée lorsquíil lui est proposé initialement de consulter des membres de líéquipe qui lía pris en charge lorsquíil était hospitalisé, par exemple dans un dispensaire rattaché à líhôpital. Des études démontrent líutilité de fournir au suicidant des coordonnées écrites lui permettant de joindre et de consulter rapidement un correspondant quíil connaît ou une unité de consultations (recommandations de grade B).
Dans les cas où l'adolescent ne se présente pas aux rendez-vous de consultation, il est utile que les intervenants concernés effectuent des rappels de ces rendez-vous, au besoin par téléphone, pour aider à líintégration dans le schéma de soins. Dans les cas où de nombreux indices de détresse persistent, il parait utile díagir sur le lieu de vie si cela est organisable, par exemple par des visites à domicile, des réunions de synthèse avec les travailleurs sociaux ou les éducateurs, un soutien psychologique auprès de la famille ou en hospitalisant à nouveau si nécessaire líadolescent dans líunité qui lía auparavant accueilli.
Les disparités dans les moyens de prise en charge et de soins aux adolescents en France imposent une réflexion et líélaboration de stratégies adaptées pour permettre à chaque adolescent en détresse de trouver des réponses reposant sur des principes fondamentaux de qualité et de spécificité des soins. Des actions de formation et des moyens supplémentaires au niveau des équipes d'accueil doivent être développés. Il parait souhaitable au groupe de travail díinciter à la création de structures de prise en charge bien identifiées dans les établissements de soins et dans les réseaux ambulatoires, avec des ´ référents ª identifiés par tous les acteurs de la prise en charge.
Encadré n°1 : Paramètres repérés par líéchelle díintentionnalité suicidaire de BECK
A. Circonstances objectives de la TS 1. Isolement (une personne était-elle présente ou a-t-elle été jointe par téléphone par le suicidant ? ) 2. Gestion du temps (la TS a-t-elle été planifiée de manière à ce que le patient ne puisse pas être découvert ?) 3. Précautions prises pour ne pas être découvert (par exemple TS dans une pièce fermée à clé) 4. Dissimulation de la TS aux personnes présentes (le sujet a-t-il évoqué sa TS lorsquíil a été sollicité ?) 5. Actes réalisés en prévision de la mort (changements de projets, cadeaux inhabituels) 6. Préparation de la TS 7. Intention écrite de TS 8. Communication verbale de líintention suicidaire 9. But de la tentative (y avait-il une intention de disparaître ?) B. Propos rapportés par le patient 10. Attentes par rapport à la létalité du geste (le patient pensait-il quíil allait mourir ?) 11. Appréciation de la létalité de la méthode employée (le patient a-t-il utilisé un moyen plus dangereux que ce quíil croyait être ?) 12. Gravité perçue du geste suicidaire (le patient pensait-il que ce geste suicidaire était suffisant pour mourir ?) 13. Attitude ambivalente par rapport à la vie (le patient souhaitait-il réellement mourir ?) 14. Perception de líirréversibilité de líacte (le patient était-il persuadé de mourir malgré díéventuels soins médicaux ?) 15. Degré de préméditation (le geste a t-il été impulsif ou a t-il succédé à plusieurs heures de réflexion à son sujet ?) 16. Réaction à líissue de la prise en charge (le patient regrette-t-il díêtre en vie ?) 17. Représentation de la mort (la mort est-elle représentée de façon positive ?) 18. Nombre de TS antérieures (y a-t-il eu dans le passé plusieurs TS ? Ont-elles été rapprochées ?) |